Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.559/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_559/2008

Arrêt du 15 mai 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
recourante, représentée par Me Louis-Marc Perroud, avocat,

contre

Commission des mesures administratives en matière de circulation routière,
route de Tavel 10, 1700 Fribourg.

Objet
annulation d'un permis de conduire à l'essai,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIe Cour
administrative, du 5 novembre 2008.

Faits:

A.
A.________, née en 1988, a obtenu le permis de conduire catégorie B à l'essai
en février 2007. Le 30 avril 2008, un retrait de permis d'un mois avec une
prolongation d'un an de la période probatoire a été prononcé à son encontre, en
raison d'un accident survenu le 16 février 2008 à la suite d'une perte de
maîtrise due à une vitesse inadaptée. La faute a été qualifiée de moyennement
grave.
Le 7 mai 2008 à Neuchâtel, alors qu'elle débouchait d'une bretelle d'autoroute
marquée par un "cédez le passage", A.________ s'est engagée sans accorder la
priorité à un véhicule qui circulait normalement. Un heurt violent s'en est
suivi. Par ordonnance pénale du 10 juin 2008, le Ministère public du canton de
Neuchâtel a condamné A.________ à 350 fr. d'amende, en application de l'art. 90
al. 1 LCR. Ce prononcé n'a pas été contesté.
Invitée à se déterminer à propos d'une éventuelle sanction administrative,
A.________ fit valoir, par son avocat, que l'endroit de l'accident était
particulièrement dangereux en raison de la visibilité réduite. L'annulation du
permis à l'essai, avec l'obligation de repasser l'examen de conduite, serait
disproportionnée par rapport à la faute commise; elle entraverait l'intéressée
- alors en formation - dans sa mobilité et l'empêcherait d'acquérir
l'expérience nécessaire pour éviter ce genre d'accident.

B.
Par décision du 24 juillet 2008, la Commission des mesures administratives en
matière de circulation routière du canton de Fribourg (CMA) a annulé le permis
de conduire à l'essai, dès lors que sa titulaire avait commis une seconde
infraction, moyennement grave, entraînant un retrait. Il y avait lieu par
conséquent de reprendre à zéro toutes les formations nécessaires
(sensibilisation au trafic, formation pratique de base) et de repasser
entièrement tous les examens (examens théoriques et pratique).

C.
Par arrêt du 5 novembre 2008, la IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal
du canton de Fribourg a confirmé cette dernière décision. L'état de fait retenu
au pénal liait l'autorité administrative et les offres de preuve (inspection
locale et production de statistiques sur les accidents survenus au même
endroit) devaient être écartées. L'infraction commise, soit la violation d'une
règle de priorité, était de gravité moyenne impliquant un retrait obligatoire
du permis de conduire pour un mois au minimum. Les nouvelles dispositions sur
le permis à l'essai étaient d'une sévérité accrue, voulue par le législateur.
La caducité du permis à l'essai impliquait la répétition de l'ensemble de la
formation et des examens prévus, après délivrance d'une expertise attestant
l'aptitude à la conduite.

D.
A.________ forme un recours en matière de droit public. Elle conclut à
l'annulation de l'arrêt cantonal et à la constatation qu'un nouveau permis
d'élève conducteur pourra lui être délivré un an après la commission de
l'infraction. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'instance
cantonale pour nouvelle décision après complément d'instruction. Elle demande
l'effet suspensif.
Le Tribunal cantonal, la CAM et l'Office fédéral des routes (OFROU) concluent
au rejet du recours.
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 8 janvier 2009.
La recourante a répliqué.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre une décision de dernière instance cantonale au sujet d'une
mesure administrative de retrait ou d'annulation du permis de conduire. La
recourante a qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 let. a et b LTF. Le
recours est formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif
fédéral; il est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al.
1 LTF.

2.
La recourante invoque son droit d'être entendue, garanti par l'art. 29 al. 2
Cst. et 59 du code de procédure et de juridiction administrative du canton de
Fribourg (CPJA). Elle reproche à la CMA d'avoir refusé d'administrer les
preuves requises (inspection locale et production de statistiques sur le nombre
d'accidents survenus à la jonction de Serrières), sans motiver cette décision;
le vice ne pouvait être réparé en seconde instance puisqu'il portait sur des
questions d'appréciation pour lesquelles l'autorité de recours n'avait pas de
libre pouvoir d'examen. Le Tribunal cantonal aurait par ailleurs omis de
procéder à une appréciation anticipée des preuves en considérant que l'état de
fait retenu au pénal ne pouvait pas être contesté, alors que la recourante
demandait un simple complément en vue du prononcé d'une mesure administrative.

2.1 La nature formelle du droit d'être entendu n'empêche pas une autorité de
recours de remédier à un défaut de motivation qui entacherait la décision d'une
autorité inférieure. S'agissant de l'obligation de motiver, imposée notamment
par la disposition constitutionnelle de l'art. 29 al. 2 Cst. ainsi que par une
disposition spécifique du droit cantonal de procédure, la recourante ne saurait
arguer que l'autorité cantonale de recours ne disposerait pas d'un pouvoir
d'examen suffisant. L'art. 77 CPJA précise d'ailleurs que le recours cantonal
peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir
d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits
pertinents.

2.2 Selon les principes rappelés par la cour cantonale, les autorités
administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire ne
peuvent en principe pas s'écarter des constatations de fait d'un jugement pénal
entré en force (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; 119 Ib 158 consid. 3c/aa p.
164; 109 Ib 203 consid. 1 p. 204; 96 I 766 consid. 4 p. 774105 Ib 18 consid. 1a
p. 19; 101 Ib 270 consid. 1b p. 273 s.; 96 I 766 consid. 5 p. 774 s.). Cela
vaut également lorsque la décision pénale a été rendue, comme en l'espèce, à
l'issue d'une procédure sommaire, en se fondant uniquement sur le rapport de
police, notamment lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en
raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également
une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée
est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans
le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de
recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative
pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; 121 II 214
consid. 3a p. 217 s.).

2.3 En requérant des compléments d'instruction sur le caractère dangereux du
lieu de l'accident, la recourante entendait remettre en cause la gravité de sa
faute, sur la base de faits qui n'ont pas été retenus dans le prononcé pénal.
Compte tenu des principes rappelés ci-dessus, une telle démarche n'était pas
admissible, ce que la cour cantonale a dûment rappelé. Son refus d'instruire ne
viole dès lors pas le droit d'être entendu.

2.4 Pour les mêmes motifs, les griefs relatifs à l'établissement des faits
(art. 97 al. 1 LTF) doivent être écartés: le prononcé pénal n'ayant pas été
contesté - alors que la recourante, était à même de se rendre compte des
conséquences d'un défaut d'opposition -, il n'était plus possible de revenir
sur les faits constatés dans le rapport de police. Au demeurant, la cour
cantonale a estimé que si l'intersection en cause était dangereuse en raison
des problèmes de visibilité, il appartenait à la recourante de s'engager de
telle manière qu'elle ne mette pas en danger la circulation. Cette
appréciation, qui n'est pas contestée par la recourante, rendait sans
pertinence les éléments de fait invoqués par la recourante.

3.
Sur le fond, la recourante soutient que l'obligation de reprendre à zéro toute
la formation et de repasser l'ensemble des examens porterait atteinte à sa
liberté personnelle, à sa liberté de mouvement et à sa liberté économique
puisque cela l'empêcherait d'exercer des emplois temporaires nécessaires au
financement d'une partie de ses études, et l'entraverait dans une recherche
d'emploi. Il s'agirait d'une atteinte grave nécessitant une base légale claire
et nette. Or, l'art. 15a al. 5 et 6 LCR se contente d'exiger un nouveau permis
d'élève conducteur ainsi qu'un nouvel examen de conduite. L'interprétation de
la cour cantonale, fondée sur différents commentaires du droit de la
circulation routière, ne découlerait pas du texte légal. Sous l'angle de la
proportionnalité, la recourante estime que son comportement n'était pas
téméraire et que la suppression de son permis de conduire la priverait de
l'expérience nécessaire à éviter tout risque de récidive. En fin
d'apprentissage, elle n'aurait pas les ressources suffisantes pour recommencer
l'intégralité des cours et examens, et se trouverait entravée pour une durée
indéterminée dans ses déplacements et sa vie professionnelle. Une interdiction
de conduire durant une année aurait un effet dissuasif suffisant. La recourante
devrait ainsi être autorisée à requérir un permis d'élève conducteur et à se
présenter à l'examen à l'échéance du délai d'un an, sur présentation de
l'expertise psychologique.

3.1 Selon l'art. 15a LCR, le permis de conduire est tout d'abord délivré à
l'essai pour trois ans (al. 1). Le permis de conduire définitif est délivré
après cette période probatoire si le titulaire a suivi les cours de formation
complémentaire (al. 2). En cas de retrait du permis en raison d'une infraction,
la période probatoire est prolongée d'un an (al. 3). Le permis de conduire à
l'essai est caduc si son titulaire commet une seconde infraction entraînant un
retrait (al. 4). Un nouveau permis peut être délivré au plus tôt un an après
l'infraction, sur la base d'une expertise psychologique attestant l'aptitude à
conduire (al. 5). Après avoir passé avec succès l'examen de conduite, la
personne concernée obtient un nouveau permis de conduire à l'essai (al. 6).
La révision législative portant notamment sur l'adjonction de cette disposition
avait pour but d'améliorer la formation à la conduite automobile en vue d'aider
les groupes les plus "accidentogènes" à s'intégrer plus sûrement dans la
circulation. Il était prévu d'inviter les conducteurs à un comportement plus
respectueux des règles de la circulation et de diminuer les risques d'accident
en sanctionnant par des mesures plus sévères - pouvant aller jusqu'à
l'annulation du permis de conduire - ceux et celles qui compromettent la
sécurité de la route par des infractions (Message concernant la modification de
la LCR, FF 1999 4106, 4108).

3.2 La loi prévoit que la personne dont le permis de conduire à l'essai devient
caduc doit repasser l'examen de conduite, sans préciser si l'ensemble de la
formation doit être repris ab initio. La disposition d'application de l'art.
35a OAC, intitulée "annulation", ne le précise pas non plus; l'autorité doit
informer le conducteur concerné "des conditions auxquelles il peut de nouveau
obtenir un permis d'élève conducteur" (al. 4; cf. également l'art. 35b OAC).
L'obligation de reprendre l'ensemble de la formation apparaît toutefois comme
la conséquence logique de la caducité du permis à l'essai: le conducteur
concerné se retrouve dans la même situation que s'il n'avait pas reçu un tel
permis, ni même, comme cela ressort des dispositions précitées, de permis
d'élève conducteur. Cela ressort également de l'intention du législateur, qui
était d'améliorer la formation à la conduite automobile et d'aggraver
sensiblement les sanctions. L'annulation du permis à l'essai, en cas de seconde
infraction entraînant un retrait, se fonde sur la prémisse que le conducteur
concerné n'a pas intégré la première phase de la formation. Il se justifie donc
de lui imposer, dans ce cas, de reprendre l'ensemble de la formation suivie
jusque-là (cours de sensibilisation, formation pratique de base) et de repasser
tous les examens requis (cf. OFROU, commentaire concernant le permis de
conduire à l'essai; DEMIERRE/MIZEL/MOURON, Les mesures administratives liées au
nouveau permis de conduire à l'essai, AJP/PJA 2007 p. 729 ss, 738).

3.3 La solution retenue dans l'arrêt attaqué repose sur une base légale
suffisante. La recourante ne saurait se prévaloir du principe de la
proportionnalité puisque la loi n'autorise pas de solution moins contraignante
en cas d'annulation du permis de conduire à l'essai. Autoriser l'intéressée à
repasser directement l'examen de conduite après le délai d'un an apparenterait
la mesure à un simple retrait de permis, et n'aurait manifestement pas l'effet
préventif et éducatif voulu par le législateur.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF,
les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Commission
des mesures administratives en matière de circulation routière et au Tribunal
cantonal du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, ainsi qu'à l'Office
fédéral des routes (OFROU).

Lausanne, le 15 mai 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz