Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.288/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_288/2008
{T 0/2}

Arrêt du 1er octobre 2008
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,

Müller, Karlen, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier: M. Dubey.

Parties
B.X.________ et A.X.________,
recourants,
tous les deux représentés par Me Joël Chevallaz, avocat,

contre

Administration fiscale cantonale genevoise, rue du Stand 26, case postale 3937,
1204 Genève.

Objet
Impôt cantonal et communal 2002,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 26
février 2008.

Faits:

A.
Par décisions de taxation du 26 janvier 2004 pour les impôts cantonal et
communal de la période fiscale 2002, l'Administration fiscale cantonale du
canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a imposé A.X.________ et
B.X.________ sur un gain en capital obtenu dans le jeu Pari mutuel romand de
19'708 fr. 50. Elle a admis en déduction de ce gain les mises gagnantes pour un
montant de 288 fr. et refusé de déduire les mises perdantes qui s'élevaient
selon les époux X.________ à 19'412 fr.

Le 15 février 2004, A.X.________ et B.X.________ ont déposé une réclamation
contre ces décisions. Ils demandaient la déduction des mises perdantes, comme
cela avait toujours été admis jusqu'alors. La réclamation portant sur l'impôt
cantonal et communal de la période fiscale 2002 a été rejetée par décision du
24 janvier 2005. Les intéressés ont interjeté recours contre cette dernière
décision auprès de la Commission cantonale de recours en matière d'impôts
(ci-après: la Commission cantonale de recours).

Par décisions de taxation du 21 février 2005 pour l'impôt fédéral ainsi que
pour les impôts cantonal et communal de la période fiscale 2003,
l'Administration fiscale a imposé A.X.________ et B.X.________ sur un gain en
capital obtenu dans le jeu Pari mutuel romand de 27'874 fr. Elle a admis en
déduction de ce gain les mises gagnantes pour un montant de 639 fr. et refusé
de déduire les mises perdantes qui s'élevaient à 22'471 fr.

Le 4 mars 2005, A.X.________ et B.X.________ ont déposé une réclamation portant
sur l'impôt cantonal et communal de la période fiscale 2003 contre ces
décisions, demandant une nouvelle fois la déduction des mises perdantes. La
réclamation a été rejetée par décision du 24 mars 2005. Les intéressés ont
interjeté recours contre cette dernière décision auprès de la Commission
cantonale de recours.

Par décision du 26 février 2007, après avoir joint les causes, la Commission
cantonale de recours a admis les recours en matière d'impôts cantonal et
communal. Contre cette décision, l'Administration fiscale a déposé un recours
auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif).

B.
Par arrêt du 26 février 2008, le Tribunal administratif a admis le recours,
annulé la décision rendue le 26 février 2007 par la Commission cantonale de
recours et confirmé les décisions sur réclamation rendues les 24 janvier et 24
mars 2005 par l'Administration fiscale. Les gains en capital obtenus en jouant
au Pari mutuel romand étaient imposables et, à ce titre, ajoutés au revenu
imposable ordinaire. Les mises gagnantes étaient déductibles, puisqu'elles
étaient des dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu. Les mises perdantes
ne l'étaient en revanche pas. Il manquait un lien de connexité immédiat et
direct entre la dépense et le gain. Le rôle des facteurs aléatoires intervenant
dans l'obtention et l'importance du gain recherché rompait le lien
d'immédiateté. Aucune déduction ne pouvait en outre être admise en l'absence de
tout gain. En sus, la nature au porteur des billets délivrés par le Pari mutuel
romand rendait difficile la preuve de la dépense, qui incombait au
contribuable. En l'espèce, la déduction des mises perdantes devait être
refusée, ce qui, par ailleurs, correspondait aux objectifs de protection des
joueurs contre les dangers des jeux voulus par le législateur fédéral. Enfin,
les conditions d'un changement de pratique étaient réunies.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et
B.X.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler l'arrêt rendu le 26 février 2008 par le Tribunal administratif et
d'admettre la déduction des mises perdantes d'un montant de 19'412 fr. du
revenu imposable pour 2002 et de 22'471 fr. pour 2003. Ils se plaignent de la
constatation inexacte des faits pertinents et de la violation du droit fédéral.

Le Tribunal administratif renonce à déposer des observations. L'Administration
fiscale cantonale ainsi que l'Administration fédérale des contributions
concluent au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des
cantons et des communes (LHID; loi sur l'harmonisation fiscale; RS 642.14) est
entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Les cantons devaient adapter leur
législation aux dispositions des titres deuxième à sixième de la loi sur
l'harmonisation dans les huit ans qui suivent l'entrée en vigueur de cette loi
(art. 72 LHID). En l'espèce, l'arrêt attaqué concerne le régime d'imposition
cantonal et communal des gains provenant de jeux organisés par le Pari mutuel
romand pour les périodes fiscales 2002 et 2003, de sorte que la loi sur
l'harmonisation fiscale est applicable.

2.
Déposé en temps utile et dans les formes prévues par la loi (art. 100 al. 1 et
106 al. 2 LTF) contre une décision finale prise en dernière instance cantonale,
qui ne peut pas être attaquée devant le Tribunal administratif fédéral (art. 86
al. 1 lettre d LTF; art. 33 lettre i LTAF) par ses destinataires (art. 89 al. 1
LTF), le présent recours en matière de droit public est en principe recevable
pour violation du droit fédéral qui comprend les droits constitutionnels (cf.
art. 95 lettres a et c LTF). L'art. 73 al. 1 LHID, qui ouvre aussi la voie du
recours en matière de droit public, n'a plus de portée propre depuis l'entrée
en vigueur de la loi sur le Tribunal fédéral (ATF 134 II 186 consid. 1.3 p.
188), tandis que l'art. 107 al. 2 LTF l'emporte sur l'art. 73 al. 3 LHID (ATF
134 II 186 consid. 1.5 p. 190 ss), de sorte que les conclusions des recourants,
qui demandent plus que l'annulation de l'arrêt attaqué, sont recevables.

3.
Le Tribunal fédéral examine librement si le droit cantonal et son
interprétation par les autorités cantonales respectent les exigences de la loi
sur l'harmonisation fiscale. Dans la mesure où le droit fédéral laisse une
marge de manoeuvre au législateur cantonal, le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral se limite à l'interdiction de l'arbitraire (ATF 130 II 202 consid. 3.1
206; 128 II 56 consid. 1a et 2b p. 59 s.).

4.
4.1 Conformément à l'art. 7 al. 1 LHID, l'art. 1 de de la loi genevoise du 22
septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques, Impôt sur le revenu
(revenu imposable) (LIPP-IV; RSGE D 3 14), l'impôt sur le revenu a pour objet
tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient
uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine,
avant déductions. L'art. 9 lettre e LIPP-IV déclare également imposables les
gains de loterie et d'autres institutions semblables.

4.2 Conformément à l'art. 9 al. 1 LHID, l'art. 1 de la loi genevoise du 22
septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du
revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de
la progression à froid (LIPP-V; RSGE D 3 16) prévoit que le revenu net se
calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et
les frais mentionnés aux articles 2 à 8. Ces derniers autorisent les déductions
liées à la prévoyance, à l'exercice d'une activité lucrative dépendante et
indépendante, à la santé, aux contributions d'entretien, à la fortune, aux
frais de garde et au bénévolat. D'après l'art. 9 lettre a LIPP-V, ne peuvent en
revanche pas être déduits les autres frais et dépenses, en particulier les
frais d'entretien du contribuable et de sa famille, y compris les loyers du
logement et les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle.

4.3 Constituent des frais nécessaires à l'acquisition du revenu les dépenses
faites pour acquérir le revenu imposable qui sont en rapport immédiat et direct
avec ce dernier. La condition de nécessité doit être comprise dans un sens
large. Le Tribunal fédéral n'exige en effet pas que le contribuable ne puisse
pas acquérir le revenu du travail sans les dépenses professionnelles. Selon la
pratique, il n'est pas non plus nécessaire que l'on ait l'obligation légale de
payer la charge correspondante, mais il suffit que les dépenses puissent
économiquement être considérées comme étant nécessaires pour l'obtention du
revenu et que l'on ne puisse raisonnablement exiger du contribuable d'y
renoncer. Il faut ainsi considérer comme frais généraux toutes les dépenses
nécessaires à l'obtention du revenu et qui, selon les conceptions courantes,
peuvent y être englobées habituellement (ATF 124 II 29 consid. 3a p. 32 et les
nombreuses références citées; arrêt 2C_260/2008 du 6 août 2008, consid. 2.2).

4.4 Selon un principe généralement admis en matière fiscale, comme l'a rappelé
le Tribunal administratif, il incombe à celui qui fait valoir l'existence d'un
fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d'en apporter la
preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (arrêt
2C_265/2007 du 8 octobre 2007, consid. 4.1; 2A.461/2001 du 21 février 2002 in
Revue fiscale 57/2002, p. 816, consid. 2; Revue fiscale 54 118 consid. 9a p.
126; ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 et les arrêts cités).

5.
5.1 C'est à bon droit que le Tribunal administratif a jugé que le montant brut
des gains en cause, qui ont été obtenus en jouant au Pari mutuel romand, hors
maisons de jeu, est imposable, ce que les recourants ne contestent pas. Ces
derniers demandent en revanche le droit de déduire non seulement les mises
gagnantes mais également les mises perdantes des gains qu'ils ont obtenus, ce
que le Tribunal administratif leur a refusé.

5.2 Selon l'arrêt attaqué, qui se réfère à l'ATF 80 I 364, en raison du rôle
considérable des facteurs aléatoires intervenant dans l'attribution et
l'importance du gain recherché, le lien d'immédiateté exigé par la loi est
rompu de sorte que les mises perdantes ne peuvent être déduites du revenu. Les
recourants contestent cette opinion. Il est vrai sur ce point qu'une partie de
la doctrine considère qu'en principe, les dépenses pour le jeu de loterie sont
des dépenses d'entretien privé du contribuable, non déductibles (Markus Reich,
in Zweifel/Athanas, Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, vol. I/1,
Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und
Gemeinden [StHG], 2e éd., Bâle/Genève/Munich 2002, n° 7 ad art. 9 LHID; Philipp
Funk, Der Begriff der Gewinnungskosten nach Schweizerischem
Einkommensteuerrecht, Grüsch 1989, p. 212). Ce ne serait que lorsque les jeux
de loterie conduiraient à un gain, qui constitue un revenu imposable (cf. art 7
LHID; Markus Reich, op. cit., n° 32 ad art. 7 LHID), que le principe de l'impôt
sur le revenu net autoriserait la déduction des mises - gagnantes et perdantes
- à concurrence du gain obtenu, le jeu de loterie devant en revanche être
qualifié de hobby lorsque, durant une période fiscale, les mises dépasseraient
les gains obtenus (Markus Reich, op. cit., n° 7 ad art. 9 LHID; Peter Locher,
Kommentar zum DBG, Therwil/Bâle 2001, n° 48 ad art. 23 LIFD; Ernst Känzig, Die
Eidgenössische Wehrsteuer, 2e éd., Bâle 1982, n° 22a ad art. 21 al. 1 lettres e
et f AIFD, ces deux derniers auteurs font référence à l'ATF 80 I 364). Il n'est
toutefois pas nécessaire de développer cette question du moment que le recours
doit être rejeté pour un autre motif.

5.3 Le Tribunal administratif a également jugé que, comme les billets du PMU
sont des coupons au porteur, il était difficile de s'assurer que seuls les
recourants et non pas des tiers avaient consenti à la dépense. Il a estimé au
surplus qu'il ne suffisait pas d'apposer un nom sur les coupons pour que la
preuve de la dépense effective soit apportée. La preuve de l'achat effectif par
les recourants n'avait donc pas été apportée en l'espèce.

Les recourants reprochent à tort au Tribunal administratif d'avoir renversé le
fardeau de la preuve. Le Tribunal administratif n'a en effet pas requis des
recourants la preuve que les billets perdants produits n'ont pas été achetés
par des tiers, mais uniquement qu'ils ont bien été achetés par eux-mêmes, ce
qui consiste à n'en pas douter à apporter la preuve d'un fait positif. A
l'instar du Tribunal administratif, force est de constater qu'il ne suffit pas
de déposer des billets originaux sur lesquels sont apposés les noms des
recourants pour démontrer que ceux-ci en sont bien les acheteurs effectifs (cf.
pour un cas similaire: arrêt du Tribunal fédéral 2A.242/2005 du 17 mars 2006).
Les recourants ont en revanche raison de souligner que cette preuve peut être
apportée par divers moyens et non pas uniquement par la production d'un billet
nominatif délivré par la société qui exploite le PMU. Celle-ci fait toutefois
défaut en l'espèce.

Par conséquent, en refusant la déduction des mises perdantes parce que les
recourants n'avaient pas suffisamment prouvé en avoir supporté le coût, le
Tribunal administratif n'a pas violé le droit fédéral.

5.4 Au vu du résultat du recours, il n'est pas nécessaire d'examiner le grief
de constatation manifestement inexacte des faits ni celui de violation de la
force dérogatoire du droit fédéral, qui se confond au demeurant avec la
violation de la loi sur l'harmonisation fiscale, directement applicable le cas
échéant (art. 72 al. 2 LHID), ni non plus celui de violation du principe de la
légalité et de l'intérêt public.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Succombant, les recourants doivent supporter un émolument judiciaire
solidairement entre eux (art. 65 et 66 LTF). Ils n'ont pas droit à des dépens
(art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à
l'Administration fiscale et au Tribunal administratif du canton de Genève,
ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division juridique
impôt fédéral direct.

Lausanne, le 1er octobre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Merkli Dubey