Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.280/2008
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_280/2008 ajp

Arrêt du 8 juillet 2008
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Karlen et Aubry Girardin
Greffière: Mme Mabillard.

Parties
X.________,
recourant,
représenté par Me Laurent Schneuwly, avocat,

contre

Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, Les
Portes-de-Fribourg, route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot.

Objet
Expulsion,

recours contre l'arrêt de la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg du 21 février 2008.
Faits:

A.
X.________, ressortissant algérien né en 1969, est arrivé en Suisse en mars
1995, au bénéfice d'une autorisation de séjour temporaire pour études. Le 2
août 1996, il a épousé une Suissesse, Y.________. De cette union sont nés trois
enfants, A.________ en 1999, B.________ en 2000 et C.________ en 2002. A partir
du 3 juillet 2001, l'intéressé a obtenu une autorisation d'établissement.

Le 16 novembre 2001, X.________ a été condamné à dix-huit mois
d'emprisonnement, avec sursis pendant quatre ans, pour infractions à la loi
fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes
(ci-après: la loi sur les stupéfiants ou LStup, RS 812.121), commises entre
1998 et 2000.

Par jugement pénal du 19 novembre 2004, il a été condamné à sept ans et demi de
réclusion pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle,
lésions corporelles simples, injures, désagréments causés par la confrontation
à un acte d'ordre sexuel, infraction grave et contravention à la LStup, toutes
ces infractions ayant été commises entre 1996 et 2003. Le sursis accordé le 16
novembre 2001 a en outre été révoqué et l'intéressé a été expulsé du territoire
suisse pour une durée de cinq ans, avec un sursis de cinq ans.

Le 7 mars 2006, le Service de la population et des migrants du canton de
Fribourg (ci-après: le Service cantonal) a informé X.________ de son intention
de prononcer contre lui une décision d'expulsion du territoire de la
Confédération en application de l'art. 10 al. 1 lettre a de la loi fédérale du
26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 1 113 et
les modifications ultérieures). L'intéressé a fait valoir que, marié depuis dix
ans, il était père de trois enfants de nationalité suisse. La détention lui
avait fait reconnaître "l'intégralité de [ses] infractions" qu'il avait
entrepris de "réparer". Toujours dans un esprit de réparation, il collaborait
activement avec le Ministère public de la Confédération dans le cadre d'une
enquête pour trafic de drogue. Par ailleurs, il poursuivait une formation de
monteur électricien, bénéficiait d'une thérapie de soutien volontaire et était
devenu abstinent aux stupéfiants.

Le 13 juin 2006, le Service cantonal a prononcé l'expulsion de l'intéressé pour
une durée indéterminée.

B.
Par arrêt du 21 février 2008, la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de
X.________ contre la décision du Service cantonal du 13 juin 2006. Elle a
considéré que, vu la gravité des actes d'ordre sexuel commis par l'intéressé,
leur multiplicité, le fait qu'ils se sont déroulés pendant plusieurs années à
l'encontre d'un jeune enfant - qui de plus était la fille de l'épouse de
l'intéressé, sur laquelle il avait un devoir de veiller - ainsi que la récidive
en matière d'infractions à la LStup, il existait un intérêt public prépondérant
à l'expulsion de l'intéressé. Le comportement exemplaire de celui-ci pendant sa
détention ainsi que sa détermination et sa volonté d'intégration n'étaient pas
suffisants pour renverser cette appréciation.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande
au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal cantonal du 21 février 2008. Il se plaint d'une mauvaise application
du droit. A l'appui de ses griefs, il invoque les art. 10 et 11 LSEE, en
relation avec l'art. 16 du règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (RSEE RO 1949 I 232),
l'art. 14 al. 8 RSEE et l'art. 8 CEDH. Il requiert en outre l'effet suspensif
et l'assistance judiciaire.

Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. Le Service cantonal se réfère
aux observations produites devant l'autorité intimée et aux considérants de
l'arrêt attaqué.

L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (RO 2007 5487). En vertu de l'art. 126
al. 1 LEtr, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la loi sont
régies par l'ancien droit. Par analogie, la présente affaire doit être examinée
sous l'angle de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers.

2.
Formé en temps utile, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 lettre a et art.
100 LTF), par une personne légitimée à agir (art. 89 al. 1 LTF) contre un arrêt
rendu par une autorité cantonale de dernière instance dans une cause de droit
public, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit
public en vertu des art. 82 ss LTF. Il échappe en particulier à la clause
d'irrecevabilité de l'art. 83 lettre c ch. 4 LTF, l'expulsion litigieuse
n'étant pas fondée sur l'art. 121 al. 2 Cst., mais sur l'art. 10 al. 1 LSEE
(ATF 134 II 1 consid. 1.2 non publié).

3.
3.1 D'après l'art. 10 al. 1 LSEE, l'étranger peut être expulsé de Suisse ou
d'un canton notamment s'il a été condamné par une autorité judiciaire pour
crime ou délit (lettre a) ou si sa conduite dans son ensemble et ses actes
permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le
pays qui lui offre l'hospitalité ou qu'il n'en est pas capable (lettre b).
L'expulsion suppose toutefois une pesée des intérêts en présence ainsi que
l'examen de la proportionnalité de la mesure (cf. art. 11 al. 3 LSEE; cf. ATF
130 II 176 consid. 3.3.4 p. 182; 120 Ib 6 consid. 4a p. 12 s.).

De même, le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8
par. 1 CEDH n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est
possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence soit
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui. Il y a donc également lieu de
procéder à une pesée des intérêts en présence sous cet angle (cf. ATF 125 II
521 consid. 5 p. 529; 120 Ib 129 consid. 4b p. 131, 22 consid. 4a p. 24 s.).

Pour apprécier ce qui est équitable, l'autorité tiendra notamment compte de la
gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse
et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion
(cf. art. 16 al. 3 RSEE). Lorsque le motif de l'expulsion est la commission
d'un délit ou d'un crime, la peine infligée par le juge pénal est le premier
critère servant à évaluer la gravité de la faute et à peser les intérêts. La
durée de présence en Suisse d'un étranger constitue un autre critère important;
plus la durée de ce séjour aura été longue, plus les conditions pour prononcer
l'expulsion administrative doivent être appréciées restrictivement. On tiendra
en outre particulièrement compte, pour apprécier la proportionnalité de la
mesure, de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des
difficultés de réintégration dans son pays d'origine (cf. ATF 130 II 176
consid. 4.4.2 p. 190; 125 II 521 consid. 2b p. 523 s.; 122 II 433 consid. 2c p.
436).

3.2 Bien qu'il ne puisse pas revoir la décision du point de vue de
l'opportunité, le Tribunal fédéral contrôle néanmoins librement, sous l'angle
de la violation du droit fédéral, si les autorités cantonales ont correctement
mis en oeuvre les critères prévus par les dispositions du droit fédéral
susmentionnées et en particulier si, à la lumière desdits critères, l'expulsion
s'avère ou non proportionnée. Le Tribunal fédéral s'abstient cependant de
substituer sa propre appréciation à celle des autorités cantonales (ATF 125 II
521 consid. 2a p. 523; 105 consid. 2a p. 107; 122 II 433 consid. 2a p. 435).

4.
4.1 Dans le cas particulier, il ne fait pas de doute - et le recourant ne le
conteste pas - que le motif d'expulsion de l'art. 10 al. 1 lettre a LSEE est
réalisé, puisque l'intéressé s'est rendu coupable de plusieurs crimes et
délits. Il convient donc d'examiner si, en confirmant l'expulsion, l'arrêt
attaqué a correctement tenu compte des intérêts en présence et s'il a respecté
le principe de la proportionnalité.

4.2 Le recourant a été reconnu coupable d'infractions à LStup par jugement du
16 novembre 2001, puis il a été condamné, le 19 novembre 2004, pour actes
d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, lésions corporelles
simples, injures, désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre
sexuel, infraction grave et contravention à la LStup. Pour ces faits, il a été
condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant
quatre ans - révoqué le 19 novembre 2004 - et à une peine de sept ans et demi
de réclusion. Le Tribunal pénal d'arrondissement de la Broye a estimé que la
faute de l'intéressé, en relation avec les infractions sexuelles, était très
grave. Entre 1997 et 2003, celui-ci n'avait cessé de harceler et tourmenter la
fille de son épouse, alors âgée de cinq à onze ans. Ses actes étaient de nature
à traumatiser durablement sa victime et mettaient en danger le développement
aussi bien sexuel que psychique de celle-ci. Les actes commis étaient nombreux,
répétitifs sur une longue période et particulièrement abjects. S'agissant des
mobiles qui avaient poussé X.________ à agir de la sorte, le Tribunal a retenu
que celui-ci avait agi par pur égoïsme et par recherche du plaisir immédiat,
sans essayer de contrôler ses pulsions. Quant aux infractions à la LStup, elles
étaient également graves et démontraient à l'envi le manque de respect de
l'intéressé pour l'ordre juridique suisse, sa condamnation de novembre 2001
pour des infractions graves à la LStup ne l'ayant pas empêché de poursuivre son
activité délictueuse. Au vu de ce qui précède, seules des circonstances
exceptionnelles permettraient de faire pencher la balance des intérêts en
faveur de l'intéressé, ce d'autant que, selon la jurisprudence, il existe un
intérêt public prépondérant à expulser des étrangers qui ont en particulier
commis des actes de violence ou d'ordre sexuel d'une certaine gravité ou des
infractions graves à la loi fédérale sur les stupéfiants, même lorsque ces
étrangers vivent en Suisse depuis de nombreuses années (ATF 122 II 433 consid.
2c p. 436).

4.3 Le recourant fait valoir qu'il est en Suisse depuis treize ans; si, dans un
premier temps, "son comportement n'a pas été des plus adéquats", il a adopté
depuis plus de trois ans une conduite exemplaire et fait preuve d'une
remarquable constance dans les efforts entrepris, comme le soulignent dans
leurs rapports respectifs les Etablissements pénitentiaires de Bellechasse, où
il est actuellement incarcéré, et le Service de probation du canton de
Fribourg. Le long séjour de l'intéressé dans notre pays n'est toutefois pas
absolument décisif, du moment où, tant qu'il était en liberté, il n'a pas été
capable de s'insérer pleinement en Suisse pour s'y construire une vie honnête
(cf. art. 10 al. 1 lettre b LSEE et consid. 4.2 ci-dessus) et que sa
condamnation de novembre 2001 n'a pas suffi à le détourner de la délinquance.
Même si le recourant fait preuve d'une attitude exemplaire depuis sa
condamnation du 19 novembre 2004 et qu'il a consenti à des efforts méritoires,
ceci doit être relativisé dans la mesure où il est encore en train de purger sa
peine en prison et que l'on attend de manière générale des détenus qu'ils
s'amendent et se comportent bien. Ces circonstances ne sont en outre pas à ce
point exceptionnelles qu'elles suffiraient à faire pencher la balance en sa
faveur.

X.________ a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans en Algérie, où il a suivi avec
succès trois années d'études universitaires à l'Institut de Génie mécanique de
Sidi-Bel-Abbès. Actuellement, il poursuit un apprentissage en vue d'obtenir un
CFC d'électricien. A cela s'ajoute qu'il parle la langue de son pays et
entretient des relations effectives avec ses deux parents, qui sont venus lui
rendre visite en prison (cf. rapport du Service de probation du 10 juillet
2006). Ces éléments ne peuvent que faciliter le retour de l'intéressé dans son
pays d'origine. Les difficultés, même importantes, auxquelles il pourrait être
confronté, ne sont de toute façon pas déterminantes vu la gravité des
infractions dont il s'est rendu coupable.

4.4 Le recourant allègue qu'il est totalement impossible pour son épouse et ses
enfants de vivre en Algérie. Il semble effectivement très difficile d'exiger
des membres de la famille du recourant qu'ils le suivent à l'étranger. Cet
élément, qui doit entrer dans la pesée des intérêts, ne permet cependant pas en
lui-même d'exclure l'expulsion, surtout lorsque le comportement de l'étranger
rend la poursuite de son séjour en Suisse indésirable (cf. ATF 122 II 1 consid.
2 p. 6; 120 Ib 129 consid. 4b p. 131). Quoi qu'il en soit, l'éventuelle
atteinte au respect de la vie familiale que constitue la mesure litigieuse est
compatible avec l'art. 8 par. 2 CEDH. La jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme citée par le recourant repose sur des circonstances
différentes, en particulier s'agissant des délits commis, aucun requérant
n'ayant perpétré d'infraction contre l'intégrité sexuelle, qui plus est à
l'encontre d'un membre de sa famille.

4.5 En conclusion, les juges cantonaux ont correctement appliqué les critères
pertinents pour évaluer si l'expulsion de X.________ était ou non
proportionnée. En confirmant celle-ci, ils n'ont en outre pas abusé de leur
pouvoir d'appréciation.

5.
Finalement, le recourant se plaint que la décision contestée serait prématurée,
étant donné que sa libération conditionnelle pourrait au plus tôt intervenir en
septembre 2009 et que les circonstances permettant de procéder à la pesée des
intérêts évoluent dans un sens favorable.

Le moment à partir duquel une décision réglant le séjour de l'étranger après
l'accomplissement de sa peine peut, au plus tôt, être prise, dépend des
circonstances du cas, singulièrement de la nature et de la gravité des
infractions commises ainsi que, plus généralement, des autres informations dont
les autorités disposent pour apprécier de manière prospective la situation de
l'intéressé au moment déterminant, soit lors de sa libération (conditionnelle
ou définitive) (ATF 131 II 329 consid. 2.4 p. 334). En l'espèce, l'autorité
administrative pouvait déjà se prononcer sur la situation de l'intéressé au
moment où elle l'a fait, compte tenu des éléments qu'elle avait entre les
mains. Elle n'a en particulier pas ignoré les circonstances favorables dont se
prévaut le recourant, notamment l'évolution positive de son comportement et sa
volonté de réinsertion, mais elle a considéré que ceci n'était pas prépondérant
face à l'intérêt public à son éloignement. En outre, on peut souligner que la
mesure ne semble pas si prématurée puisque le recourant a demandé l'effet
suspensif à son recours, indiquant qu'il devrait pouvoir prochainement
bénéficier d'une exécution facilitée de sa peine et qu'il craignait que le
Service cantonal ne "mette en oeuvre" la décision d'expulsion administrative.
Au demeurant, ainsi que l'a fait remarquer à juste titre le Tribunal cantonal
dans ses observations, si les circonstances devaient changer dans une mesure
notable, l'autorité pourrait toujours reconsidérer sa décision.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Le présent arrêt
rend la demande d'effet suspensif sans objet. Les conclusions du recourant
étaient dénuées de toutes chances de succès de sorte qu'il convient de lui
refuser l'assistance judiciaire (art. 64 LTF). Succombant, le recourant doit
supporter les frais judiciaires, qui seront fixés compte tenu de sa situation
financière (art. 65 et 66 al. 1 LTF), et n'a pas droit à des dépens (art. 68
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service de la
population et des migrants et à la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal
du canton de Fribourg ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
Lausanne, le 8 juillet 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

T. Merkli F. Mabillard