Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.71/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_71/2008

Arrêt du 31 mars 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

A.________,
intimée, représentée par ORION Compagnie d'assurance de protection juridique

Objet
Retrait du permis de conduire,

recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Cour de droit
administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 28 janvier
2008.

Faits:

A.
Le 29 octobre 2007, le Service vaudois des automobiles et de la navigation a
retiré pour trois mois le permis de conduire de A.________, pour perte de
maîtrise du véhicule avec accident. Le 9 juin 2007, alors qu'elle circulait au
volant d'une voiture sur la voie de dépassement de l'autoroute A1, entre
Ecublens et Morges, A.________ s'était penchée pour ramasser un document qui se
trouvait dans son sac à main, sur le sol côté passager. Son véhicule avait
dévié sur la gauche et heurté la glissière centrale. Après un tête-à-queue et
un nouveau choc sur la glissière centrale, le véhicule avait traversé les voies
de circulation, avait quitté la chaussée et s'était immobilisé en contrebas.

B.
Sur recours de l'intéressée, la Cour de droit administratif et public du
Tribunal cantonal vaudois a réformé la décision du SAN et ramené la durée du
retrait à un mois. Le comportement de l'intéressée avait mis gravement en
danger la sécurité routière. Toutefois, la faute n'était pas assez grave pour
tomber sous le coup de l'art. 16c LCR, car elle n'était pas intentionnelle et
ne relevait pas d'un manque de scrupules. Le cas était de moyenne gravité (art.
16b LCR) et impliquait un retrait de permis d'un mois, soit le minimum légal en
l'absence d'antécédents.

C.
Par acte du 14 février 2008, le SAN forme un recours en matière de droit public
assorti d'une demande d'effet suspensif. Il conclut à l'annulation de l'arrêt
cantonal et au prononcé d'un retrait de permis d'une durée de trois mois.
La cour cantonale se réfère à son arrêt. A.________ conclut au rejet du recours
dans la mesure où il est recevable. L'Office fédéral des routes (OFROU) conclut
à l'admission du recours.
Par ordonnance du 7 mars 2008, l'effet suspensif a été refusé.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre une décision de dernière instance cantonale au sujet d'une
mesure administrative de retrait du permis de conduire.

1.1 Selon l'art. 89 al. 2 let. d LTF, ont qualité pour recourir les personnes,
organisation et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de
recours. L'art. 24 al. 2 let. a LCR permet à l'autorité qui a pris la décision
de première instance de recourir contre la décision de l'autorité cantonale de
recours indépendante de l'administration. Le SAN a donc qualité pour recourir.

1.2 Le recours est formé en temps utile et dans les formes requises contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours
devant le Tribunal administratif fédéral; il est recevable au regard des art.
42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.

1.3 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne
démontre que ces faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art.
95 LTF ou de façon manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire
arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4135; ATF 133
I 201 consid. 1 p. 203).

2.
Le SAN estime que l'attitude de l'intimée serait constitutive d'une faute
grave, car le fait de quitter la route des yeux et de se baisser pour ramasser
un objet impliquait un risque que le véhicule dévie de sa trajectoire. Le SAN
se réfère en particulier à l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_299/2007 du 11
janvier 2008, qui impute une faute grave à l'automobiliste ayant laissé son
véhicule dévier sur la droite en ramassant son téléphone portable.
L'intimée estime n'avoir commis qu'une inadvertance; elle se réfère à la
jurisprudence cantonale constante selon laquelle une perte de maîtrise sur
autoroute ne constitue en principe qu'une faute moyennement grave; elle relève
que dans la cause 1C_299/2007 précitée, l'intéressé avait bu de l'alcool, avait
des antécédents pour faute grave et avait percuté des véhicules arrivant en
sens inverse.

2.1 L'arrêt cantonal retient que dans son prononcé pénal du 19 octobre 2007, le
Préfet avait appliqué l'art. 90 ch. 1 LCR, sans retenir de faute grave.
Toutefois, si les faits retenus au pénal lient en principe le juge
administratif (ATF 121 II 214 consid. 3a p. 217/218), il n'en va pas de même
pour les questions de droit, en particulier l'appréciation de la faute.

2.2 En l'occurrence, selon les faits établis et non contestés, l'intimée
circulait à une vitesse d'environ 120 km/h sur la voie de dépassement de
l'autoroute. Elle s'est alors baissée pour prendre des documents qui se
trouvaient dans son sac à main, sur le sol du côté passager. Ce geste a
manifestement duré un certain temps, puisque le témoin qui suivait le véhicule
a déclaré que celui-ci avait dévié "à plusieurs reprises" avant l'accident. Ce
faisant, l'intimée a détourné son attention du trafic et perdu de vue la route
pendant un moment, ce qui implique un risque évident pour la sécurité du
trafic. Ce risque était d'autant plus grand qu'elle circulait sur la voie de
dépassement - ce qui en principe nécessite une attention accrue -, au maximum
de la vitesse autorisée. L'intimée a donc délibérément adopté un comportement
dont le caractère manifestement dangereux ne pouvait lui échapper. Il y a là, à
tout le moins, une négligence grossière.
L'intimée conteste l'analogie faite par le SAN avec le cas jugé dans l'affaire
1C_299/2007 du 11 janvier 2008, car l'intéressé présentait un taux d'alcool de
0,74? et avait connu des antécédents pour faute grave. Il n'en demeure pas
moins que le comportement de l'intéressé, consistant à ramasser son appareil
portable tombé à ses pieds, avait été jugé comme justifiant l'application de
l'art. 16c al. 2 let. c LCR. Il doit en aller de même en l'espèce: la gravité
de la faute, ainsi que la mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui
(reconnue par la cour cantonale) font que les conditions d'application de
l'art. 16c al. 1 let. a LCR sont réunies. L'absence d'antécédent justifie
l'application du minimum légal, soit trois mois.

3.
Le recours est par conséquent admis. L'arrêt attaqué est annulé et la décision
du SAN du 29 octobre 2007 est confirmée. L'intimée, qui succombe, doit
supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la décision du Service des
automobiles et de la navigation du 29 octobre 2007 est confirmée.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1500 fr., sont mis à la charge de l'intimée
A.________.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de droit administratif
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral des
routes.
Lausanne, le 31 mars 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz