Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.591/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_591/2008

Arrêt du 27 avril 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________ et B.________,
recourants, représentés par Me François Bellanger, avocat,

contre

C.________ et D.________,
intimés, représentés par Me Christian Luscher, avocat,
Département des constructions et des technologies de l'information, case
postale 22, 1211 Genève 8.

Objet
permis de construire,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 11
novembre 2008.

Faits:

A.
C.________ et D.________ sont copropriétaires de la parcelle n° 7266 du
registre foncier de Bernex (GE). Sis en zone à bâtir, ce bien-fonds d'une
surface de 496 m2 supporte deux bâtiments d'habitation reliés par une
construction de type verrière. Le 31 janvier 2005, ils ont requis
l'autorisation de construire un garage sur ce terrain. Conformément aux
exigences de la Commission cantonale des monuments, de la nature et des sites,
les dimensions du projet ont été fixées à 2,5 m pour la hauteur, 6 m pour la
largeur et 6,5 m pour la longueur. Par décision du 5 janvier 2006, le
Département des constructions et des technologies de l'information du canton de
Genève (ci-après: le département) a délivré l'autorisation de construire
requise.
A.________ et B.________, copropriétaires de la parcelle voisine n° 2467, ont
recouru contre cette autorisation auprès de la Commission cantonale de recours
en matière de construction (ci-après: la commission de recours). Leur parcelle
supporte un bâtiment inscrit à l'inventaire cantonal des immeubles dignes
d'être protégés et elle bénéficie d'une servitude de passage pour piétons
grevant la parcelle n° 4463 sise au nord. L'accès à la parcelle de A.________
et B.________ se faisait également par un chemin privé en forme de fer à
cheval, rejoignant la route de Bernex à l'ouest par la parcelle n° 2468 et à
l'est par la parcelle n° 7266 de C.________ et D.________. Le garage litigieux
serait érigé sur ce chemin. A.________ et B.________ sont également
propriétaires d'une petite parcelle n° 7230, utilisée comme place de
stationnement. Ce bien-fonds est situé à l'est de la parcelle n° 7266, dans le
prolongement du chemin qui serait fermé par le projet contesté. Leur recours
ayant été rejeté, A.________ et B.________ ont saisi le Tribunal administratif
du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif), qui a admis le
recours par arrêt du 6 février 2007, au motif que certains préavis faisaient
défaut.

B.
Après un complément d'instruction, le département a délivré l'autorisation de
construire requise, par décision du 2 août 2007. A.________ et B.________ ont
contesté cette décision devant la commission de recours, en se plaignant
notamment d'une violation des dispositions applicables en cas de fermeture
d'une voie publique. Leur recours a été rejeté par décision du 10 mars 2008. La
commission de recours a notamment considéré que le chemin passant sur la
parcelle de C.________ et D.________ - et sur lequel le garage litigieux devait
être érigé - n'était pas une voie publique au sens de l'art. 7 al. 1 et 2 de la
loi cantonale sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes; RSG L 1 10).
A.________ et B.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal
administratif. Ils alléguaient en particulier que le garage litigieux serait
construit sur l'emprise d'un chemin public et qu'il modifierait une voie de
circulation communale, ce qui nécessitait une autorisation fondée sur l'art. 7
LRoutes. Ils se plaignaient également d'une violation des dispositions
cantonales sur les constructions de peu d'importance. Le Tribunal administratif
a rejeté ce recours, par arrêt du 11 novembre 2008. Il a considéré qu'il
n'était pas établi que le chemin sur lequel serait construit le garage
litigieux était incorporé au domaine public. Par ailleurs, contrairement à ce
que soutenaient A.________ et B.________, la liaison vitrée entre les deux
bâtiments de C.________ et D.________, ainsi que leur barbecue et leur portail
d'entrée, ne devaient pas être pris en compte comme constructions de peu
d'importance. Seul le garage litigieux devait être pris en considération à ce
titre, de sorte que la proportion maximale de 8% prévue par l'art. 3 al. 3 du
Règlement d'application de la loi cantonale sur les constructions et
installations diverses (RALCI; RSG L 5 05.01) était respectée.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et
B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, ainsi que
l'autorisation de construire du 2 août 2007. Ils requièrent également l'octroi
de l'effet suspensif. Le Tribunal administratif se réfère aux considérants de
son arrêt. Le département conclut au rejet du recours, sans présenter
d'observations. C.________ et D.________ se sont déterminés; ils concluent au
rejet du recours. .________ et B.________ et C.________ et D.________ ont
présenté des observations complémentaires.

D.
Par ordonnance du 30 janvier 2009, le Président de la Ire Cour de droit public
a rejeté la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public des
constructions, le recours est recevable comme recours en matière de droit
public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art.
83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours
devant le Tribunal cantonal et sont particulièrement touchés par l'arrêt
attaqué, qui confirme l'autorisation de construire, sur la parcelle voisine de
la leur, un garage qui condamnerait un accès à leur bien-fonds. Ils ont donc la
qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Pour le surplus, interjeté en
temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en
dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal
administratif fédéral, le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1
let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.

2.
A l'appui de leurs déterminations, les intimés ont produit deux nouvelles
pièces, à savoir des courriers des 19 mai et 9 juin 2008. Ils n'expliquent
cependant pas pourquoi ils auraient été empêchés de déposer ces documents
devant l'instance précédente, ni en quoi ceux-ci résulteraient de la décision
attaquée. Ces preuves nouvelles sont donc irrecevables (art. 99 al. 1 LTF; ATF
133 III 393 consid. 3 p. 395).

3.
Dans un premier grief, les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 17
al. 2 Titre final CC.

3.1 Aux termes de l'art. 17 al. 1 Titre final CC, les droits réels existant
lors de l'entrée en vigueur du code civil sont maintenus, sous réserve des
règles concernant le registre foncier. L'art. 17 al. 2 Titre final CC précise
que "si une exception n'est pas faite dans le présent code, l'étendue de la
propriété et des autres droits réels est néanmoins régie par la loi nouvelle
dès son entrée en vigueur". Enfin, à teneur de l'art. 17 al. 3 Titre final CC,
les droits réels dont la constitution n'est plus possible à teneur de la loi
nouvelle continuent à être régis par la loi ancienne.

3.2 Tel qu'il est formulé, le grief des recourants ne permet pas de comprendre
pourquoi l'art. 17 al. 2 Titre final CC serait applicable au présent litige, ni
en quoi il aurait été violé. Il n'est en effet pas question en l'espèce de
l'application de la loi nouvelle à des droits réels antérieurs à son entrée en
vigueur. A bien vouloir les comprendre, les recourants soutiennent qu'une
ancienne disposition de la LRoutes antérieure à l'entrée en vigueur du Code
civil - l'art. 24 aLRoutes, devenu l'art. 28 aLroutes, abrogé depuis - serait
applicable. Cette disposition prévoyait que lorsqu'un chemin avait été ouvert
au public pendant cinq ans au moins, il ne pourrait plus être fermé qu'avec
l'autorisation du Conseil d'Etat. Les recourants se prévalent à cet égard de
l'ATF 71 I 433, qui évoquait la possibilité - formulée de manière
particulièrement prudente - que l'art. 28 aLRoutes ait fait acquérir à l'Etat
de Genève un droit de passage sur une parcelle ou du moins le droit de refuser
à son propriétaire l'autorisation de fermer son chemin. Contrairement à ce que
soutiennent les recourants, il ne découle pas de cet arrêt que la disposition
en cause permet de fonder la création d'un droit réel. De plus, cette
disposition ayant été abrogée depuis, elle ne saurait s'appliquer au cas
d'espèce. Quoi qu'il en soit, les recourants ne démontrent pas une application
arbitraire du droit cantonal à cet égard, conformément aux exigences minimales
d'allégation et de motivation déduites de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement
de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 249 consid. 1.4 p. 254 s.). De plus, le
Tribunal administratif a retenu qu'aucune servitude de passage n'avait été
constituée sur la parcelle n° 7266 et que ni le département, ni la commune,
n'avaient fait état d'un quelconque titre ou acte d'affectation qui
incorporerait le chemin litigieux au domaine public. Le caractère arbitraire de
ces constatations n'étant pas davantage démontré, il y a lieu de constater que
l'existence d'un droit réel n'a pas été établie. En définitive, on ne voit pas
en quoi l'art. 17 Titre final CC serait applicable, de sorte que le grief tiré
de la violation de l'art. 17 al. 2 Titre final CC ne peut qu'être rejeté, dans
la mesure où il est recevable.

4.
Les recourants se plaignent également d'une application arbitraire de la
LRoutes et de la loi cantonale sur les constructions et les installations
diverses (LCI; RSG L 5 05).

4.1 Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous l'angle
de l'arbitraire (pour une définition de l'arbitraire, cf. ATF 133 I 149 consid.
3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17 et les arrêts cités), le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un
droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité
cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au
but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera
confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît
possible (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 s.
et les arrêts cités).

4.2 A la lecture de l'écriture de recours, on peine à discerner quelles
dispositions de la LRoutes sont précisément visées par le grief d'arbitraire.
En substance, les recourants reprochent au Tribunal administratif de s'être
fondé sur l'art. 35 al. 1 LRoutes pour rejeter leur grief fondé sur la
fermeture d'une voie publique. Selon cette disposition, sont soumis à la
surveillance du département non seulement les chemins privés immatriculés comme
tels au registre foncier mais également toute parcelle de terrain présentant le
caractère d'un passage ouvert au public. Dans la mesure où ils n'invoquaient
pas les dispositions de la LRoutes relatives aux chemins privés, les recourants
prétendent que l'application de l'art. 35 LRoutes serait "hors-sujet" et
partant arbitraire. Cela étant, le Tribunal administratif a mentionné cette
disposition pour répondre à l'argument des recourants selon lequel le garage
litigieux fermait une voie publique. Dès lors qu'il est établi que le chemin en
question est situé sur des parcelles privées, on ne voit pas quelles autres
dispositions que les art. 35 ss LRoutes pourraient entrer en considération.
Pour le surplus, les critiques des recourants se focalisent sur un prétendu
"revirement" quant à la qualification juridique du chemin litigieux, ce qui n'a
pas sa place dans la démonstration d'une application arbitraire de la LRoutes.
Quant aux critiques portant sur l'art. 7 LRoutes, elles peuvent être rejetées
ne serait-ce que parce qu'il n'est pas établi que le chemin litigieux constitue
une "voie ouverte au public" au sens de cette disposition. Il en va de même en
ce qui concerne les art. 56 et 57 LRoutes, qui comprennent des règles sur les
voies publiques.

4.3 Les recourants se plaignent également d'une application arbitraire de
l'art. 3 al. 3 RALCI, qui prévoit que la surface totale des constructions de
peu d'importance ne doit pas excéder 8% de la surface de la parcelle. La
parcelle des intimés ayant une superficie de 496 m2, la surface totale des
constructions de peu d'importance ne devrait pas dépasser 39,68 m2. Or, en plus
du garage litigieux, d'une surface de 39 m2, le Tribunal administratif aurait
arbitrairement omis de prendre en compte la verrière reliant les deux bâtiments
des intimés. Le Tribunal administratif considère toutefois que cette liaison
vitrée "fait corps avec les bâtiments qu'elle relie" et qu'elle est "partie
intégrante des surfaces habitables dont elle constitue l'entrée", de sorte
qu'elle ne doit pas être prise en compte au titre de construction de peu
d'importance. Vu la configuration des lieux, il n'est pas insoutenable ni
manifestement choquant de retenir que cette verrière constitue le hall d'entrée
des deux bâtiments, avec lesquels il forme une certaine unité. Dès lors, même
si le raisonnement de l'arrêt attaqué peut être discuté et s'il n'est pas exclu
qu'une autre appréciation ait été possible, cela ne suffit pas pour considérer
que la solution retenue est arbitraire au sens de la jurisprudence
susmentionnée.

5.
Enfin, les recourants se plaignent encore d'une violation de l'art. 29 Cst. et
de l'interdiction du déni de justice formel. Ils prétendent que le Tribunal
administratif a refusé d'entrer en matière sur la question d'un escalier en
béton sis sur la parcelle litigieuse et qui constituerait selon eux également
une construction de peu d'importance au sens de l'art. 3 al. 3 RALCI. Il est
vrai que le recours déposé auprès du Tribunal administratif le 2 mai 2008
mentionnait cet escalier en béton. Cette mention prenait cependant place dans
une écriture d'une trentaine de pages comprenant de nombreux griefs et
allégués, qui portaient également sur un portail d'entrée, des piliers en béton
ou un barbecue. Ces éléments étaient évoqués dans le cadre d'une argumentation
visant apparemment à démontrer que l'autorisation de construire contestée ne
pouvait pas être délivrée dans le cadre d'une "procédure d'APA". Il n'apparaît
dès lors pas que l'escalier en béton ait fait l'objet d'un grief particulier,
sur lequel le Tribunal administratif aurait dû se prononcer sous peine de déni
de justice. En tous les cas, les recourants ne le démontrent pas. Ce moyen doit
donc lui aussi être rejeté.

6.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de la présente
procédure (art. 66 al. 1 LTF). Ils verseront en outre une indemnité à titre de
dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat
(art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux intimés à titre de dépens, à la
charge des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, ainsi qu'au
Département des constructions et des technologies de l'information et au
Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 27 avril 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener