Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.78/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

2C_78/2008/MAB/elo
{T 0/2}

Arrêt du 17 juin 2008
IIe Cour de droit public

Composition
M. et Mmes les Juges Merkli, Président,
Yersin et Aubry Girardin.
Greffière: Mme Mabillard.

Parties
X.________, recourant,
représenté par Me Olivier Cramer, avocat,

contre

Office cantonal de la population du canton de Genève, route de Chancy 88, case
postale 2652,
1211 Genève 2.

Objet
Autorisation de séjour,

recours contre la décision de la Commission cantonale de recours de police des
étrangers du canton de Genève du 14 novembre 2007.

Faits:

A.
Ressortissant égyptien né en 1951, X.________ a obtenu à plusieurs reprises,
entre 1979 et 1990, un visa de tourisme pour venir en Suisse. Le 23 octobre
1991, il a été condamné à quinze jours d'emprisonnement, assortis d'un sursis
de trois ans, pour infraction à l'art. 23 de la loi fédérale du 26 mars 1931
sur le séjour et l'établissement des étrangers, abrogée le 1er janvier 2008
(LSEE; RS 1 113 et les modifications ultérieures), étant en situation
irrégulière en Suisse depuis le 30 novembre 1990. Il a été refoulé le 24
octobre 1991 et une interdiction d'entrée de quatre ans a été prononcée à son
encontre. Sur recours, la durée de l'interdiction a été limitée à trois ans.

Le 18 février 1994, l'intéressé a été interpellé par la police alors qu'il
était entré en Suisse sans visa et qu'il y séjournait sans autorisation; il a
déclaré venir en Suisse chaque année depuis quinze ans et y rester en général
un mois. Il a été refoulé le 19 février 1994 et l'interdiction d'entrée dont il
faisait l'objet a été prolongée jusqu'au 18 février 1997.

Le 28 octobre 1995, X.________ a épousé Y.________, ressortissante marocaine
titulaire d'une autorisation d'établissement. Il a obtenu l'annulation de son
interdiction d'entrée en Suisse et a été mis au bénéfice d'une autorisation de
séjour par regroupement familial à partir du 28 octobre 1996. Le 7 novembre
1997, l'épouse de l'intéressé a déposé une demande en divorce. Le 17 juin 1998,
l'Office cantonal de la population du canton de Genève (ci-après: l'Office
cantonal) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de l'intéressé.
Par décision du 29 février 2000, la Commission cantonale de recours de police
des étrangers du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale) a admis
le recours de l'intéressé contre la décision précitée, sous réserve de
l'approbation fédérale. Elle a considéré que celui-ci était le conjoint d'une
Suissesse, Y.________ ayant obtenu la nationalité suisse le 9 décembre 1998, et
qu'il n'y avait pas d'abus de droit manifeste; par ailleurs, l'intéressé était
généralement bien intégré dans le canton.

Le 21 novembre 2000, l'Office fédéral des étrangers (actuellement l'Office
fédéral des migrations; ci-après: l'Office fédéral) a refusé d'approuver le
renouvellement de l'autorisation de séjour de X.________ et a prononcé son
renvoi de Suisse; il a retenu pour l'essentiel que le maintien artificiel du
mariage de l'intéressé constituait un abus de droit. Le divorce des époux a été
prononcé le 16 février 2001. Le 10 mars 2003, le Département fédéral de justice
et police a rejeté le recours de l'intéressé contre la décision de l'Office
fédéral. Ce dernier a imparti à X.________ un délai au 15 juin 2003 pour
quitter le pays. Le recours de l'intéressé au Tribunal fédéral contre la
décision du Département précité a été déclaré irrecevable par arrêt du 17 avril
2003.

Le 8 mars 2003, X.________ a été placé en détention préventive pour actes
d'ordre sexuel avec un enfant. Il a été mis en liberté provisoire le 29 août
2003.

B.
Par lettre du 23 juin 2004, l'intéressé a demandé à l'Office cantonal de
pouvoir séjourner en Suisse en vue de se marier avec Z.________, ressortissante
libanaise et française, fonctionnaire auprès du Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés et titulaire d'une carte de légitimation délivrée par
le Département fédéral des affaires étrangères (ci-après: le Département
fédéral). Il indiquait par ailleurs que sa présence était absolument
indispensable pour lui permettre d'assister à son procès et de se défendre dans
la procédure pénale ouverte contre lui.

Le 25 juin 2004, l'Office cantonal, constatant que l'intéressé ne disposait
plus d'aucune autorisation de séjour et était demeuré en Suisse malgré qu'il
ait été sommé de quitter le pays, l'a invité à quitter immédiatement le
territoire. Sur requête de l'intéressé, il a toutefois accepté, le 6 septembre
2004, de préaviser favorablement la délivrance d'une autorisation de séjour
temporaire en sa faveur, dans l'unique but de préparer activement sa défense
pénale.

X.________ a épousé Z.________ le 18 avril 2005.

Par arrêt du 11 mai 2005, la Cour correctionnelle du canton de Genève a
condamné X.________ à vingt-quatre mois de réclusion pour acte d'ordre sexuel
avec un enfant et contrainte sexuelle. La Cour de cassation genevoise a rejeté
le pourvoi de l'intéressé par arrêt du 16 décembre 2005, lequel a été confirmé
par le Tribunal fédéral le 21 août 2006.

C.
Dans un courrier du 25 juillet 2006, la Mission permanente de la Suisse auprès
de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à
Genève a indiqué qu'en raison des différentes décisions prises à l'encontre de
l'intéressé par les autorités suisses, en particulier celles lui enjoignant de
quitter le territoire, elle n'était pas en mesure de donner une suite favorable
à la demande (déposée par l'employeur de Z.________) de délivrance d'une carte
de légitimation en faveur de X.________.

Sur demande de l'Office cantonal, l'intéressé lui a fait savoir, le 16 janvier
2007, qu'il avait l'intention de continuer à séjourner en Suisse, où il vivait
avec son épouse.

Par décision du 23 avril 2007, l'Office cantonal a informé X.________ qu'il ne
lui était pas possible d'entrer en matière sur sa demande d'autorisation de
séjour, compte tenu du statut de son épouse, et qu'il n'était de toute façon
pas disposé à lui délivrer une autorisation à quelque titre que ce soit, vu sa
lourde condamnation pénale. Par conséquent, il l'invitait à quitter la Suisse
immédiatement.

L'intéressé est entré en prison le 3 septembre 2007 pour exécuter sa peine.
Celle-ci prendra fin le 11 mars 2009.

D.
Le 14 novembre 2007, la Commission cantonale a rejeté le recours de X.________
contre la décision de l'Office cantonal du 23 avril 2007. Elle a considéré en
substance que seul le Département fédéral était compétent pour décider de
l'octroi ou non d'une carte de légitimation à l'intéressé, dans la mesure où il
était l'époux d'une fonctionnaire internationale. C'était donc à juste titre
que l'Office cantonal n'était pas entré en matière sur la demande
d'autorisation de séjour.

E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande
au Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler la décision de la
Commission cantonale du 14 novembre 2007. Invoquant les art. 14 Cst. et 8 CEDH,
il se plaint pour l'essentiel d'une violation du droit au respect de sa vie
familiale.

La Commission et l'Office cantonal renoncent à déposer des observations sur le
recours. L'Office fédéral propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des recours
qui sont déposés devant lui (ATF 133 I 185 consid. 2 p. 188 et la jurisprudence
citée).

1.1 D'après l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public
est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui
concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit
international ne donnent droit. En principe, il n'existe pas de droit à la
délivrance d'une autorisation de séjour ou d'établissement, à moins que
l'étranger ou un membre de sa famille vivant en Suisse ne puisse invoquer dans
ce sens une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité (cf. ATF
131 II 339 consid. 1 p. 342 s.; 130 II 281 consid. 2.1 p. 284 et les
références).

Le recourant est marié avec une ressortissante libanaise et française,
fonctionnaire auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(organisation rattachée à l'ONU) et titulaire d'une carte de légitimation
délivrée par le Département fédéral.

1.2 En vertu de l'art. V section 15 lettre d de l'Accord du 11 juin/1er juillet
1946 sur les privilèges et immunités de l'Organisation des Nations Unies conclu
entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies (RS 0.192.120.1; ci-après: l'Accord ONU), "les fonctionnaires de
l'Organisation des Nations Unies ne sont pas soumis, non plus que leurs
conjoints et les membres de leur famille vivant à leur charge, aux dispositions
limitant l'immigration et aux formalités d'enregistrement des étrangers". Ces
personnes ne reçoivent pas une autorisation de séjour en Suisse selon le droit
ordinaire (permis de séjour/travail), mais sont mises au bénéfice d'une carte
de légitimation leur donnant droit de résider en Suisse et d'y entrer sans
visa.

Dès lors que le recourant est le conjoint d'une fonctionnaire internationale,
son séjour est réglé en principe par la carte de légitimation, qui lui a été
refusée le 25 juillet 2006 par la Mission permanente de la Suisse auprès de
l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à
Genève. Ce n'est pas cette décision - dont il ne ressort par ailleurs pas du
dossier qu'elle ait été contestée - qui fait l'objet de la présente procédure.

Le recours n'est donc pas recevable sous l'angle de l'Accord ONU au regard de
l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF.

1.3 En vertu des art. 7 lettre d de l'Accord du 21 juin 1999 entre la
Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après:
l'Accord ou ALCP; RS 0.142.112.681) et de l'art. 3 de l'annexe I ALCP, les
membres de la famille d'une personne ressortissant d'une partie contractante
ayant un droit de séjour ont en principe le droit de s'installer avec elle.

Toutefois, l'Accord ne s'applique pas aux fonctionnaires des organisations
internationales titulaires d'une pièce de légitimation établie par le
Département fédéral, ni aux membres de leur famille (cf. art. 3 al. 1 de
l'Ordonnance du 22 mai 2002 sur l'introduction progressive de la libre
circulation des personnes [OLCP; RS 142.203], en relation avec l'art. 4 al. 1
lettre b de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers
abrogée le 1er janvier 2008 [OLE; RO 1986 1791]; cf. directives fédérales OLCP,
ch. 1.5).

Par ailleurs, l'épouse du recourant n'ayant pas d'autorisation de séjour en
Suisse au sens de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers (qui régit les demandes déposées avant le 1er janvier 2008; cf. art.
126 al. 1 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers [LEtr; RS
142.20]), l'intéressé ne peut se fonder sur l'art. 17 al. 2 LSEE.

Le recourant ne peut ainsi se prévaloir de la situation de son épouse pour
prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour de sorte que son recours
n'est pas recevable à cet égard.

1.4 Le recourant invoque l'art. 8 CEDH. Cette disposition peut conférer un
droit à une autorisation de séjour au conjoint d'un étranger bénéficiant d'un
droit de présence assuré en Suisse - c'est-à-dire une autorisation
d'établissement ou au moins un droit certain à une autorisation de séjour (cf.
ATF 122 II 385 consid. 1c p. 389; 119 Ib 91 consid. 1c p. 93) - si les liens
noués entre eux sont étroits et effectifs (cf. ATF 130 II 281 consid. 3.1 p.
285 s. et les références).

Dans le cas particulier, la carte de légitimation de Z.________ est directement
liée à la fonction qu'elle occupe et ne lui confère aucun droit à un traitement
de faveur quant à la poursuite de son séjour en Suisse après la fin des
fonctions officielles (cf. art. 4 OLE; cf. directives LSEE, ch. 713.1). La
question de savoir si la carte de légitimation suffit à garantir à son
titulaire un droit de présence assuré en Suisse au sens de la jurisprudence
relative à l'art. 8 CEDH et à fonder un droit au regroupement familial peut
rester indécise en l'espèce car le recours n'est de toute façon pas fondé.

1.5 Au surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
prescrites par la loi (art. 42 LTF), le recours est en principe recevable en
vertu des art. 82 ss LTF.

2.
2.1 D'après la jurisprudence et la doctrine dominante, la Convention européenne
des droits de l'homme ne garantit pas le droit de séjourner dans un Etat partie
à ladite convention. Le droit au respect de la vie familiale consacré à l'art.
8 par. 1 CEDH ne peut être invoqué que si une mesure étatique d'éloignement
aboutit à la séparation des membres d'une famille. Il n'y a pas atteinte à la
vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent
leur vie de famille à l'étranger. L'art. 8 par. 1 CEDH n'est pas a priori
violé, si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse
peut ainsi quitter ce pays avec l'étranger auquel a été refusée une
autorisation de séjour (ATF 122 II 289 consid. 3b p. 297).

En outre, la protection découlant de l'art. 8 CEDH n'est pas absolue: une
ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale est
possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence soit
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui. La question de savoir si, dans un
cas particulier, les autorités sont tenues d'accorder une autorisation de
séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit ainsi être résolue sur la base d'une pesée
de tous les intérêts privés et publics en présence (ATF 125 II 633 consid. 2e
p. 639; 122 II 1 consid. 2 p. 6 et les arrêts cités). Or, lorsqu'un étranger a
gravement violé l'ordre juridique en vigueur et qu'il a été condamné à une
peine d'au moins deux ans de détention, l'intérêt public à son éloignement
l'emporte normalement sur son intérêt privé - et celui de sa famille - à
pouvoir rester en Suisse (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.1 p. 185 et les
références). A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé qu'il existait un
intérêt public prépondérant à expulser des étrangers qui, comme en l'espèce,
ont commis des actes de violence ou d'ordre sexuel d'une certaine gravité, même
lorsque ces étrangers vivaient en Suisse depuis de longues années (cf. ATF 130
II 176 consid. 4.4.2 p. 190 et les arrêts cités).

2.2 Dans le cas particulier, X.________ a été condamné à vingt-quatre mois de
réclusion pour actes d'ordre sexuel avec un enfant et contrainte sexuelle. Il a
ainsi gravement enfreint l'ordre public suisse et seules des circonstances
exceptionnelles permettraient de faire pencher la balance des intérêts en sa
faveur. L'intéressé ne peut pas se prévaloir d'un long séjour régulier en
Suisse : le 17 juin 1998, l'Office cantonal a refusé de renouveler
l'autorisation de séjour obtenue le 28 octobre 1996 à titre de regroupement
familial et, depuis lors, l'intéressé est au bénéfice d'une simple tolérance
(sur la notion de séjour régulier, cf. ATF 120 Ib 360 consid. 3b p. 367).
Indépendamment des actes ayant entraîné la condamnation du 11 mai 2005
(confirmée sur recours), le comportement du recourant n'a pas été exempt de
reproches, dans la mesure où il a été refoulé à deux reprises pour séjour
illégal en Suisse, la deuxième fois alors qu'il était pourtant sous le coup
d'une interdiction d'entrée en Suisse. Le recourant fait valoir qu'il est
professionnellement intégré et financièrement indépendant. Ces circonstances ne
sont cependant pas à ce point exceptionnelles qu'elles suffiraient à
contrebalancer l'intérêt public à son éloignement.

Tout bien pesé, l'intérêt du recourant à rester en Suisse avec son épouse ne
l'emporte pas sur l'intérêt public à l'éloigner. Par conséquent, les autorités
cantonales compétentes n'étaient pas tenue de lui délivrer l'autorisation de
séjour sollicitée.

3.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où
il est recevable. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires
(art. 65 et 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recou-rant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recou-rant, à la
Commission cantonale de recours de police des étrangers et à l'Office cantonal
de la population du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations
Lausanne, le 17 juin 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

T. Merkli F. Mabillard