Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.742/2008
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_742/2008
{T 0/2}

Arrêt du 11 février 2009
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Karlen, Zünd et Aubry Girardin.
Greffier: M. Vianin.

Parties
X.________ Sàrl,
recourante, représentée par Me Stéphane Riand, avocat,

contre

Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA), Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne.

Objet
TVA; imposition selon l'approche économique; périodes du 1er mars 1999 au 31
décembre 2000,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 13
septembre 2008.

Faits:

A.
X.________ Sàrl (ci-après: la Société), société à responsabilité limitée sise à
A.________, a pour but, selon l'inscription au registre du commerce,
l'exploitation et la construction d'installations de sports et de loisirs,
toutes affaires mobilières et immobilières ainsi que l'importation et
l'exportation d'installations. Elle est détenue à parts égales par Y.________
et Z.________, associés gérants avec signature individuelle.

La Société a été inscrite au registre du commerce le 11 août 1999.

Sur le questionnaire pour l'assujettissement comme contribuable TVA qu'elle a
rempli le 26 novembre 1999, la Société a déclaré avoir commencé son activité en
mars de la même année. A la demande de l'Administration fédérale des
contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après:
l'Administration fédérale), elle a établi une "déclaration de responsabilité"
qu'elle a fait parvenir à cette dernière le 7 décembre 1999 et dans laquelle
elle a déclaré "assumer les obligations contractées en son nom avant son
inscription dans le registre du commerce".

La Société a été immatriculée dans le registre des assujettis à la taxe sur la
valeur ajoutée (ci-après: TVA) avec effet au 1er mars 1999.

B.
Les 18 et 19 novembre 2002, l'Administration fédérale a effectué auprès de la
Société un contrôle fiscal portant sur la période allant du 1er mars 1999 au 30
juin 2002. A la suite de ce contrôle, elle a établi notamment le décompte
complémentaire no 287'633 du 12 février 2003, d'un montant de 18'399 fr., se
rapportant aux périodes fiscales allant du 1er trimestre 1999 au 4ème trimestre
2000. Cette reprise portait sur la vente d'une catapulte géante à la société
D.________ SA le 1er mars 2000 pour un prix de 200'000 fr., lequel n'avait pas
été comptabilisé dans les comptes de la Société, mais partagé entre Y.________
et Z.________, les deux associés de cette dernière. La reprise concernait
également les recettes tirées de l'exploitation de ladite catapulte, qui
avaient été enregistrées dans les comptes de l'entreprise individuelle de
Y.________. L'Administration fédérale a justifié les reprises par le principe
de l'unité de l'entreprise.

Le décompte complémentaire a été confirmé par décision formelle du 10 janvier
2005.

Sur la base de plusieurs documents que la Société lui avait adressés à sa
demande, l'Administration fédérale a établi le décompte complémentaire no
287'937 du 9 février 2006, d'un montant de 4'445 fr., qui concernait les mêmes
périodes fiscales que celui du 12 février 2003. Cette reprise portait sur la
part des recettes provenant de l'exploitation de la catapulte qui était revenue
à Z.________.

La Société a contesté également cette reprise.

Par décision sur réclamation du 1er mars 2006, l'Administration fédérale a
confirmé les montants des deux décomptes complémentaires précités.

Le recours interjeté par la Société à l'encontre de cette décision a été rejeté
par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 13 septembre 2008. Cette
autorité a considéré que, d'un point de vue juridique, les opérations relatives
à la catapulte avaient été effectuées non pas par la recourante, mais par une
société simple composée de Y.________ et Z.________. Toutefois, la recourante
présentait trop de points communs avec cette société simple (les associés
étaient les mêmes, l'adresse de la recourante se trouvait au domicile privé de
l'un d'eux, les opérations effectuées par la société simple entraient dans le
but de la recourante, les élastiques nécessaires à l'exploitation de la
catapulte étaient fabriqués par cette dernière) pour que l'on puisse, sous
l'angle du principe de l'unité de l'entreprise et plus largement du principe de
l'appréciation économique, admettre l'existence de deux sujets fiscaux
distincts. Les opérations en cause devaient donc être attribuées à la
recourante.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Société demande
au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt entrepris
et de renvoyer le dossier à l'autorité compétente pour nouvelle décision dans
le sens des considérants.

Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à déposer des observations.
L'Administration fédérale conclut au rejet du recours, sous suite de frais et
dépens.

Considérant en droit:

1.
1.1 Dirigé contre un jugement final (cf. art. 90 LTF) rendu dans une cause de
droit public (cf. art. 82 lettre a LTF) par le Tribunal administratif fédéral
(cf. art. 86 al. 1 lettre a LTF), le présent recours est en principe recevable
comme recours en matière de droit public. Interjeté par une partie directement
touchée par la décision attaquée et qui a un intérêt digne de protection à son
annulation ou sa modification (cf. art. 89 al. 1 LTF), il a, en effet, été
déposé dans le délai (cf. art. 100 al. 1 LTF) et la forme (cf. art. 42 LTF)
prévus par la loi et ne tombe sous aucun des cas d'exceptions mentionnés à
l'art. 83 LTF.

1.2 La recourante ne forme que des conclusions en renvoi, alors que l'art. 107
al. 2 LTF confère au Tribunal fédéral un pouvoir général de réforme, quel que
soit le recours interjeté devant lui (cf. ATF 134 II 186 consid. 1.5 p. 190
ss). Selon la jurisprudence, toutefois, une conclusion tendant uniquement à
l'annulation de la décision attaquée est recevable dans le cadre d'un recours
en matière de droit public; elle doit en effet être interprétée en ce sens que
le recourant laisse au Tribunal fédéral le soin d'apprécier s'il entend, une
fois la décision entreprise annulée, statuer lui-même sur le fond ou renvoyer
la cause pour nouvelle décision (ATF 133 II 409 consid. 1.4.1 p. 414 s.). Par
ailleurs, l'art. 107 al. 2 LTF habilite le Tribunal fédéral, outre à réformer
la décision entreprise, à renvoyer l'affaire à l'autorité précédente ou à celle
de première instance pour qu'elle statue à nouveau. Les conclusions de la
recourante sont ainsi recevables.

1.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les
faits ont été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF),
c'est-à-dire, pour l'essentiel, que les constatations de fait sont arbitraires
au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 IV 36 consid. 1.4.1 p. 39), doit démontrer
par une argumentation précise en quoi consiste la violation (art. 106 al. 2
LTF). Les faits ont été établis de manière arbitraire lorsqu'ils se trouvent
clairement en contradiction avec la situation réelle, qu'ils reposent sur une
erreur manifeste ou que rien ne peut les justifier objectivement (ATF 133 III
393 consid. 7.1 p. 398 et les références). Le Tribunal fédéral n'entre pas en
matière sur les critiques de nature purement appellatoire (ATF 133 III 393
consid. 6 p. 397).

2.
L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er
janvier 1995 (OTVA; RO 1994 II 1464 ss et les modifications ultérieures), a été
remplacée par la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, du 2
septembre 1999 (loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20), entrée en vigueur le 1er
janvier 2001. Selon l'art. 93 al. 1 LTVA, les dispositions abrogées et leurs
dispositions d'exécution restent applicables, sous réserve d'exceptions non
réalisées en l'espèce, à tous les faits et rapports juridiques ayant pris
naissance au cours de leur durée de validité. L'ordonnance régissant la taxe
sur la valeur ajoutée s'applique dès lors au présent litige, qui porte sur les
périodes fiscales allant du 1er mars 1999 au 31 décembre 2000.

3.
La recourante demande l'audition de ses associés Y.________ et Z.________.

Le Tribunal de céans statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (cf. consid. 1.3) et il ne procède en principe pas à des mesures
probatoires pour élucider des faits qu'il incombait à l'autorité inférieure de
constater (cf. Bernard Corboz, Introduction à la nouvelle loi sur le Tribunal
fédéral, SJ 2006 II p. 319 ss, 336). En l'occurrence, la recourante avait déjà
demandé l'audition de ses associés devant l'autorité précédente, requête qui a
été rejetée par appréciation anticipée des preuves. Devant le Tribunal fédéral,
la recourante peut ainsi seulement faire valoir que cette appréciation est
arbitraire et que le refus de l'autorité précédente porte atteinte à son droit
d'être entendue (cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429), ce qu'elle ne fait
nullement. Il n'y a donc pas lieu de donner suite à sa requête de mesures
probatoires.

4.
La recourante soutient que l'état de fait constaté par l'autorité précédente
est inexact ou incomplet à plusieurs égards.

L'autorité précédente a retenu que le montant de 200'000 fr. constituait le
prix de vente de la catapulte. La recourante soutient que ce prix représente
seulement une partie du montant en question, qui comprendrait également des
sommes dues à titre d'indemnités pour résiliation anticipée du contrat relatif
à l'exploitation de ladite catapulte ainsi que d'un trampoline. Ce faisant, la
recourante oppose sa propre version des faits à celle figurant dans la décision
entreprise, alors que rien ne permet d'affirmer que cette dernière serait
manifestement inexacte. Le document intitulé "Détail et répartition des revenus
de la vente du 20 mars 2000", daté du 13 décembre 2002 et signé par Y.________
et Z.________ (pièce jointe no 15 du dossier de l'Administration fédérale)
indique certes que la moitié du montant de 200'000 fr. représente des
dommages-intérêts pour résiliation [anticipée] des contrats de location portant
sur la catapulte et un trampoline; en revanche, il ressort tant de la
convention que les prénommés ont conclue le 28 février 2000 avec la société
D.________ SA que de la quittance établie le 1er mars 2000 (pièces jointes no
15 du dossier de l'Administration fédérale) que les 200'000 fr. représentaient
le prix de vente de la catapulte, ces deux documents ne faisant nullement état
d'une indemnité pour résiliation anticipée du contrat. Dans ces conditions, il
n'apparaît pas que la constatation de l'autorité précédente au sujet du prix de
la catapulte soit insoutenable ou manifestement inexacte.

La recourante relève encore que les élastiques nécessaires à l'exploitation de
la catapulte ont été facturés par la société B.________ GesmbH, sise en
Autriche, et ne sont ainsi pas fournis par elle-même. Il ressort pourtant de
l'annexe 1 au rapport de révision (pièce jointe no 2 du dossier de
l'Administration fédérale) que ces élastiques sont "fournis et facturés" par la
recourante, comme cela a été retenu dans la décision entreprise, laquelle ne
saurait ainsi apparaître manifestement inexacte sur ce point.

En outre, la recourante affirme que l'atelier de constructions métalliques
exploité sous la forme d'une entreprise individuelle par Y.________ n'était pas
situé au domicile privé de ce dernier, à A.________, mais dans la zone
industrielle de C.________. Toutefois, si la décision attaquée fait un lien
entre l'adresse de la recourante et le domicile privé de l'un de ses associés
(consid. 4.2.2), elle n'évoque pas celle de l'entreprise individuelle du
prénommé, de sorte qu'elle ne saurait être, à cet égard non plus, affectée
d'une inexactitude manifeste.

Les critiques de la recourante concernant l'état de fait retenu dans la
décision attaquée sont ainsi infondées. C'est donc sur la base des faits tels
que l'autorité précédente les a constatés qu'il convient d'examiner si ladite
décision est conforme au droit fédéral.

5.
5.1 L'autorité précédente a fait application de la théorie de la réalité
économique pour imputer à la recourante les opérations relatives à la
catapulte.

La recourante conteste en substance que l'on puisse lui opposer cette théorie,
car tout démontrerait que Y.________ et Z.________ avaient réellement la
volonté d'exploiter eux-mêmes la catapulte, plutôt que de le faire au travers
de la recourante. C'est ainsi que la catapulte n'a pas fait l'objet d'une
reprise de biens lors de la constitution de la recourante, que son exploitation
entrait dans les buts à la fois de l'entreprise individuelle de Y.________ et
de l'association au travers de laquelle Z.________ gérait un parc d'attractions
axées sur le saut à l'élastique et que le produit de la vente a été
comptabilisé dans les comptes de l'entreprise individuelle de Y.________.

5.2 Aux termes de l'art. 17 al. 1 OTVA, dont la teneur a été reprise à l'art.
21 al. 1 LTVA, est assujetti à l'impôt quiconque, même sans but lucratif,
exerce de manière indépendante une activité commerciale ou professionnelle en
vue de réaliser des recettes, à condition que ses livraisons, ses prestations
de services et ses prestations à lui-même effectuées sur territoire suisse
dépassent globalement 75'000 fr. par an. Les art. 17 al. 2 OTVA et 21 al. 2
LTVA énumèrent de manière non exhaustive les entités qui peuvent être
assujetties, à savoir les personnes physiques, les sociétés de personnes, les
personnes morales de droit privé et de droit public, les établissements publics
non autonomes ainsi que les collectivités de personnes dépourvues de la
personnalité juridique qui effectuent des opérations sous une raison sociale
commune.

Exerce une telle activité de manière indépendante l'entité qui fournit ses
prestations en son nom, en apparaissant comme prestataire vis-à-vis de
l'extérieur (cf. arrêt 2A.520/2003 du 29 juin 2004 consid. 4.1 et 5, in RDAF
2005 II p. 75, RF 60/2005 p. 244). Tel est généralement le cas des personnes
morales, même si celles-ci, bien que juridiquement indépendantes, dépendent
dans les faits d'une autre personne comme par exemple une société-mère qui
contrôle sa filiale (Camenzind/ Honauer/Vallender, Handbuch zum
Mehrwertsteuergesetz, 2e éd., 2003, n. 1006; pour le régime de l'IChA: Dieter
Metzger, Handbuch der Warenumsatzsteuer, 1993, n. 152). Une communauté de
personnes dépourvue de la personnalité juridique - notamment une société simple
(cf. arrêt 2A.520/2003, précité, consid. 2.2) - peut aussi constituer un sujet
fiscal distinct de ses membres dès que la collaboration se manifeste sur le
plan externe et que la communauté fournit des prestations sous son nom (cf.
art. 17 al. 2 OTVA et 21 al. 2 LTVA in fine; Rivier/Rochat Pauchard, Droit
fiscal suisse, La taxe sur la valeur ajoutée, 2000, p. 104: principe de
l'entité distincte).

Dès lors que l'entité remplit les conditions énoncées ci-dessus, elle est en
principe considérée comme un assujetti distinct (Pierre-Marie Glauser, Evasion
fiscale et interprétation économique en matière de TVA, Archives 75 p. 727 ss,
750; cf. aussi le rapport du 28 août 1996 de la Commission de l'économie et des
redevances sur l'initiative parlementaire "Loi fédérale sur la taxe sur la
valeur ajoutée [Dettling]", où il est dit, en relation avec l'énumération des
entités entrant en considération comme assujettis, que "en principe, on se
fonde donc sur la forme juridique de l'entreprise au sens du droit civil" [p.
49 du tiré à part]) et les prestations qu'elle fournit lui sont attribuées aux
fins de l'assujettissement et de l'imposition (Rivier/Rochat Pauchard, op.
cit., p. 86, 104).

5.3 Le principe de l'unité de l'entreprise ne va pas à l'encontre de cette
règle. Selon ce principe, un assujetti est censé exploiter une seule et même
entreprise, même s'il exerce son activité commerciale au travers de plusieurs
établissements ou centres de profit, voire, s'agissant d'une personne physique,
sous la forme de plusieurs entreprises individuelles. Il s'ensuit que, aux fins
de l'assujettissement et de l'imposition, les chiffres d'affaires des
différents établissements ou unités sont additionnés et portés sur les mêmes
décomptes (Heinz Keller, Besondere mehrwertsteuerliche Probleme bei
Selbständiger-werbenden, Archives 73 p. 433 ss, 446 s.; Rivier/Rochat Pauchard,
op. cit., p. 108; Camenzind/Honauer/Vallender, op. cit., n. 1024 s.). Le
principe de l'unité de l'entreprise sert à déterminer l'étendue de
l'assujettissement d'un contribuable donné (cf. Rivier/Rochat Pauchard, op.
cit., p. 107 s.), tel que défini par les art. 17 al. 2 OTVA et 21 al. 2 LTVA.
Il ne joue en revanche pas de rôle s'agissant de savoir si l'on est en présence
d'un ou de plusieurs contribuables. Il ne permet pas, en particulier, de faire
abstraction de la forme juridique pour admettre l'existence d'un seul assujetti
en présence de plusieurs entités juridiquement distinctes, mais qui exploitent
une seule entreprise d'un point de vue économique (cf. Keller, loc. cit., selon
lequel l'unité de l'entreprise cesse lorsqu'une partie de celle-ci est détachée
pour être exploitée sous la forme d'une nouvelle personne morale qui constitue
alors un contribuable distinct). En d'autres termes, ce principe ne permet pas
de réunir deux assujettis distincts pour qu'ils ne forment qu'un seul
contribuable.

5.4 La jurisprudence a introduit des exceptions permettant, dans certaines
situations, de déroger aux règles d'assujettissement et de ne pas considérer
que l'on est en présence de plusieurs entités distinctes, mais d'un seul
contribuable.

Sous le régime de l'ancien arrêté du Conseil fédéral du 29 juillet 1941
instituant un impôt sur le chiffre d'affaires (AChA; RO 1941 821), le Tribunal
fédéral a été confronté à la problématique des restructurations par lesquelles
l'activité économique d'un assujetti est répartie entre plusieurs entités
juridiquement distinctes. Celles-ci devaient en principe être traitées comme
des contribuables différents, avec, le cas échéant, pour conséquence que l'une
ou plusieurs de ces entités ne remplissaient plus les conditions
d'assujettissement à l'impôt. Afin d'éviter que, par ces restructurations,
l'impôt soit éludé, la jurisprudence a posé des conditions pour que les
nouvelles entités puissent être considérées, fiscalement, comme des sujets
distincts. Il fallait pour cela que celles-ci disposent de leurs propres moyens
de production, tiennent leur propre comptabilité et calculent leurs prix de
manière à obtenir le meilleur résultat. Les entités issues de la
restructuration devaient donc apparaître comme distinctes non seulement du
point de vue juridique, mais aussi sous l'angle économique. A défaut, leurs
chiffres d'affaires étaient attribués, aux fins de l'assujettissement et de
l'imposition, à l'entité qui servait de support juridique à l'(unique)
entreprise (arrêts 2A.287/1991 du 30 juin 1992 consid. 2b, in Archives 62 p.
427; 2A.75/2002 du 9 août 2002 consid. 3.1). Cette jurisprudence a été
développée sur la base de l'art. 8 al. 4 AChA, disposition aux termes de
laquelle "les actes juridiques qui ont pour but d'éluder, dans un cas d'espèce,
l'obligation fiscale ou le paiement de l'impôt n'ont aucun effet au point de
vue fiscal", et donc sur la notion d'évasion fiscale (Metzger, op. cit., n.
162).

Dans le système de la taxe sur la valeur ajoutée, la jurisprudence a également
été amenée à se prononcer sur le cas de deux entités juridiquement distinctes -
en l'occurrence une société à responsabilité limitée et une entreprise
individuelle. Le litige portait sur l'assujettissement de la société à
responsabilité limitée et son inscription au registre des contribuables.
Celle-ci avait des liens étroits avec l'entreprise individuelle (détenteurs
communs; domaines d'activité se recoupant; même localisation etc.). De plus, la
société à responsabilité limitée réalisait un chiffre d'affaires inférieur à la
limite déterminante pour l'assujettissement, mais cette limite était atteinte
si on y ajoutait le chiffre d'affaires de l'entreprise individuelle. Compte
tenu de l'ensemble de ces circonstances, le Tribunal fédéral a considéré que
l'existence de deux entités était insolite et ne correspondait pas à la réalité
économique, de sorte qu'il se justifiait d'admettre l'existence d'un seul
contribuable (arrêt 2A.61/2006 du 26 novembre 2006 consid. 3.1 et 3.2, in RF 62
/2007 p. 586). La motivation de cet arrêt se réfère non seulement à l'approche
économique (wirtschaftliche Betrachtungsweise, voir à ce sujet Blumenstein/
Locher, System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., 2002, p. 31), mais
aussi à l'évasion fiscale, sans toutefois les différencier (consid. 3.1 et
3.2). On ne peut toutefois déduire de cette jurisprudence qu'il suffit que deux
assujettis distincts aient des liens économiques entre eux, pour faire
abstraction de la réalité juridique et considérer que l'on est en présence d'un
seul contribuable, sans examiner la problématique de l'évasion fiscale.

Du reste, sous l'empire de l'ordonnance régissant la taxe sur la valeur
ajoutée, l'ancienne Commission fédérale de recours en matière de contributions
a aussi estimé que des entités, même si elles présentaient des liens entre
elles - il s'agissait en l'occurrence d'une société en nom collectif
appartenant à des époux dont le mari exploitait en parallèle une entreprise
individuelle - constituaient en principe des assujettis distincts, sous réserve
de l'existence d'une évasion fiscale (arrêt du 23 avril 2003, CRC 2001-066
consid. 4c, in JAAC 67/2003 no 123 p. 1208).

5.5 La doctrine subordonne elle aussi la possibilité de faire abstraction de la
réalité juridique pour retenir l'existence d'un seul assujetti TVA en présence
de deux entités distinctes à l'évasion fiscale.

Certes, l'application et la portée de la théorie de l'évasion fiscale en
matière de taxe sur la valeur ajoutée est sujette à controverse. Selon certains
auteurs, ces règles s'appliquent de manière générale dans le domaine en
question (cf. Rivier/Rochat Pauchard, op. cit., p. 25, qui se réfèrent au droit
européen de la TVA). D'autres évoquent la notion d'évasion fiscale seulement
dans le contexte particulier de la localisation et de l'imposition des
prestations de services fournies à des sociétés de domicile sises à l'étranger,
alors que leur propriétaire économique est domicilié en Suisse (Camenzind/
Honauer/Vallender, op. cit., n. 634 s.; voir aussi les auteurs cités par
Glauser, op. cit., p. 755 en note 168). Enfin, Glauser est d'avis que les
règles sur l'évasion fiscale ne sont applicables qu'en présence d'une norme
fondée sur un concept de droit civil. Comme la taxe sur la valeur ajoutée
repose sur une logique économique, l'évasion fiscale ne jouerait en principe
pas de rôle dans ce domaine (op. cit., p. 759 ss).

Dans le cas particulier, la question de la portée des règles sur l'évasion
fiscale en matière de taxe sur la valeur ajoutée n'a cependant pas à être
tranchée de manière générale, mais seulement dans le contexte de
l'assujettissement au sens des art. 17 OTVA et 21 LTVA. Or, même les auteurs
qui doutent de leur applicabilité générale se fondent sur les règles en matière
d'évasion fiscale pour définir les conditions auxquelles il est possible de
s'écarter de la forme juridique prévue - ce qui revient à pratiquer un
"Durchgriff" (voir à ce sujet ATF 132 III 489 consid. 3.2 p. 493 et arrêt
4A_384/2008 du 9 décembre 2008 consid. 4.1) - et de se fonder sur la réalité
économique, en admettant l'existence d'un seul contribuable en présence de
plusieurs entités juridiquement distinctes (Glauser, op. cit., p. 762 s.; cf.
aussi Oberson/ Pittet, La jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en 2006 en
matière de TVA, Archives 77 p. 25 ss, 51).

5.6 Il ressort ainsi tant de la jurisprudence en matière d'impôt sur le chiffre
d'affaires et de taxe sur la valeur ajoutée que de la doctrine que la règle
selon laquelle une entité au sens des art. 17 al. 2 OTVA et 21 al. 2 LTVA, qui
fournit ses prestations en son nom, en apparaissant comme prestataire vis-à-vis
de l'extérieur, est considérée comme un assujetti distinct, vaut sous réserve
de l'évasion fiscale. Il en va d'ailleurs de même en matière d'impôt fédéral
direct, où le Tribunal fédéral admet que l'on ignore l'existence d'une personne
morale et que l'on attribue son revenu à son propriétaire économique uniquement
si l'on se trouve en présence d'une évasion fiscale (arrêt 2P.92/2005 du 30
janvier 2006 consid. 8, in RF 61/2006 p. 523). C'est donc seulement dans ce cas
qu'il convient de privilégier l'approche économique et de s'écarter de la
construction juridique mise en place. On ne saurait en effet admettre que deux
entités juridiquement distinctes constituent un seul contribuable pour le seul
motif qu'elles possèdent des liens entre elles, indépendamment de toute
incidence fiscale.

5.7 Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale lorsque a) la forme
juridique choisie par le contribuable paraît insolite, inappropriée ou étrange,
en tout cas inadaptée au but économique poursuivi, b) ce choix a été opéré
abusivement, dans le seul but d'économiser des impôts qui seraient dus si les
rapports de droit avaient été aménagés de façon appropriée et c) le procédé
conduirait effectivement à une notable économie d'impôt s'il était admis par
l'autorité fiscale. Lorsque ces conditions sont remplies, l'imposition doit
être fondée non pas sur la forme juridique choisie par le contribuable, mais
sur la situation qui aurait été appropriée au but économique poursuivi par
celui-ci (ATF 131 II 627 consid. 5.2 p. 635 s.).

5.8 En l'espèce, l'autorité précédente a confirmé la reprise litigieuse en
vertu du principe de l'unité de l'entreprise en se fondant sur une approche
économique, tenant compte exclusivement des liens existant entre la Société à
responsabilité limitée et la société simple. Bien qu'elle ait évoqué ce
problème et présenté de manière détaillée les conditions de l'évasion fiscale,
elle n'a toutefois pas examiné si les conditions d'une telle évasion étaient
réalisées, estimant que le principe de l'unité de l'entreprise suffisait. Or,
comme il a été indiqué ci-dessus, ce principe sert à déterminer l'étendue de
l'assujettissement d'un contribuable donné, mais ne permet pas, en présence de
deux contribuables, d'admettre l'existence d'un seul assujetti (cf. supra
consid. 5.3). Il faut, comme le préconisent la jurisprudence et la doctrine,
envisager cette problématique sous l'angle de l'évasion fiscale et le Tribunal
administratif fédéral ne pouvait s'en dispenser. C'est à la lumière des règles
sur l'évasion fiscale qu'il convient de déterminer s'il se justifie de ne pas
considérer la société simple formée de Y.________ et de Z.________ comme un
contribuable distinct de la recourante d'un point de vue économique, de sorte
que les opérations relatives à la catapulte doivent être attribuées à cette
dernière. Pour trancher ces questions, il faut en particulier se demander si le
fait de "séparer" les opérations relatives à la catapulte, fournies par la
société simple, de celles effectuées par la recourante, paraît insolite ou
étrange. La réponse dépend notamment de la nature de l'activité effectivement
exercée par la recourante, laquelle ne ressort pas de la décision attaquée, qui
n'indique que le spectre d'activités très large découlant de l'inscription au
registre du commerce de la Société. Une autre question à élucider est celle de
savoir si le maintien de la société simple parallèlement à la recourante visait
à réaliser une économie d'impôt. Elle dépend du point de savoir si la société
simple remplissait les conditions d'assujettissement, aspect sur lequel la
décision entreprise ne renseigne pas non plus (on peut tout au plus en déduire
que la limite de chiffre d'affaires déterminante pour l'assujettissement -
75'000 fr. selon l'art. 17 al. 1 OTVA - était atteinte pour l'année 2000,
puisque la vente de la catapulte a généré à elle seule des recettes de 200'000
fr.). Comme les constatations de fait ressortant de la décision attaquée ne
sont pas suffisantes et qu'il n'appartient en principe pas au Tribunal de céans
de procéder à des mesures probatoires sur ces éléments (cf. consid. 3
ci-dessus), il y a lieu d'annuler le prononcé du 13 septembre 2008 et de
renvoyer le dossier à l'autorité précédente pour qu'elle complète l'instruction
et statue à nouveau (cf. art. 107 al. 2 LTF) dans le sens des considérants du
présent arrêt.

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis. La décision attaquée doit être
annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une
nouvelle décision dans le sens des considérants du présent arrêt.

Succombant, l'Administration fédérale, dont l'intérêt pécuniaire est en cause,
doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 et 4 LTF). La
recourante a droit à des dépens (cf. art. 68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. La décision attaquée est annulée et la cause renvoyée au
Tribunal administratif fédéral pour qu'il rende une nouvelle décision dans le
sens des considérants du présent arrêt.

2.
Des frais judiciaires de 3'500 fr. sont mis à la charge de l'Administration
fédérale des contributions.

3.
L'Administration fédérale des contributions versera à la recourante une
indemnité de dépens de 3'500 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à
l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur
la valeur ajoutée, ainsi qu'au Tribunal administratif fédéral, Cour I.

Lausanne, le 11 février 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Müller Vianin