Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.197/2008
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_197/2008 - svc

Arrêt du 30 mai 2008
IIe Cour de droit public

Composition
M. et Mme les Juges Merkli, Président,
Yersin et Aubry Girardin.
Greffier: M. Dubey.

Parties
X.________,
recourant,

contre

Service de la population et des migrants
du canton de Fribourg, Les Portes-de-Fribourg, route d'Englisberg 11, 1763
Granges-Paccot,
intimé.

Objet
Expulsion,

recours contre l'arrêt de la Ie Cour administrative
du Tribunal cantonal du canton de Fribourg
du 18 janvier 2008.

Faits:

A.
AX.________, de nationalité turque, né en 1966, est entré en Suisse le 15
octobre 1983 et a obtenu une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le 10
mai 1990, il a épousé une compatriote, BX.________, qui est venue le rejoindre
en Suisse le 1er octobre 1991. Deux enfants sont nés de cette union,
C.________, en 1992 et D.________, en 1998.
Malgré l'institution d'une curatelle volontaire le 25 novembre 1996, la
situation financière de la famille ne s'est pas améliorée. Sans travail pendant
des années, l'intéressé a bénéficié de l'aide sociale. Selon une attestation du
30 juin 1999, le montant de l'aide sociale accordée à la famille X.________
s'élevait à 81'568 fr.; le 16 juillet 2002, elle s'élevait à 78'559 fr. Les 2
août 1999, 29 janvier et 27 novembre 2000, le Service de la population et des
migrants a averti les intéressés que le renouvellement de leur permis de séjour
risquait de leur être refusé en raison de leur indigence.
Entre 2001 et 2002, AX.________ a multiplié les coups et les blessures contre
son épouse et l'a violée. Le 13 mars 2003, le divorce des époux X.________ a
été prononcé. Depuis le 26 novembre 2003, BX.________ et ses deux enfants sont
au bénéfice d'un permis d'établissement.
Le 4 mai 2004, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine a condamné
AX.________ à trois ans et demi de réclusion pour, notamment, lésions
corporelles simples, voies de faits, tentatives de mise en danger de la vie
d'autrui, extorsion, injure, menaces, contrainte, tentative de contrainte,
violation de domicile et viol au préjudice de son épouse. Le Tribunal a ordonné
l'internement de l'intéressé et a suspendu la peine durant l'internement. Il a
en outre prononcé son expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans.
Ce jugement a été confirmé sur recours par arrêt du Tribunal cantonal du 21
janvier 2005 et il est entré en force de chose jugée.
Le 25 août 2004, alors que l'intéressé était déjà incarcéré, son autorisation
de séjour est arrivée à échéance. Elle n'a pas été renouvelée.
Le 27 octobre 2005, la Direction de la sécurité et de la justice a refusé
d'accorder à l'intéressé une libération à l'essai. A l'appui de sa décision,
elle a retenu en substance que ce dernier présentait un risque très élevé de
récidive en raison de troubles psychiatriques graves qui impliquaient sa tenue
à l'écart de la société et en particulier de son ex-épouse. Il faisait preuve
d'un manque total d'introspection et niait les infractions commises.
L'évolution de ses troubles psychiatriques était jugée défavorable. Par
décision du 21 février 2007, pour les mêmes motifs, le Service de l'application
des sanctions a également refusé la libération conditionnelle.

B.
Par décision du 17 septembre 2007, le Service de la population a ordonné
l'expulsion de AX.________, "dès qu'il aura satisfait aux besoins de la
justice". Au vu des infractions commises, de l'absence de contacts avec ses
enfants et malgré la durée de son séjour en Suisse, les conditions des art. 10
et 11 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des
étrangers (LSEE; RS 1 p. 113) étaient réunies.
Par arrêt du 18 janvier 2008, la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal
(ci-après le Tribunal cantonal) a rejeté le recours déposé par AX.________
contre la décision rendue le 17 septembre 2007 par le Service cantonal de la
population.

C.
Le 21 février 2008, AX.________ a adressé au Tribunal administratif fédéral un
"recours administratif" contre l'arrêt du 18 janvier 2008; ce dernier l'a
déclaré irrecevable et l'a transmis au Tribunal fédéral comme objet de sa
compétence. L'intéressé conclut à l'annulation de l'arrêt du 18 janvier 2008 et
à l'octroi d'une autorisation de séjour en Suisse. Il se plaint de constatation
inexacte des faits et implicitement de la violation du droit fédéral. Il
demande l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal et le Service cantonal de la population ne formulent
aucune observation et s'en tiennent aux considérants de l'arrêt attaqué.
L'Office fédéral des migrations conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 1 p. 113) a été abrogée lors de l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2008, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS
142.20; cf. ch. I de l'annexe à l'art. 125 LEtr). Selon l'art. 126 al. 1 LEtr,
les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont régies
par l'ancien droit.
Le recourant bénéficiait d'une autorisation de séjour à l'année échéant au 25
août 2004; comme il a été interné à l'issue de l'audience pénale du 4 mai 2004,
cette autorisation reste en vigueur jusqu'à sa libération (art. 14 al. 8 du
règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi sur le séjour et
l'établissement des étrangers [RSEE; RS 142.201]) et prend fin par suite
d'expulsion (art. 9 al. 1 let. d LSEE). Comme la décision d'expulsion a été
rendue le 17 septembre 2007, la cause est soumise à l'ancien droit, en
application par analogie de l'art. 126 al. 1 LEtr. (arrêt 2C_32/2008 du 25
avril 2008, consid. 1.2).

2.
Une décision d'expulsion prononcée en application de l'art. 10 al. 1 LSEE peut
faire l'objet d'un recours en matière de droit public (art. 83 lettre c LTF a
contrario; arrêt 2C_536/2007 du 25 février 2008 consid. 1.2 non publié aux ATF
134 II 1; 2C_488/2007 du 6 février 2008, consid. 1.1). Elle échappe en
particulier à la clause d'irrecevabilité de l'art. 83 lettre c chiffre 4 LTF,
dans la mesure où l'expulsion en cause ne se fonde pas sur l'art. 121 al. 2
Cst., mais sur l'art. 10 al. 1 LSEE.
Formé en temps utile par le destinataire d'une décision prise en dernière
instance cantonale (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est recevable comme
recours en matière de droit public en vertu des art. 82 ss LTF.

3.
3.1 D'après l'art. 10 al. 1 lettre a LSEE, l'étranger ne peut être expulsé de
Suisse ou d'un canton que pour les motifs suivants a) s'il a été condamné par
une autorité judiciaire pour crime ou délit, b) si sa conduite, dans son
ensemble, et ses actes permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à
l'ordre établi dans le pays qui lui offre l'hospitalité ou qu'il n'en est pas
capable, c) si, par suite de maladie mentale, il compromet l'ordre public; d)
si lui-même, ou une personne aux besoins de laquelle il est tenu de pourvoir
tombe de manière continue et dans une large mesure à la charge de l'assistance
publique.
Une expulsion ne peut être prononcée que si le retour de l'expulsé dans son
pays d'origine est possible et peut être raisonnablement exigé (art. 10 al. 2
LSEE) et si elle paraît appropriée à l'ensemble des circonstances (art. 11 al.
3 LSEE). Pour juger de ce caractère approprié, l'autorité tiendra notamment
compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son
séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait
de l'expulsion (art. 16 al. 3 RSEE). Autrement dit, il faut procéder à une
pesée des intérêts en présence. Si le motif d'expulsion est la commission d'une
infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère
lorsqu'il s'agit d'évaluer la gravité de la faute et de procéder à la pesée des
intérêts. Cependant, l'autorité de police des étrangers s'inspire de
considérations différentes de celles qui guident l'autorité pénale. En matière
d'expulsion administrative, l'appréciation de l'autorité de police des
étrangers peut s'avérer plus rigoureuse que celle dont faisait preuve
l'autorité pénale sous l'empire de l'art. 55 aCP (ATF 130 II 493 consid. 4.2 p.
500 s.). L'expulsion pénale a toutefois été supprimée avec l'entrée en vigueur
le 1er janvier 2007 de la modification du code pénal suisse du 13 décembre 2002
(RO 2006 3459, p. 3533 ss), de sorte que celle frappant le recourant est
devenue caduque.

3.2 Le Tribunal fédéral contrôle librement, selon l'art. 95 lettre a LTF
(violation du droit fédéral), si les autorités cantonales ont correctement mis
en oeuvre les critères prévus par les dispositions du droit fédéral et en
particulier si, à la lumière des critères légaux, l'expulsion s'avère ou non
proportionnée. Le Tribunal fédéral s'abstient cependant de substituer sa propre
appréciation à celle des autorités cantonales (ATF 125 II 521 consid. 2a p.
523, 105 consid. 2a p. 107; 122 II 433 consid. 2a; 114 Ib 1 consid. 1b).

4.
4.1 En l'espèce, le Tribunal cantonal a constaté que le recourant s'est rendu
coupable de lésions corporelles simples, voies de faits, tentatives de mise en
danger de la vie d'autrui, extorsion, injures, menaces, contrainte, tentative
de contrainte, violation de domicile et viol au préjudice de son épouse, qui
constituent des crimes et délits pénaux pour lesquels il a été condamné à trois
ans de réclusion. Il a jugé à bon droit que les conditions de l'art. 10 al. 1
lettre a LSEE étaient réunies.

4.2 Il ressort également du jugement pénal du 4 mai 2004 que la mesure
d'internement fondée sur l'art. 43 chiffre 1 al. 2 aCP (art. 64 CP) a été
prononcée, en substance, parce que le recourant compromettait gravement la
sécurité publique en raison de son état mental et afin de prévenir la mise en
danger de la vie d'autrui, l'expert psychiatre ayant notamment constaté que
l'internement paraissait être la seule mesure possible pour faire cesser les
actes de violences, comme une agression mortelle de son ex-épouse, et précisé
que les troubles de la personnalité de l'intéressé étaient inaccessibles à tout
abord psychiatrique. Le Tribunal cantonal a par conséquent considéré à juste
titre que les infractions pénales reprochées au recourant étaient très graves
et démontraient une dangerosité certaine, d'autant plus que ce dernier
continuait à nier totalement la réalité des faits pour lesquels il avait été
condamné.
A cet égard, le recourant prétend que le premier droit reconnu à un accusé est
celui de se taire voire même de mentir. Il perd toutefois de vue qu'il n'est
plus accusé mais reconnu coupable des crimes et délits exposés dans le jugement
pénal du 4 mai 2004 confirmé par l'arrêt du Tribunal cantonal du 21 janvier
2005. L'appréciation du Service de police des étrangers ainsi que celle du
Tribunal intimé dans l'arrêt d'expulsion attaqué qualifient le comportement du
recourant après le prononcé des sanctions pénales. La qualification repose sur
les éléments d'expertise psychiatrique contenus dans la décision rendue le 21
février 2007 par le Service d'application des sanctions pénales refusant une
libération conditionnelle, dont il ressort que le recourant présente une
pathologie psychiatrique grave et chronique, susceptible de l'amener à des
comportements dangereux, d'autant qu'il s'obstine dans le déni du caractère
délictueux des actes pour lesquels il a été condamné. Dès lors, non seulement
le grief est mal fondé, mais le fait qu'il soit réitéré en instance fédérale
confirme une fois de plus la gravité persistante de l'attitude de déni du
recourant.
Ces éléments démontrent que les conditions des art. 10 al. 1 lettre b et c LSEE
sont également réalisées.

4.3 Il ressort enfin du dossier que le 30 juin 1999, le montant de l'aide
sociale accordée au recourant et à sa famille s'élevait à 81'568 fr. et que le
16 juillet 2002, elle s'élevait encore à 78'559 fr. malgré l'institution d'une
curatelle en 1996 et divers rappels (les 2 août 1999, 29 janvier et 27 novembre
2000) du Service de la population et des migrants les avertissant que le
renouvellement de leur permis de séjour risquait d'être refusé en raison de
leur indigence. Le recourant reproche en vain au Tribunal intimé de lui imputer
la responsabilité des échecs qu'il a connus sur le plan professionnel et
économique, en particulier son indigence, les dettes accumulées l'ayant été
pour faire face aux besoins courants de la famille et non pour son plaisir
personnel. Il suffit en effet de constater que le recourant n'a jamais
travaillé de façon à entretenir sa famille.
Le recourant et sa famille étant restés de manière continue et dans une large
mesure à la charge de l'assistance publique, les conditions de l'art. 10 al. 1
lettre d LSEE sont aussi réalisées.

4.4 Procédant à une pesée d'intérêts, le Tribunal cantonal a jugé à bon droit
que le recourant avait certes séjourné en Suisse durant plus de 23 ans mais que
les infractions pour lesquelles il a été condamné étaient très graves, qu'au
surplus, il n'était pas intégré dans le pays et qu'il n'avait pas de réelles
relations avec son frère en Suisse. Il avait détruit les liens avec sa famille,
en particulier il était divorcé et n'avait pu maintenir de relations avec ses
enfants, qu'il n'avait pas revus depuis son internement en raison de son
attitude envers leur mère et des violences exercées sur ceux-ci. Il ne
disposait ni de l'autorité parentale ni du droit de garde sur les enfants. A
cela s'ajoutait qu'il était indigent et qu'il ne travaillait plus depuis
plusieurs années déjà avant d'être incarcéré. Son retour en Turquie ne pouvait
pas empirer sa situation, pas même sur le plan médical et psychiatrique, ce
pays disposant d'infrastructures et de médicaments de soins psychiatriques
suffisants pour le prendre en charge en l'état, d'après les rapports du 10 mai
2007 de l'Office fédéral des migrations.
Dans ces conditions, en confirmant l'expulsion du recourant, le Tribunal
cantonal n'a pas violé le droit fédéral. Mal fondés, les griefs du recourant
doivent être rejetés.

5.
Le recourant se plaint de la violation de l'art. 8 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre
1950 (CEDH; RS 0.101).
Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de
sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH (cf. art. 13 al. 1
Cst.) pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Encore faut-il,
pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et
une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse
(c'est-à-dire au moins un droit certain à une autorisation de séjour: ATF 130
II 281 consid. 3.1 p. 285) soit étroite et effective (ATF 129 II 193 consid.
5.3.1 p. 211). D'après la jurisprudence, les relations familiales que l'art. 8
par. 1 CEDH tend à préserver sont, avant tout, les rapports entre époux ainsi
qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (cf. ATF 120 Ib 257 consid.
1d p. 261). Au demeurant, la protection découlant de l'art. 8 par. 1 CEDH n'est
pas absolue. En effet, une atteinte à l'exercice du droit au respect de la vie
privée et familiale est possible, selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que
cette ingérence soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui,
dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la
sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à
la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la
morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
En l'espèce, le recourant ne peut pas invoquer ce droit du moment qu'il est
divorcé et n'a plus de relations étroites et effectives avec ses enfants depuis
plusieurs années. Le grief est par conséquent irrecevable. A supposer au
demeurant qu'il puisse s'en prévaloir, l'art. 8 par. 1 CEDH ne lui serait
d'aucun secours, car la protection de cette disposition devrait céder le pas
devant l'art. 8 par. 2 CEDH. En effet, la mesure d'expulsion qui frappe le
recourant est nécessaire à la prévention d'infractions pénales, la sécurité des
enfants ainsi que celle de leur mère étant en jeu, comme cela a été établi
ci-dessus.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où
il est recevable. Succombant, le recourant, dont les conclusions étaient
d'emblée vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF) n'a pas droit à l'assistance
judiciaire et doit supporter un émolument judiciaire (art. 65 et 66 LTF),
adapté à sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Ie Cour administrative du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des migrations.
Lausanne, le 30 mai 2008

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:
Merkli Dubey