Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.897/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_897/2008
{T 0/2}

Arrêt du 1er octobre 2009
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Zünd, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffière: Mme Rochat.

Parties
X.________ SàrL, recourante,
représentée par Ernst & Young SA,

contre

Administration fiscale cantonale genevoise,
rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3.

Objet
Impôt fédéral direct 2001 et 2002,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 4
novembre 2008.

Faits:

A.
X.________ Sàrl, dont le siège est à Genève, est une société à responsabilité
limitée qui a notamment pour but le commerce et la fourniture de pétrole brut
et de produits dérivés du pétrole.

N'ayant pas communiqué tous les renseignements nécessaires à l'Administration
fiscale cantonale genevoise (ci-après l'Administration cantonale), X.________
Sàrl a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office portant sur l'impôt
fédéral direct (ci-après: IFD) pour les années 2001 et 2002.

Comme X.________ Sàrl tenait sa comptabilité en dollars américains, ses états
financiers devaient être convertis en francs suisses à la fin de l'année. Selon
le compte de pertes et profits 2001 produit par X.________ Sàrl, la rubrique
désignée "translation of monetary balance sheet items" mentionnait un gain de
4'709'227 fr., alors qu'aucun montant n'était indiqué dans cette rubrique en
dollars américains. Pour l'année 2002, la même rubrique faisait état d'une
perte de 24'956'670 fr. Dans la traduction de ce compte demandée par
l'Administration cantonale, la rubrique était intitulée "gain de change" en
2001 et "gain/perte de conversion" en 2002.

Par décisions sur réclamation du 10 février 2005, l'Administration cantonale a
maintenu le principe de la taxation d'office, mais a tenu entièrement compte,
pour l'IFD 2001, des chiffres communiqués par X.________ Sàrl et fixé l'impôt
total dû à 8'571'481 fr. Pour l'IFD 2002, elle a fixé l'impôt dû à 3'592'627,50
fr. Ce montant incluait le poste "perte de conversion" de 24'956'670 fr. au
résultat net de l'exercice. En d'autres termes, l'autorité a considéré que le
gain de 4'709'227 fr. réalisé en 2001 augmentait le bénéfice de X.________
Sàrl, alors que les pertes comptabilisées en 2002 ne diminuaient pas celui-ci.

Statuant sur recours de X.________ Sàrl, la Commission cantonale de recours de
l'impôt fédéral direct (ci-après: la Commission cantonale de recours) a, par
décision du 26 septembre 2007, admis le recours s'agissant de la taxation 2002.
Elle a considéré que les écarts de conversion

ne se distinguaient pas des pertes ou gains de change, de sorte qu'il fallait
aussi les prendre en considération dans les comptes de profits et pertes 2002.
Pour ce même motif, la taxation de 2001 était confirmée.

B.
L'Administration cantonale a déposé un recours contre ce prononcé auprès du
Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant à la confirmation de
ses décisions sur réclamation du 10 février 2005. De son côté, X.________ Sàrl
a conclu à la confirmation de la décision de la Commission cantonale de
recours.

Par arrêt du 4 novembre 2008, le Tribunal administratif a admis partiellement
le recours, annulé la décision de la Commission cantonale de recours du 26
septembre 2007, ainsi que la décision sur réclamation pour l'année fiscale
2001, rétabli le bordereau 2002 annexé à la décision sur réclamation et renvoyé
le dossier à l'Administration cantonale pour qu'elle notifie un nouveau
bordereau d'impôts 2001 ne tenant pas compte du gain lié à la conversion. Les
juges ont retenu en substance que la notion d'écart de conversion n'était pas
équivalente à celle de gain ou de perte de change, de sorte qu'elle ne devait
pas être traitée de manière identique à cette dernière. Dès lors que l'écart de
conversion indiquait un risque qui n'était que potentiel, celui-ci, qu'il soit
positif ou négatif, ne devait pas être pris en compte dans le résultat de
l'exercice annuel.

C.
X.________ Sàrl forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral
et conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du 4
novembre 2008, A titre principal, elle demande que la décision sur réclamation
pour l'année fiscale 2002 soit annulée et que les écarts de conversion négatifs
soient pris en compte dans l'exercice commercial annuel et dans le bénéfice net
imposable, de sorte que X.________ Sàrl soit imposée, pour l'IFD 2002, sur une
base de 17'304'833 fr.; elle propose ainsi le renvoi du dossier à l'autorité de
première instance pour qu'elle rende une décision dans le sens des
considérants. A titre subsidiaire, pour le cas où la perte de conversion de
24'956'670 fr. ne serait pas prise en compte dans le cadre du bénéfice
imposable pour 2002, elle conclut à l'annulation de la décision sur réclamation
pour l'année fiscale 2001 et demande que l'écart de conversion positif 2001 de
4'709'227 fr. ne soit pas assimilé à un rendement imposable, de sorte qu'elle
soit imposée pour l'IFD 2001 sur une base de 96'129'464 fr., le dossier étant
renvoyé à l'autorité de première instance pour qu'elle rende une décision dans
le sens des considérants.

Le Tribunal administratif n'a pas formulé d'observations et a déclaré persister
dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration cantonale
conclut au rejet du recours, à l'instar de l'Administration fédérale des
contributions, qui se rallie aux observations de l'Administration cantonale.

Le 2 mai 2009, la recourante a remis au Tribunal fédéral un extrait d'une
nouvelle édition du Manuel suisse d'audit, en cours d'impression.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué doit être considéré comme une décision finale (art. 90 LTF),
dans la mesure où le renvoi qu'il contient pour l'année fiscale 2001 ne
concerne que le calcul de l'impôt et ne laisse plus aucune marge de manoeuvre à
l'autorité fiscale (cf. arrêt 9C_684/2007 du 27 décembre 2007, in SVR 2008 IV
n. 39 p. 131, consid. 1.1). Rendu dans une cause de droit public (art. 82
lettre a LTF), par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (art.
86 al. 1 lettre d et al. 2 LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art.
83 LTF ne soit réalisée, l'arrêt entrepris peut en principe être attaqué par la
voie du recours en matière de droit public.

Le recours a en outre été déposé en temps utile et dans les formes requises
(art. 42 et 100 al. 1 LTF) par la société partie à la procédure cantonale qui a
qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer
en matière.

2.
Le litige concerne les taxations 2001 et 2002 de la recourante en matière
d'impôt fédéral direct. Il relève du droit fédéral, plus particulièrement de la
loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).
La question à trancher revient à se demander si des écarts de conversion
peuvent influencer le bénéfice imposable d'une personne morale. La recourante
soutient en substance qu'en refusant la prise en considération des écarts de
conversion lors du calcul du bénéfice net imposable dans le cadre de l'IFD, les
juges n'auraient pas respecté le principe de la capacité contributive garanti
par l'art. 127 al. 2 Cst., violé les art. 57 et 58 LIFD, ainsi que le principe
de la prudence inscrit à l'art. 662 (recte : 662a) al. 2 ch. 3 CO.

3.
3.1 L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 57 LIFD) et se
détermine en premier lieu sur la base du compte de profits et pertes (PETER
BRÜLISAUER/FLURIN POLTERA, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, éd. par
MARTIN ZWEIFEL/PETER ATHANAS, vol. I/2a (DBG), 2e éd., Bâle 2008, Vor 2. Titel,
n. 8 p. 827). Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend
notamment le solde du compte de résultats compte tenu du solde reporté de
l'exercice précédent (let. a), tous les prélèvements opérés sur le résultat
commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à
couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial (let. b) et les produits
qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat, y compris les
bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de liquidation sous
réserve de l'art. 64 (let. c). L'objet de l'impôt correspond à l'accroissement
de la fortune de l'entreprise durant l'exercice fiscal. Il frappe la différence
de fonds propres entre le début et la fin de la période déterminante (arrêt
2A.457/2001 du 4 mars 2002 in StE 2002 B 72.14.1 n. 19 consid. 3.4).

Il ressort des art. 57 et 58 LIFD que le droit fiscal renvoie au droit
comptable pour déterminer le bénéfice net imposable, tout en tempérant ce
renvoi par l'existence de règles correctrices propres au droit fiscal (ROBERT
DANON, Commentaire romand de la LIFD, éd. par DANIELLE YERSIN/YVES NOËL, Bâle
2008, n. 1 et 3 ad art. 57-58, p. 716; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, 2ème
partie, Bâle 2004, n. 2 ad art. 58 p. 242). En d'autres termes, les comptes
établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales
à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières
(ATF 119 Ib 111 consid. 2c p. 115; arrêts 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid.
7.1; 2A.549/2005 du 16 juin 2006, in StE 2007 B 72.11 n. 14, consid. 2.1).

3.2 Le droit suisse en matière de comptabilité commerciale impose à toute
personne qui doit tenir une comptabilité de présenter un inventaire, un bilan
et un compte de résultats à la fin de chaque exercice en respectant les
principes généralement admis dans le commerce (cf. art. 958 s. CO). S'agissant
des sociétés à responsabilité limitée, l'art. 801 CO renvoie, pour les comptes
annuels, aux prescriptions applicables aux sociétés anonymes (FERNAND CHAPPUIS/
MICHEL JACCARD, in Commentaire romand CO II, éd. par PIERRE TERCIER/MARC
AMSTUTZ, Bâle 2008, n. 7 et 8 ad art. 801 CO p. 1598). Selon l'art. 663 al. 4
CO, le compte de profits et pertes fait ressortir le bénéfice ou le déficit de
l'exercice. L'art. 662a al. 1 CO prévoit que les comptes annuels, dont fait
partie le compte de profits et pertes (art. 662 al. 2 CO), sont dressés
conformément aux principes régissant l'établissement régulier des comptes de
manière à donner un aperçu aussi sûr que possible du patrimoine et des
résultats de la société. L'art. 662a al. 2 CO énumère certains principes à
respecter, dont notamment le principe de la prudence (ch. 3). Ces dispositions,
qualifiées de "rudimentaires" par le Conseil fédéral (BO CN vol. III automne
2001 p. 537), sont en cours de révision. L'une des exigences de la modification
du droit comptable suisse est de tenir compte des développements internationaux
récents en ce domaine, en particulier aux Etats-Unis et dans l'Union européenne
(cf. Message du Conseil fédéral concernant la modification du code des
obligations du 23 juin 2004, FF 2004 vol. IV p. 3745 ss, spéc. pp. 3759 et 3778
ss). Le Conseil fédéral a pris en considération cet objectif et, dans son
message du 21 décembre 2007 concernant la révision du droit de la société
anonyme et du droit comptable (FF 2008 p. 1407 ss, spéc. p. 1443 et 1525), il
souligne que le projet définit la structure minimale du bilan et du compte de
résultat en s'appuyant sur la conception du référentiel figurant dans les
"International Financial Reporting Standards/IFRS)" (anciennement:
"International Accounting Standards/ IAS".

3.3 Les normes IFRS expriment des principes comptables reconnus
internationalement qui s'imposent déjà en Suisse dans de nombreux cas
(Pierre-Marie Glauser, IFRS et droit fiscal, Les normes true and fair et le
principe de déterminance en droit fiscal suisse actuel, Archives 2006, p. 529
ss, spéc. p. 531 et 546; PETER BÖCKLI, Einführung in die IFRS/IAS, 2e éd. Bâle
2005, p. 1 ss). Ainsi, les normes IFRS sont fréquemment appliquées non
seulement par les sociétés internationales, mais aussi par les grandes et
moyennes entreprises suisses (PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4ème éd.
Zurich 2009, n. 49 p. 880 et n. 4 ss p. 1140). La législation interne contient
quelques renvois à ces normes comme, par exemple, l'art. 14 al. 3 de
l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les services des télécommunications, (OST; RS
784.101.1) ou l'art. 74 al. 2 let. b de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur
les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ; RS 935.521). Sur le plan
européen, les normes comptables internationales sont devenues obligatoires pour
les sociétés qui font appel public à l'épargne depuis 2005 (avec des
dérogations jusqu'au 1er janvier 2007; cf. art. 4 et 7 du Règlement CE N° 1606/
2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application
des normes comptables internationales, JO L 243/1 du 11 septembre 2002).

3.4 Dans ce contexte, force est de constater l'existence d'une tendance
générale, tant au niveau suisse qu'européen, de se rapprocher des normes IFRS.
Comme le droit comptable suisse actuel est sommaire, on ne peut reprocher aux
autorités fiscales de s'inspirer des normes IFRS lors de l'établissement de
l'impôt sur le bénéfice (en ce sens, PIERRE-MARIE Glauser, op. cit., in
Archives 2006 p. 547 et 554 ss), puisque ces normes expriment les principes
généralement admis dans le commerce. Encore faut-il que la solution concrète
résultant de l'application d'une norme IFRS n'aille pas à l'encontre de l'ordre
juridique suisse.

4.
4.1 Selon l'art. 960 al. 1 CO, les articles de l'inventaire, du compte
d'exploitation et du bilan sont exprimés en monnaie suisse. Cette exigence ne
vaut que pour les comptes au début et à la fin de l'exercice annuel. Partant,
en cours d'exercice, les comptes peuvent être tenus dans une monnaie étrangère,
mais devront en fin d'exercice être convertis en monnaie suisse (HENRI
TORRIONE, Commentaire romand CO II, éd. par PIERRE TERCIER/MARC AMSTUTZ, Bâle
2008, n. 2 et 3 ad art. 960 CO p. 2193ss; MARKUS NEUHAUS/JÖRG BLÄTTLER, Basler
Kommentar OR II, éd. par HEINRICH HONSELL/NEDIM PETER VOGT/ROLF WATTER, 3e éd.
Bâle 2008, n. 2 et 4 ad art. 960 CO p. 2241). La monnaie suisse constitue ainsi
la monnaie de présentation, soit celle dans laquelle les états financiers
doivent être exprimés dans leur version finale. La monnaie dans laquelle les
comptes sont habituellement tenus et qui caractérise l'environnement économique
de l'entreprise est qualifiée de monnaie fonctionnelle; celle-ci ne correspond
pas forcément à la monnaie nationale (PETER BÖCKLI, Einführung, op. cit., n.
322 p. 114) Une société qui, à l'instar de la recourante, tient ses comptes
dans une monnaie fonctionnelle étrangère devra donc, à la fin de l'exercice,
opérer une conversion de ses états financiers en monnaie suisse pour respecter
l'art. 960 al. 1 CO.

4.2 Les écarts de conversion dits aussi écarts de change résultent du passage
de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation. Ils constituent ainsi
des opérations comptables d'ajustement de valeurs qui sont destinées à
enregistrer des probabilités. Les écarts de conversion doivent être distingués
des opérations de change qui se rapportent, pour leur part, à des opérations
commerciales qui sont effectuées dans une monnaie différente de la monnaie
fonctionnelle de l'entreprise et qui donnent lieu à des pertes et à des gains
effectifs (ERIC CAUSIN, Droit comptable des entreprises, Bruxelles 2002, n.
1180 et 1181 p. 778/779). Les écarts de conversion ou de change n'ont donc rien
à voir avec l'activité de l'entreprise, mais sont seulement la conséquence de
l'opération comptable consistant à convertir les comptes établis en monnaie
fonctionnelle étrangère dans la monnaie suisse de présentation, comme l'exige
l'art. 960 al. 1 CO. Ils dépendent du taux de la monnaie fonctionnelle de
référence par rapport à la monnaie suisse. Ils n'apparaissent donc que dans les
comptes présentés en francs suisses, comme l'atteste du reste la perte de
conversion 2002 invoquée par la recourante, qui ne figurait dans aucune
rubrique de ses comptes exprimés en dollars américains.

4.3 Le droit comptable suisse ne contient aucune disposition concernant la
conversion dans la monnaie nationale de présentation (MARKUS NEUHAUS/JÖRG
BLÄTTLER, op. cit., n. 5 ad art. 960 CO). La norme comptable internationale 21
(IFRS 21) traite en revanche de la problématique de l'utilisation d'une monnaie
de présentation autre que la monnaie fonctionnelle et, notamment, de la
conversion dans cette monnaie de présentation. Cette norme prévoit que :
"Le résultat et la situation financière d'une entité dont la monnaie
fonctionnelle n'est pas la monnaie d'une économie hyperinflationniste doivent
être convertis en une autre monnaie de présentation en utilisant les procédures
suivantes :
a) les actifs et les passifs de chaque bilan présenté (y compris à titre
comparatif) doivent être convertis au cours de clôture à la date de chacun de
ces bilans;
b) les produits et les charges de chaque compte de résultat (y compris à titre
comparatif) doivent être convertis au cours de change en vigueur aux dates des
transactions;
c) tous les écarts de change en résultant doivent être comptabilisés en tant
que composante distincte des capitaux propres."
Ces écarts ne sont pas comptabilisés dans le résultat, parce que les variations
des cours de change n'ont que peu ou pas d'effet direct sur les flux de
trésorerie actuels ou futurs liés à l'activité (Normes internationales
d'informations financières, (IFRS) y compris les Normes comptables
internationales (IAS) et les Interprétations au 1er janvier 2006, n. 41, p.
1090). Il en découle que les normes IFRS commandent de ne pas faire figurer les
écarts de conversion ou de change dans le compte de profits et pertes, mais
seulement au bilan (PETER BÖCKLI, Einführung, op. cit., n. 320 p. 114 et n. 326
p.116).

4.1 La recourante invoque le Manuel suisse d'audit 1998, qui contiendrait une
solution différente de celle de la norme IFRS 21. Cet ouvrage constitue un
guide de référence pour les professionnels de l'audit et est considéré, dans la
jurisprudence, comme un ouvrage de doctrine (cf. par exemple arrêts 2A.128/2007
du 14 mars 2008 in RF 63/2008 p. 630 consid. 5.1; 2A.667/2006 du 16 février
2007 in StR 62/2007 p. 914 consid. 2). Il n'a en revanche pas en lui-même de
valeur normative, de sorte qu'en l'absence d'indication figurant dans la
législation suisse, il ne saurait faire obstacle à ce que les autorités
fiscales privilégient une interprétation conforme aux standards de l'IFRS.
D'ailleurs, ce manuel est censé présenter des méthodes conformes aux normes et
aux tendances internationales (cf. Chambre Fiduciaire, Manuel suisse d'audit
1998, tome 1, Zurich 1998, p. 3).

4.2 En résumé, le droit suisse impose la présentation des états financiers en
monnaie suisse. Il ne contient toutefois aucune disposition concernant la façon
de comptabiliser les écarts de conversion qui peuvent survenir lorsqu'une
personne morale tient ses comptes dans une monnaie fonctionnelle étrangère,
alors que, selon les standards IFRS, ces écarts ne doivent pas apparaître au
compte de profits et pertes. Compte tenu de l'importance croissante du
référentiel IFRS, l'arrêt attaqué pouvait s'inspirer de la solution figurant
dans les normes internationales.

Contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que les normes IFRS
constituent un ensemble systématique ne s'oppose pas à ce que l'on applique une
norme en particulier, lorsque celle-ci résout une question qui ne trouve pas de
réponse en droit suisse, même si, sur certains points, notre législation peut
s'écarter des standards internationaux. Il est vrai que ces normes n'ont été
rendues obligatoires dans l'Union européenne qu'à partir de 2005 et que, pour
la Suisse, elles ne sont pas encore obligatoires. Cela ne change toutefois rien
au fait que les juges pouvaient s'en inspirer pour calculer le bénéfice
imposable de la recourante pour la période 2001-2002.

5.
Encore faut-il se demander si la solution adoptée et préconisée par les
standards internationaux ne viole pas la LIFD ni ne se révèle contraire aux
principes constitutionnels invoqués par la recourante.

5.1 Les règles du droit comptable commandent de ne pas porter au compte de
profits et perte les écarts de conversion (cf. supra consid. 4). Partant, les
juges étaient en droit, pour déterminer le bénéfice net imposable de la
recourante, de s'écarter des comptes présentés par la société et de ne pas
tenir compte du poste perte de conversion y figurant. Ce faisant, on ne peut
leur opposer une violation du principe de déterminance, du principe de
l'autorité du bilan commercial (sur cette notion, voir arrêt 2C_220/2009 du 10
août 2009 consid. 8.2) ou des art. 57 ou 58 LIFD, dès lors que ces
prescriptions n'empêchent pas les autorités de s'écarter des comptes présentés,
lorsque ceux-ci ne sont pas établis conformément aux règles comptables.

5.2 La recourante fonde pour l'essentiel son argumentation sur l'analogie entre
les écarts de conversion et les opérations de change. Elle soutient que, comme
ces dernières, les écarts de conversion devraient influencer le bénéfice
imposable.

Il ne faut pas perdre de vue que le bénéfice net imposable doit correspondre à
un enrichissement effectif de la société (cf. supra consid. 3.1). Le propre du
droit fiscal est en effet de permettre de faire ressortir au mieux le résultat
effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise (PIERRE-MARIE
GLAUSER, op. cit., Archives 2006 p. 537; PETER LOCHER, op. cit., n. 85 ad art.
57). Comme déjà indiqué, les écarts de conversion ne proviennent que de la
transposition des comptes établis dans une monnaie fonctionnelle étrangère en
monnaie suisse. Ils ne traduisent donc ni un appauvrissement ni un
enrichissement de la société qui se rapporterait à une transaction effective et
qui influencerait sa capacité contributive, mais sont seulement le résultat
d'une opération comptable (cf. supra consid. 4.2). Du reste, les écarts de
conversion ne peuvent, par définition, figurer dans les comptes de la société
établis en monnaie fonctionnelle, car ils n'apparaissent que lors du transfert
dans la monnaie nationale de présentation.

En revanche, les opérations de change, qui induisent des gains et pertes de
change, se rapportent à des opérations concrètes, lorsque des transactions
commerciales sont effectuées dans d'autres monnaies que la monnaie
fonctionnelle (cf. supra consid. 4.2). Ils figurent donc dans les états
financiers de la société exprimés en monnaie fonctionnelle et il est partant
logique qu'ils se retrouvent dans le compte de profits et pertes exprimé en
monnaie nationale. L'analogie que préconise la recourante n'est donc pas
fondée.

D'ailleurs, les exemples présentés par celle-ci, pour démontrer qu'il n'y a pas
de différences entre les gains et pertes de change et les écarts de conversion
partent de la prémisse erronée que sa comptabilité fonctionnelle est tenue en
francs suisses. La recourante occulte le fait que, lorsqu'une société dont la
monnaie fonctionnelle est le dollar américain effectue une transaction dans
cette monnaie, elle ne pourra enregistrer aucun gain ou perte de change. Peu
importe que ses comptes, établis en dollars, doivent par la suite être
convertis dans une monnaie de présentation différente, en l'occurrence le franc
suisse.

5.3 La recourante invoque également une violation du principe de la prudence
inscrit à l'art. 662a al. 2 ch. 3 CO par opposition au principe "true and fair
view" privilégié par les standards internationaux tels les IFRS.
Dans son Message concernant la révision du droit des sociétés anonymes du 23
février 1983, le Conseil fédéral relevait déjà que le principe de l'aperçu le
plus sûr possible contenu à l'art. 662a al. 1 CO exigeait, tout comme celui du
"true and fair view" qui n'avait pas été adopté, que celui qui dresse le bilan
mette tout en oeuvre pour rendre ses comptes annuels aussi explicites que
possible, de sorte que la différence entre les deux n'avait guère de portée
pratique (FF 1983 II p. 911). En ce qui concerne plus spécialement le principe
de la prudence, il tend à ce que l'entreprise ne présente pas un état trop
optimiste de sa situation économique (FF 1983 II p. 912). Le droit suisse
reconnaît une portée large à ce principe (HENRI TORRIONE, op. cit. n. 98 ad
art. 662a CO p. 623). En matière d'évaluation d'actifs, le principe de la
prudence commande que, dans le doute, les comptes soient présentés sous la
forme la moins favorable à l'entreprise (ATF 115 Ib 55 consid. 5b p. 59/60). Il
est vrai que le principe de la prudence peut favoriser la constitution de
réserves latentes qui ne sont pas forcément admissibles avec une approche
centrée sur les investisseurs qui est privilégiée par les normes IFRS (MARKUS
NEUHAUS/JÖRG BLÄTTLER, op. cit., n. 28 ss ad art. 662a CO p. 545; PIERRE-MARIE
GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, Le principe de la déterminance dans
le contexte des apports et autres contributions de tiers, thèse Genève 2005, p.
52 ss; du même auteur, op. cit., Archives 2006 p. 545; PETER BÖCKLI,
Aktienrecht, op. cit., n. 59 p. 1153/1154). Toutefois, ni le principe de la
prudence ni les normes IFRS ne permettent la création de réserves arbitraires
(HENRI TORRIONE, op. cit., n. 98 ad art. 662a CO p. 623; MARKUS NEUHAUS/JÖRG
BLÄTTLER, op. cit., n. 10 ss ad art. 662a CO p. 542). Ainsi, pour qu'une
réserve puisse être prise en compte sur le plan fiscal, il faut que celle-ci
soit fondée sur le plan commercial, ce qui suppose qu'elle corresponde à un
risque de perte pour la société (ATF 103 Ib 366 consid. 4 p. 370; arrêt 2A.99/
2004 du 27 octobre 2004, in StE 2005 B 23.44.2 n. 5, consid. 3.2). Or, on a vu
que les écarts de conversion ne se rapportent pas à une transaction commerciale
de la personne morale, mais ne sont que la conséquence d'une opération fictive
de conversion de la monnaie fonctionnelle en monnaie de présentation. Ils ne
trouvent donc pas de justification commerciale et ne permettent pas de cerner
la capacité contributive réelle de la société. La comptabilisation des pertes
de conversion ne peut donc trouver de fondement dans le principe de la
prudence, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si l'application de ce
principe entrerait en l'espèce en contradiction avec les exigences des normes
internationales découlant du principe du "true and fair view". Du reste, comme
l'a relevé pertinemment le Tribunal administratif, le principe de la prudence
reviendrait à permettre à une société de déduire les pertes de conversion, sans
jamais tenir compte des gains de conversion, et cela sans aucune justification
liée à la protection des créanciers.

5.4 Le principe de la prudence étant inapplicable, il n'y a pas lieu d'entrer
plus avant sur les violations du principe d'imparité, également invoqué par la
recourante. Ce principe, qui veut que les produits soient comptabilisés au
moment de leur réalisation et les charges dès qu'elles deviennent actuelles
(ATF 116 II 533 consid. 2a/dd p. 539), n'est en effet qu'une concrétisation du
principe de la prudence (cf. arrêt précité 2A.99/2004, consid. 4.1 et arrêt
2A.157/2001 du 11 mars 2002, in StE 2002 B 72.13.1 n. 3, consid. 2c;
PIERRE-MARIE GLAUSER, Apports, op. cit., p. 59/60).

5.5 Lorsque la recourante se plaint d'une inégalité dans l'imposition (art. 8
Cst.) et d'une violation de l'imposition selon la capacité contributive (art.
127 al. 2 Cst.), elle perd de vue que les écarts de conversion ne se rapportent
pas à une transaction réalisée par la personne morale. Partant, ces écarts de
nature purement comptable n'influencent pas l'augmentation du capital propre
entre le début et la fin de la période fiscale, ce qui est la caractéristique
du bénéfice net imposable. En ne tenant pas compte de ces écarts, le Tribunal
cantonal n'a donc pas porté atteinte au principe de l'égalité de l'imposition
ou imposé la recourante au-delà de sa capacité contributive.

5.6 La recourante se prévaut encore d'une notice de l'administration fédérale
des contributions du 18 avril 1972 relative aux conséquences fiscales du
changement de parité des monnaies, émise en relation avec l'impôt pour la
défense nationale.

Cette notice fait suite à la modification par plusieurs Etats, en 1971, de la
parité de leur monnaie ou de leur fluctuation et de la réévaluation du franc
suisse le 9 mai 1971. Comme l'a déjà relevé le Tribunal administratif, elle
traite avant tout de la problématique des pertes et gains de change et non des
écarts de conversion. La clause dont cherche à se prévaloir la recourante, qui
figure au chapitre des "Cas spéciaux", prévoit que :
"Une entreprise qui tient sa comptabilité en monnaie étrangère doit néanmoins
remettre aux autorités fiscales ses comptes annuels en francs suisses. Lors de
la conversion de postes du bilan qui résultent d'opérations en francs suisses
(...), le changement de parité des monnaies ne doit pas influencer le rendement
imposable."
Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne peut déduire a contrario
de ce texte que la conversion de postes au bilan en monnaie étrangère doit être
prise en compte lors du calcul du rendement imposable. Cette clause concerne
les opérations en francs suisses, soit des transactions commerciales effectuées
par des entreprises dont la monnaie fonctionnelle est étrangère. En principe,
lorsqu'une transaction commerciale est réalisée par une entreprise dans une
autre monnaie que sa monnaie fonctionnelle, elle peut comptabiliser une
éventuelle perte de change (cf. supra consid. 4.2). La notice de 1971 exclut de
comptabiliser une telle perte lorsque la transaction est intervenue en monnaie
suisse, puisqu'il s'agit de la monnaie dans laquelle les comptes devront
finalement être convertis. On ne voit pas que l'on puisse en déduire une
quelconque règle concernant la comptabilisation des écarts de conversion
découlant du seul passage de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de
présentation, en-dehors de toute opération commerciale.

Au demeurant, cette notice de 1971 ne saurait l'emporter sur les principes
comptables reconnus actuellement.

6.
Dans ces circonstances, la conclusion principale de la recourante, tendant à ce
que les écarts de conversion (positifs ou négatifs) soient pris en
considération, ce qui aurait pour conséquence de lui permettre de tenir compte
d'une perte de conversion de 24'956'670 fr. lors de l'établissement de son
bénéfice net imposable pour l'année 2002, doit être rejetée.

A titre subsidiaire, la recourante demande que l'écart de conversion positif de
4'709'227 fr. ne soit pas assimilé à un rendement imposable pour la période
fiscale 2001. Or, l'arrêt attaqué arrive précisément à cette solution,
puisqu'il considère que les écarts de conversion, positifs ou négatifs, ne
doivent pas être pris en compte et qu'il renvoie précisément le dossier à
l'Administration cantonale pour qu'elle fixe le bénéfice imposable sans tenir
compte du gain de conversion réalisé durant l'exercice 2001. Dans la mesure où
la recourante demande ce qui a déjà été accordé sur le plan cantonal, ses
conclusions subsidiaires sont irrecevables.

7.
Le recours doit en conséquence être rejeté dans la mesure de sa recevabilité et
les frais mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué à la représentante de la recourante, à
l'Administration fiscale cantonale et au Tribunal administratif du canton de
Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division
principale de l'impôt fédéral direct.
Lausanne, le 1er octobre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Müller Rochat