Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.466/2008
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_466/2008
{T 0/2}

Arrêt du 10 juillet 2009
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Karlen, Zünd et Aubry Girardin.
Greffier: M. Addy.

Parties
X.________ AG,
représentée par Me Yves Noël, avocat,
recourante,

contre

Département de l'économie du canton de Vaud, Police cantonale du commerce, rue
Caroline 11, 1014 Lausanne.

Objet
Taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit
administratif et public, du 23 mai 2008.

Faits:

A.
Le 26 mars 2002, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté la loi sur les
auberges et débits de boissons (RS/VD 935.31; ci-après également citée: LADB ou
loi cantonale). Ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 2003, a remplacé
l'ancienne loi homonyme du 11 décembre 1984 (ci-après citée: aLADB ou ancienne
loi cantonale) qui régissait jusqu'alors la matière. A titre de nouveauté, la
(nouvelle) loi cantonale a notamment abandonné la clause du besoin et le régime
des patentes en vigueur auparavant pour les établissements publics et les
débits de boissons alcooliques à l'emporter. Elle soumet désormais
l'exploitation des établissements publics à l'obtention d'une licence
d'établissement, qui comprend l'autorisation d'exercer et l'autorisation
d'exploiter, tandis que l'exploitation des débits de boissons alcooliques à
l'emporter nécessite une autorisation dite simple. Par ailleurs, les taxes de
patentes annuelles, précédemment à la charge des établissements publics (d'un
montant compris entre 150 et 10'000 fr., selon des barèmes différenciés établis
en fonction des recettes globales brutes "boissons", "restauration" et
"logement") et des débits de boissons alcooliques à l'emporter (d'un montant de
100 fr. au minimum fixé à 0,8% du prix d'achat des boissons alcooliques non
distillées vendues au détail et à 2 % du prix d'achat des boissons distillées
ou considérées comme telles) ont été supprimées. Elles ont été remplacées par
des émoluments spécifiques destinés à financer certaines prestations (émolument
de délivrance de la licence ou de l'autorisation simple; émolument de
surveillance; contribution à la fondation de la formation professionnelle;
etc...).

Le 24 octobre 2006, le Grand Conseil a introduit une novelle dans la loi
cantonale prévoyant le prélèvement d'une taxe d'exploitation sur les débits de
boissons alcooliques à l'emporter (art. 53a à 53i LADB); cette taxe se monte à
0,8% du chiffre d'affaires moyen réalisé sur de telles boissons au cours des
deux années précédentes; les producteurs de vin du canton sont exonérés de
payer une telle taxe sur la vente du produit de leur propre récolte.

B.
Le 1er mai 2007, la Police cantonale du commerce vaudoise (ci-après: la Police
du commerce) a fait parvenir aux différents titulaires d'autorisations simples
de débits de boissons alcooliques à l'emporter actifs dans le canton, dont les
trente-sept surfaces de ventes exploitées dans le canton de Vaud par
X._________ SA, un formulaire de déclaration du chiffre d'affaires réalisé sur
les ventes des années 2005 et 2006. A réception des formulaires remplis par la
Société, la Police du commerce a notifié à celle-ci, entre le 23 et le 26
juillet 2007, trente-sept décisions exigeant le versement d'un montant total de
****** fr. au titre de la taxe d'exploitation sur les débits de boissons
alcooliques à l'emporter pour l'année 2007. X.________ a formé une réclamation
contre ces décisions, en contestant la constitutionnalité de la taxe
d'exploitation litigieuse.

Par décision du 7 septembre 2007, le Département de l'économie du canton de
Vaud (ci-après: le Département cantonal) a rejeté la réclamation de la Société.

C.
X.________ a recouru contre la décision précitée du Département cantonal, en
soutenant que la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à
l'emporter violait les principes constitutionnels de la légalité, de l'égalité
de traitement et de la liberté économique. Elle faisait notamment valoir que la
contribution litigieuse ne reposait "sur aucun motif d'intérêt ou de santé
publique, ni de police du commerce ou de sécurité publique" et que son seul
objectif était d'accroître les recettes de l'Etat en mettant de façon
discriminatoire l'entier de la charge fiscale nouvelle sur les seuls débits de
boissons alcooliques à l'emporter, à l'exception des autres acteurs du marché,
en particulier les établissements publics et les producteurs de vin vaudois.

Le Département cantonal a indiqué que la taxe litigieuse était un impôt spécial
sur l'activité économique, qui reposait sur des motifs de santé et de sécurité
publiques. X.________ a objecté que de tels motifs ne ressortaient nullement
des travaux préparatoires entourant la novelle précitée du 24 octobre 2006.

Par arrêt du 23 mai 2008, le Tribunal cantonal, Cour de droit administratif et
public (ci-après: le Tribunal cantonal), a rejeté le recours. Il a retenu que
la taxe litigieuse, ancrée dans une loi formelle cantonale, respectait le
principe de la légalité et, en outre, répondait à un intérêt public suffisant,
lié notamment à la lutte contre la surconsommation d'alcool chez les jeunes.

D.
X.________ forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité
du Tribunal cantonal. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle se plaint de la violation des principes
de la séparation des pouvoirs, de la liberté économique, de l'égalité de
traitement, de la proportionnalité et de la répartition des compétences entre
les cantons et la Confédération.

La Police du commerce conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable. Le Tribunal cantonal préavise en faveur de son rejet. Estimant que
la taxe d'exploitation litigieuse ne touche pas le domaine de la taxe à la
valeur ajoutée (TVA), l'Administration fédérale des contributions a renoncé à
déposer des observations sur le recours. A sa requête, X.________ a été
autorisée à déposer des observations en réponse à la prise de position déposée
par la Police du commerce.

Le 10 juillet 2009, la Cour de céans a délibéré sur le présent recours en
séance publique.

Considérant en droit:

1.
Interjeté en temps utile (art. 100 LTF) et dans les formes requises (art. 42
LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur et non susceptible de recours devant le
Tribunal administratif fédéral par le destinataire de cette décision (art. 86
al. 1 let. d et al. 2, art. 89 al. 1 LTF), le présent recours, qui ne tombe
sous aucune des exceptions de l'art. 83 LTF, est en principe recevable comme
recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF.

2.
Selon l'art. 95 LTF, le recours (ordinaire) au Tribunal fédéral peut être formé
notamment pour violation du droit fédéral (let. a), qui comprend les droits
constitutionnels des citoyens, ainsi que pour violation des droits
constitutionnels cantonaux (let. c). En revanche, sauf exceptions non
pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. d LTF), les dispositions législatives
cantonales ne peuvent pas être attaquées directement comme telles devant le
Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire
valoir que leur application consacre une violation du droit fédéral, comme la
protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres
droits constitutionnels (cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351; 133 III 462
consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral n'examine cependant de tels moyens que
s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiées prévues
à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 III 639 consid. 2 p. 639 s.; 133 II 249
consid. 1.4.2 p. 254). A cet égard, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (cf.
ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351 sv.; 134 I 83 consid. 3.2 p. 88 et les arrêts
cités).

3.
A la fin de son exposé des faits, la recourante "s'étonne" que l'opinion
minoritaire d'un juge du Tribunal cantonal ayant siégé dans deux autres
affaires similaires à la sienne auxquelles elle n'était pas partie, ne lui ait
pas été communiquée. Elle trouve également curieux que ces différentes affaires
connexes, pourtant toutes tranchées le même jour que son cas, n'aient pas été
jugées dans la même composition.

Pour autant qu'on puisse les considérer comme des griefs, de telles critiques
sont irrecevables, la recourante n'articulant aucune motivation juridique à
leur appui (cf. art. 42 al. 1 et 106 al. 2 LTF).

4.
4.1 La recourante conteste, sous différents aspects, la constitutionnalité de
la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter
prévue aux art. 53e ss LADB.

Avant d'examiner les griefs soulevés par la recourante, il convient de
qualifier la taxe litigieuse, car certaines exigences et limites
constitutionnelles dépendent pour partie directement de la nature de la
contribution visée; il en va notamment ainsi de la répartition des compétences
entre la Confédération et les cantons et de la portée des principes de légalité
et d'égalité dans un cas concret (cf. Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, Bâle
2007, 3ème éd., n. 18 ad § 1; Michael Beusch, Lenkungsabgaben im
Strassenverkehr, thèse Zurich 1999, p. 105).

4.2 Parmi les contributions publiques, la jurisprudence et la doctrine
distinguent traditionnellement entre les impôts et les contributions causales
(cf. ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133; 121 I 235 consid. 3e p. 235 s.; Ernst
Blumenstein/Peter Locher, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd.,
2002, p. 5 s.; Ernst Höhn/Robert Waldburger, Steuerrecht, vol. I, 9ème éd.,
2001, n. 6 ad § 1; Jean-Marc Rivier, L'imposition du revenu et de la fortune,
2ème éd. 1998, p. 47; Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal
suisse, 4ème éd., 2002, p. 3; Lukas Widmer, Das Legalitätsprinzip im
Abgaberecht, thèse Zurich 1998, p. 118 ss et les nombreuses références citées).
Une partie de la doctrine postule de reconnaître l'existence d'une troisième
catégorie de contributions, à savoir les taxes d'orientation (cf. Oberson, op.
cit., n. 3 ad § 1; Beusch, op. cit., p. 101; Valérie Donzel, Les redevances en
matière écologique, thèse Lausanne 2002, p. 20 ss). La jurisprudence n'ignore
pas ce type de contributions; elle n'y voit toutefois pas l'émergence d'une
nouvelle catégorie contributive à proprement parler, mais considère les taxes
d'orientation comme une simple subdivision des catégories traditionnelles que
sont les impôts et les contributions causales (sur ce point, cf. infra consid.
4.2.3).
4.2.1 De manière générale, l'impôt se définit comme la contribution versée par
un particulier à une collectivité publique pour participer aux dépenses
résultant des tâches générales dévolues à cette dernière en vue de la
réalisation du bien commun. Il est perçu de manière inconditionnelle
("voraussetzungslos"), c'est-à-dire uniquement en fonction d'une certaine
situation économique réalisée en la personne de l'assujetti, sans considération
d'une prestation de l'Etat ou d'un avantage particulier consenti en sa faveur
(cf. ATF 122 I 305 consid. 4b p. 309; parmi d'autres auteurs, cf. Oberson, op.
cit., n. 24 ad § 1).

Selon qu'il sert à alimenter les caisses générales de l'Etat ou qu'il est plus
spécifiquement destiné à couvrir des dépenses déterminées, l'impôt peut être
subdivisé entre impôts généraux et impôts d'affectation ("Zwecksteuern") (cf.
Blumenstein/Locher, op. cit., p. 10; Höhn/Waldburger, op. cit., n. 5 ad § 1;
Oberson, op. cit., n. 24 ad § 1). Une distinction supplémentaire est également
opérée, depuis plusieurs années, entre les impôts d'affectation destinés à
financer l'accomplissement de tâches d'intérêt général (routes, écoles,
hôpitaux, etc.), et les impôts d'affectation destinés à couvrir des dépenses
spécifiques qui sont provoquées par des personnes déterminées ou qui profitent
plus directement à certaines catégories de personnes qu'à la majorité des
citoyens; on parle dans ce dernier cas d'impôts d'attribution des coûts
("Kostenanlastungssteuern") (cf. ATF 131 II 271 consid. 5.3 p. 277; 129 I 346
consid. 5. 1 p. 354 s.; 124 I 289 consid. 3b p. 291; Blumenstein/Locher et Höhn
/Waldburger, ibid.; Oberson, op. cit., n. 25 ad § 1; Rivier, op. cit., p. 51).
Cette dernière distinction revêt une importance particulière pour délimiter le
cercle des contribuables pouvant être appelés, dans les limites du principe de
l'égalité, à participer au devoir fiscal (cf. Oberson, op. cit., n. 27 ad § 1),
en ce sens qu'il doit exister des motifs objectifs et raisonnables à ne mettre
un impôt (d'affectation) qu'à la charge de certaines catégories de
contribuables, plutôt qu'à l'ensemble de ceux-ci (cf. ATF 124 I 289 consid. 3b
p. 291 s. et les références citées).
4.2.2 Pour leur part, les contributions causales constituent la contrepartie
d'une prestation spéciale ou d'un avantage particulier appréciable
économiquement accordé par l'Etat. Elles reposent ainsi sur une
contre-prestation étatique qui en constitue la cause (cf. ATF 135 I 130 consid.
2 p. 133; Blumenstein/Locher, op. cit., p. 2, 4 s.; Höhn/ Waldburger, op. cit.,
n. 3 s. ad § 1; Adrian Hungerbühler, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl
2003 p. 505 ss, p. 507; Oberson, op. cit., n. 5, 6 et 10 ad § 1). En raison de
leur caractère causal, ces contributions doivent, en principe, être calculées
d'après la dépense à couvrir (principe de la couverture des frais), et
répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des
prestations fournies ou des avantages économiques retirés (principe de
l'équivalence) (cf. ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133 s.; 131 I 313 consid. 3.3 p.
318; 122 I 305 consid. 4b p. 309 et les références citées; Hungerbühler, op.
cit., p. 520 ss).

Les contributions causales se subdivisent en différentes sous-catégories (cf.
ATF 135 I 130 consid. 1 p. 133; Blumenstein/Locher, op. cit., p. 2 s.; Oberson,
op. cit., n. 7 ad § 1; Hungerbühler, op. cit., p. 508 s.) qui comprennent
notamment les charges de préférence. Celles-ci caractérisent les contributions
causales destinées à financer des installations, institutions ou services que
l'Etat fournit dans l'intérêt général, mais qui procurent des avantages
économiques spécifiques à certaines catégories de contribuables (cf. ATF 318;
131 I 313 consid. 3.3 p. 317; 122 I 305 consid. 4b p. 309; Hungerbühler, op.
cit., p. 510 s.). La notion de charge de préférence est donc proche de celle
d'impôt d'attribution des coûts. La différence tient au fait qu'en raison de sa
nature causale, la charge de préférence suppose qu'il existe un avantage
individuel particulier concret - soit relativement direct et dans une certaine
mesure quantifiable - en faveur des contribuables concernés, tandis qu'un impôt
d'attribution des coûts peut être mis à la charge d'un groupe de contribuables
dès qu'il apparaît abstraitement que ceux-ci profitent plus que la généralité
des contribuables des dépenses visées ou qu'ils en sont la principale cause; le
montant d'un impôt d'attribution des coûts peut donc être calculé d'une manière
plus schématique que le montant d'une charge de préférence (cf. ATF 131 I 313
consid. 3.3 p. 317; 129 I 346 consid. 5.1 p. 354 s.; 128 I 155 consid. 2.2 p.
160; parmi d'autres auteurs, cf. Hungerbühler, ibid. et les références citées).
4.2.3 Enfin, même si sa nature juridique exacte prête encore à discussion, il
est généralement admis que la notion de taxe d'orientation (ou d'incitation)
englobe toutes les contributions (impôts ou taxes) qui sont destinées de façon
exclusive (la doctrine parle alors de pures taxes d'incitation) ou
prépondérante (la doctrine parle alors de taxes d'orientation mixtes ou
hybrides) à modifier le comportement des particuliers en vue d'atteindre un
objectif voulu par le législateur (cf. Oberson, op. cit., n. 17 in fine ad § 1;
Höhn/Waldburger, op. cit., n. 6 ad § 1; Hungerbühler, op. cit., p. 514). Le but
principal de cette contribution n'est donc pas prioritairement de procurer des
ressources supplémentaires à l'Etat, mais d'agir sur les citoyens (cf. Rivier,
op. cit., p. 51; Beusch, op. cit. p. 102). C'est pourquoi Oberson (ibid.)
postule de se référer au critère de l'objectif poursuivi par le législateur
pour distinguer les taxes d'orientation des autres contributions publiques. Le
Tribunal fédéral estime toutefois qu'aussi bien un impôt qu'une taxe peuvent
présenter une composante incitative. Il en déduit que la qualification
juridique d'une contribution ne dépend pas de son but, mais de sa nature, et
que les critères de distinction habituels entre les impôts et les taxes
demeurent également pertinents pour désigner les contributions ayant une
composante incitative (cf. ATF 125 I 182 consid. 4c p. 194; 122 I 279 consid.
2d p. 285; 121 I 129 consid. 3a p. 131 et les références citées; en ce sens,
cf. Donzel, op. cit., p. 14 sv.). La jurisprudence a ainsi repris à son compte
les notions, consacrées par la doctrine, d'impôt d'orientation
("Lenkungssteuer") (cf. ATF 125 I 182 consid. 4c p. 194; arrêt 2P.139/1993 du
15 décembre 1994, consid. 4 in: SJ 1995 p. 409) et de taxe causale
d'orientation ("Lenkungskausalabgabe") (cf. ATF 125 I 182 consid. 4c et 4d p.
194 sv. ; arrêt 2P.63/2006 du 24 juillet 2006, consid. 3.3; pour la doctrine,
cf., entre autres références, Oberson, op. cit., n. 17 ad § 1; Beusch, op.
cit., p. 102 ss.; Klaus A. Vallender/Reto Morell, Umweltrecht, Berne 1997, p.
168 ss.).

4.3 La taxe litigieuse sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter fait
l'objet du titre X (taxes, émoluments et contributions), chapitre II (taxe sur
les débits de boissons alcooliques à l'emporter) de la loi sur les auberges et
les débits de boissons (art. 53e ss LADB).

Aux termes de l'art. 53e LADB, le Département cantonal prélève une taxe
d'exploitation auprès des commerces au bénéfice d'une autorisation simple de
débit de boissons alcooliques à l'emporter (al. 1). Cette taxe est fixée à 0,8%
du chiffre d'affaires moyen réalisé sur les boissons alcooliques au cours des
deux années précédentes (al. 2). La taxe est perçue annuellement et ne peut
être inférieure à 100 fr. par an (al. 3). Le Conseil d'Etat fixe, par voie
réglementaire, les modalités de perception de la taxe (al. 4). L'art. 53f LADB
précise que les producteurs de vin du canton sont autorisés à vendre le produit
de leur propre récolte sans être soumis à l'octroi d'une autorisation simple de
débit de boissons alcooliques à l'emporter et au paiement d'une taxe
d'exploitation. Enfin, l'art. 53i LADB autorise les communes à percevoir
également une taxe d'exploitation auprès des titulaires d'autorisations simples
de débits de boissons alcooliques à l'emporter, sous réserve que le montant de
la taxe communale ne peut pas être supérieur à la taxe cantonale (art. 53i al.
1 et 2 LADB).

Conformément à la délégation de compétence prévue à l'art. 53e al. 4 LADB, les
modalités de perception ont été définies par le Conseil d'Etat au titre II
(art. 7 ss) du règlement du 20 décembre 2006 sur la taxe, les émoluments et les
contributions à percevoir en application de la loi du 26 mars 2002 sur les
auberges et les débits de boissons (RE-LADB; RS/VD 035.31.5).

4.4 Compte tenu de leur caractère incitatif, les motifs d'intérêt public
retenus par le Tribunal administratif pour justifier l'introduction de la taxe
litigieuse (lutte contre la consommation abusive d'alcool et protection de la
jeunesse) tendent à rapprocher cette contribution d'une taxe d'orientation. A
supposer qu'elle soit exacte (sur ce point, cf. infra consid. 6.6), une telle
qualification ne dispense toutefois nullement, comme on l'a vu (supra consid.
4.2.3), de déterminer si l'on a affaire à un impôt ou à une contribution
causale. Or, les motifs pris en compte par les premiers juges ne correspondent
manifestement pas, pour les commerçants qui y sont assujettis, à des
prestations ou à des avantages particuliers concrets consentis par l'Etat en
leur faveur. En réalité, la taxe litigieuse est due par les débits de boissons
alcooliques à l'emporter en raison de leur seule situation économique et
juridique, indépendamment de toute contre-prestation quelque peu précise ou
individualisée de l'Etat à leur endroit. Elle ne revêt dès lors aucunement le
caractère d'une contribution causale. Elle fait d'ailleurs l'objet d'un
chapitre particulier de la loi, distinct de celui consacré aux différents
émoluments détaillés aux art. 54ss LADB (titre X, chapitre III de la loi
cantonale), dont le prélèvement dépend expressément d'une prestation étatique:
ainsi en va-t-il des "émoluments destinés à couvrir les frais effectifs
relatifs au travail de l'administration occasionné" par la délivrance des
licences et autorisations simples et des permis temporaires (cf. art. 54 et 58
LADB) et par la surveillance ordinaire des établissements (art. 55 LADB), ou
encore des "autres émoluments" calculés en fonction d'une échelle tenant compte
du temps de travail nécessaire à l'administration pour satisfaire des demandes
de renseignements (art. 57 LADB en relation avec l'art. 24 RE-LADB). Par
opposition, l'assiette de la taxe litigieuse correspond à un pourcent du
chiffre d'affaires et n'est pas limité par un plafond. Cela confirme le
caractère inconditionnel du prélèvement, soit l'absence de tout lien effectif
entre la contribution en cause et une éventuelle contre-prestation de l'Etat.

Par conséquent, malgré sa dénomination, la taxe litigieuse ne constitue pas une
contribution causale, mais revêt de manière prépondérante - sinon exclusive -
le caractère d'un impôt. Dans la mesure où seules certaines activités ou
catégories de contribuables sont visées, il s'agit plus particulièrement, comme
l'ont retenu les premiers juges, d'un impôt cantonal spécial. Selon la
jurisprudence, ce type de contributions n'est admissible, au regard notamment
des principes de l'universalité de l'impôt et de l'égalité de traitement en
matière fiscale, que s'il existe des "motifs objectifs" ou des "motifs
d'intérêt général" en justifiant le prélèvement (cf. ATF 128 I 102 consid. 5 p.
109 sv.; arrêts 2P.8/2001 du 18 juin 2002, consid. 3.3 et 3.5 et 2P.136/2001 du
30 janvier 2002, consid. 2.3). Les parties ne contestent pas cette
qualification juridique. La recourante remet cependant en cause, sous
différents aspects, la constitutionnalité de la taxe litigieuse et s'oppose au
principe même de son prélèvement.

5.
5.1 En premier lieu, la recourante invoque une violation du principe de la
séparation des pouvoirs inscrit à l'art. 89 de la Constitution du canton de
Vaud du 14 avril 2003 (Cst-VD; RS VD 101.01). Elle soutient qu'en justifiant
l'admissibilité de la taxe d'exploitation litigieuse par des buts de santé et
de sécurité publiques liés notamment à la prévention de la consommation
excessive d'alcool, en particulier chez les jeunes, le Tribunal cantonal se
serait substitué au législateur cantonal en violation des compétences établies
par la Constitution cantonale, car de tels objectifs ne figurent pas dans les
travaux préparatoires ayant précédé l'adoption des art. 53e ss LADB.

5.2 Il est certes exact que les travaux préparatoires ne font pas état des
motifs de santé et de sécurité publiques pris en compte par le jugement attaqué
pour justifier le prélèvement de la taxe litigieuse. Ces travaux évoquent,
d'une part, la création d'une redevance tenant compte du type et de
l'importance des débits de boissons alcooliques à l'emporter (grandes surfaces,
épiceries, kiosques, etc.) et, d'autre part, la volonté d'augmenter les
recettes fiscales tirées de la loi cantonale (cf. rapport du Conseil d'Etat au
Grand Conseil sur la démarche DEFI 2007 et exposé des motifs et projets de loi
modifiant notamment la loi du 26 mars 2002 sur les auberges et les débits de
boissons, in Bulletins des séances du Grand Conseil du canton de Vaud [BSGC],
séance du mercredi 27 septembre 2006, p. 4185 ss, p. 4212, 4238 sv., 4256 et
4307 ss).

Que le Tribunal cantonal ait retenu des motifs absents des travaux
préparatoires ne signifie cependant pas qu'il aurait de la sorte empiété sur
les compétences du législateur cantonal en trahissant sa volonté. Saisi d'un
contrôle de constitutionnalité, il lui appartenait en effet de vérifier que,
comme impôt cantonal spécial, le prélèvement de la contribution en cause répond
à des motifs objectifs ou d'intérêt général, conformément aux exigences
constitutionnelles posées en la matière par la jurisprudence (cf. supra consid.
4.4 et infra consid. 6.4). Or, dans le cadre de cet examen de
constitutionnalité, rien n'empêchait les premiers juges de privilégier une
interprétation systématique et téléologique de la loi cantonale plutôt qu'une
interprétation limitée aux seuls travaux préparatoires. La jurisprudence
postule en effet de n'accorder aucun ordre de priorité entre les différentes
méthodes d'interprétation reconnues (littérale, systématique, téléologique,
historique, etc.). Elle précise même que la prise en compte de la volonté du
législateur n'est en principe décisive que si celle-ci fournit une réponse
claire et sans ambiguïté à la question sujette à interprétation (cf. ATF 134 II
308 consid. 5.2 p. 311; 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178; 129 III 656 consid.
4.1 p. 658 et les arrêts cités). Mais tel n'est justement pas le cas en
l'espèce, en ce sens que rien, dans les travaux préparatoires, ne permet
d'exclure l'interprétation systématique et téléologique des premiers juges
fondée sur les buts énoncés à l'art. 1er LADB. Or, parmi ceux-ci figurent
expressément la sauvegarde de l'ordre et de la tranquillité publics (let. b),
ainsi que la contribution à la protection des consommateurs et à la vie sociale
(let. d). D'autres dispositions de la loi manifestent également le souci de
prévenir la consommation excessive d'alcool ainsi que de tenir les mineurs à
l'écart de ce produit (cf. art. 50 et 51 LADB).

En conséquence, le Tribunal cantonal ne s'est pas substitué au législateur
cantonal en retenant, sur la base d'une interprétation téléologique et
systématique de la loi cantonale, que celle-ci pouvait justifier des mesures
fiscales destinées à prévenir la consommation excessive d'alcool, notamment par
les jeunes; la seule circonstance que les travaux préparatoires ne mentionnent
pas de tels buts ne permet en effet pas, comme le voudrait la recourante, de
déduire un silence qualifié du législateur cantonal sur ce point. Il s'ensuit
que le grief tiré de la violation du principe de la séparation des pouvoirs est
mal fondé, le Tribunal cantonal s'étant limité, en interprétant la loi
cantonale, à un contrôle judiciaire qui reste dans le cadre de ses compétences
constitutionnelles.

6.
6.1 La recourante soutient également que la taxe litigieuse est
inconstitutionnelle, car elle ne serait motivée que par des buts fiscaux et ne
reposerait pas sur des motifs "objectifs" ou "d'intérêt général" au sens des
exigences posées par la jurisprudence (cf. supra consid. 4.4 et infra consid.
6.4).

6.2 Dans un arrêt relativement récent concernant le canton de Soleure (ATF 128
I 102 consid. 5 p. 109 sv), le Tribunal fédéral a précisé que la reconnaissance
de motifs objectifs ou d'intérêt général ne devait pas être soumise à des
critères trop rigoureux (cf. ATF 128 I 102 consid. 6b p. 110 s.). A cet égard,
il a estimé que les raisons liées à la protection de la santé et de la sécurité
publiques invoquées par les autorités soleuroises pour justifier le prélèvement
d'un impôt spécial sur la vente de boissons alcoolisées dans les établissements
publics étaient valables et suffisantes (cf. ATF 128 I 102 précité, consid. 6c
p. 111 s.; voir aussi, mutatis mutandis, les arrêts précités 2P.8/2001, consid.
3.5 et 2P.136/2001, consid. 2.5 et les références citées).

6.3 Une partie de la doctrine a critiqué cette jurisprudence.

En particulier, Yvo Hangartner (in: PJA 2002 p. 712 ss) tient les impôts
spéciaux frappant les établissements publics pour contraires aux principes de
l'universalité de l'impôt et de l'égalité de traitement inscrits à l'art. 127
al. 2 Cst. Il estime en effet qu'en raison de leur caractère d'exception (impôt
"spécial"), ces contributions doivent reposer, quant au principe même de leur
prélèvement, sur des motifs particulièrement importants, lesquels doivent
également être de nature à justifier pour quelle(s) raison(s) l'imposition est
limitée à la seule catégorie de contribuables visés. Or, de tels motifs
feraient défaut à l'égard des établissements publics. D'une part, Hangartner
souligne qu'il existe d'autres branches d'activités engendrant des nuisances ou
des coûts importants pour la société, sans pour autant faire l'objet d'une
imposition spéciale (loc. cit., p. 714; dans le même sens: Tomas Poledna, Le
point sur le droit administratif, SJZ 2003, p. 476; Hugo Casanova, ASA 2004, p.
65 ss, p. 75 s.). D'autre part, Hangartner soutient que les établissements
publics sont également, sous certains aspects, directement en concurrence avec
les commerces de détail. A cet égard, il suggère que le principe de
l'universalité de l'impôt, tel que consacré à l'art. 127 al. 2 Cst., aurait une
portée plus large que sous l'ancienne constitution fédérale (ibid.; également
en ce sens, cf. Casanova, ibid.).

6.4 L'ATF 128 I 102 précité confirme une jurisprudence ancienne et constante
élaborée sous l'empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (ci-après:
ancienne constitution fédérale ou aCst.). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a
jugé qu'en vertu de la souveraineté fiscale que leur confère de manière
générale l'art. 3 Cst., les cantons peuvent continuer à percevoir des impôts
spéciaux dans la même mesure qu'auparavant, même si, contrairement à l'art. 31
al. 2 aCst., la nouvelle Constitution fédérale ne prévoit plus expressément une
telle prérogative. Il n'y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence, ni
même d'intensifier les exigences susceptibles de justifier le prélèvement des
impôts spéciaux cantonaux. Sous réserve du respect des compétences fiscales
propres de la Confédération (art. 134 Cst.) et des autres limites
constitutionnelles (notamment l'art. 127 al. 1 et 2 Cst.), il faut bien plutôt
maintenir en faveur des cantons une marge de manoeuvre pour décider quels
impôts (spéciaux) ils entendent établir, selon quelles modalités, et à quelles
fins. Toute autre interprétation aurait en effet pour résultat de restreindre
de manière inadmissible leur souveraineté fiscale garantie à l'art. 3 Cst. Or,
une telle conséquence n'a nullement été voulue par le constituant. Au
contraire, ce dernier a réaffirmé, quasiment dans les mêmes termes que sous
l'empire de l'ancienne constitution fédérale (cf. art. 3 aCst.), le principe de
la souveraineté des cantons, qui vise notamment, en matière fiscale, à leur
assurer "une autonomie substantielle en matière de détermination, de
prélèvement et d'utilisation de leurs recettes, et donc une responsabilité
substantielle quant au financement de leurs tâches" (cf. Message du 20 novembre
1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, in FF 1997 I 1, p. 131).

Les principes de l'universalité de l'impôt et d'égalité en matière fiscale ne
contredisent pas cette interprétation: selon les termes mêmes de l'art. 127 al.
2 Cst., ils ne sont en effet applicables que dans la "mesure où la nature de
l'impôt" le permet; par définition, ils n'ont donc qu'une portée restreinte en
matière d'impôts spéciaux (cf. ATF 128 I 102 consid. 6d p. 112, 155 consid. 2
p. 159 ss).

6.5 Il est vrai que, comme le relève la recourante, dans l'arrêt soleurois
précité ainsi qu'à l'occasion d'autres affaires (cf. arrêts précité 2P.8/2001
du 18 juin 2002, consid. 3.5, et 2P.136/2001 du 30 janvier 2002, consid. 2.4),
le Tribunal fédéral avait admis l'introduction de taxes de patente ne visant
que les établissements publics, à l'exception des débits de boissons
alcooliques à l'emporter, pour des motifs de santé, de sécurité et d'ordre
publics. Il avait notamment considéré que la consommation d'alcool dans les
établissements publics posait des problèmes spécifiques en matière de sécurité
routière (liés au risque de conduite en état d'ébriété) et de nuisances au
voisinage (problèmes de bruit, de parcage, etc...), problèmes que l'on ne
retrouvait pas dans la même mesure avec la vente d'alcool dans le commerce de
détail.

Cela n'autorise toutefois pas à conclure, par un raisonnement a contrario, que
le prélèvement, comme en l'espèce, d'un impôt spécial sur les seuls débits de
boissons alcooliques à l'emporter, à l'exception des établissements publics,
serait forcément entaché d'arbitraire ou heurterait les principes
d'universalité de l'impôt et d'égalité de traitement en matière fiscale. La
question de savoir s'il existe des motifs raisonnables et suffisants pour
opérer valablement des distinctions légales peut en effet recevoir des réponses
différentes suivant les époques et les évolutions sociales. Par ailleurs, le
Tribunal fédéral fait preuve d'une grande retenue lorsqu'il s'agit, comme en
l'occurrence, de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures
questions d'appréciation (cf. ATF 135 I 233 consid. 3.2 p. 246 et les arrêts
cités), et il ne qualifie d'arbitraire une norme cantonale que si celle-ci ne
repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et
de but (cf. ATF 133 I 259 consid. 4.3 p. 265; 123 I 241 consid. 2b p. 243 et
les arrêts cités).

6.6 En l'espèce, il ressort des constatations cantonales (arrêt attaqué,
consid. 5c) qu'un écolier sur quatre et une écolière sur six consomme de
l'alcool chaque semaine en Suisse, que la proportion des jeunes de quinze ans
déclarant au moins deux ivresses hebdomadaires est en constante augmentation
depuis plusieurs années et que trois à quatre adolescents ou jeunes adultes en
moyenne sont dirigés chaque jour vers un hôpital suisse en raison d'un
diagnostic lié à l'alcool. Le plus souvent, l'alcool est consommé par les
jeunes en quantité excessive lors de fêtes et autres réunions (phénomène dit du
"binge drinking", consistant à boire une grande quantité d'alcool dans un court
laps de temps). En outre, le Département a produit des documents (notamment des
articles de journaux) faisant état de l'apparition, depuis quelques années,
d'un autre phénomène nouveau, soit les "botellones", qui consistent, pour les
jeunes, à se regrouper dans des lieux publics (parcs, plages, rues, etc...)
afin de consommer de l'alcool, le plus souvent sous la forme de mélanges
d'alcools forts. Cette pratique expose les jeunes à des risques multiples:
comas éthyliques, accidents (chutes, noyades, accidents de circulation, ...),
actes de violence, relations sexuelles non-protégées, etc.

Par ailleurs, toujours selon les constatations cantonales, la consommation dans
les bars et autres cafés-restaurants est loin d'être négligeable, mais c'est
avant tout vers le commerce de détail (en particulier la grande distribution)
que se tournent en règle générale les jeunes gens, essentiellement pour des
raisons de coûts d'approvisionnement (arrêt attaqué, consid. 5c précité). Comme
l'imposition des boissons alcooliques constituerait, d'après de nombreuses
études, l'instrument le plus efficace pour lutter contre les abus d'alcool,
notamment par les jeunes (cf. Message du 26 février 2003 concernant
l'introduction d'un impôt spécial sur les alcopops, in: FF 2003 1980, p. 1983),
les premiers juges en déduisent que la poursuite de cet objectif est propre à
justifier la mise en place de la taxe litigieuse, sans égard au fait qu'une
taxe comparable n'est pas prévue pour les établissements publics.

Que l'imposition d'une taxe soit, de manière générale, une mesure efficace pour
réduire la consommation de boissons alcooliques ne saurait être contesté. Dans
le cas particulier, il faut toutefois admettre, avec la recourante, que la
contribution litigieuse est d'un taux nettement insuffisant pour avoir un
quelconque effet dissuasif sur les clients. Même si elle était pleinement
répercutée sur les boissons alcooliques - ce qui n'est nullement certain (cf.
infra consid. 9.2) -, elle n'en renchérirait en effet le prix que de quelques
centimes ou - au mieux - dizaines de centimes par bouteille, soit dans une
mesure trop faible pour modifier le comportement des consommateurs. Par
comparaison, le législateur fédéral, suivant en cela l'exemple de la France,
avait augmenté de 300 % l'impôt spécial prélevé sur les alcopops, afin de
réduire la consommation de ce produit par les jeunes, ce qui a eu pour effet de
faire passer cette contribution d'environ 50 centimes par bouteille de 3 dl à 2
fr. (cf. message précité, p. 1984 s.). Le prélèvement de la taxe litigieuse ne
saurait donc se justifier sous la forme d'une contribution d'orientation au
sens de la jurisprudence (cf. supra consid. 4.2.3), faute pour cette
contribution d'avoir un véritable effet incitatif.

Pour autant, la taxe sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter n'est
pas inconstitutionnelle. En effet, le Tribunal cantonal a également constaté -
et ce fait n'est pas contesté - que, d'une manière générale, la collectivité
publique doit supporter d'importants coûts liés directement ou indirectement à
des consommations excessives ou inappropriées d'alcool (arrêt attaqué, consid.
5c). Or, les nouveaux modes de consommation d'alcool par une partie de la
jeunesse ("binge drinking", "botellones") contribuent sans conteste pour une
part significative à de tels coûts (prise en charge médicale des personnes
victimes d'un coma éthylique ou d'un accident à la suite d'une consommation
excessive d'alcool; actes de violence et de vandalisme; frais liés à la remise
en état et au nettoyage des espaces publics investis lors de "botellones";
etc.). Partant, le prélèvement de la taxe litigieuse au titre d'un impôt
d'attribution des coûts apparaît admissible, les boissons vendues au détail se
présentant comme une cause non négligeable des dépenses dues à une consommation
inappropriée d'alcool par les jeunes, tandis que le caractère forfaitaire et
schématique du montant prévu par la loi est conforme à ce type de contributions
(cf. supra consid. 4.2.1 et 4.2.2 in fine).

7.
7.1 La recourante se plaint de la violation du principe de la liberté
économique garantie à l'art. 27 Cst., qui comprend notamment le libre choix de
la profession, le libre accès à une activité économique lucrative et son libre
exercice.

7.2 Selon la jurisprudence, la liberté économique protège toute activité
économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production
d'un gain ou d'un revenu (ATF 134 I 214 consid. 3 p. 215 s.; 132 I 97 consid. 2
p. 99; 128 I 19 consid. 4c/aa p. et les références citées). Elle peut être
invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (cf.
arrêt 2P.94/2005 du 25 octobre 2006, consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur la question de savoir
si des mesures fiscales constituent une restriction à la liberté économique. A
la différence d'interdire l'exercice d'une activité économique ou de la
soumettre à autorisation, le prélèvement de contributions ne constitue pas une
restriction juridique, mais il peut de fait influer sur l'exercice de la
liberté économique. Toute mesure ayant une incidence sur la liberté en question
ne constitue toutefois pas une limitation de celle-ci et il y a lieu de se
montrer restrictif pour admettre l'existence d'une telle limitation (cf. ATF
125 I 182 consid. 5b p. 198). Il faut au demeurant distinguer selon le type de
contributions en cause. S'agissant des impôts cantonaux spéciaux, la
jurisprudence les tient pour contraires à la liberté économique seulement
lorsqu'ils frappent de manière prohibitive une industrie au point de rendre son
exercice excessivement difficile ou impossible, ou lorsqu'ils ont en vue de
satisfaire des buts de pure politique économique, par exemple en imposant
certaines formes d'activité économique plus lourdement que d'autres à des
seules fins protectionnistes (cf. ATF 128 I 102 consid. 6b p. 110; 75 I 110
consid. 5 p. 112 et les références citées; voir aussi ATF 125 I 182 consid. 5b
p. 199, 114 Ib 17 consid. 5a p. 23, 87 I 31 ainsi que les arrêts [précités]
2P.8/2001, du 18 juin 2002, consid. 5.3 et 2P.136/2001, du 30 janvier 2002,
consid. 2.4).

7.3 Conformément aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF
(cf. supra consid. 2), il appartient à la recourante de démontrer l'existence
d'une atteinte à sa liberté économique. Sur ce point, il faut toutefois
constater que son argumentation se limite à soutenir que la taxe litigieuse
perturberait la libre concurrence et comporterait une dimension
protectionniste, en ceci que les producteurs de vins vaudois en sont exonérés
en vertu de l'art. 53f LADB. Cette exonération ne porte toutefois que sur la
propre production des intéressés, soit le vin obtenu à partir de leur récolte.
Or, contrairement aux vignerons-encaveurs, la recourante n'exerce aucune
activité de production agricole; en outre, elle vend non seulement des produits
vinifiés, mais aussi toutes sortes de boissons alcoolisées ainsi que d'autres
produits de consommation; enfin, elle dispose d'un grand nombre de points de
vente répartis sur l'ensemble du territoire cantonal. Il n'y a donc pas de
véritable rapport de concurrence directe entre la recourante, qui vend des
boissons alcoolisées au détail par le canal de la grande distribution, en
s'approvisionnant auprès de différents fournisseurs, et les producteurs de vins
du canton, qui ne sont exonérés de la taxe litigieuse que pour les produits
vendus qui sont issus de leur propre récolte. Partant, le régime spécial prévu
par la loi en faveur de ces derniers n'est pas de nature à fausser le jeu de la
concurrence.

Par ailleurs, on ne saurait considérer - et la recourante n'entreprend du reste
pas de le démontrer - que la taxe litigieuse poursuit un but de pure politique
économique. Comme on l'a vu (supra consid. 5.2), son instauration a
essentiellement visé, dans l'esprit du législateur cantonal, à augmenter les
rentrées fiscales de l'Etat et à créer une redevance tenant compte de
l'importance des exploitations visées. Par ailleurs, le prélèvement de cette
contribution est justifié par certaines dépenses que doit supporter l'Etat en
raison, notamment, de nouveaux modes de consommation d'alcool par une partie de
la jeunesse. Enfin, la taxe litigieuse, correspondant à 0,8 % du chiffre
d'affaires moyen réalisé les deux années précédant l'imposition, n'apparaît pas
non plus prohibitive, la recourante arguant du reste elle-même qu'un tel taux
n'est pas suffisant pour modifier sensiblement les habitudes de consommation
des clients.
L'introduction de la taxe querellée ne contrevient dès lors pas au principe de
la liberté économique.

8.
La recourante invoque une violation du principe d'égalité inscrit à l'art. 8
Cst.

8.1 Un arrêté de portée générale est contraire à ce principe lorsqu'il établit
des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au
regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des
distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce
qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est
dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement
différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait
importante (ATF 132 I 157 consid. 4.1 p. 162; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6-7, 394
consid. 4.2 p. 399 et les arrêts cités). L'art. 8 Cst. offre une protection
juridique moins étendue que le principe d'égalité entre concurrents directs
déduit de la liberté économique garantie à l'art. 27 Cst. (cf. ATF 125 I 431
consid. 4b/aa p. 435 s.; arrêts 2P.94/2005 du 25 octobre 2006, consid. 4.2;
2A.81/2005 du 7 février 2006, consid. 6.2 et les arrêts cités). A raison, la
recourante ne soutient pas qu'elle serait en concurrence directe avec les
établissements publics, seuls les membres de la même branche qui s'adressent
avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins pouvant
prétendre à la protection offerte par une telle reconnaissance (eod. loc.).

8.2 Cela étant, la situation des établissements publics et des débits de
boissons alcooliques à l'emporter n'est, contrairement à l'opinion de la
recourante, pas comparable. En effet, si les premiers servent des boissons
alcooliques, comme les seconds, ils offrent généralement aussi des repas; par
ailleurs, ils accueillent des clients à la recherche d'un moment de
convivialité ou d'une ambiance; enfin, ils proposent des boissons à consommer
sur place et les prix pratiqués sont fortement majorés par rapport au commerce
de détail. Aussi bien les prestations que la clientèle sont ainsi différentes.

En outre, les exploitants d'établissements publics n'ont pas seulement
l'interdiction de vendre des boissons alcooliques aux jeunes, comme les débits
de boissons alcooliques à l'emporter (cf. art. 50 LADB). Ils doivent également
leur interdire ou leur limiter l'accès à leurs établissements (cf. art. 51
LADB) et prendre des mesure en vue d'assurer le maintien de l'ordre et de la
tranquillité publique aussi bien à l'intérieur que dans les abords immédiats de
ceux-ci afin d'éviter des nuisances au voisinage (cf. art. 53 LADB). Ils sont
donc tenus d'exercer une surveillance accrue sur la clientèle - et notamment
les jeunes consommateurs - et assument en la matière une responsabilité plus
étendue que les débits de boissons alcooliques à l'emporter au bénéfice d'une
autorisation simple.

La loi cantonale peut donc réserver un traitement distinct aux deux types de
commerces en cause au regard de l'art. 8 Cst.

9.
9.1 Enfin, dans un dernier moyen, la recourante invoque une violation de la
répartition des compétences entre les cantons et la Confédération. A cet égard,
elle fait valoir que la taxe d'exploitation sur les débits de boissons
alcooliques à l'emporter heurte l'art. 134 Cst. - qui réserve la compétence
exclusive de la Confédération de prélever la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
au sens de l'art. 130 Cst - ainsi que l'impôt sur la bière au sens de l'art. 7
de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur l'imposition de la bière (LIB; RS
641.411). Elle soutient également que la taxe litigieuse revient à l'imposer
deux fois sur son bénéfice, en violation de l'art. 2 al. 1 let. b LHID, qui
n'autorise les cantons à prélever qu'un seul impôt sur le bénéfice des
personnes morales.

9.2 Dans la mesure où, comme on l'a vu, la taxe litigieuse est un impôt
(spécial) d'attribution des coûts, elle ne saurait être assimilée "à un impôt
du même genre" que la TVA ou que l'impôt sur la bière au sens de l'art. 134
Cst.

Contrairement à la TVA, elle n'a du reste nullement le caractère d'un impôt de
consommation, puisqu'elle frappe exclusivement les débits de boissons
alcooliques à l'emporter: la loi cantonale ne prévoit en effet pas que la
contribution en cause doive être répercutée sur les consommateurs. En outre, il
est douteux qu'une telle répercussion ait lieu dans les faits, en ce sens que
rien n'indique que les débits de boissons alcooliques à l'emporter vont
automatiquement renchérir le prix de vente des boissons d'un montant
correspondant à l'entier de l'impôt litigieux dont ils devront s'acquitter (0,8
% du chiffre d'affaire réalisé sur ces boissons). Ils peuvent en effet
parfaitement réduire leurs marges bénéficiaires ou faire entrer cette nouvelle
contribution dans le total de leurs charges. La recourante ne soutient du reste
pas qu'elle répercutera la taxe litigieuse dans son entier sur les
consommateurs de boissons alcooliques à l'emporter. A cela s'ajoute que
l'assiette de la taxe litigieuse ne coïncide pas avec celle de la TVA: en
effet, le chiffre d'affaires moyen réalisé sur les boissons alcooliques au
cours des deux années précédentes sert de base d'imposition pour la taxe
cantonale litigieuse, tandis que la TVA se calcule sur la "contre-prestation"
au sens de l'art. 33 LTVA, soit l'augmentation de valeur réalisée par une
prestation ou une prestation de service déterminée (cf. ATF 125 I 449).

Quant à l'impôt sur la bière, il frappe la fabrication ou l'importation de la
bière (cf. art. 7 LIB), mais non sa vente au détail, contrairement à la taxe
litigieuse. Par ailleurs, cet impôt se calcule sur la base du volume en
hectolitres et de la teneur en moût d'origine, exprimée en degrés Plato (cf.
art. 10 LIB). On ne saurait donc parler, s'agissant de la taxe litigieuse, d'un
impôt du même genre que l'impôt sur la bière.

Le grief tiré de la violation de l'art. 134 Cst. s'avère dès lors mal fondé.

9.3 La recourante ne peut davantage être suivie lorsqu'elle invoque la loi
fédérale d'harmonisation fiscale (LHID) qui, comme son titre l'indique,
concerne les impôts directs (revenu et fortune). Selon la théorie dominante,
les impôts directs sont ceux dont l'objet correspond à la matière imposable
servant de base de calcul, par opposition aux impôts indirects qui sont
calculés sur des éléments différents de leur objet (cf. Ryser/Rolli, op. cit.,
p. 18; Oberson, op. cit., n. 21 ad § 1; Höhn/Waldburger, op. cit., n. 74 ad §
3). Par exemple, les impôts sur les successions sont qualifiés d'indirects, car
ils visent les transferts de propriété pour cause de décès, mais sont assis sur
la valeur vénale des éléments transférés (Oberson, op. cit., n. 21 ad § 1;
Ryser/Rolli, op. cit., p. 18; Blumenstein/Locher, op. cit., p. 140 s.). Il en
va exactement de même s'agissant de la taxe en cause, qui vise l'exploitation
des débits de boissons alcooliques à l'emporter, tout en étant calculée sur la
base du chiffre d'affaires réalisé par la vente de ces boissons. S'agissant
d'un impôt indirect, la recourante ne peut donc se prévaloir de la LHID.

10.
Il s'ensuit que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.

Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 65 al.
1 à 3 et 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département
de l'économie et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Administration fédérale des
contributions.

Lausanne, le 10 juillet 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Müller Addy