Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.357/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

2C_357/2008
{T 1/2}

Arrêt du 25 août 2008
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier: M. Dubey.

Parties
Club SCB S.A., 1852 Roche,
Jürg Steiger, 2552 Orpund,
recourants,
tous deux représentés par Me Franck Ammann, avocat, rue du Grand-Chêne 5, case
postale 5028, 1002 Lausanne,

contre

Département de l'économie du canton de Vaud, Police cantonale du commerce, rue
Caroline 11, 1014 Lausanne.

Objet
Fermeture d'un salon de massage pour une durée déterminée; autorisation de
travail et de séjour,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 7 mai 2008.

Faits:
-
La société SCB Club SA (ci-après: la Société) a pour but l'exploitation
d'établissements publics, notamment de dancings et de salles de billard.
Fransiska Hofmann en est l'administratrice unique. Sur deux étages d'une
surface de 2'101 m2 d'un bâtiment qu'elle loue depuis le 26 avril 2007 à la
société Egnot SA à Roche, la Société exploite un lieu de rencontre et salon de
massage à l'enseigne "Le Club", dont Jürg Steiger est le directeur. "Le Club" a
été annoncé à la Police cantonale du commerce le 25 mai 2007. Le 27 août 2007,
le Service de l'économie, du logement et du tourisme (ci-après: le Service de
l'économie) a délivré à Jürg Steiger une autorisation spéciale pour vente de
boissons avec et sans alcool, sans service de mets valable jusqu'au 31 août
2008.

Le 2 mai 2007, la Police de sûreté a effectué un contrôle dans les locaux du
"Club". Selon le rapport de police, sur les dix-sept prostituées présentes,
quinze, originaires de divers pays de l'Est, ne disposaient d'aucune
autorisation de séjour et de travail en Suisse. En outre, cinq d'entre elles
n'étaient pas inscrites dans le registre de l'établissement. La consultation du
registre révélait qu'une trentaine de femmes s'étaient livrées à la
prostitution dans les locaux du "Club" entre janvier et avril 2007 sans
disposer d'autorisation de séjour et de travail. Les locaux de l'étage
servaient au logement des prostituées. L'audition de témoins laissaient penser
que certaines prostituées auraient été contraintes d'exercer leur activité. A
la suite de ce contrôle, le Juge d'instruction de l'Est vaudois a ouvert une
procédure pénale à l'encontre de Jürg Steiger.

Le 11 mai 2007, la Gendarmerie s'est rendue au "Club" en raison d'une bagarre.
Fransiska Hofmann et Jürg Steiger lui ont refusé l'accès aux locaux prétextant
leur caractère privé. Le 23 novembre 2007, la Police cantonale du commerce a
sanctionné ce comportement d'un avertissement.

Le 6 février 2008, sur dénonciation, la Police de sûreté a effectué un nouveau
contrôle dans les locaux du "Club". Selon le rapport de police, sur les
quatorze prostituées présentes, douze, originaires de divers pays de l'Est,
d'Afrique, d'Espagne et de France, ne disposaient d'aucune autorisation de
séjour et de travail en Suisse. En outre, trois d'entre elles n'étaient pas
inscrites dans le registre de l'établissement. La consultation du registre
révélait que plusieurs femmes s'étaient livrées à la prostitution dans les
locaux du "Club" depuis le 2 mai 2007 sans disposer d'autorisation de séjour et
de travail. Plusieurs prostituées occupaient à Roche deux appartements mis à
leur dispositions par les responsables du "Club". L'audition de témoins
laissait penser que certaines prostituées auraient été contraintes d'exercer
leur activité. A la suite de ce contrôle, le Juge d'instruction de l'Est
vaudois a ouvert une deuxième procédure pénale à l'encontre de Jürg Steiger,
qu'il a jointe à la première.

Le 6 février 2008, la Police de sûreté a ordonné la fermeture immédiate du
"Club". La Société a recouru contre cette décision. Le recours ayant été
retiré, la cause a été rayée du rôle.
-
Le 8 février 2008, la Police cantonale du commerce a ordonné la fermeture du
"Club" pour une durée de dix mois du 6 février 2008 au 6 décembre 2008 inclus.
Elle a également retiré l'autorisation spéciale délivrée à Jürg Steiger. Elle a
assorti sa décision des menaces d'amende au sens de l'art. 292 CP. Cette
décision était motivée d'une part, par des manquements dans la tenue du
registre des prostituées et par la violation de la législation en matière
d'étrangers ainsi que, d'autre part, par la contrainte exercée sur certaines
d'entre elles.

La Société ainsi que Jürg Steiger ont interjeté recours contre cette décision
auprès du Tribunal cantonal. Ils concluaient à l'annulation des décisions
attaquées et demandaient la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur
la procédure pénale. Le Juge instructeur a accordé l'effet suspensif au
recours. Le Tribunal cantonal a tenu audience, entendu les parties ainsi que
deux inspecteurs de la Police de sûreté à titre de témoins.
-
Par arrêt du 7 mai 2008, le Tribunal cantonal a partiellement admis le recours
et réformé la décision du Service de l'économie du 8 février 2008 en ce sens
que la fermeture de l'établissement a été ramenée de dix mois à six mois et
qu'un émolument de 3'000 fr. a été mis à charge des recourants. Il a jugé
qu'indépendamment de tout devoir de contrôle imposé au tenancier relativement à
la tenue du registre, un salon pouvait être fermé parce que des prostituées y
exerçaient leurs activités alors qu'elles ne disposaient pas d'une autorisation
de séjour. Le fait de tolérer que des prostituées en situation irrégulière
exercent dans l'établissement favoriserait l'objectif de protection de l'art. 2
de la loi cantonale du 30 mars 2004 sur la prostitution (LPros; RSVD 943.05) a
été jugé dénué de pertinence. Les recourants avaient en outre violé les
dispositions sur la tenue du registre des personnes exerçant la prostitution.
Ces violations ayant eu lieu a réitérées reprises, il se justifiait pour ce
seul motif de fermer l'établissement. Il était dès lors inutile d'examiner le
motif tiré de la violation des conditions d'exercice de la prostitution posées
par l'art. 16 al. 2 LPros. La suspension de procédure jusqu'à la fin de la
procédure pénale relative à ces violations devait par conséquent être refusée.
La fermeture du salon ayant pour effet d'empêcher que des personnes ne détenant
pas d'autorisation de séjour puissent y exercer la prostitution, il s'agissait
d'une mesure propre à atteindre le but visé, ce qu'un simple avertissement ne
permettait en revanche pas. En raison de l'important impact économique et du
fait que la violation des conditions d'exercice de la prostitution n'avait pas
été examinée durant la procédure, la fermeture devait être réduite de dix à six
mois. Comme le bar attenant au salon n'était qu'un accessoire dans
l'exploitation, le maintien de l'autorisation délivrée à Jürg Steiger ne se
justifiait plus du moment que l'établissement devait être fermé. En outre,
l'autorisation devait être retirée lorsque des personnes ne satisfaisant pas
aux exigences légales en matière de séjour des étrangers étaient employées dans
l'établissement au regard de l'art. 60 al. 2 de la loi cantonale du 26 mars
2002 sur les auberges et les débits de boissons (LADB; RSVD 935.31). Jürg
Steiger étant responsable de l'infrastructure et décidant quelles étrangères
avec ou sans permis pouvaient travailler dans l'établissement, son permis, qui
arrivait d'ailleurs à échéance le 31 août 2008, devait lui être retiré. Le
principe de proportionnalité n'était pas violé puisque le permis arrivait à
échéance le 31 août 2008 et que rien n'empêchait l'intéressé d'en demander le
renouvellement.
-
Par mémoire du 9 mai 2008, la Société et Jürg Steiger ont interjeté recours
contre l'arrêt rendu le 7 mai 2008 par le Tribunal cantonal. Ils demandent au
Tribunal fédéral d'admettre le recours et de réformer l'arrêt rendu le 7 mai
2008 par le Tribunal cantonal en ce sens qu'aucune décision de fermeture n'est
rendue à l'encontre de Club SCB SA et que l'autorisation simple délivrée le 27
août 2007 est maintenue. Subsidiairement, ils demandent l'annulation de cet
arrêt. Ils se plaignent de la violation des droits constitutionnels et du droit
cantonal.

Le Tribunal cantonal a déposé ses observations sur recours. Le Service de
l'économie a conclu au rejet du recours.
-
Par ordonnance du 11 juin 2008, le Président de la IIe Cour de droit public du
Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif déposée par les
recourants.

Considérant en droit:
-
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 de la loi du
17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF; RS 173.110]). Il contrôle donc
librement la recevabilité des recours qui sont déposés devant lui (ATF 133 I
185 consid. 2 p. 188 et la jurisprudence citée).
- D'après l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de
droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente
ou a été privé de la possibilité de le faire, est particulièrement atteint par
la décision ou l'acte normatif attaqué, et a un intérêt digne de protection à
son annulation ou à sa modification. D'après la jurisprudence rendue en
application de l'art. 103 lettre a OJ, qui garde sa valeur dans l'application
de l'art. 89 al. 1 LTF (ATF 134 V 53 consid. 2.3.3.1 p. 58), cet intérêt
consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au
recourant en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale ou
matérielle occasionné par la décision attaquée. Le droit de recours suppose
l'existence d'un intérêt actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la
décision attaquée. En principe, l'intérêt digne de protection doit exister non
seulement au moment du dépôt du recours mais encore au moment où le jugement
est rendu (cf. ATF 128 II 34 consid. 1b p. 36 avec références). Si l'intérêt
actuel existe au moment du dépôt du recours mais disparaît au cours de la
procédure, la cause doit être rayée du rôle (ATF 118 Ia 488 consid. 1a p. 490
et les arrêts cités), à moins qu'il n'y ait lieu exceptionnellement de faire
abstraction de l'intérêt actuel, s'agissant d'un acte qui pourrait se
reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison
de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi au
contrôle de la Cour suprême (ATF 131 II 670 consid. 1.2 p. 674 avec
références).

En l'espèce, la décision du 8 février 2008 ordonne la fermeture du "Club" pour
une durée de dix mois, du 6 février 2008 au 6 décembre 2008 inclus. L'arrêt
attaqué a réduit la durée de la fermeture à six mois. Au bénéfice de décisions
successives d'effet suspensif, le "Club" n'a pas fermé ses portes. Les parties
conservent un intérêt actuel au recours en matière de droit public. Les dates
des 6 février et 6 décembre 2008 ne constituent en effet que des modalités
d'exécution de la décision de fermeture de dix mois réduite à six mois, qui se
fonde en outre sur des faits constatés à deux reprises déjà et qui peuvent se
reproduire en tout temps. Le présent recours est donc recevable sous cet angle.
- Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt final pris en
dernière instance cantonale, qui ne peut pas être attaqué devant le Tribunal
administratif fédéral (art. 86 al. 1 lettre d LTF; art. 33 lettre i LTAF), le
recours en matière de droit public est en principe recevable pour violation du
droit fédéral qui comprend les droits constitutionnels (cf. art. 95 lettres a
et c LTF).
-
- D'après l'art. 42 LTF, le mémoire de recours doit indiquer les conclusions,
les motifs et les moyens de preuve (al. 1). En particulier, les motifs du
recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit
(al. 2).
- Aux termes de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la
violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit
cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le
recourant. Cette disposition reprend le principe de l'allégation (Rügeprinzip)
que la pratique relative au recours de droit public avait établi en relation
avec l'art. 90 OJ (ATF 133 III 589 consid. 2 p. 591; 133 II 249 consid, 1.4.2
p. 254). Selon cette pratique, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier
de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à
l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se
contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF
130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262, 26 consid. 2.1 p. 31 et les références).
-
Les recourants estiment que le Tribunal cantonal a interprété de manière
erronée l'art. 16 lettre a LPros.

- Le canton de Vaud a adopté la loi du 30 mars 2004 sur l'exercice de la
prostitution. D'après l'art. 2 LPros, celle-ci a pour but de garantir, dans le
milieu de la prostitution, que les conditions d'exercice de cette activité sont
conformes à la législation (lettre a), de garantir la mise en oeuvre de mesures
de prévention sanitaires et sociales (lettre b), de réglementer l'exercice de
la prostitution et de lutter contre ses manifestations secondaires de nature à
troubler l'ordre public. A cet effet, la Police cantonale procède à un
recensement des personnes exerçant la prostitution (art. 4 LPros). La loi
distingue l'exercice de la prostitution sur le domaine public (art. 6 s. LPros)
de la prostitution de salon, qui s'exerce dans des lieux de rencontre
soustraits à la vue du public (art. 8 ss LPros). Dans tout salon, qui doit être
déclaré, doit être tenu un registre, constamment à jour, portant tous
renseignements sur l'identité des personnes exerçant la prostitution dans le
salon (art. 13 LPros). D'après l'art. 7 du règlement d'application du 1er
septembre 2004 de la loi sur l'exercice de la prostitution (RLPros; RSVD
943.05.1), le registre doit contenir le nom, le prénom, la date de naissance,
le lieu de naissance, la nationalité, le domicile, le type, numéro, date, lieu
de délivrance et durée de validité d'une pièce d'identité, la date de début et
de fin d'activité dans le salon. D'après l'art. 16 LPros, la police cantonale
du commerce peut prononcer la fermeture définitive d'un salon lorsque, dans
celui-ci, se produit une atteinte majeure à l'ordre, à la tranquillité et à la
salubrité publiques, la commission d'un crime, de délits ou de contraventions
répétés, des violations réitérées de la législation, ou lorsque s'y trouve un
mineur (lettre a) ou lorsque, dans celui-ci, les conditions d'exercice de la
prostitution ne sont pas conformes à la législation, soit notamment lorsqu'il y
est porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, si
celles-ci sont privées de leurs pièces d'identité, si elles sont victimes de
menaces, de violences, de brigandage, d'usure ou de pressions ou si l'on
profite de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer
à un acte d'ordre sexuel (lettre b).
- Dans l'arrêt attaqué, confirmant sa propre jurisprudence (arrêt du Tribunal
administratif du canton de Vaud du 20 novembre 2007), le Tribunal cantonal a
interprété l'art. 16 lettre a LPros en ce sens qu'un salon peut être fermé
parce que des prostituées y ont exercé leur activité alors qu'elles ne
disposaient pas d'une autorisation de séjour ou de travail au sens de la loi
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers ou de la loi fédérale
sur les étrangers, indépendamment de tout devoir de contrôle du tenancier dans
la tenue du registre.

De l'avis des recourants, les méthodes d'interprétation du droit devaient
conduire le Tribunal cantonal à juger qu'un tenancier de salon n'a pas
l'obligation de vérifier le statut juridique des personnes qui s'adonnent à la
prostitution dans son établissement. En effet, le législateur aurait tenu
compte du fait que la plupart des personnes exerçant le métier de la
prostitution ne sont pas au bénéfice d'un permis de séjour. Il aurait ainsi
renoncé à imposer aux tenanciers qu'ils refusent l'accès de leur établissement
aux prostituées qui ne disposent pas d'un titre de séjour pour ne pas entraver
le contrôle du milieu de la prostitution et ne pas aggraver les conditions de
travail de ces personnes.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. Pris à la lettre l'art. 16 lettre a
LPros exige que des violations réitérées de la législation se produisent dans
les locaux du salon, mais il n'en désigne pas l'auteur. Il ne doit par
conséquent pas nécessairement s'agir du tenancier du salon. Le législateur
cantonal a d'ailleurs volontairement supprimé cette notion de la loi cantonale
et renoncé au système d'autorisation - qui avait pour inconvénient de faire
appel à la notion de "titulaire de l'autorisation d'exploiter un salon"
(Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud [ci-après: BGC]
mars-avril 2004, p. 8838), afin d'éviter de légitimer un "responsable" qui,
dans les faits, exercerait un rôle de surveillance sur les personnes qui
travaillent de manière indépendante - en salon. Cela revenait à légaliser la
fonction de proxénète ( BGC septembre 2003, p. 2911 s.). Au sens de l'art. 16
lettre a LPros, la fermeture d'un salon est par conséquent soumise uniquement à
la condition qu'il s'y produise des atteintes majeures à l'ordre public, à la
tranquillité et à la salubrité publiques ainsi que des violations répétées de
la législation, indépendamment, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal
cantonal, de tout devoir de contrôle du tenancier dans la tenue du registre. Il
incombe à ceux qui sont susceptibles de subir les effets d'une fermeture de
s'organiser de manière à ce que la législation soit respectée, sans qu'il y ait
lieu de désigner qui est en charge d'une telle obligation.

D'après l'exposé des motifs à l'appui du projet de loi, par violations répétées
de la "législation", il faut entendre une définition large de la législation,
qui s'étend au droit fédéral, cantonal et communal et englobe notamment la
présence de personnes en séjour illégal (BGC septembre 2003, p. 2834). Rien
dans les travaux du Grand Conseil ne permet de penser que la portée de la
notion de "violations réitérées de la législation" reprise dans la version
définitive de la loi sur la prostitution ait été modifiée (BGC mars-avril 2004,
p. 8884 s.).

Les recourants soutiennent que cette interprétation aurait des effets pervers.
Elle entraverait considérablement le travail de la police, en contraignant les
personnes qui se prostituent sans papiers à rester dans la clandestinité, ce
qui irait à l'encontre des buts énoncés par l'art. 2 LPros. Cette objection,
défendue par une minorité lors de l'entrée en matière (BGC septembre 2003, p.
2844 s.), a été écartée. Le législateur a en effet jugé que l'obligation
d'annonce imposée aux personnes exerçant la prostitution "s'avère utile pour
régulariser la profession sous l'angle du droit des étrangers", puisque "les
personnes qui exercent la prostitution sans papiers sont de fait condamnées à
la clandestinité, quelle que soit la solution retenue" (BGC, septembre 2003, p.
2824 s.).

Par conséquent, en jugeant qu'un salon peut être fermé parce que des
prostituées y ont exercé leur activité alors qu'elles ne disposaient pas d'une
autorisation de séjour ou de travail au sens de la loi fédérale sur le séjour
et l'établissement des étrangers ou de la loi fédérale sur les étrangers,
indépendamment de tout devoir de contrôle du tenancier dans la tenue du
registre, le Tribunal cantonal a correctement interprété l'art. 16 lettre a
LPros.
- Dans un grief séparé, les recourants soutiennent que l'interprétation retenue
par le Tribunal cantonal s'écarte de la pratique des autorités judiciaires en
matière pénale, notamment de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui a eu
l'occasion de préciser que, sous certaines conditions, un tenancier ne tombe
pas sous le coup des art. 23 al. 1, 5e phr. et 4 LSEE, lorsque des personnes
exercent la prostitution dans son bar (arrêt 6B.176/2007 du 16 novembre 2007).

Leur grief est irrecevable. En effet, ils n'exposent pas en quoi l'art. 16
lettre a LPros élude les art. 23 al. 1, 5e phr. et 4 LSEE , en contredisent le
sens ou l'esprit, notamment par son but ou par les moyens qu'il met en oeuvre
ou empiète sur le droit des étrangers.

Dans la mesure où ils sont d'avis que le droit à l'égalité est violé parce que
les salons seraient soumis à une réglementation plus stricte que celle qui
prévaut, à son avis, à l'égard des bars fréquentés par des personnes qui se
prostituent, leur grief doit être rejeté. En effet, le Tri-

bunal fédéral a déjà jugé qu'il se justifie de soumettre ces deux types
d'établissements à un régime différent (arrêt 2P.165/2004 du 31 mars 2005,
consid.5.3).
-
Les recourants considèrent que la fermeture du "Club" pour une durée de six
mois par le Tribunal cantonal viole la liberté économique.
- Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend
notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité
économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette
liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel
et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c/aa
p. 29). Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les
personnes morales (ATF 131 I 223 consid. 4.1 p. 230 s.).

Conformément à l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d'un droit fondamental
doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves doivent être
prévues par une loi; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont
réservés. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un
intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36
al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). Sont autorisées
les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures
dictées par la réalisation d'autres intérêts publics (ATF 131 I 223 consid. 4.2
p. 231 s. et les références citées). Sont en revanche prohibées les mesures de
politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre
concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou
certaines formes d'exploitation (ATF 131 I 223 consid. 4.2 p. 231 s. et les
références citées).

Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit
cantonal effectuées par les autorités cantonales lorsque l'atteinte à une
liberté constitutionnelle est grave. De même, il examine librement si une
mesure répond à un intérêt public suffisant et satisfait au principe de la
proportionnalité (ATF 130 I 65 consid. 3.3 p. 68 et les références citées,
ainsi que l'ATF 134 I 153 consid. 4 p. 156 ss, qui précise le pouvoir d'examen
du Tribunal fédéral en la matière).
- En tant qu'elle empêche les recourants d'exploiter le "Club" pendant six
mois, la sanction prononcée constitue une atteinte grave à la liberté
économique garantie par l'art. 27 Cst. Par conséquent, l'art. 36 Cst. exige
qu'elle repose sur une base légale formelle, qu'elle soit justifiée par un
intérêt public, ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui, et
proportionnée au but visé.
-
De l'avis des recourants, la décision de fermeture du "Club" est dénuée de base
légale.
- Adopté par le Grand Conseil du canton de Vaud, l'art. 16 lettre a LPros
constitue une base légale formelle au sens de l'art. 36 Cst. Les recourants ne
critiquent pas ce point. En revanche, ils estiment qu'en jugeant que les
conditions de l'art. 16 lettre a LPros sont réunies dans leur cas, le Tribunal
cantonal est tombé dans l'arbitraire.
- Les recourants ne contestent pas que, par deux fois, en date des 2 mai 2007
et 6 février 2008, la Police de sûreté a constaté que des prostituées
originaires de divers pays exerçaient leur profession dans les locaux du "Club"
sans disposer d'autorisation de séjour ni de travail et que certaines d'entre
elles n'étaient pas inscrites dans le registre. Ils soutiennent en revanche
que, jusqu'à l'arrêt rendu le 20 novembre 2007 par le Tribunal administratif du
canton de Vaud, aucune jurisprudence n'imposait au tenancier de salon de
vérifier les titres de séjour des personnes fréquentant son établissement. Or,
depuis le 20 novembre 2007, il n'y aurait eu qu'un seul contrôle, ce qui
rendrait impossible une violation répétée au sens de l'art. 16 lettre a LPros.

Ce raisonnement est erroné. En effet, il est constant qu'une nouvelle
jurisprudence doit s'appliquer immédiatement, y compris aux affaires pendantes
au moment où elle est adoptée et aux faits survenus avant que ce changement ne
soit connu des justiciables (arrêt 4C.9/2005 du 24 mars 2005, consid.3.2;
1P.392/1996 du 28 mai 1997 reproduit in RDAF 1998 I p. 312 et in RDAF 1999 I p.
553, consid. 4; ATF 122 I 57 consid. 3c/bb). Ce principe est pleinement
applicable, dès lors que les exceptions prévues par la jurisprudence (en
matière de computation des délais, de recevabilité de recours ou d'assurances
sociales notamment) n'entrent à l'évidence pas en ligne de compte en l'espèce
(arrêt 4C.9/2005 du 24 mars 2005, consid. 3; arrêt 1P.392/1996 déjà cité,
consid. 4; ATF 122 I 57 consid. 3c/bb avec les références; 120 V 128 consid.
3).

Par conséquent, en jugeant que la présence, constatée à deux reprises, de
prostituées étrangères dénuées de toute autorisation de séjour et de travail
dans les locaux du "Club" constituait une violation répétée de la législation
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers le Tribunal cantonal a
dûment appliqué l'art. 16 lettre a LPros, sans compter au demeurant que le
défaut d'inscription au registre de certaines prostituées, constaté à deux
reprises également, constitue aussi une violation répétée de l'art. 13 LPros.
Le grief d'arbitraire doit par conséquent être écarté.
-
Invoquant l'art. 36 Cst., les recourants se plaignent aussi de la violation du
principe de proportionnalité.
- Le principe de proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.) comprend (a) la règle
d'adéquation qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé,
(b) la règle de nécessité qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, soit
choisi celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés ainsi que
(c) la règle de proportionnalité au sens étroit qui requiert de mettre en
balance les effets de la mesure choisie sur la situation des personnes
concernées avec le résultat escompté du point de vue du but visé (ATF 130 I 65
consid. 3.5.1 p. 69; 128 II 292 consid. 5.1 p. 297 et les arrêts cités).
- D'après les recourants, il ne serait pas nécessaire d'imposer une règle aussi
stricte que celle qui résulte de l'interprétation de l'art. 16 lettre a LPros
par le Tribunal cantonal pour appliquer efficacement la réglementation en
matière de droit des étrangers. D'après eux, le problème dépasserait largement
les seuls salons de massage, la prostitution trouvant à s'exercer, selon eux,
sans être contrôlée, dans les rues, dans les hôtels ou par le biais d'annonces
dans les quotidiens.

Même si, comme cela a été constaté durant les travaux législatifs, la
prostitution est une activité probablement impossible à éradiquer (BGC
mars-avril 2004, p. 8896), le législateur a néanmoins voulu que la loi sur la
prostitution ait pour effet de freiner et de limiter l'activité de la
prostitution, en permettant à l'Etat de mettre de l'ordre, de sanctionner et de
sévir (BGC mars-avril 2004, p. 8894). Dans ces conditions, même si elle ne
règle pas tous les problèmes liés à la prostitution, une interprétation stricte
de l'art. 16 lettre a LPros, qui permet d'ordonner la fermeture des salons dans
lesquels se produisent des violations répétées de la législation en particulier
de la législation en matière d'étrangers, se révèle nécessaire pour atteindre
l'un des buts recherchés par le législateur, celui de freiner voire limiter
l'activité de la prostitution.
- Les recourants soutiennent encore en vain que la tenue d'un registre et la
possibilité pour les autorités policières d'effectuer des contrôles en un lieu
précis seraient suffisantes pour lutter contre les abus. Les travaux en vue
d'adopter une loi sur l'exercice de la prostitution reposaient notamment sur le
constat que le nombre de salons et de bars à champagne dans lesquels s'exerçait
la prostitution avait notablement crû par rapport à la situation qui prévalait
dans les années 80, de pair avec les abus et les violations à la législation en
matière de séjour des étrangers, au code pénal ainsi qu'aux lois sociales (BGC
septembre 2003, p. 2845). Le législateur a voulu, d'une part, que la loi sur
l'exercice de la prostitution permette de procéder à des contrôles au moyen de
la tenue d'un registre des personnes exerçant la prostitution, et, d'autre part
part, qu'elle freine l'activité de la prostitution et permette de sanctionner
tout abus. Une disposition telle que l'art. 16 lettre a LPros constitue dès
lors de toute évidence un moyen propre à réduire la possibilité pour les
personnes sans papiers d'exercer la prostitution, ce qui correspond
parfaitement aux objectifs législatifs rappelés ci-dessus.
- Enfin, c'est en vain que les recourants estiment excessif d'imposer le
contrôle des permis de séjour et de travail, parce que cela exigerait de poser
des questions qui outrepasseraient les compétences et les efforts que l'on peut
raisonnablement exiger de la part du tenancier de salon. En tant que
propriétaire du "Club, la recourante est tenue de veiller au respect de la
législation dans ses locaux. D'une manière ou d'une autre, elle est par
conséquent tenue de s'assurer que les personnes qui s'y prostituent détiennent
un permis de séjour et de travail. Un tel contrôle est au demeurant aisé et
peut raisonnablement être imposé à la recourante qui souhaite éviter la
fermeture de son salon, dans la mesure où les permis qui attestent le statut
des étrangers en Suisse sont délivrés sous la forme d'un document officiel. Par
conséquent, l'application de l'art. 16 lettre a LPros dans le cas d'espèce ne
viole pas le principe de proportionnalité.
-
Les considérants qui précèdent conduisent à rejeter le recours, dans la mesure
où il est recevable.

Succombant, les recourants doivent supporter un émolument judiciaire
solidairement entre eux (art. 65 et 66 LTF). Ils n'ont pas droit à des dépens
(art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
-
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
-
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des
re-courants, solidairement entre eux.
-
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Département de
l'économie du canton de Vaud, Police cantonale du commerce et à la Cour de
droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 25 août 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Merkli Dubey