Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.92/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_92/2008

Arrêt du 16 décembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.

Parties
A.________ et B.________,
recourants,

contre

Orange Communications SA,
intimée, représentée par Me Minh Son Nguyen, avocat,
Municipalité de la commune de Grandvaux, 1091 Grandvaux,
Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud, Service de
l'environnement et de l'énergie, chemin des Boveresses 155, 1066 Epalinges,

Objet
autorisation de construire, installation de téléphonie mobile,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud, du 18 janvier 2008.

Faits:

A.
Orange Communications S.A. (ci-après: Orange) a adressé en 2001 à la
Municipalité de la commune de Grandvaux (ci-après: la municipalité) une demande
d'autorisation de construire en vue d'installer sur un mât au bord des voies de
chemin de fer (poteau n° 162) un équipement de téléphonie mobile, comportant
quatre antennes de type Kathrein 742'234, une antenne à faisceaux hertziens et
une structure métallique (installation combinée GSM et UMTS). Ce mât ou poteau
se trouve sur la parcelle n° 1148 du registre foncier, à Grandvaux, terrain du
domaine ferroviaire appartenant aux Chemins de fer fédéraux suisses (CFF). Le
projet a été mis à l'enquête publique du 12 au 31 octobre 2001; plusieurs
oppositions ont été enregistrées.
La demande d'autorisation de construire a été transmise à l'administration
cantonale vaudoise. Le Service de l'aménagement du territoire (SAT) a délivré,
au nom du département cantonal, une autorisation spéciale pour constructions
hors de la zone à bâtir (art. 24 LAT). Cette autorisation a été communiquée à
la municipalité le 18 décembre 2001 avec, entre autres, un préavis favorable du
Service de l'environnement et de l'énergie (SEVEN). Le 13 mars 2002, Orange a
communiqué à la municipalité des compléments et des modifications de sa
demande, afin de tenir compte de remarques des opposants.
Le 22 avril 2002, la municipalité a refusé le permis de construire. Sa décision
a été notifiée le 9 mai 2002 à Orange, qui a recouru auprès du Tribunal
administratif du canton de Vaud. Plusieurs opposants, dont A.________ et
B.________ (ci-après: les époux A.________), propriétaires d'une maison voisine
à quelques dizaines de mètres de l'emplacement prévu pour l'installation
litigieuse, sont intervenus comme parties à cette procédure. Le Tribunal
administratif a statué le 22 mars 2006; il a partiellement admis le recours
(ch. I du dispositif), annulé la décision de la municipalité et renvoyé le
dossier à cette autorité "afin qu'elle complète l'instruction conformément aux
considérants du présent arrêt et statue à nouveau" (ch. II du dispositif).
Les époux A.________ ont recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêt du
Tribunal administratif. La Ire Cour de droit public a statué le 2 octobre 2006,
en admettant partiellement le recours de droit administratif, dans la mesure où
il était recevable, et en réformant l'arrêt dans ce sens que les autorités
cantonales ne devaient pas soumettre le projet à l'approbation de l'Office
fédéral des transports; pour le reste, l'obligation pour la municipalité de
compléter l'instruction et de statuer à nouveau a été confirmée (arrêt 1A.100/
2006). A ce stade de la procédure en effet, seule la question de la nécessité
d'une procédure fédérale d'approbation des plans a pu être examinée par le
Tribunal fédéral.

B.
La municipalité a statué à nouveau le 12 décembre 2006. Elle a levé les
oppositions et délivré le permis de construire. Les époux A.________ ont
recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Dès le 1er
janvier 2008, l'affaire a été traitée par la Cour de droit administratif et
public du Tribunal cantonal, laquelle a très partiellement admis le recours par
un arrêt rendu le 18 janvier 2008, en réformant la décision municipale dans le
sens de deux considérants (consid. 3g et 4c de l'arrêt). Le premier point
concerne l'obligation imposée à l'opérateur de faire procéder, à ses frais, à
des mesures de contrôle dans les six mois suivant la mise en service de
l'installation (consid. 3g). Le second point consiste à ajouter une condition
au permis de construire, soit l'obligation pour l'opérateur d'intégrer dans son
système d'assurance de qualité (AQ) les données opérationnelles de
l'installation mise à l'enquête publique (consid. 4c). Pour l'essentiel, la
Cour de droit administratif et public a rejeté les griefs des recourants. Elle
a notamment retenu que sur leur parcelle (au dernier étage de leur maison),
l'intensité de champ électrique due à l'installation litigieuse était estimée à
1.05 V/m; elle serait donc inférieure à la valeur limite de l'installation
fixée par le droit fédéral (6.0 V/m) et, a fortiori, aux valeurs limites
d'immissions (cf. annexes 1 et 2 de l'ordonnance sur la protection contre le
rayonnement non ionisant [ORNI; RS 814.710]).
L'arrêt du Tribunal cantonal mentionne également que les recourants ont déclaré
être "électro-sensibles", ce qui signifie selon eux qu'ils seraient incapables
de vivre à proximité d'une station émettant un rayonnement électromagnétique
parce qu'ils ressentiraient des symptômes répétés et systématiques (fatigue,
perte de lucidité, maux de tête). Des certificats médicaux du Dr C.________, du
13 février 2002, indiquent que, depuis leur enfance, ils sont l'un et l'autre
dans l'incapacité de supporter une antenne de télécommunication. La Cour de
droit administratif et public a considéré que rien ne permettrait de conclure
que l'installation litigieuse déploierait un effet sur l'état de santé des
recourants (consid. 2b), et que ceux-ci n'avaient pas apporté la preuve que les
troubles dont ils se plaignent étaient causés par une installation de
téléphonie mobile (consid. 3i).

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les époux
A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 18 janvier 2008
et de renvoyer l'affaire pour nouvelle décision à la Cour de droit
administratif et public, afin qu'une expertise soit effectuée aux fins de
démontrer que le rayonnement électromagnétique est bien la cause des troubles
dont ils se plaignent, et afin que des mesures de limitation complémentaire des
émissions soient prises sur la base de l'art. 5 ORNI, en tenant compte d'un
autre projet d'antenne (antenne GSM-R projetée sur le poteau n° 166 à
proximité). Subsidiairement, les recourants demandent que des mesures de
prévention efficaces soient prises, qui garantissent une exposition de 0.02 V/m
à l'intérieur de leur habitation et 0.06 V/m à l'extérieur, soit par des
mesures de protection contre les ondes électromagnétiques sur leur bâtiment,
aux frais de la constructrice, soit par un éloignement suffisant de l'antenne
le long de la voie.
Orange conclut au rejet du recours.
Pour l'administration cantonale, le Service de l'environnement et de l'énergie
(SEVEN), rattaché au Département de la sécurité et de l'environnement, a déposé
des observations.
La municipalité et la Cour de droit administratif et public ont renoncé à se
déterminer sur le recours.
L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) a été invité à communiquer ses
observations. Celles-ci ont été transmises aux parties, qui ont ensuite pu se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF
est en principe ouverte contre une décision rendue, en dernière instance
cantonale, dans une contestation relative à une autorisation de construire. En
l'espèce, les recourants ont agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et selon
les formes prescrites. Comme propriétaires d'un bâtiment directement voisin de
l'installation litigieuse, ils ont qualité pour recourir au sens de l'art. 89
al. 1 LTF. Il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Les recourants font valoir que les mesures de limitation des émissions
devraient être complétées ou rendues plus sévères dans le cas particulier
compte tenu d'un autre projet d'antenne des Chemins de fer fédéraux, au bord de
la même voie ferrée, à proximité directe (projet de radio ferroviaire GSM-R,
antenne à installer sur le poteau n° 166). Les recourants admettent n'avoir
rien allégué à ce sujet en procédure cantonale. L'état de fait de l'arrêt
attaqué ne mentionne pas ce projet.
Par leur argumentation, les recourants ne critiquent pas les constatations de
fait de l'arrêt attaqué et ils ne se plaignent pas à ce propos d'une violation
du droit fédéral (cf. art. 97 al. 1 LTF). Ils ne prétendent pas que les juges
du Tribunal cantonal auraient dû tenir compte de cet autre projet qui, d'après
une pièce produite avec le recours, n'est pas soumis à une procédure
d'approbation cantonale et qui a fait l'objet d'une première publication en
novembre 2007. En somme, les recourants mentionnent un fait nouveau, qu'ils
estiment pertinent.
En vertu de l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue sur la base des
faits établis par l'autorité précédente. En application de cette règle, le fait
nouveau en question n'a pas, en principe, à être pris en considération.
Toutefois, en vertu de l'art. 105 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral peut rectifier
ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits
ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit. Or
tel n'est pas le cas en l'espèce. Selon les pièces du dossier, l'antenne
projetée par les CFF, pour leur propre système de télécommunications (GSM-R),
n'est pas encore approuvée par l'autorité administrative compétente; c'est dans
le cadre de cette procédure en cours qu'une évaluation globale du rayonnement
des antennes voisines (57 m séparent les deux poteaux) pourra le cas échéant
être effectuée, si le droit fédéral l'impose (cf. ch. 62 de l'annexe 1 de
l'ORNI; arrêt 1A.162/2004 du 3 mai 2005, in DEP 2005 p. 740, consid. 2). Aussi,
pour des raisons procédurales, le Tribunal fédéral n'a pas à prendre en
considération le projet d'antenne des CFF dans la présente contestation.

3.
Les recourants présentent différents griefs sous les titres "pouvoir d'examen
du Tribunal fédéral", "appréciation des connaissances scientifiques par le
Conseil fédéral" et "appréciation de l'expérience". En substance, ils ne
critiquent pas la décision attaquée dans ses constatations de fait sur le
rayonnement de l'installation litigieuse, ni en tant qu'elle retient que les
valeurs limites fixées par le droit fédéral ne seraient pas dépassées. Les
recourants ne prétendent pas non plus que les mesures de contrôle qui devront
être mises en oeuvre (système d'assurance de qualité, notamment) seraient
inadaptées. Leurs critiques visent en revanche les valeurs limites elles-mêmes,
ou le régime prévu par le droit fédéral pour la limitation des émissions des
antennes de téléphonie mobile. Ils font en particulier valoir qu'une protection
insuffisante serait accordée aux personnes dotées, comme eux-mêmes, d'une
sensibilité particulière aux champs électromagnétiques.

3.1 Dans ses dispositions générales, la loi fédérale sur la protection de
l'environnement (LPE; RS 814.01) prévoit, pour la limitation des émissions, un
concept d'action à deux niveaux (art. 11 al. 2 et 3 LPE; cf. notamment, à
propos de ce concept, ATF 128 II 378 consid. 6.2 p. 384). Les art. 4 et 5 ORNI
reprennent ce concept, en prescrivant d'une part une limitation préventive des
émissions (titre de l'art. 4 ORNI; cf. art. 11 al. 2 LPE), et d'autre part une
limitation complémentaire et plus sévère des émissions (titre de l'art. 5 ORNI;
cf. art. 11 al. 3 LPE).
Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive -
qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes
- fait l'objet d'une réglementation détaillée à l'annexe 1 de l'ORNI (par
renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les "stations
émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils "
(ch. 6 annexe 1 ORNI), des "valeurs limites de l'installation" (ch. 64 annexe 1
ORNI). Dans le cas d'espèce, la valeur limite de l'installation à respecter
dans les lieux à utilisation sensible du voisinage (principalement les locaux
dans lesquels des personnes séjournent régulièrement - art. 3 al. 3 ORNI),
compte tenu des gammes de fréquence utilisées, est de 6.0 V/m (ch. 64 let. b
annexe 1 ORNI). La jurisprudence a d'emblée retenu que les principes de la
limitation préventive des émissions (art. 11 al. 2 LPE, art. 4 ORNI) étaient
considérés comme observés en cas de respect de la valeur limite de
l'installation dans les lieux à utilisation sensible (une maison d'habitation
par exemple), où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c p. 403; cf.
également ATF 133 II 64 consid. 5.2 p. 66; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006,
consid. 3.2 in SJ 2006 I 314).
Par ailleurs, une limitation complémentaire ou plus sévère des émissions doit,
en vertu de l'art. 11 al. 3 LPE, être ordonnée s'il appert ou s'il y a lieu de
présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement,
seront nuisibles ou incommodantes. L'art. 5 al. 1 ORNI exprime cette règle en
ces termes: "S'il est établi ou à prévoir qu'une installation entraînera, à
elle seule ou associée à d'autres installations, des immissions dépassant une
ou plusieurs valeurs limites d'immissions de l'annexe 2, l'autorité impose une
limitation d'émissions complémentaire ou plus sévère". Ces valeurs limites
d'immissions sont très sensiblement supérieures aux valeurs limites de
l'installation (58 V/m pour le GSM 1800).

3.2 Les recourants reprochent au Conseil fédéral d'avoir mal appliqué l'art. 14
LPE en fixant les valeurs limites, et singulièrement d'avoir mal apprécié
l'expérience. Or cette disposition de la loi fédérale, qui prescrit tenir
compte de l'état de la science et de l'expérience, concerne la fixation des
valeurs limites d'immissions, plus précisément de celles relatives aux
pollutions atmosphériques (selon le titre de l'art. 14 LPE). Des critères
analogues sont cependant valables pour les valeurs limites d'immissions du
rayonnement non ionisant (cf. ATF 129 II 420 consid. 4.3.2 p. 430).
Quoi qu'il en soit, dans la présente contestation, il faut d'abord vérifier que
l'exploitation de la nouvelle antenne s'effectuera dans le respect des
limitations préventives des émissions (art. 4 al. 1 ORNI) sur la propriété des
recourants, donc de la valeur limite de l'installation (ch. 64 annexe 1 ORNI).
Si cette exigence est satisfaite, cela signifie qu'a fortiori, les valeurs
limites d'immissions sont respectées. D'autres situations que celle
présentement litigieuse n'ont pas à être prises en considération car, si le
Tribunal fédéral peut revoir à titre préjudiciel la légalité d'une ordonnance
dans le cadre d'une contestation concrète, il ne doit pas se prononcer de
manière générale au sujet de l'application de cette ordonnance (cf. ATF 133 I 1
consid. 5.1 p. 3).
Comme cela a déjà été exposé, il n'est pas contesté que la valeur limite de
l'installation fixée dans l'ORNI (6.0 V/m) ne sera pas dépassée dans le cas
particulier. Il faut comprendre les griefs des recourants dans ce sens que la
valeur la plus sévère prévue par le droit fédéral - la valeur limite de
l'installation - aurait dû être fixée à un seuil encore plus bas (inférieur en
l'occurrence à 6.0 V/m). Dans ces conditions, il importe peu de savoir si les
valeurs limites d'immissions, nettement plus élevées, ont été fixées par le
Conseil fédéral conformément aux exigences légales.

3.3 Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt de principe rendu en 2000 (ATF 126 II
399), examiné à titre préjudiciel la légalité des valeurs limites fixées dans
l'ORNI et il a considéré qu'elles étaient conformes à la loi fédérale sur la
protection de l'environnement; il a toutefois précisé qu'il se réservait de
réexaminer la jurisprudence - ce qui pourrait amener à considérer que des
valeurs limites plus sévères devraient être fixées - en cas de nouvelles
connaissances scientifiques au sujet des effets sur l'organisme du rayonnement
non ionisant (ATF 126 II 399 consid. 4c p. 408). Depuis lors, le Tribunal
fédéral a retenu à plusieurs reprises, sur la base notamment de rapports du
service spécialisé de l'administration fédérale, l'OFEV, que l'évolution de
l'état de la science ne justifiait pas une nouvelle solution (cf. notamment
arrêts non publiés 1A.60/2006 du 2 octobre 2006, consid. 2; 1A.142/2006 du 4
décembre 2006, consid. 6 et les arrêts cités). En particulier, dans un arrêt
rendu en 2001 (arrêt 1A.62/2001 du 24 octobre 2001, partiellement publié aux
ATF 128 I 59), il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte - à
propos de l'appréciation de l'état des connaissances scientifiques en vue d'un
éventuel réexamen de la légalité des valeurs limites de l'ORNI - d'expériences
menées à Salzburg où des valeurs préventives sensiblement plus faibles ont été
arrêtées (0.6 V/m), notamment parce qu'il n'était pas démontré que des valeurs
si basses pouvaient effectivement être respectées (on parle à ce propos du
"Salzburger Modell", ou modèle de Salzburg - consid. 3b/bb de l'arrêt 1A.62/
2001).

3.4 Dans leur argumentation - qui ne se réfère pas toujours clairement aux
normes juridiques pertinentes -, les recourants invoquent des principes ou des
considérations généraux, par exemple le principe de précaution. Selon la
définition la plus couramment utilisée et la plus largement admise, ce principe
postule qu'en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à
plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement (ATF 132 II 305 consid. 4.3 p. 320). A l'évidence, le système
de l'ORNI, qui impose, pour toutes les antennes de téléphonie mobile, le
respect de valeurs préventives sensiblement inférieures aux valeurs limites
d'immissions, tient compte du principe de précaution ainsi défini, pour les
raisons exposées dans la jurisprudence citée plus haut.
En définitive, sur la base des griefs des recourants, deux questions doivent
être examinées: premièrement celle de l'évolution des connaissances
scientifiques, qui serait propre à justifier un réexamen de la légalité des
valeurs limites de l'ORNI, afin de garantir une protection adéquate de la
population (de sensibilité ordinaire) contre le rayonnement non ionisant;
deuxièmement celle de la nécessité d'une protection spéciale pour les personnes
s'affirmant "électro-sensibles".

3.5 A propos de l'évolution des connaissances scientifiques, les recourants se
réfèrent à un rapport du 31 août 2007 intitulé "BioInitiative Report: A
Rationale for a Biologically-based Public Exposure Standard for Electromagnetic
Fields (ELF and RF)" (les scientifiques ayant dirigé ce rapport ["Organizing
Committee"] sont Carl Blackman, Martin Blank, Michael Kundi et Cindy Sage -
rapport accessible sur www.bioinitiative.org). Les recourants prétendent que
les auteurs de ce rapport concluraient que les "normes actuelles", ou les
"limites d'immissions actuelles", sont clairement insuffisantes et
recommanderaient une valeur limite fixée au maximum à 0.614 V/m.
Les recourants ne citent pas des passages précis du rapport BioInitiative qui
démontreraient une véritable évolution des connaissances scientifiques depuis
la date des derniers arrêts du Tribunal fédéral où cette question a été
examinée (cf. supra, consid. 3.3). Or il apparaît que, dans les recommandations
énoncées par les auteurs du rapport (Summary for the Public, Recommended
Actions, p. 21 ss), les valeurs préventives de l'ORNI (valeurs limites de
l'installation, à distinguer des valeurs limites d'immissions fixées sur la
base de recommandations internationales [cf. ATF 129 II 420 consid. 7.2-7.3 p.
435; 126 II 399 consid. 3b p. 403]) ne sont pas critiquées. Quant à la valeur
de 0.614 V/m, elle est reprise du "modèle de Salzburg" (cf. supra, consid. 3.3
in fine) et elle est présentée comme une limite préventive possible
("precautionary limit", p. 23, 26 du rapport). On ne voit aucun motif, sur la
base de ces explications qui prennent en considération des éléments déjà
discutés dans la jurisprudence du Tribunal fédéral, de remettre en cause la
légalité des valeurs limites de l'ORNI. L'Office fédéral de l'environnement,
dans ses déterminations sur le présent recours, expose au demeurant de manière
claire l'état des connaissances scientifiques et il en ressort qu'à l'heure
actuelle, l'appréciation faite dans l'arrêt de principe ATF 126 II 399 est
toujours valable.

3.6 Les recourants invoquent par ailleurs la nécessité de protéger spécialement
les personnes "électro-sensibles". Ils font valoir que les tribunaux (en
particulier le Tribunal fédéral) devraient permettre aux personnes qui
allèguent une sensibilité particulière aux champs électromagnétiques d'établir
leur sensibilité dans un cas d'espèce. Ils affirment subir eux-mêmes des
troubles causés par les ondes électromagnétiques et ils reprochent au Tribunal
cantonal d'avoir violé leur droit d'être entendus en n'ordonnant pas une
expertise au sujet de leur "électro-sensibilité". L'expertise serait, selon
eux, le moyen le plus approprié pour établir les faits allégués, outre le
certificat médical qu'ils ont fourni.
3.6.1 Les recourants ont en effet produit, en procédure cantonale, deux
certificats médicaux déjà anciens (ils datent de 2002) qui se bornent à
mentionner une "incapacité de supporter une antenne de télécommunication"
depuis l'enfance. Aucun symptôme n'est décrit. Aucune explication n'est donnée
sur la sensibilité aux champs électromagnétiques provenant d'autres sources que
les antennes de télécommunication. Les certificats ne précisent pas non plus
sur quelle base le médecin parvient à la conclusion que dans leur enfance
(c'est-à-dire avant le développement de la téléphonie mobile), les deux sujets
étaient déjà incapables de supporter de telles installations. En définitive,
ces attestations sont très sommaires. Dans la suite de la procédure cantonale,
les recourants n'ont produit aucun autre certificat médical.
3.6.2 Dans ses déterminations sur le recours, l'Office fédéral de
l'environnement (OFEV) expose qu'il n'y a actuellement pas de méthode reconnue
médicalement pour diagnostiquer l'"électro-sensibilité". Du point de vue
médical, on ne peut actuellement pas dire clairement s'il existe objectivement
un groupe de personnes particulièrement sensibles au rayonnement non ionisant,
ni s'il existe certaines prédispositions physiologiques individuelles pour une
sensibilité particulière. C'est pourquoi l'ORNI, d'après l'OFEV, ne prévoit pas
de réglementation spéciale sur ce point et, en particulier, ne fixe pas de
valeurs limites spécifiques pour la protection de personnes
"électro-sensibles".
Cette analyse, dont il découle l'absence de preuve d'un rapport de causalité
entre les champs électromagnétiques et les troubles dont se plaignent les
intéressés, a déjà été considérée comme concluante dans plusieurs arrêts du
Tribunal fédéral (cf. arrêt 1A.218/1004 du 29 novembre 2005, publié in URP/DEP
2006 p. 168, consid. 3.2.2; arrêt non publié 1A.60/2006 du 2 octobre 2006,
consid. 2.3.3).
3.6.3 Il ressort des écritures des recourants en procédure cantonale qu'ils
n'ignoraient pas, dans les grandes lignes, l'état des connaissances
scientifiques ou médicales au sujet de l'"électro-sensibilité". Ils ont
toutefois renoncé à alléguer de manière précise les faits pertinents pour
l'appréciation de leur situation personnelle, à l'un et à l'autre, se
contentant de requérir la mise en oeuvre d'une expertise. Comme cette preuve
n'a pas été ordonnée, ils se plaignent d'une violation du droit d'être entendu.
Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst.
comprend le droit de faire administrer des preuves, notamment d'obtenir une
expertise. Ce droit suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen
de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit
présentée selon les formes et délais prescrits par le droit cantonal. Par
ailleurs, la garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un
terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former
sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation
anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles
ne pourraient l'amener à modifier son opinion (cf. notamment ATF 131 I 153
consid. 3 p. 157).
En l'occurrence, vu la portée de la notion d'"électro-sensibilité" (cf. supra,
consid. 3.6.2), il n'était pas arbitraire, de la part du Tribunal cantonal, de
simplement tenir compte de l'état actuel de la science à ce sujet (cf. consid.
3i de l'arrêt attaqué) et de renoncer à toute mesure d'instruction, notamment à
ordonner une expertise. Les garanties de procédure n'ont donc pas été violées.
3.6.4 Au surplus, pour les motifs déjà exposés, l'"électro-sensibilité" de
certaines personnes, quelles qu'en soient les causes, ne justifie pas de
réexaminer la légalité des valeurs limites fixées par l'ORNI.

3.7 Les recourants soutiennent encore que la réglementation du droit fédéral
violerait la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst., droit à l'intégrité
physique), la garantie de la propriété (art. 26 Cst. - parce qu'ils ne
pourraient plus envisager de vivre dans leur maison, proche d'une antenne)
ainsi que l'interdiction constitutionnelle des discriminations (art. 8 al. 2 et
4 Cst.).
Ces griefs sont à l'évidence mal fondés. Si les recourants entendent ainsi se
plaindre, sous un autre angle, de ce que les valeurs limites de l'ORNI ne
seraient pas conformes aux exigences de la LPE, il y a lieu de renvoyer aux
considérations précédentes et à la jurisprudence, dont il ressort que les
mesures de limitation des émissions des antennes de téléphonie mobile tiennent
compte du but de la loi, à savoir la protection des hommes contre les atteintes
nuisibles et incommodantes (art. 1 al. 1 LPE); ces mesures sont fondées sur des
critères objectifs qui ne font pas de distinction entre les catégories de
personnes exposées aux immissions, puisqu'il ne s'impose pas de faire des
distinctions. Au cas où les recourants voudraient ainsi remettre en question la
constitutionnalité du système légal lui-même, ce grief devrait être d'emblée
écarté car le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer les lois fédérales (art.
190 Cst.).

3.8 Enfin, les conclusions des recourants tendant à ce que l'opérateur de
téléphonie mobile soit astreint à équiper leur bâtiment de dispositifs de
protection contre les ondes électromagnétiques sont manifestement mal fondées,
aucune norme du droit fédéral ne prévoyant la réalisation de telles mesures
d'isolation, lorsque les valeurs limites de l'ORNI sont respectées.

4.
Il s'ensuit que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art.
65 al. 1 et art. 66 al. 1 LTF). Ils auront en outre à verser des dépens à
l'intimée Orange, assistée d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à l'intimée Orange Communications SA à
titre de dépens, est mise à la charge des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au mandataire de l'intimée, à
la Municipalité de la commune de Grandvaux, au Département de la sécurité et de
l'environnement ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud, aux Chemins de fer fédéraux (partie intéressée) et
à l'Office fédéral de l'environnement.

Lausanne, le 16 décembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Jomini