Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.81/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_81/2008
2C_82/2008
{T 0/2}

Arrêt du 21 novembre 2008
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Müller, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffière: Mme Dupraz.

Parties
2C_81/2008
X.________, recourante,

et

2C_82/2008
Société Genevoise pour la Protection des Animaux (SGPA), avenue de Cavoitanne
5, 1233 Bernex,
recourante,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève, p.a. Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3984, 1211 Genève 3,

Département du territoire du canton de Genève, p.a. Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3984, 1211 Genève 3.

Objet
Interdiction d'accès pour les chiens à certains parcs publics,

recours contre l'art. 21 al. 1 let. j du règlement genevois du 17 décembre 2007
d'application de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de
détention des chiens et contre l'arrêté genevois du 20 décembre 2007 dési-gnant
les parcs interdits aux chiens.

Faits:

A.
Le 1er octobre 2003, le Grand Conseil du canton de Genève a adopté la loi sur
les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (ci-après: la
loi cantonale ou LChiens; RSG M 3 45), qui est entrée en vigueur le 29 novembre
2003. L'art. 10 LChiens, intitulé "Lieux d'ébats", prévoit, dans sa teneur du
22 février 2007 entrée en vigueur le 31 juillet 2007:
"1 Le département, en collaboration avec les communes et après consultation des
milieux intéressés, définit les lieux où les chiens:
a) ne sont pas admis;
b) doivent être tenus en laisse;
c) peuvent pénétrer sans laisse sous la maîtrise de leur détenteur;
d) peuvent être laissés en liberté sous la responsabilité de leur détenteur.

2 Le département veille à ce qu'il existe sur le territoire cantonal un nombre
suffisant de lieux où les chiens ne sont pas admis, de lieux où l'accès aux
chiens est autorisé sous conditions et de lieux où les chiens peuvent accéder
librement."
Le 17 décembre 2007, le Conseil d'Etat du canton de Genève a adopté un nouveau
règlement d'application de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et
de détention des chiens (ci-après: le règlement cantonal ou RChiens; RSG M 3
45.01), entré en vigueur le 1er janvier 2008. L'art. 21 RChiens, qui a pour
titre "Accès interdits", dispose, à l'al. 1 let. j:
"1 Les lieux dans lesquels les chiens ne sont pas admis sont les suivants:
(...)
j) les parcs publics, tels que désignés par arrêté du département en charge du
service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après: le
département)."
Le 20 décembre 2007, le Département du territoire du canton de Genève a édicté
un arrêté désignant les parcs interdits aux chiens (ci-après: l'Arrêté), en se
fondant notamment sur l'art. 10 LChiens. Il a ainsi établi une liste de 65
parcs, répartis sur 17 communes, dont l'accès est refusé aux chiens.

Depuis le 1er janvier 2008, le département genevois en charge des affaires
vétérinaires n'est plus le Département du territoire, mais le Département de
l'économie et de la santé.

B.
Le 28 janvier 2008, X.________ a déposé un recours en matière de droit public
(2C_81/2008) au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens,
à l'annulation de l'art. 21 al. 1 let. j Rchiens et de l'Arrêté. Propriétaire
d'un chien, X.________ s'en prend à l'interdiction des chiens dans certains
parcs publics et se plaint de violations de la liberté personnelle, ainsi que
des principes de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire.

C.
Par recours en matière de droit public (2C_82/2008) également déposé le 28
janvier 2008, la Société Genevoise pour la Protection des Animaux (SGPA)
demande elle aussi au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler l'art. 21 al. 1 let. j RChiens et l'Arrêté. La recourante, qui est
une association elle-même propriétaire de chiens, avance des arguments
identiques à ceux de X.________.

D.
Au nom du Conseil d'Etat, le Département de l'économie et de la santé conclut,
sous suite de frais et dépens, au rejet des deux recours et à la confirmation
de l'art. 21 al. 1 let. j RChiens ainsi que de l'Arrêté.

Lors d'un second échange d'écritures ordonné dans chacune des deux procédures,
les parties ont maintenu leurs positions respectives.

E.
Le 21 novembre 2008, le Tribunal fédéral a délibéré sur les présents recours en
séance publique.

Considérant en droit:

1.
Dirigés contre les mêmes actes normatifs cantonaux, les deux recours
contiennent des conclusions et des arguments identiques. Dès lors, il convient,
pour des raisons d'économie de procédure, de prononcer la jonction des causes
et de statuer sur les mérites des deux recours dans un seul et même arrêt (cf.
art. 71 LTF et 24 PCF; ATF 131 V 59 consid. 1 p. 60 s.).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il
contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III
379 consid. 1 p. 381 et la jurisprudence citée).

2.1 D'après l'art. 82 let. b LTF, le recours en matière de droit public est
ouvert contre les actes normatifs cantonaux, par quoi il faut entendre toutes
les lois et ordonnances édictées par les autorités cantonales ou communales,
voire dans une certaine mesure les ordonnances administratives qui ont des
effets externes (cf. Message du 28 février 2001 concernant la révision totale
de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4118 ch. 4.1.3.3). Les présents
recours s'en prennent à une disposition d'un règlement du Conseil d'Etat et à
un arrêté du Département du territoire, ces deux autorités ayant agi sur la
base de délégations figurant dans la loi cantonale (cf. art. 10 et 28 LChiens).
Le règlement cantonal est à l'évidence un acte normatif cantonal. Il est plus
difficile de qualifier l'Arrêté qui établit la liste des 65 parcs publics dont
l'accès est interdit aux chiens. On pourrait y voir une série de décisions
générales (sur cette notion, cf. ATF 125 I 313 consid. 2 p. 316 s.). Cela
signifierait que la qualité pour recourir serait subordonnée au fait d'habiter
à proximité de parcs déterminés et d'être effectivement touché par la
limitation contestée de l'usage commun de cette partie du domaine public. Cela
aurait aussi des conséquences quant à l'épuisement des instances cantonales.
Dans une telle hypothèse, en effet, il y aurait une voie de recours cantonale,
vraisemblablement devant le Tribunal administratif. Il n'y a cependant pas lieu
de pousser plus loin cette réflexion, car l'Arrêté peut être assimilé à une
norme générale et abstraite dans la mesure où il établit une liste de parcs
interdits aux chiens qui couvre une grande partie de l'ensemble des parcs
publics du canton de Genève, concerne tous les détenteurs de chiens genevois et
a été édicté conformément à la procédure législative. Les actes attaqués
tombent donc sous le coup de l'art. 82 let. b LTF.

Les actes attaqués ne pouvant faire l'objet, à Genève, d'un recours cantonal
(cf. ATF 1C_384/2007 du 14 mai 2008 consid. 1), le recours en matière de droit
public est directement ouvert (art. 87 al. 1 LTF).

L'art. 21 al. 1 let. j RChiens a été publié dans la Feuille d'Avis Officielle
du canton de Genève du 21 décembre 2007 et l'Arrêté dans celle du 28 décembre
2007. Les présents recours, interjetés le 28 janvier 2008, ont donc été déposés
en temps utile au regard des art. 101 et 46 al. 1 let. c LTF.

2.2 Lorsque l'acte attaqué est un acte normatif cantonal, a qualité pour
recourir au sens de l'art. 89 LTF celui qui dispose d'un intérêt simplement
virtuel à son annulation ou à sa modification (FF 2001 4127 ch. 4.1.3.3). Un
tel intérêt est donné s'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant
puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées. En outre, il peut
s'agir d'un intérêt purement factuel (ATF 133 I 286 consid. 2.2 p. 290; ATF
8C_184/2008 du 3 octobre 2008 consid. 2.1 et ATF 1C_384/2007 du 14 mai 2008
consid. 3.2).

En tant que propriétaire d'un chien qu'elle peut être amenée à promener dans
des parcs publics, X.________ est, selon toute vraisemblance, susceptible
d'être soumise un jour aux normes attaquées, de sorte qu'elle a un intérêt
digne de protection à leur annulation ou à leur modification et qu'elle a
qualité pour recourir au regard de l'art. 89 al. 1 LTF. Il en va de même sous
cet angle pour la SGPA, qui est aussi propriétaire de chiens. En revanche, la
SGPA n'est pas habilitée à recourir en tant qu'association pour sauvegarder les
intérêts de ses membres, car cela présuppose notamment que la défense des
intérêts de ses membres figure dans ses buts statutaires (cf. ATF 130 I 82
consid. 1.3. p. 85; 129 I 113 consid. 1.6 p. 119), ce qui n'est pas le cas.

Sous réserve de ce qui vient d'être dit à propos de la SGPA, il y a lieu
d'entrer en matière sur les recours.

3.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle
librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature
constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des
exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet
alinéa, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi
que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a
été invoqué et motivé par le recourant. En ces matières, l'acte de recours
doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits ou
principes constitutionnels violés et préciser en quoi consiste la violation
(ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397). En
particulier, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., le
recourant doit démontrer que l'acte entrepris ne repose sur aucun motif sérieux
et objectif, apparaît insoutenable ou heurte gravement le sens de la justice
(cf. ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312).

Lorsqu'il doit se prononcer dans le cadre d'un contrôle abstrait de normes, ce
qui est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral n'annule les dispositions
attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit
constitutionnel ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre
avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées de façon contraire
à la Constitution (ATF 130 I 82 consid. 2.1 p. 86; 119 Ia 321 consid. 4 p. 325
s.).

4.
Les recourantes se plaignent d'une violation de leur liberté personnelle. Elles
font valoir qu'interdire l'accès de certains parcs publics aux chiens est une
mesure qui restreint directement la liberté de mouvement du propriétaire de
chien avec son animal. Elles allèguent qu'une telle restriction devrait remplir
les conditions de l'art. 36 Cst., ce qui ne serait pas le cas en l'occurrence.
Les recourantes prétendent en effet que la mesure litigieuse - concrétisée par
l'art. 21 al. 1 let. j RChiens et par l'Arrêté - n'est pas justifiée par un
intérêt public et qu'elle est disproportionnée.

4.1 La liberté de mouvement, qui fait partie de la liberté personnelle garantie
par l'art. 10 al. 2 Cst., appartient à toutes les personnes physiques, mais
elle ne peut pas être invoquée par les personnes morales (Müller/Schefer,
Grundrechte in der Schweiz, 4e éd. 2008, p. 84). Lorsqu'elles remplissent les
conditions d'un recours corporatif, les associations peuvent toutefois, au nom
de leurs membres, se plaindre d'une atteinte à cette liberté (ATF 108 Ia 59
consid. 3, non publié, et 4a p. 60 s.; cf. aussi, au sujet de la liberté
personnelle en général, Andreas Auer et al., Droit constitutionnel suisse, vol.
II, 2e éd. 2006, p. 149, n. 325). Dès lors que la SGPA n'a pas qualité pour
recourir afin de défendre les intérêts de ses membres (cf. consid. 2.2,
ci-dessus), le grief d'atteinte à la liberté personnelle n'est pas recevable,
dans la mesure où il émane de cette association. En revanche, il convient
d'entrer en matière sur ce grief en tant qu'il est soulevé par X.________.

4.2 La liberté personnelle, dont la liberté de mouvement est un aspect (ATF 130
I 369 consid. 2 p. 373), protège les éléments qui sont indispensables à
l'épanouissement de la personne humaine et dont devrait disposer tout être
humain afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures
étatiques (ATF 134 I 214 consid. 5.1 p. 216; 133 I 110 consid. 5.2 p. 119 et la
jurisprudence citée). La portée de cette liberté ne peut être définie de
manière générale, mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des
buts de la liberté, de l'intensité de l'atteinte qui y est portée, ainsi que de
la personnalité de ses destinataires (ATF 134 I 214 consid. 5.1 in fine).
L'art. 10 al. 2 Cst. protège, par exemple, le droit de connaître son ascendance
(ATF 128 I 63 consid. 2 p. 66 ss et 5 p. 77 s.), le droit de déterminer le sort
de son corps après son décès (ATF 133 I 110 consid. 5.2.1 p. 119) ou le droit
de s'adresser à autrui pour en obtenir de l'aide (ATF 134 I 214 consid. 5.3 p.
217). Le Tribunal fédéral a aussi considéré qu'il y avait eu atteinte à la
liberté personnelle, plus particulièrement à la liberté de mouvement, garantie
par l'art. 10 al. 2 Cst. dans le cas d'un journaliste qui, alors qu'il se
rendait à Davos où se déroulait le Forum économique mondial, avait été arrêté
par la police, contrôlé, empêché de poursuivre son voyage et contraint de
retourner à Klosters (ATF 130 I 369 consid. 2 p. 372 s.). Le Tribunal fédéral a
cependant précisé que la liberté personnelle ne garantit pas une liberté
générale de choix et d'action et ne saurait s'analyser comme une protection
contre n'importe quel type d'atteinte (ATF 133 I 110 consid. 5.2 p. 119).
Ainsi, une interdiction de circuler empêchant un propriétaire d'accéder à sa
résidence secondaire avec son véhicule pendant certaines heures durant la
saison touristique n'est pas couverte par l'art. 10 al. 2 Cst. (arrêt 2P.113/
1999 du 17 avril 2000 consid. 3a). De même, le Tribunal fédéral considère qu'il
n'y a pas de droit, sous l'angle de la liberté personnelle, à pouvoir naviguer
sur un secteur déterminé d'une voie d'eau (ATF 108 Ia 59 consid. 4a p. 61).

Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si et dans quelle
mesure l'interdiction de détenir un chien tombait dans le champ d'application
de la liberté personnelle (cf. ATF 133 I 249 consid. 2 p. 252 et la
jurisprudence citée; voir aussi ATF 2C_73/2008 du 26 septembre 2008 consid.
5.2.1). En principe, la détention de chiens appartenant à une race déterminée
n'est pas couverte par la liberté personnelle. Une atteinte à ce droit
fondamental pourrait tout au plus être admise lorsque le détenteur d'un chien
est obligé de se séparer de son animal avec lequel il entretient une relation
affective étroite ou lorsqu'un passionné de chiens se voit interdire de manière
générale la détention d'un chien (ATF 133 I 249 consid. 2 p. 252 s.). Ainsi, ce
n'est qu'à des conditions très restrictives que la liberté personnelle
permettrait de protéger la détention de chiens.

Dès lors que la jurisprudence se montre déjà réticente à admettre que la
liberté personnelle protège la détention de chiens, il ne saurait être question
d'étendre ce droit fondamental au point de considérer que la liberté de
mouvement protège la faculté de se promener et d'accéder à l'ensemble des parcs
publics avec un chien. Les actes attaqués en l'espèce ne portent aucune
atteinte à la liberté de mouvement de X.________. En effet, ils ne l'empêchent
pas de se déplacer à sa guise, mais limitent uniquement sa faculté de se
promener dans certains parcs avec son chien. On ne saurait voir là une entrave
à l'épanouissement de sa personnalité ni une atteinte à sa liberté de
mouvement. Le moyen que X.________ tire d'une prétendue violation de la liberté
personnelle doit donc être rejeté. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu
d'examiner si les conditions de l'art. 36 Cst. sont réunies en l'espèce.

5.
Les recourantes allèguent que le fait d'interdire l'accès de certains parcs
publics aux chiens viole les principes de la proportionnalité et de
l'interdiction de l'arbitraire. Elles font valoir que, cette mesure mise à
part, la législation genevoise comprend un ensemble de dispositions suffisant
pour garantir la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. Elles
soutiennent que l'art. 21 al. 1 let. j RChiens donne trop de pouvoir "au
département" et que l'Arrêté interdit aux chiens l'accès de presque tous les
espaces verts, dans certaines communes.

5.1 Le principe de la proportionnalité figurant à l'art. 5 al. 2 Cst. n'est pas
un droit fondamental, mais simplement un principe constitutionnel. Comme le
recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit
fédéral en général (art. 95 let. a LTF), il est possible d'invoquer le principe
de la proportionnalité directement et indépendamment d'un droit fondamental
(ATF 134 I 153 consid. 4.1 p. 156 s. et les références; arrêt 2C_444/2007 du 4
avril 2008 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que, lorsqu'il
examine le droit cantonal indépendamment de toute atteinte à un droit
fondamental, il ne revoit pas le respect du principe de la proportionnalité
librement, mais seulement sous l'angle de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid.
4.3 p. 158; arrêt 2C_444/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.2 in fine). L'atteinte
au principe de la proportionnalité soulevée ici se confond donc avec le grief
d'arbitraire. On rappellera qu'une norme cantonale viole le principe de
l'interdiction de l'arbitraire si elle ne repose pas sur des motifs objectifs
sérieux, si elle est dépourvue de sens et de but ou si elle viole gravement un
principe juridique incontesté (cf. ATF 133 I 259 consid. 4.3 p. 265; 124 I 297
consid. 3b p. 299; voir aussi arrêt 6B_235/2007 du 13 juin 2008 consid. 2.3,
non publié in ATF 134 IV 193).

5.2 La législation genevoise a été modifiée en 2007 pour éviter que des drames
comme ceux d'Oberglatt dans le canton de Zurich (enfant mortellement blessé par
des chiens) et du Parc La Grange à Genève (petit enfant attaqué au visage par
un chien) ne se reproduisent. La solution consistant à imposer le port de la
muselière à tous les chiens dans les parcs publics a été écartée au profit de
celle qui consiste à interdire l'accès de certains parcs publics à tous les
chiens. C'est alors que le législateur a ajouté à l'art. 10 LChiens un second
alinéa (entré en vigueur le 31 juillet 2007) enjoignant au département genevois
compétent de veiller "à ce qu'il existe sur le territoire cantonal un nombre
suffisant de lieux où les chiens ne sont pas admis, de lieux où l'accès aux
chiens est autorisé sous conditions et de lieux où les chiens peuvent accéder
librement". Cet alinéa établit un équilibre que doivent respecter les
dispositions qui le concrétisent comme l'art. 21 al. 1 let. j RChiens entré en
vigueur le 1er janvier 2008 et présentement attaqué. C'est entre l'adoption et
la mise en vigueur de cette disposition que le Département du territoire a
édicté l'Arrêté. Celui-ci a donc été élaboré sur la base de la loi cantonale,
en particulier de l'art. 10 LChiens, mais aussi dans le respect du règlement
cantonal qui avait déjà été adopté. Comme cela ressort du dossier, le
département précité a ainsi voulu permettre aux personnes fragiles ou craignant
les chiens de se promener, voire de courir, dans certains parcs publics, sans
risquer de graves blessures physiques (morsures) ou psychiques (traumatismes
suivant une agression canine). Il s'est donc particulièrement soucié de la
protection des enfants et des personnes âgées en établissant avec les communes
genevoises la liste des parcs publics dont l'accès serait interdit aux chiens.
Ainsi, les normes attaquées reposent sur un but d'intérêt public, plus
spécialement de sécurité publique.

Certes, comme le relèvent les recourantes, la législation genevoise contient
d'autres mesures visant le même objectif, telles que l'obligation de faire
porter une muselière aux chiens potentiellement dangereux dans certains lieux
(art. 11 al. 3 LChiens) ou l'obligation de tenir les chiens en laisse dans
certains endroits (art. 10 al. 1 let. b LChiens) notamment dans les parcs
publics où ils sont admis (art. 22 al. 1 RChiens, disposition reprise du
règlement d'application de la LChiens du 6 décembre 2004, qui a été en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2007). De plus, elle comprend aussi des mesures
répressives. Ces mesures n'ont toutefois pas paru suffisantes au législateur
genevois qui a prévu, à l'art. 10 al. 1 let. a LChiens, des lieux où les chiens
ne sont pas admis. On ne saurait le lui reprocher, sous l'angle de
l'arbitraire. Il arrive en effet qu'un chien tenu en laisse s'échappe ou ne
puisse être maîtrisé par son détenteur/propriétaire.

Par ailleurs, selon les données cantonales, les parcs publics interdits aux
chiens énumérés dans l'Arrêté représentent moins de 26 % de la surface totale
des espaces verts accessibles à la population (parcs, promenades, jardins
publics) du canton de Genève. Les recourantes remettent indirectement en cause
ces chiffres lorsqu'elles critiquent l'étendue du pouvoir dont bénéficie le
département cantonal compétent et reprochent à ce dernier d'avoir adopté un
arrêté qui interdit aux chiens l'accès de presque tous les espaces verts, dans
certaines communes. A cet égard, les recourantes avancent une argumentation
appellatoire dont on peut douter qu'elle satisfasse aux exigences de l'art. 106
al. 2 LTF. De toute façon, le grief n'est pas fondé. En effet, il n'apparaît
pas que l'Arrêté interdise aux chiens l'accès à la quasi-totalité des parcs
d'une commune. Dans le cas de Lancy, évoqué par les recourantes, l'interdiction
ne porte que sur 11 parcs, alors qu'il ressort du dossier que la commune compte
au moins 16 parcs publics, auxquels s'ajoutent 3 chemins piétons accessibles
aux chiens ainsi que des bords de cours d'eau. Dans cette commune, la surface
des parcs interdits aux chiens correspond, selon les données chiffrées fournies
par le département cantonal intimé, à 25,5 % de la surface totale des espaces
verts formés par les parcs, promenades, chemins et cordons boisés le long des
cours d'eau (cf. le courrier du Département du territoire/Service des systèmes
d'information et de géomatique du 16 juin 2008 qui a été annexé aux
observations du Département de l'économie et de la santé du 17 juin 2008).

En outre, il ressort d'un examen attentif de la liste des 65 parcs interdits
aux chiens que les parcs visés en premier lieu sont ceux qui se trouvent à
proximité des écoles, des places de jeux et des établissements médico-sociaux.
Il s'agit donc des parcs qui sont les plus susceptibles d'être utilisés par les
enfants et les personnes âgées, soit les personnes que la mesure contestée
cherche à protéger en priorité.

Dans ces circonstances, la mesure tendant à interdire l'accès aux chiens dans
certains parcs publics, telle que mise en oeuvre par l'art. 21 al. 1 let. j
RChiens et par l'Arrêté n'apparaît pas arbitraire et, partant, n'est pas
manifestement contraire au principe de la proportionnalité.

5.3 Les recourantes tentent de tirer argument de l'arrêt rendu le 17 avril 2007
par le Tribunal fédéral (ATF 133 I 145). Dans cet arrêt, l'Autorité de céans a
annulé une disposition réglementaire visant à imposer le port de la muselière
pour tous les chiens, avec les inconvénients que cela peut occasionner suivant
les races, dans les parcs publics leur étant accessibles. Dans ce cas, le
Tribunal fédéral a notamment mis en balance les désagréments pour les chiens
d'une telle mesure de contention, par rapport aux effets qu'on pouvait en
escompter, et il a considéré que le principe de la proportionnalité n'était
manifestement pas respecté (ATF 133 I 145 consid. 4.2 p. 147). Le présent cas
n'est pas comparable, car seul le choix des promenades que les propriétaires de
chiens peuvent effectuer avec leurs animaux se trouve diminué. Cependant, comme
déjà indiqué, une telle mesure ne porte pas atteinte à la liberté personnelle
et n'apparaît pas arbitraire.

6.
Au vu de ce qui précède, les recours doivent être rejetés, celui de la SGPA
dans la mesure de sa recevabilité.

Succombant, les recourantes doivent supporter les frais judiciaires propres à
leurs recours respectifs (cf. art. 66 al. 1 LTF) et n'ont pas droit à des
dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au canton de Genève (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 2C_81/2008 et 2C_82/2008 sont jointes.

2.
Le recours 2C_81/2008 est rejeté.

3.
Le recours 2C_82/2008 est rejeté dans la mesure où il est recevable.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des deux
recourantes, par moitié (2'500 fr.) chacune.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux recourantes, au Conseil d'Etat, au
Département du territoire ainsi qu'au Département de l'économie et de la santé
du canton de Genève.

Lausanne, le 21 novembre 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Merkli Dupraz