Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 1D.7/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1D_7/2008

Arrêt du 15 décembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
B.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Benoît Guinand, avocat,

contre

Département de la solidarité et de l'emploi (DSE), rue de l'Hôtel-de-Ville 14,
1211 Genève 3.

Objet
refus de lever le secret de fonction,

recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêté du Conseil d'Etat du canton
de Genève du 15 septembre 2008.

Faits:

A.
Le 19 janvier 2007, B.________ et A.________ ont déposé plainte pénale contre
inconnu pour diffamation. Ils exposaient avoir fait l'objet d'une dénonciation
anonyme auprès de l'Office cantonal genevois de l'inspection et des relations
du travail (OCIRT). Il s'en était suivi une visite d'un collaborateur de
l'OCIRT (ci-après: le collaborateur), lequel aurait proféré des reproches sur
l'état des locaux, ainsi que des accusations infondées de mobbing. La plainte a
été classée le 29 janvier 2007 par le Ministère public genevois.
Par ordonnance du 2 mai 2007, la Chambre d'accusation genevoise a partiellement
admis le recours formé par A.________ et B.________; les termes de la
dénonciation anonyme étaient diffamatoires, s'agissant de l'accusation de
mobbing; la cause était renvoyée au Parquet afin notamment que soit identifié,
par tous les moyens nécessaires et adéquats, l'auteur de cette dénonciation.

B.
Le collaborateur ayant été convoqué pour une audition par la police judiciaire,
le Chef du département de la solidarité et de l'emploi a fait savoir, par
lettre du 6 juin 2007, qu'il refusait de lever le secret de fonction; cette
décision pouvait faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif dans les
trente jours. Le 22 juin 2007, B.________ écrivit au Chef du département en
estimant que le collaborateur était en possession d'éléments pouvant éclairer
la justice sur la dénonciation qui portait atteinte à son entreprise. Le 3
juillet 2007, le Chef du département répondit qu'une décision formelle avait
été rendue le 6 juin 2007 et que le délai de recours avait commencé à courir. A
titre exceptionnel, il considéra la lettre du 22 juin 2007 comme une
réclamation et rendit la "nouvelle décision suivante": le secret de fonction
était levé, mais en vertu de la LTr et des conventions du BIT, le collaborateur
ne pourrait répondre à aucune question visant à identifier les personnes ayant
fourni des informations à l'OCIRT, ces dernières ayant droit à une protection
absolue de leur anonymat. Cette décision comporte la même indication des voies
de droit que la précédente.

C.
Par acte du 5 juillet 2007, A.________ et B.________ ont recouru auprès du
Tribunal administratif genevois contre la décision du 6 juin 2007. Par arrêt du
18 décembre 2007, le Tribunal administratif s'est déclaré incompétent et a
transmis le recours au Conseil d'Etat.
Par arrêté du 15 septembre 2008, ce dernier, statuant sans le Conseiller d'Etat
concerné, a déclaré le recours irrecevable. Il a tout d'abord considéré,
changeant sa pratique sur ce point, que seul le détenteur du secret de fonction
pouvait recourir contre les décisions prises à ce sujet; les tiers n'étaient
pas directement touchés. Le Conseil d'Etat a toutefois renoncé à appliquer
cette nouvelle pratique dans le cas d'espèce, en vertu du principe de la
confiance. La décision du 6 juin 2007 avait été remplacée par celle du 3
juillet suivant, entrée en force, de sorte que le recours dirigé contre le
premier prononcé était irrecevable faute d'objet. A titre subsidiaire, le
Conseil d'Etat a considéré que le refus de lever le secret de fonction était
conforme à la LTr et à la Convention n° 81 du BIT.

D.
A.________ et B.________ forment un recours constitutionnel subsidiaire. Ils
demandent préalablement l'apport du dossier de l'OCIRT, y compris le nom du
dénonciateur. Principalement, ils concluent à l'annulation de l'arrêté du
Conseil d'Etat et de la décision du Chef du département du 6 juin 2007. Ils
demandent également au Tribunal fédéral d'ordonner au Chef du département
d'autoriser le témoignage requis, sans limitation, et d'ordonner la reprise de
la procédure pénale.
Le Conseil d'Etat conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 113 LTF, le recours constitutionnel subsidiaire est ouvert contre
les décisions qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à
89 LTF.

1.1 Pour les recourants ? et l'autorité intimée ?, le recours en matière de
droit public ne serait pas ouvert car la décision attaquée porterait sur les
rapports de travail de droit public, mais ne serait pas de nature pécuniaire
(art. 83 let. g LTF). On pourrait également se demander si le recours en
matière pénale ne serait pas ouvert, puisque la levée du secret intervient dans
le cadre et pour les besoins d'une procédure pénale, et pourrait ainsi être
assimilée à un refus de témoigner. La recevabilité du recours devrait alors
être examinée sous l'angle de l'art. 93 LTF. Ces questions peuvent demeurer
indécises. En effet, la qualification de la voie de droit est en l'espèce sans
incidence sur le fond du recours.

1.2 Le Conseil d'Etat conteste la qualité pour agir des recourants. Il relève,
conformément à sa nouvelle pratique et à la jurisprudence du Tribunal fédéral
(ATF 123 IV 75), que les tiers n'ont aucun droit à la levée du secret de
fonction, et partant, aucun intérêt juridique au sens de l'art. 115 let. b LTF.
La question peut elle aussi demeurer indécise car, indépendamment de leur
qualité sur le fond, les recourants peuvent se plaindre, en vertu de leur droit
de parties à la procédure, du refus d'entrer en matière prononcé par le Conseil
d'Etat.

1.3 Compte tenu de l'objet du litige, les conclusions cassatoires et celles qui
tendent à l'autorisation de témoigner sont admissibles (art. 107 al. 2 LTF par
renvoi de l'art. 117 LTF). La conclusion tendant à la reprise de la procédure
pénale est en revanche irrecevable.

2.
Les recourants contestent la nouvelle pratique instaurée par le Conseil d'Etat
à propos des art. 7 et 60 de la loi genevoise sur la procédure administrative
(LPA). Ils estiment disposer d'un intérêt prépondérant à la levée du secret. Le
grief apparaît toutefois sans objet puisque, dans le cas particulier des
recourants, le Conseil d'Etat a renoncé à appliquer sa nouvelle jurisprudence.
Le prononcé d'irrecevabilité repose sur un autre motif: la décision du 3
juillet 2007, rendue dans le délai de recours, s'était substituée à celle du 6
juin 2007; cette dernière était caduque, de sorte que le recours était
irrecevable, faute d'objet.

2.1 Les recourants contestent que la seconde décision puisse révoquer la
première, dans la mesure où elle ne fait que la confirmer; il ne s'agirait que
d'un simple complément, et il serait arbitraire d'en conclure que la première
décision serait caduque.

2.2 En dehors de certains domaines (assurances sociales, droit fiscal) les
administrés n'ont en principe pas un droit général au réexamen ? ou à la
reconsidération ? d'une décision rendue à leur détriment. Toutefois, lorsque
l'autorité, sans y être tenue, entre en matière sur une telle demande, elle
rend une nouvelle décision, elle-même susceptible d'un recours sur le fond
(HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zurich 2006 p. 393;
MOHR, Droit administratif, Berne 2002 vol. 2 p. 339). A l'instar d'une décision
de révocation, cette nouvelle décision, qui tient compte de moyens ? de fait ou
de droit ? que l'administré n'avait pas fait valoir la première fois, se
substitue formellement à la première, même si elle la confirme matériellement.

2.3 En l'occurrence, la seconde décision du Chef du département n'a pas
intégralement confirmé la première. L'employé public était en effet autorisé à
déposer, sans toutefois pouvoir révéler l'identité du dénonciateur. Le Chef du
département y précise d'ailleurs clairement qu'il s'agit d'une "nouvelle
décision", pour laquelle il indiquait des voies et délai de recours. Il n'était
donc nullement arbitraire de retenir que la décision du 3 juillet 2007 a
formellement remplacé celle du 6 juin précédent, même si matériellement elle la
confirmait pour l'essentiel.
Le refus d'entrer en matière, pour ce motif, sur le recours dirigé contre la
première décision, n'a par conséquent rien d'insoutenable.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais de ses auteurs (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1000 fr., sont mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Département de
la solidarité et de l'emploi et au Conseil d'Etat du canton de Genève.

Lausanne, le 15 décembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz