Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.909/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_909/2008
{T 0/2}

Arrêt du 2 novembre 2009
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Karlen, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier: M. Vianin.

Parties
1. X.________,
2. Y.________ SA,
tous deux représentés par Me Reza Vafadar, avocat,
recourants,

contre

1. Administration fédérale des contributions,
3003 Berne,
2. Ministère public de la Confédération, Antenne Lausanne, avenue des Bergières
42, case postale 334, 1000 Lausanne 22.

Objet
Accès par l'Administration fédérale des contributions au dossier d'une
procédure pénale,

recours contre l'arrêt de la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du
4 novembre 2008.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une enquête pénale dirigée notamment contre X.________, pour
blanchiment d'argent et gestion déloyale des intérêts publics, le Ministère
public de la Confédération a requis et obtenu, le 11 juillet 2007, l'accès au
dossier de l'Administration fédérale des contributions (ci-après:
l'Administration fédérale) relatif au contrôle fiscal de la société Z.________
SA, à Fribourg (laquelle a été radiée du registre du commerce en 2005, à la
suite de la reprise de ses actifs et passifs [fusion par absorption] par la
société Y.________ SA, à Fribourg).

Le 15 juillet 2008, l'Administration fédérale a à son tour demandé au Ministère
public l'accès au dossier de l'enquête pénale concernant X.________.

B.
Par décision du 18 août 2008, le Ministère public a autorisé l'accès au dossier
pour "tous documents en lien avec X.________ et Z.________ SA".

Le 25 août 2008, X.________ et Z.________ SA ont formé une plainte à l'encontre
de cette décision, auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.

Dans sa réponse à la plainte, le Ministère public a admis que seules les pièces
auxquelles les plaignants ont accès pourraient être consultées par
l'Administration fédérale et que seules les pièces saisies en Suisse lui
seraient communiquées.

Par arrêt du 4 novembre 2008, la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal
fédéral a partiellement admis la plainte, dans la mesure proposée par le
Ministère public, en limitant la consultation du dossier pénal par
l'Administration fédérale aux pièces auxquelles les plaignants avaient accès et
à celles saisies en Suisse. Elle a considéré que le contrôle fiscal dont
Z.________ SA avait fait l'objet en 2005 portait, selon l'Administration
fédérale, "sur le résultat dégagé par ladite société dans le cadre de
l'opération d'achat et de vente des titres de la société M.________". Or,
l'enquête de police judiciaire portait précisément sur le blanchiment par le
biais de Z.________ SA de fonds qui étaient censés provenir d'un détournement
des actifs de la société M.________ dans le but d'acquérir les actions de cette
dernière. Par conséquent, l'Administration fédérale avait indéniablement un
intérêt légitime à s'assurer, en consultant le dossier de l'enquête, que tous
les éléments utiles à l'appréciation de la situation financière de Y.________
SA avaient été produits dans le cadre du contrôle fiscal. Dans cette mesure, le
Ministère public n'avait pas outrepassé ses compétences en autorisant l'accès
au dossier. En revanche, c'était seulement à la suite de la plainte qu'il en
avait limité l'accès aux pièces précitées. En ne tenant pas compte dans sa
décision initiale "de ces éléments essentiels du point de vue de la
proportionnalité", il avait outrepassé les limites de son pouvoir
d'appréciation. A cet égard, la plainte était donc fondée. L'arrêt mentionnait
par ailleurs qu'aucune voie de droit ordinaire n'était ouverte à son encontre.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ et
Y.________ SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 4 novembre
2008 en tant qu'il autorise l'accès au dossier pénal par l'Administration
fédérale et de le confirmer pour le surplus, sous suite de frais et dépens. A
titre préalable, ils requièrent que leur recours soit doté de l'effet
suspensif.

Le Ministère public s'en remet à justice quant à la recevabilité du recours et
propose de le rejeter sur le fond, sous suite de frais. L'autorité précédente
se réfère à son arrêt.

Par ordonnance présidentielle du 12 janvier 2009, la requête d'effet suspensif
a été admise.

Invitée à se déterminer par le Tribunal de céans, l'Administration fédérale
observe qu'elle a été exclue de la procédure devant le Tribunal pénal fédéral,
ce qui constituerait une violation manifeste de son droit d'être entendue. En
outre, elle met en doute la compétence de cette autorité pour rendre la
décision attaquée.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3; 134 V 443 consid. 1 p.
444; 134 III 520 cons. 1 p. 521).

1.1 En cas de reprise par voie de fusion, la société reprenante se substitue à
celle qui a été reprise au plan de la procédure. Cette substitution de parties
s'opère de plein droit en vertu du droit fédéral (cf. art. 17 al. 3 PCF, par
renvoi de l'art. 71 LTF; art. 22 de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la
fusion [RS 221.301]; arrêts 4A_215/2009 du 6 août 2009 consid. 3.1 et 5A_15/
2009 du 2 juin 2009 consid. 1.2).

En l'occurrence, Z.________ SA a été radiée du registre du commerce en 2005, à
la suite de sa fusion par absorption avec Y.________ SA, de sorte que c'est
bien cette dernière société qui est partie à la présente procédure. Le fait que
ce soit la première qui figure comme partie sur la décision attaquée n'y change
rien, dès lors que celle-ci a été radiée et que, au surplus, la substitution de
parties par suite de fusion intervient de plein droit et doit être prise en
considération d'office.

1.2 Le litige a pour objet une demande de collaboration émanant de
l'Administration fédérale et fondée sur l'art. 112 de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11). La décision
attaquée qui a fait application de cette disposition a dès lors été rendue dans
une cause de droit public, au sens de l'art. 82 lettre a LTF.

1.3 Le cas d'espèce ne tombe pas sous le coup de l'une des clauses d'exception
de l'art. 83 LTF. En particulier, l'art. 83 lettre h n'est pas applicable, car
cette disposition exclut le recours en matière de droit public à l'encontre des
décisions en matière d'entraide administrative internationale, alors que cette
voie de droit demeure ouverte lorsque le recours est dirigé - comme en l'espèce
- contre une décision relative à une demande d'entraide administrative
nationale (Alain Wurzburger, Commentaire de la LTF, 2009, no 106 ad art. 83
LTF). Dès lors qu'il émane du Tribunal pénal fédéral, le prononcé entrepris ne
tombe pas non plus sous le coup de l'art. 83 lettre v LTF. Cette disposition
exclut, en effet, le recours en matière de droit public à l'égard des décisions
rendues "en cas de divergences d'opinion entre des autorités" en matière
d'entraide judiciaire ou administrative au plan national par le Tribunal
administratif fédéral, mais pas à l'encontre de celles d'autres autorités
(Wurzburger, op. cit., no 166 ad art. 83 LTF).

1.4 Les recourants étaient parties à la procédure devant le Tribunal pénal
fédéral. En tant que contribuables, ils sont directement touchés par la
décision attaquée et ont un intérêt digne de protection à son annulation ou sa
modification (cf. art. 89 al. 1 LTF et arrêt 2A.96/2000 du 25 juillet 2001
consid. 1b, Archives 71 p. 551, RF 56/2001 p. 837, StE 2002 B 92.13 no 7, RDAF
2001 II p. 336, SJ 2002 I p. 321). X.________ et Y.________ SA ont ainsi
qualité pour recourir.

1.5 Le Tribunal fédéral a admis que la décision par laquelle une autorité de
poursuite pénale permet à une autorité fiscale d'accéder au dossier de
l'enquête peut être qualifiée de finale, du moment qu'elle est indépendante de
la procédure pénale en cours (arrêt 2A.406/1995 du 14 mars 1996 consid. 4,
Archives 65 p. 649, RDAF 1997 II p. 268, StE 1996 B 92.13 no 3, SJ 1996 p.
613). Le Tribunal de céans, tout en confirmant la qualification de finale des
décisions prises en application de l'art. 112 LIFD, n'a pas ignoré que les
renseignements obtenus par l'autorité fiscale peuvent avoir une influence sur
la taxation du contribuable et que la décision de les transmettre peut de ce
fait apparaître comme "préparatoire" à la décision de taxation (ATF 128 II 311
consid. 6.2 p. 322). Récemment, il a évoqué l'opinion de Pedroli, qui se
demande si la décision sur l'octroi de l'entraide administrative ne devrait pas
être qualifiée de décision incidente par rapport à la procédure fiscale (Andrea
Pedroli, L'assistenza delle autorità amministrative e giudiziarie nei confronti
del fisco, Archives 72 p. 192 ss). Il a toutefois laissé la question indécise,
dès lors que, de toute manière, la décision en cause était de nature à causer à
l'autorité fiscale un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 lettre a
LTF (consid. 1.3 non publié aux ATF 134 II 318 de l'arrêt 2C_443/2007 du 28
juillet 2008, RDAF 2009 II p. 130, SJ 2009 I p. 107). Il n'y a pas lieu
d'approfondir ce point, dès lors qu'en l'espèce, la décision attaquée a été
rendue dans le cadre d'une procédure distincte de la procédure fiscale par
d'autres autorités que les autorités fiscales, de sorte qu'elle doit être
envisagée de manière indépendante. Du moment qu'elle met fin au litige
concernant la demande de renseignements, on peut admettre son caractère final
au sens de l'art. 90 LTF.

1.6 Au surplus, le recours est dirigé contre un jugement rendu par le Tribunal
pénal fédéral (cf. art. 86 al. 1 lettre b LTF). Il est en principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai et la forme prévus par la loi (cf. art. 42
et 100 al. 1 LTF).

1.7 Selon l'art. 49 LTF, une notification irrégulière, notamment en raison de
l'indication inexacte ou incomplète des voies de droit, ne doit entraîner aucun
préjudice pour les parties.

En l'occurrence, les recourants ont utilisé la voie de droit (ordinaire) à leur
disposition, bien que la décision entreprise ait indiqué à tort l'inexistence
d'une telle voie de droit. Ce vice ne leur a ainsi causé aucun préjudice et
demeure sans conséquence.

2.
La loi sur le Tribunal fédéral ne définit pas la notion de partie qui apparaît
notamment à l'art. 102 al. 1 LTF. Selon la jurisprudence, cette notion est liée
à la qualité pour recourir contre les décisions des instances précédentes (cf.
art. 6 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative
[PA; RS 172.021]; arrêt 2C_77/2009 du 2 juin 2009 consid. 4.3), laquelle dépend
à son tour du point de savoir si la personne concernée est particulièrement
atteinte par lesdites décisions et possède un intérêt digne de protection à
leur annulation ou modification (cf. art. 48 al. 1 PA et 89 al. 1 LTF).

En l'occurrence, il n'est pas douteux que l'Administration fédérale, en tant
qu'autorité requérant l'entraide administrative sur la base de l'art. 112 LIFD,
est légitimée à recourir contre le refus d'une autorité judiciaire ou
administrative de collaborer. Dans la mesure où la décision du Ministère public
du 18 août 2008 ou l'arrêt du 4 novembre 2008 ne correspondait pas à sa
requête, elle aurait donc eu qualité pour recourir à l'encontre de ces actes
(cf. ATF 124 II 58 consid. 1e p. 64; Pedroli, in Commentaire romand, op. cit.,
no 14 ad art. 112 LIFD; Martin Zweifel, in Kommentar zum Schweizerischen
Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2e éd., 2008, no 24 ad
art. 112 LIFD). Partant, on doit lui reconnaître la qualité de partie dans la
procédure devant le Tribunal fédéral, raison pour laquelle elle a été invitée à
se déterminer sur le recours adressé au Tribunal de céans.

3.
Il convient au préalable de trancher le point de savoir si le Tribunal pénal
fédéral était compétent pour rendre la décision entreprise, question qui est
soulevée par l'Administration fédérale et que le Tribunal de céans doit de
toute manière examiner d'office, lorsque ladite compétence repose sur le droit
fédéral (cf. art. 106 al. 1 LTF; voir aussi ATF 132 V 93 consid. 1.2 p. 95;
arrêt 9C_599/2009 du 14 septembre 2009 consid. 1). S'agissant d'examiner si
c'est à juste titre que l'autorité inférieure est entrée en matière, le
Tribunal fédéral n'est d'ailleurs pas lié par les conclusions des parties au
sens de l'art. 107 al. 1 LTF, de la même manière que lorsqu'il se prononce sur
la recevabilité du recours déposé devant lui (cf. arrêt 9C_414/2007 du 25
juillet 2008 consid. 1 avec renvoi à Ulrich Meyer, Basler Kommentar,
Bundesgerichtsgesetz, 2008, no 1 ad art. 107 LTF).

3.1 L'autorité précédente s'est saisie de la plainte sur la base de l'art.
105bis de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale (ci-après:
PPF; RS 312.0), disposition aux termes de laquelle "les opérations et les
omissions du procureur général peuvent faire l'objet d'une plainte devant la
cour des plaintes en vertu des art. 214 à 219" PPF (al. 2).

3.2 L'extension de la voie de la plainte - d'abord à la Chambre d'accusation du
Tribunal fédéral puis, dès la création de cette autorité, à la Cour des
plaintes du Tribunal pénal fédéral - à l'ensemble des "opérations" et omissions
du Ministère public remonte à la révision du code pénal suisse, de la loi
fédérale sur la procédure pénale et de la loi fédérale sur le droit pénal
administratif, dite "projet d'efficacité" (Effizienzvorlage), adoptée le 22
décembre 1999 et entrée en vigueur le 1er janvier 2002 (voir à ce sujet
Bänziger/Leimgruber, Le nouvel engagement de la Confédération dans la poursuite
pénale, 2001).

La révision de 1999 a introduit un nouveau concept de surveillance du Ministère
public de la Confédération, en distinguant entre surveillances matérielle et
administrative. Matériellement, celui-ci a été soumis à la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral, conformément à l'art. 11 PPF qui disposait ceci (dans sa
teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2002 jusqu'à son abrogation avec effet
au 1er avril 2004; RO 2001 3308):
"La Chambre d'accusation exerce la surveillance sur le procureur général de la
Confédération dans sa fonction de chef de la police judiciaire ainsi que sur
les recherches de la police judiciaire et l'instruction préparatoire. Elle
connaît par ailleurs des plaintes portées contre le procureur général de la
Confédération et le juge d'instruction [...]".
Le Procureur général n'était ainsi soumis à la surveillance de la Chambre
d'accusation que dans la mesure où il agissait en qualité de chef de la police
judiciaire. Cette surveillance ne s'étendait pas, en particulier, à ses tâches
administratives comme celles en matière d'exécution des peines ou
d'autorisation d'ouvrir une poursuite pénale contre des agents de la
Confédération prévenus d'infractions en rapport avec leur activité ou leur
situation officielle (Bänziger/ Leimgruber, op. cit., no 166).

Faisant partie de la Section I "Des recherches de la police judiciaire", l'art.
105bis PPF a été adapté au nouvel art. 11 PPF, son alinéa 2 ayant dès lors la
teneur suivante (RO 2001 3311):
"Les opérations et les omissions du procureur général peuvent faire l'objet
d'une plainte devant la Chambre d'accusation en vertu des art. 214 à 219".
En parallèle, le Ministère public a été soumis à la surveillance administrative
du Conseil fédéral (art. 14 al. 1 PPF).

3.3 Lors de la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, qui a vu
la création du Tribunal pénal fédéral et la suppression de la Chambre
d'accusation du Tribunal fédéral, les compétences de cette dernière ont pour
l'essentiel été transférées à la Cour des plaintes de la nouvelle juridiction
(Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale, FF 2001 4160 ch. 4.2.2.2).

C'est ainsi qu'aux termes de l'art. 28 al. 2 de la loi fédérale du 4 octobre
2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; RS 173.71; entrée en vigueur de
manière échelonnée les 1er août 2003 et 1er avril 2004), la Cour des plaintes
exerce la surveillance sur les recherches de la police judiciaire et sur
l'instruction préparatoire dans les affaires pénales relevant de la juridiction
fédérale. S'agissant de la surveillance (matérielle) du Ministère public de la
Confédération, cette disposition a remplacé l'art. 11 PPF (FF 2001 4162; cf.
aussi Andreas Keller, Wer kontrolliert die Bundesanwaltschaft?, Jusletter 2
octobre 2006, no 3 et note de bas de page 5).

Selon l'art. 28 al. 1 lettre a LTPF, la Cour des plaintes statue "sur les
plaintes dirigées contre des opérations ou des omissions du procureur général
de la Confédération [...] dans les affaires pénales relevant de la juridiction
fédérale". Le Message renvoie à ce propos à l'art. 105bis al. 2 PPF dans sa
nouvelle teneur issue de la révision "projet d'efficacité" (FF 2001 4160; cf.
aussi Thomas Fingerhuth, Das Verfahren vor Bundesstrafgericht, plädoyer 4/04 p.
32 et p. 33 note de bas de page 24).

3.4 Il découle de ce qui précède que la voie de la plainte est ouverte, en
vertu des art. 105bis al. 2 PPF et 28 al. 1 lettre a LTPF, à l'encontre des
"opérations" que le Ministère public de la Confédération effectue dans la
procédure d'investigation, lorsqu'il dirige l'enquête menée par la police
judiciaire fédérale (cf. aussi ATF 129 IV 197 consid. 1.5 p. 200 et arrêt
8G.125/2003 du 9 décembre 2003 consid. 1.2). Or, en l'espèce, le prononcé du
Ministère public du 18 août 2008 ne constitue pas une "opération" dans une
affaire pénale. En effet, il n'a pas pour objet l'enquête pénale menée
notamment contre X.________, mais porte sur la demande d'entraide
administrative présentée par l'Administration fédérale. Le Tribunal de céans a
déjà eu l'occasion de préciser que, lorsqu'une autorité de poursuite pénale -
en l'occurrence un juge d'instruction - statue sur une demande d'entraide de la
part du fisc fondée sur l'art. 112 LIFD, elle n'agit pas dans le cadre de ses
compétences de poursuite pénale, mais rend une décision qui s'inscrit dans une
procédure fiscale ou, du moins, qui est susceptible d'aboutir à l'ouverture
d'une telle procédure (ATF 128 II 311 consid. 4 p. 318 s.). Il en va de même
dans le contexte de l'entraide internationale en matière pénale: lorsque
l'Office fédéral de la police a délégué au Ministère public de la Confédération
l'exécution de la demande d'entraide, ce dernier intervient non comme autorité
chargée de la direction de la police judiciaire fédérale, mais en qualité
d'autorité administrative de première instance dans le domaine de la
coopération internationale en matière pénale. En cette qualité, le Ministère
public est soumis à la surveillance de l'Office fédéral de la police -
conformément à l'art. 3 de l'ordonnance fédérale du 24 février 1982 sur
l'entraide internationale en matière pénale (ordonnance sur l'entraide pénale
internationale; OEIMP; RS 351.11) - et non à celle du Conseil fédéral comme le
prévoit l'art. 14 al. 1 PPF (Robert Zimmermann, La coopération judiciaire
internationale en matière pénale, 3e éd., 2009, p. 249 s. avec renvoi à l'arrêt
1A.223/1999 du 23 novembre 1999 consid. 3b/bb).

Dans ces conditions, le prononcé du Ministère public du 18 août 2008 ne pouvait
faire l'objet d'une plainte au sens des art. 105bis al. 2 PPF et 28 al. 1
lettre a LTPF, contrairement à ce qui était indiqué au pied de ladite décision
et à ce que l'autorité précédente a admis en s'estimant compétente. Cette
conclusion s'impose d'autant plus que, comme le relève l'Administration
fédérale, la procédure de la plainte, telle qu'elle est aménagée par les art.
214 ss PPF, ne permet pas la participation de cette dernière - l'art. 219 al. 1
en relation avec l'art. 115bis al. 2 PPF prévoyant seulement que la plainte est
communiquée au Ministère public -, alors que la qualité de partie devait lui
être reconnue déjà dans la procédure antérieure (cf. consid. 2 ci-dessus).

La compétence de la Cour des plaintes ne pouvait par ailleurs se fonder sur une
autre clause de l'art. 28 al. 1 LTPF, dont l'énumération est en principe
exhaustive (cf. Christina Kiss, Das neue Bundesstraf-gericht, PJA 2/2003 p.
146).
La décision attaquée ayant été rendue par une autorité incompétente à raison de
la matière, elle doit être annulée (cf. ATF 132 V 93 consid. 1.2 p. 95).

4.
Il convient de déterminer auprès de quelle autorité la décision du Ministère
public du 18 août 2008 pouvait être contestée - étant rappelé que l'accès à une
autorité judiciaire est garanti de manière générale par l'art. 29a Cst. - et de
transmettre la cause à cette autorité (cf. art. 30 al. 2 LTF par analogie).

4.1 Dans sa décision du 18 août 2008, le Ministère public a fait application de
l'art. 112 LIFD.

L'art. 112 LIFD fait partie du chapitre "Devoirs des autorités" (art. 109 à
112a LIFD). Faisant suite à l'art. 111, qui règle la collaboration entre
autorités fiscales, il est intitulé "Collaboration d'autres autorités" et a la
teneur suivante:
"1 Les autorités de la Confédération, des cantons, des districts, des cercles
et des communes communiquent, sur demande, tout renseignement nécessaire à
l'application de la présente loi aux autorités chargées de son exécution. [...]

2 [...]

3 [...]".
L'art. 112 LIFD ne contient aucune disposition de caractère formel (cf.
Pedroli, in Commentaire romand, op. cit., no 13 ad art. 112 LIFD). Il ne
prévoit pas de voie de droit en cas de litige relatif à la communication des
renseignements. Il en va différemment de l'art. 112a LIFD, disposition
intitulée "Traitement des données" qui a été introduite avec effet au 1er
septembre 2000 par la loi fédérale du 24 mars 2000 sur la création et
l'adaptation de bases légales concernant le traitement de données personnelles
(RO 2000 1914). Cette norme autorise l'Administration fédérale à gérer un
système d'information pouvant contenir "des données sensibles portant sur des
sanctions administratives ou pénales importantes en matière fiscale" (al. 1).
Elle prévoit que l'Administration fédérale et les autorités fiscales visées à
l'art. 111 LIFD échangent des données et que les "autres autorités" citées à
l'art. 112 LIFD communiquent des informations à celles qui sont chargées de
l'exécution de la loi (al. 2). L'art. 112a LIFD institue une procédure de
règlement des conflits portant sur la communication des données: lorsque la
contestation oppose des offices fédéraux, elle est tranchée par le Conseil
fédéral qui statue définitivement; dans les autres cas, le litige est soumis au
Tribunal fédéral par la voie de l'action de l'art. 120 LTF. Sous l'empire de
l'ancienne loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ; en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2006), le Tribunal de céans a déjà eu l'occasion
de relever que ces voies de droit sont adaptées au règlement de conflits
opposant exclusivement des autorités. Elles ne sont en revanche pas ouvertes
lorsque, s'agissant de la communication de données en application de l'art. 112
ou de l'art. 112a LIFD, une décision au sens de l'art. 5 PA doit être rendue et
notifiée à un contribuable (ATF 128 II 311 consid. 7 p. 325). Ces
considérations demeurent valables s'agissant de l'action de l'art. 120 LTF (cf.
Zweifel, op. cit., no 15 ad art. 112a LIFD).

En l'occurrence, le Ministère public a rendu le 18 août 2008 une décision
formelle, qui a été notifiée au contribuable X.________ ainsi qu'à la société
Z.________ SA (reprise entre-temps par Y.________ SA). Dès lors, à supposer
qu'elles soient ouvertes par analogie dans les procédures d'entraide fondées
sur l'art. 112 LIFD, les voies de droit instituées par l'art. 112a al. 7 LIFD
n'entrent pas en ligne de compte en l'espèce. Il n'y a au demeurant pas lieu de
trancher la question - soulevée par l'Administration fédérale - de savoir si le
Ministère public devait statuer sur la requête d'entraide en rendant une
décision formelle. Il suffit de relever que cette autorité pouvait procéder de
la sorte, le prononcé d'une décision ayant en outre pour conséquence que les
contribuables, destinataires de ladite décision, sont en droit de s'adresser à
un juge (cf. art. 29a Cst.).

4.2 Au demeurant, le recours au Conseil fédéral selon les art. 72 ss PA n'est
pas ouvert, car le prononcé du Ministère public du 18 août 2008 ne fait pas
partie des décisions pouvant être déférées à cette autorité en vertu de l'art.
72 PA. Le fait que le Ministère public est soumis à la surveillance
administrative du Conseil fédéral (cf. consid. 3.2) n'y change rien: ce dernier
détient le pouvoir de surveillance et le pouvoir disciplinaire en qualité
d'autorité de nomination du Procureur général (Bänziger/Leimgruber, op. cit.,
no 171). En revanche, la faculté de connaître de plaintes ou de recours contre
les actes ou les inactions du Ministère public relève de la surveillance
matérielle, laquelle échappe au Conseil fédéral.

4.3 Il reste à examiner si la décision du Ministère public du 18 août 2008
pouvait être déférée au Tribunal administratif fédéral.
4.3.1 La loi du 22 juin 2007 sur l'Autorité fédérale de surveillance des
marchés financiers (Loi sur la surveillance des marchés financiers, LFINMA; RS
956.1), entrée en vigueur le 1er janvier 2009, a introduit dans la loi du 17
juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF; RS 173.32) un art. 36a,
unique disposition de la nouvelle Section 3, intitulée "Divergences d'opinion
en matière d'entraide judiciaire ou d'assistance administrative au niveau
national". L'art. 36a LTAF a la teneur suivante:
"1 Si une loi fédérale le prévoit, le Tribunal administratif fédéral statue sur
les divergences d'opinion en matière d'entraide judiciaire ou d'assistance
administrative entre autorités fédérales ou entre autorités fédérales et
cantonales.
2 Les tiers ne peuvent pas prendre part à la procédure".
Cette nouvelle disposition doit être mise en relation avec l'art. 41 LFINMA
(cf. Message du 1er février 2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité
fédérale de surveillance des marchés financiers, FF 2006 2798 et 2808). Cette
norme, qui fait partie de la Section 3 "Collaboration avec les autorités
suisses", est intitulée "Différends" et prévoit ceci:
"A la demande d'une des autorités concernées, le Tribunal administratif fédéral
statue sur les différends en matière de collaboration qui opposent la FINMA et
les autorités de poursuite pénale ou les autres autorités suisses".
Dans le contexte de la collaboration entre l'Autorité fédérale de surveillance
des marchés financiers (FINMA) et d'autres autorités suisses, la décision de
transmettre des informations ne constitue pas une décision sujette à recours
(FF 2006 2798 ad art. 41), ce qui explique que la procédure devant le Tribunal
administratif fédéral oppose deux autorités, à l'exclusion des tiers (cf. art.
36a al. 2 LTAF) qui pourraient être intéressés par la transmission des
informations.

Du point de vue de l'application du droit dans le temps, il est douteux que
l'art. 36a LTAF, entré en vigueur le 1er janvier 2009, soit applicable en
l'espèce, s'agissant de déterminer la voie de droit ouverte à l'encontre d'une
décision rendue le 18 août 2008. Quoi qu'il en soit, cette disposition ne fonde
pas elle-même la compétence du Tribunal administratif fédéral pour connaître -
en dernier ressort (art. 83 lettre v LTF) - des "divergences d'opinion" entre
autorités en matière d'entraide judiciaire ou administrative nationale; cette
compétence doit bien plutôt être prévue par une autre loi fédérale (cf. art.
36a al. 1 au début LTAF). Or, une telle base légale fait défaut en
l'occurrence, de sorte que la voie de droit prévue par le nouvel art. 36a LTAF
n'entre pas en ligne de compte. Dans la mesure où elle exclut la participation
des tiers, elle serait d'ailleurs peu adaptée au présent litige, pour les
motifs évoqués ci-dessus (consid. 4.1).
4.3.2 Il reste donc à examiner si la décision du 18 août 2008 pouvait faire
l'objet d'un recours au Tribunal administratif fédéral en vertu des art. 31 ss
LTAF.

Selon l'art. 31 LTAF, intitulé "Principe", cette juridiction connaît des
recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA.

Aux termes de l'art. 5 al. 1 PA, sont considérées comme décisions les mesures
prises par les autorités dans des cas d'espèce, lorsqu'elles sont fondées sur
le droit public fédéral et qu'elles ont pour objet, notamment, de créer, de
modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (lettre a) ou de constater
l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations (lettre b).

En l'occurrence, il n'est pas douteux que le prononcé du 18 août 2008 entre
dans cette définition, du moment qu'il porte sur l'obligation, au regard de
l'art. 112 LIFD, du Ministère public d'accorder l'accès au dossier de l'enquête
pénale à l'Administration fédérale (cf. aussi arrêt 2A.96/2000, précité,
consid. 1a et Yves Noël, L'entraide administrative nationale en matière
fiscale, in L'entraide administrative, 2005, p. 120 i. f.).

Au demeurant, aucune des exceptions de l'art. 32 al. 1 LTAF n'est réalisée. La
décision en cause ne peut en outre pas faire l'objet d'une opposition ou d'un
recours à l'une des autorités mentionnées à l'art. 33 lettres c à f LTAF, ce
qui aurait pour effet d'exclure le recours au Tribunal administratif fédéral
(cf. art. 33 al. 2 lettre a LTAF).

L'art. 33 LTAF énumère les autorités dont les décisions peuvent faire l'objet
d'un recours au Tribunal administratif fédéral. Sont notamment attaquables les
décisions "de la Chancellerie fédérale, des départements et des unités de
l'administration fédérale qui leur sont subordonnées ou administrativement
rattachées". Les unités de l'administration fédérale qui sont
administrativement rattachées aux départements désignent l'administration
décentralisée, qui est assimilée à l'administration centrale du point de vue
des ressources, mais qui exécute ses tâches de manière indépendante, sans
recevoir d'instructions. Tel est le cas notamment des commissions fédérales
(art. 33 lettre f LTAF), des établissements et entreprises de la Confédération
(art. 33 lettre e LTAF), du Contrôle fédéral des finances et du Préposé fédéral
à la protection des données et à la transparence. L'art. 33 lettre d LTAF a une
portée résiduelle: conformément à la volonté du législateur, il tend à ce que
les décisions de l'ensemble de l'administration fédérale, qu'elle soit centrale
ou décentralisée, puissent être déférées au Tribunal administratif fédéral
(Michel Besson, Die Vor-instanzen des Bundesverwaltungsgerichtes und
Anforderungen an die vorinstanzlichen Verfahren, in Le Tribunal administratif
fédéral: Statut et missions, 2008, p. 181 s.).

En l'occurrence, le Ministère public de la Confédération peut être qualifié
d'unité décentralisée rattachée administrativement au Département fédéral de
justice et police (FF 1998 2166; Bänziger/Leimgruber, op. cit., no 171; Keller,
op. cit., no 3): dans l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du
Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1), les
dispositions le concernant (art. 25 à 27) se trouvent en tête du Chapitre 3
"Unités de l'administration fédérale décentralisée". Le Ministère public
constitue ainsi une autorité précédente au sens de l'art. 33 (lettre d) LTAF.
D'ailleurs, si, dans son arrêt du 23 mars 2007 C-2001/2007, le Tribunal
administratif fédéral n'est pas entré en matière sur un recours dirigé contre
une décision du Ministère public de la Confédération, ce n'est pas parce que la
décision en cause émanait de cette autorité, mais en raison du fait qu'elle
portait sur l'exécution d'une peine, domaine relevant du droit pénal et
ressortissant par conséquent au Tribunal pénal fédéral (sur cet arrêt, cf.
aussi Weissenberger/Richard, Les compétences du Tribunal administratif fédéral,
Quelques aspects choisis, in Le Tribunal administratif fédéral: Statut et
missions, op. cit., p. 124).
4.3.3 Au vu de ce qui précède, la décision du Ministère public du 18 août 2008
pouvait être entreprise par la voie du recours au Tribunal administratif
fédéral. La cause doit donc être transmise à cette autorité comme objet de sa
compétence.

5.
Vu ce qui précède, l'arrêt de la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal
fédéral du 4 novembre 2008 est annulé, y compris s'agissant des frais et
dépens, et le dossier de la cause transmis au Tribunal administratif fédéral
comme objet de sa compétence.

Il y a lieu de statuer sans frais (cf. art. 66 al. 1 LTF).

Les recourants concluaient à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il
autorisait limitativement l'accès au dossier pénal et à sa confirmation pour le
surplus. Dès lors que le Tribunal fédéral annule entièrement l'arrêt du 4
novembre 2008, sans trancher la question de l'accès au dossier pénal, mais en
transmettant la cause à une autre autorité, on ne peut admettre que les
recourants obtiennent gain de cause. Il ne sera donc pas alloué de dépens (cf.
art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
L'arrêt de la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 4 novembre
2008 est annulé.

2.
La cause est transmise au Tribunal administratif fédéral comme objet de sa
compétence.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère
public de la Confédération, à l'Administration fédérale des contributions, au
Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes et au Tribunal administratif
fédéral.

Lausanne, le 2 novembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Müller Vianin