Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.329/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_329/2008
{T 0/2}

Arrêt du 15 octobre 2008
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Karlen, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier: M. Vianin.

Parties
X.________, recourant,
représenté par Me Alain Maunoir, avocat,

contre

Département des constructions et des technologies de l'information du canton de
Genève, Service de maintenance des routes cantonales, rue David-Dufour 5, case
postale 22, 1211 Genève 8.

Objet
Perception d'une taxe fixe pour empiétement sous le domaine public cantonal,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 18 mars
2008.

Faits:

A.
X.________ est propriétaire de plusieurs parcelles sises sur le territoire de
la commune de A.________, situées aux nos *** à *** de la route de Z.________.

Le 30 août 2006, le Département du territoire du canton de Genève a délivré au
prénommé une autorisation de construire quatre immeubles de logements ainsi
qu'un garage souterrain sur les parcelles en question. Par décision séparée du
même jour, le Département du territoire lui a facturé une taxe d'évacuation des
eaux usées de 137'518 fr.

Ouvert en janvier 2007, le chantier a nécessité la pose de plusieurs conduites
sous la route de Z.________, en vue de raccorder les immeubles aux réseaux
d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales ainsi qu'aux réseaux
d'alimentation en eau potable et en gaz. Le 20 février 2007, X.________ a
déposé à cet effet une "requête de permission pour fouille sous le domaine
public cantonal".

B.
Par décision du 6 mars 2007, le Service de la maintenance des routes cantonales
du Département des constructions et des technologies de l'information du canton
de Genève (ci-après: le Département) a accordé l'autorisation sollicitée. La
décision en question disposait notamment ce qui suit (ch. 10):
"En vertu des articles 5 et 14 du règlement fixant le tarif des empiétements
sur ou sous le domaine public, une taxe fixe est due par le bénéficiaire selon
le calcul suivant:
- fouille:
sur chaussée

Fr. 45.-- le m2

sur trottoir

Fr. 13.-- le m2

- conduites:
tubes et autres installations analogues

Fr. 1'000.-- le ml
Le montant exact sera calculé et facturé à la fin des travaux."
X.________ a recouru au Tribunal administratif du canton de Genève à l'encontre
de cette décision, dans la mesure où elle mettait à sa charge des taxes.

Invité à se déterminer sur le point de savoir s'il y avait eu un changement de
pratique, comme le recourant le prétendait, le Département a répondu, dans une
écriture du 13 juillet 2007, que jusqu'en 2005, la gestion du domaine public
incombait au Service des amarrages et du domaine public. En 2005, ce service
avait été supprimé et la gestion du domaine public terrestre avait été confiée
au Département. S'agissant des permissions d'occuper le domaine public, il
était "possible que, par le passé, l'administration n'ait pas taxé tous les
travaux ou empiétements effectués par des tiers, certains n'étant tout
simplement pas portés à la connaissance du service chargé de délivrer les
permissions". On ne pouvait reprocher au Département "d'avoir amélioré ses
procédures et de faire une application plus conforme du règlement".

Le 18 mars 2008, le Tribunal administratif a rejeté le recours. Il a repoussé
le grief d'inégalité de traitement tiré du fait que la ville de Genève aurait
une pratique différente de celle du canton et ne percevrait pas de taxe dans
des cas similaires. En outre, il a considéré que l'art. 59 al. 7 lettre e de la
loi genevoise sur les routes, du 28 avril 1967 (LRoutes, RS/GE L 1 10), qui
exonère de toute taxe fixe ou redevance les aménagements imposés par la loi,
n'était pas applicable en l'occurrence. Le Tribunal administratif a également
rejeté le grief selon lequel la taxe litigieuse serait disproportionnée et non
conforme au principe d'équivalence.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande
au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif du 19 mars 2008 ainsi que le chiffre 10 de la décision
du Département du 6 mars 2007 et de dire qu'il ne doit aucune taxe ni
redevance. A titre préalable, il demande que son recours soit doté de l'effet
suspensif. Il dénonce une violation des principes de la légalité, de l'égalité,
de la proportionnalité et de l'équivalence ainsi que des règles régissant les
changements de pratique administrative.

L'autorité intimée s'en remet à justice quant à la recevabilité du recours; sur
le fond, elle persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le
Département conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens
(détermination du 5 juin 2008).

Par ordonnance du 6 mai 2008, le Président de la IIe Cour de droit public du
Tribunal fédéral a partiellement admis la demande d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision du 6 mars 2007 porte sur l'octroi d'une permission de fouille
sous le domaine public, assortie de l'obligation de payer des taxes
respectivement pour la fouille et pour la pose de conduites, dont "le montant
exact sera calculé et facturé à la fin des travaux". Aussi dans la mesure où il
concerne les taxes en question, ce prononcé - de même que l'arrêt du Tribunal
administratif qui s'est substitué à lui - met fin à l'instance et constitue
ainsi une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi du 17 juin 2005 sur le
Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), quand bien même il ne fixe pas encore leur
montant. Il ne s'agit pas d'une décision préjudicielle ou incidente qui
préluderait à une décision finale à rendre dans le cadre d'une autre procédure
portant spécifiquement sur la perception des taxes en cause.

1.2 La conclusion du recourant tendant à l'annulation du chiffre 10 de de la
décision du Département du 6 mars 2007 est irrecevable, étant donné l'effet
dévolutif du recours au Tribunal administratif (cf. ATF 126 II 300 consid. 2a
p. 302 s.), dont la décision - de dernière instance cantonale - peut seule être
attaquée devant le Tribunal fédéral (art. 86 al. 1 lettre d LTF).

1.3 Au surplus, interjeté par une partie directement touchée par la décision et
qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (cf.
art. 89 al. 1 LTF), le recours, dirigé contre un jugement final (cf. art. 90
LTF et ci-dessus consid. 1.1) rendu dans une cause de droit public (cf. art. 82
lettre a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (cf. art. 86 al.
1 lettre d LTF), est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le
délai (cf. art. 100 al. 1 LTF) et la forme (cf. art. 42 LTF) prévus par la loi
et que l'on ne se trouve pas dans l'un des cas d'exceptions mentionnés par
l'art. 83 LTF.

1.4 Selon l'art. 95 LTF, le recours (ordinaire) au Tribunal fédéral peut être
formé notamment pour violation du droit fédéral (lettre a). Le droit fédéral au
sens de cette disposition comprend notamment les normes de la Constitution
fédérale, au nombre desquelles figure la protection contre l'arbitraire (art. 9
Cst.). Par conséquent, une application arbitraire du droit cantonal est
contraire au droit fédéral et constitue un motif de recours (cf. ATF 133 II 249
consid. 1.2.1 p. 251/252).

2.
La loi sur les routes s'applique aux voies du domaine public, c'est-à-dire aux
voies publiques cantonales et communales affectées par l'autorité compétente à
l'usage commun (art. 1).

Selon l'art. 56 al. 1 LRoutes, toute utilisation des voies publiques qui excède
l'usage commun doit faire l'objet d'une permission ou d'une concession
préalable.

Intitulé "Emoluments, redevances et taxes", l'art. 59 LRoutes dispose que les
permissions ne sont délivrées que contre paiement d'un émolument administratif
et d'une taxe fixe ou d'une redevance annuelle (al. 1). Selon l'art. 59 al. 2
LRoutes, les taxes fixes ne sont perçues qu'une fois, lors de la délivrance de
la permission; elles sont, toutefois, exigibles à nouveau lorsque les objets
donnant lieu à taxation sont remplacés, reconstruits ou modifiés. Les
redevances annuelles, en revanche, sont dues chaque année pendant toute la
durée d'occupation de la voie publique (art. 59 al. 3 LRoutes). D'après l'art.
59 al. 5 LRoutes, les montants des taxes fixes et des redevances annuelles
varient entre 10 fr. et 1'000 fr. au m2 ou ml pour les empiétements ou
occupations temporaires ou permanents du domaine public, tels que les travaux
sur ou sous les voies publiques, dont cette disposition fait une énumération
exemplative. Parmi les travaux cités figurent les fouilles. Les montants
susmentionnés peuvent d'ailleurs être augmentés pour des fouilles dans une
chaussée neuve exécutée depuis moins de 5 ans, selon la nature de la chaussée.
Selon l'art. 59 al. 6 LRoutes, le règlement d'application fixe le détail des
taxes et redevances pour empiétement sur la voie publique dans le cadre des
montants prévus à l'alinéa 5, en prévoyant trois "tarifs maximums"
correspondant à trois secteurs: le secteur 1 qui représente le centre urbain
communal, le secteur 2 qui comprend les quartiers adjacents et le secteur 3 qui
regroupe les autres quartiers; ces secteurs sont délimités par l'autorité
communale, d'entente avec l'Etat de Genève; sur leur domaine public respectif,
l'Etat et les communes "déterminent librement les modalités d'application de la
taxation". L'art. 59 al. 7 LRoutes dispose ce qui suit:
"Les aménagements suivants sont toutefois exonérés de toute taxe fixe ou
redevance:
a) empiétements pour faciliter l'accès aux personnes handicapées, aux voitures
d'enfants et aux personnes âgées;
b) empiétements mineurs (n'excédant pas 10 centimètres);
c) empiétements visant à améliorer l'esthétique des bâtiments (tels que
fresques, pilastres, colonnes, bow-windows, etc.);
d) décorations florales et végétales, drapeaux et oriflammes;
e) tout aménagement imposé par la loi (tels que: sorties de secours exi- gées
par la protection civile);
f) autres cas d'exonération prévus par les communes."
Les éléments de calcul des taxes fixes sont précisés aux art. 3 et suivants du
règlement fixant le tarif des empiétements sur ou sous le domaine public, du 21
décembre 1988 (RS/GE L 1 10.15; ci-après: le règlement).

Les taxes fixes pour fouilles sont réglées à l'art. 5 du règlement. Selon
l'alinéa 1er de cette disposition, la taxe pour fouille dans la chaussée se
monte à 45 fr. le m2 si la chaussée date de plus de 5 ans et à 78 fr. le m2
dans le cas contraire. D'après l'alinéa 2, la taxe pour fouille dans un
trottoir est de 13 fr. le m2 si celui-ci a été exécuté depuis plus de 5 ans et
de 32 fr. le m2 dans le cas contraire. Intitulé "Conduites", l'art. 14 du
règlement prévoit la perception d'une taxe fixe de 1'000 fr. par ml pour la
pose de tubes ou d'installations analogues. Les tarifs des art. 5 et 14 du
règlement valent indifféremment pour chacun des trois secteurs prévus à l'art.
59 al. 6 LRoutes.

3.
3.1 Le recourant fait valoir que le raccordement de ses immeubles aux réseaux
d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales ainsi qu'aux réseaux
d'alimentation en eau potable et en gaz est imposé par la loi, de sorte que les
conduites posées sous la route de Z.________ constitueraient des "aménagements
imposés par la loi", au sens de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes. En refusant
de le mettre au bénéfice de cette disposition, l'autorité intimée aurait violé
la loi sur les routes et le principe de l'interdiction de l'arbitraire. Ce
refus serait également contraire au principe d'égalité, car la ville de Genève
aurait pour pratique constante, dans un cas comme le sien, de ne pas percevoir
la taxe fixe de 1'000 fr. le ml prévue par l'art. 14 du règlement, en
considérant que le motif d'exonération de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes est
réalisé. D'ailleurs, "pendant des décennies", le canton de Genève n'aurait
lui-même pas perçu de taxe pour la pose de conduites imposées par une loi ou un
règlement. Il aurait modifié sa pratique durant l'année 2006, sans toutefois
observer les conditions auxquelles un tel revirement est admissible.

3.2 Dans la décision attaquée, l'autorité intimée a exclu l'application de
l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes au motif que les fouilles ne feraient pas
partie des exemptions prévues par le droit cantonal. Elle s'est référée ce
faisant à l'un de ses arrêts (ATA/322/2001 du 15 mai 2001, consid. 4a) ainsi
qu'à un article de doctrine (Ph. Thélin, La jurisprudence récente en matière de
domaine public, in: Bellanger/Tanquerel, Le domaine public, Zurich 2004, p.
144).

Dans l'affaire ayant fait l'objet de l'arrêt du 15 mai 2001, il s'agissait de
taxes fixes réclamées à une entreprise au bénéfice d'une concession de
fourniture de services de télécommunication pour l'ouverture de fouilles
servant à établir des liaisons par fibres optiques. Le Tribunal administratif a
considéré que les fouilles en question ne tombaient pas sous le coup de l'art.
59 al. 7 lettres b, c et e LRoutes. Or, il faut convenir avec le recourant que
la loi n'impose pas la création d'un réseau de liaisons par fibres optiques, de
sorte que ces installations ne sauraient tomber, en particulier, sous le coup
de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes. En revanche, la loi prescrit de raccorder
les immeubles au réseau d'évacuation des eaux usées (cf. art. 65 al. 1 de la
loi genevoise sur les eaux, du 5 juillet 1961 [LEaux-GE; RS/GE L 2 05]) ainsi
que, en principe, aux réseaux d'alimentation en eau potable (cf. art. 63 al. 1
du règlement genevois d'application de la loi sur les cons- tructions et les
installations diverses, du 27 février 1978 [RCI; RS/GE L 5 05.01]; l'art. 63
al. 2 RCI permet toutefois de délivrer une autorisation de construire sur une
parcelle qui n'est pas desservie par un réseau de distribution d'eau de
boisson, à la condition qu'il soit établi "que l'eau d'alimentation est
réellement propre à la consommation et peut être obtenue en tout temps en
quantité suffisante") et en gaz (cf. art. 79 RCI). Les situations étant
différentes, l'arrêt du 15 mai 2001 ne saurait justifier la non-application de
l'art. 59 al. 7 lettre e dans le cas particulier. Il en va de même de l'article
de doctrine cité plus haut, dans la mesure où il se limite à résumer l'arrêt en
question.

L'autorité intimée fait également valoir que l'art. 59 al. 5 LRoutes cite
expressément les fouilles à titre d'exemple d'occupation du domaine public
donnant lieu au paiement d'une taxe fixe ou d'une redevance annuelle.
Toutefois, la mention des fouilles à l'art. 59 al. 5 LRoutes n'implique pas
qu'elles soient nécessairement soumises à une taxe ou à une redevance, car
elles peuvent aussi servir à des aménagements imposés par la loi et tomber
ainsi sous le coup de la clause d'exonération de l'art. 59 al. 7 lettre e
LRoutes.

A cela s'ajoute que les arguments précités se rapportent uniquement aux
fouilles, mais non à la pose des conduites servant aux différents
raccordements, laquelle doit, selon la décision du 6 mars 2007 et l'arrêt du 18
mars 2008, également donner lieu à la perception d'une taxe fixe qui est aussi
en cause.

Au vu de ce qui précède, on ne voit pas, en l'état, pourquoi l'art. 59 al. 7
lettre e LRoutes - qui exonère, de manière large, "tout aménagement imposé par
la loi" - ne serait pas applicable en l'espèce s'agissant de la pose des
conduites et des fouilles effectuées dans ce but. Pour ce motif déjà, la
décision entreprise doit être annulée et la cause renvoyée à l'autorité intimée
pour qu'elle se prononce à nouveau.

4.
4.1 Au demeurant, le recourant soutient que la perception d'une taxe de 1'000
fr. par ml de conduites est contraire aux principes de la proportionnalité et
d'équivalence, ce d'autant qu'en l'occurrence elle s'ajoute à la "taxe
d'écoulement" de 137'518 fr. déjà perçue en relation avec le même projet de
construction. Il fait valoir que l'emprise souterraine des conduites en
question est relativement modeste (ainsi, les conduites de raccordement au
réseau d'alimentation en eau potable n'auraient pas plus de 10 cm de section).
De plus, une fois les conduites posées, elles ne provoqueraient aucune
perturbation du trafic. La perception d'une taxe fixe de 1'000 fr. le ml se
trouverait ainsi en disproportion manifeste avec l'utilité objective de la
permission accordée et porterait atteinte au principe d'équivalence.

4.2 La pose de conduites sous le domaine public excède l'usage commun et peut
de ce fait donner lieu à la perception d'une contribution. Le point de savoir
s'il s'agit d'un usage accru ou d'un usage particulier, soumis à concession,
dépend du droit cantonal. En l'absence de réglementation cantonale, la
jurisprudence et la doctrine considèrent qu'il y a usage particulier (ATF 76 I
385 consid. 8 p. 395; Markus Rüssli, Nutzung öffentlicher Sachen für die
Verlegung von Leitungen, ZBl 2001 p. 350 ss, 354 s. et les références; Häfelin/
Müller/Uhlmann, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zurich/Bâle/Genève
2006, n. 2430).

Les contributions perçues pour l'usage particulier du domaine public sont
généralement soumises au principe d'équivalence. Ce principe - qui est
l'expression du principe de la proportionnalité en matière de contributions
publiques - implique que le montant de la contribution soit en rapport avec la
valeur objective de la prestation fournie et reste dans des limites
raisonnables. La valeur de la prestation se mesure soit à son utilité pour
l'administré, soit à son coût par rapport à l'ensemble des dépenses de
l'activité administrative en cause (ATF 126 I 180 consid. 3a/aa p. 188; 132 II
371 consid. 2.1 p. 374/375). Lorsque la prestation en cause est également
fournie par des entreprises privées, il est possible de se baser sur sa valeur
marchande (ATF 122 I 279 consid. 6c p. 289; arrêt 1P.645/2004 du 1er juin 2005,
ZBl 107/2006 p. 478, RDAF 2007 I p. 576, consid. 3.4; Adrian Hungerbühler,
Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 2003 p. 505 ss, 520 ss).

Le principe d'équivalence n'exige pas que la contribution corresponde dans tous
les cas exactement à la valeur de la prestation pour l'administré ou à son coût
pour la collectivité; le montant de la contribution peut en effet être calculé
selon un certain schématisme tenant compte de la vraisemblance et de moyennes.
La contribution doit cependant être établie selon des critères objectifs et
s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des
motifs pertinents (arrêt 1P.645/2004, précité, consid. 3.5 et les références;
Hungerbühler, op. cit., p. 523 et la jurisprudence citée).

4.3 En l'occurrence, la taxe litigieuse a été fixée en application de l'art. 14
du règlement, qui prévoit un montant de 1'000 fr. par ml pour la pose de tubes
ou d'installations analogues, et ce pour chacun des trois secteurs visés à
l'art. 59 al. 6 LRoutes. Or, selon le texte de cette dernière disposition, les
montants que le règlement fixe pour chacun des trois secteurs représentent
"trois tarifs maximums". La taxe peut donc apparemment être fixée à un montant
inférieur, le canton de Genève déterminant au surplus "librement les modalités
d'application de la taxation" s'agissant de son domaine public (art. 59 al. 6
in fine LRoutes). Quoi qu'il en soit, le montant de 1'000 fr. par ml représente
la limite supérieure de la fourchette prévue à l'art. 59 al. 5 LRoutes.

Pour justifier la quotité de la taxe fixe due pour la pose des conduites et
démontrer sa conformité au principe d'équivalence, l'autorité intimée de même
que l'intimé font valoir que le recourant réalise un "projet immobilier
d'envergure", "aux retombées économiques certaines", de sorte que la permission
d'utiliser le domaine public aux fins de se raccorder aux réseaux d'évacuation
des eaux usées et d'alimentation en eau potable et en gaz lui procurerait un
"bénéfice considérable". Cette argumentation perd de vue que, pour juger du
respect du principe d'équivalence, le montant de la contribution perçue pour
usage particulier du domaine public doit être comparé à la valeur de l'usage
concédé, soit en l'occurrence l'utilisation du sous-sol de la route de
Z.________ pour la pose de conduites. Cette valeur est fonction de la nature et
de la mesure de la mise à contribution du domaine public. En l'occurrence, elle
dépend de l'espace occupé par les conduites, soit de leur longueur, mais aussi
de leur diamètre, aspect qui n'a pas été pris en compte par les autorités
précédentes. Le prix du terrain mis à contribution peut également être pris en
considération, dans l'idée que l'administré aurait dû payer ce prix pour
acquérir du terrain si la collectivité ne lui en avait concédé l'usage. En
revanche, la valeur des immeubles raccordés ne saurait représenter le critère
déterminant, car elle n'est pas en rapport direct avec la valeur de la
prestation fournie par la collectivité. C'est ainsi que le raccordement de deux
immeubles de valeur très différente peut exiger la pose de conduites de mêmes
dimensions et, partant, mettre à contribution le domaine public de manière
identique.

Dans sa détermination sur le recours au Tribunal de céans, l'intimé fait en
outre valoir que la présence des conduites posées par le recourant entraîne
"des surcoûts lorsque la collectivité entreprend des travaux tels que la
réalisation de nouvelles voies de tramway". Cet argument perd toutefois de sa
pertinence au regard de l'art. 62 al. 1 LRoutes, aux termes duquel "lorsque
l'exécution de travaux publics ou d'autres motifs d'utilité publique rendent
indispensable la suppression ou la modification d'ouvrages existant sur ou dans
la voie publique, les frais qui en résultent sont entièrement à la charge des
bénéficiaires de permissions ou de concessions".

Au vu de ce qui précède, il n'est pas possible, en l'état, de se prononcer sur
le point de savoir si la taxe litigieuse - à supposer qu'elle ne tombe pas sous
le coup de l'exonération de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes (cf. supra consid.
3.2) -, fixée au montant maximal de 1'000 fr. le ml, respecte le principe
d'équivalence. Les éléments pris en considération par les autorités
précédentes, soit en particulier la valeur des immeubles raccordés, ne sont pas
déterminants, alors que d'autres aspects importants, tels que le genre et le
diamètre des conduites posées, n'ont pas été pris en compte. Pour ces motifs
également, la décision entreprise doit être annulée et le dossier renvoyé à
l'autorité intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision.

5.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il est
recevable, la décision attaquée étant annulée et la cause renvoyée à l'autorité
intimée pour qu'elle statue à nouveau.

Le Tribunal fédéral ne fera pas usage de la faculté prévue à l'art. 68 al. 5
LTF et renverra la cause à l'autorité intimée pour qu'elle statue sur les
dépens de la procédure devant elle.

En ce qui concerne la présente procédure, les frais de justice seront supportés
par le canton de Genève, dont l'intérêt patrimonial est en cause (art. 66 al. 1
et 4 LTF). Le recourant a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF), qu'il
convient de mettre à la charge du canton de Genève.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt du Tribunal
administratif du canton de Genève du 18 mars 2008 est annulé et la cause
renvoyée à l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau. Le Tribunal
administratif du canton de Genève statuera en outre sur les dépens de la
procédure cantonale.

2.
Des frais judiciaires de 3'500 fr. sont mis à la charge du canton de Genève.

3.
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 4'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département des
constructions et des technologies de l'information et au Tribunal administratif
du canton de Genève.

Lausanne, le 15 octobre 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Merkli Vianin