Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.555/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_555/2008

Arrêt du 1er avril 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat,

contre

Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, avenue du Grey
110,
1014 Lausanne.

Objet
retrait du permis de conduire,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 3 novembre 2008.

Faits:

A.
Par prononcé du 25 mars 2008, le Préfet de Lausanne a condamné X.________ à 500
fr. d'amende pour infraction simple à la LCR (violation des art. 31 al. 2 et 37
al. 2 LCR). Selon le rapport de la gendarmerie lausannoise, le 2 janvier 2008
au matin, l'intéressé s'était trouvé endormi au volant de son automobile à un
carrefour, alors que la signalisation lumineuse était passée au vert. Après
avoir affirmé qu'il avait été victime d'un malaise, X.________ avait déclaré
qu'il s'était endormi en raison d'une importante fatigue.
Par décision du 14 avril 2008, le Service des automobiles et de la navigation
du canton de Vaud (SAN) a retiré à X.________ son permis de conduire pour six
mois en application de l'art. 16c al. 1 let. c et al. 2 let. b LCR, retenant
que l'intéressé avait conduit en état de fatigue ou de surmenage et qu'il avait
déjà fait l'objet d'un retrait de permis d'un mois en 2006.

B.
Par arrêt du 3 novembre 2008, la Cour de droit administratif et public du
Tribunal cantonal vaudois (CDAP) a confirmé cette décision. Ne s'estimant pas
liée par la qualification juridique retenue au pénal (le Préfet ayant appliqué
les dispositions relatives aux conducteurs pris de boissons et au stationnement
gênant), la CDAP a retenu que le fait de s'assoupir au volant constituait en
principe une faute grave. L'intéressé avait connu des signes avant-coureurs de
fatigue, et avait effectué une sieste d'une demi-heure dans son véhicule peu
avant les faits. Il se prétendait victime d'un malaise subit, dû à une légère
hypothermie durant sa sieste suivie du réchauffement de l'habitacle, mais ces
affirmations n'étaient pas vraisemblables.

C.
X.________ forme un recours en matière de droit public. Il demande l'annulation
de l'arrêt cantonal et de la décision du SAN et l'exemption de toute mesure,
subsidiairement un retrait de permis d'un mois, plus subsidiairement le renvoi
de la cause à la CDAP pour nouvelle décision au sens des considérants,
éventuellement après nouvelle expertise. Il demande l'effet suspensif, qui a
été accordé par ordonnance du 19 janvier 2009.

La CDAP, le SAN et l'Office fédéral des routes se réfèrent à l'arrêt attaqué.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre une décision de dernière instance cantonale au sujet d'une
mesure administrative de retrait du permis de conduire. Le recourant a qualité
pour agir (art. 89 al. 1 LTF).

2.
Le recourant reproche à la cour cantonale de s'être écartée de la qualification
juridique des faits retenue par l'autorité pénale, sans expliquer - en
violation du droit d'être entendu - pour quelle raison l'application de l'art.
37 al. 2 LCR devait être exclue.

2.1 Conformément au droit d'être entendu, l'autorité doit indiquer dans son
prononcé les motifs qui la conduisent à sa décision (ATF 123 I 31 consid 2c p.
34; 112 Ia 107 consid. 2b p. 109). Elle n'est pas tenue de discuter de manière
détaillée tous les arguments soulevés par les parties, ni de statuer séparément
sur chacune des conclusions qui lui sont présentées. Elle peut se limiter à
l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il suffit que le
justiciable puisse apprécier correctement la portée de la décision et
l'attaquer à bon escient (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 130 II 530 consid.
4.3 p. 540; 126 I 97 consid. 2b, et les arrêts cités).

2.2 L'arrêt attaqué évoque la qualification juridique retenue dans le prononcé
préfectoral, soit une violation de l'interdiction de s'arrêter aux endroits
gênants ou dangereux (art. 37 al. 2 LCR). Il explique ensuite clairement les
raisons pour lesquelles la cour cantonale a retenu une infraction à l'art. 31
al. 2 LCR (conduite en état d'incapacité), et les motifs justifiant une
application de l'art. 16c al. 1 et 2 LCR. L'arrêt attaqué est parfaitement
clair à ce propos, et le recourant est en mesure de contester la qualification
juridique retenue, de sorte que son droit d'être entendu est respecté.

3.
Le recourant prétend ensuite que le juge administratif se serait arbitrairement
écarté de l'état de fait retenu au pénal, soit le constat que le véhicule du
recourant se tenait à l'arrêt à un carrefour. Dans un grief distinct, lui aussi
relatif à l'établissement des faits, le recourant se plaint d'arbitraire. Dans
son recours cantonal, il expliquait que son malaise, apparu subitement, serait
dû à une conjonction de plusieurs facteurs, soit un début de grippe (confirmé
par un certificat médical), le travail effectué de nuit et les effets de
l'augmentation rapide de la température de l'habitacle de la voiture
(hypovolémie). L'arrêt attaqué aurait écarté cette hypothèse sans même ordonner
une expertise, alors que la cour cantonale ne disposait pas de connaissances
médicales particulières. Il en résulterait également une violation du droit
d'être entendu. Le recourant critique les motifs pour lesquels l'hypothèse d'un
malaise soudain a été écartée. Il conteste également être resté dans la
circulation malgré l'apparition d'un malaise, et se prévaut de la présomption
d'innocence.

3.1 Selon les principes rappelés par la cour cantonale, les autorités
administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire ne
peuvent en principe pas s'écarter des constatations de fait d'un jugement pénal
entré en force (ATF 109 Ib 203 consid. 1 p. 204; 96 I 766 consid. 4 p. 774), à
moins qu'elle soit en mesure de fonder sa décision sur des constatations de
fait inconnues ou des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre
résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte
clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les
questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des
règles de la circulation (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; 119 Ib 158
consid. 3c/aa p. 164; 105 Ib 18 consid. 1a p. 19; 101 Ib 270 consid. 1b p. 273
s.; 96 I 766 consid. 5 p. 774 s.).

En l'espèce, la cour cantonale ne s'est nullement écartée des faits constatés
au pénal - en particulier le fait que le recourant s'était assoupi au volant de
son véhicule arrêté à un carrefour -, mais de la qualification juridique de ces
faits, et en particulier de la gravité de la faute. Le grief soulevé à ce sujet
tombe par conséquent à faux.

3.2 Quant aux considérations qui ont conduit la cour cantonale a admettre que
le recourant s'était endormi alors qu'il avait connu des signes avant-coureurs
de fatigue, elles n'ont rien d'arbitraire. Après avoir affirmé à la police
qu'il avait été victime d'un malaise, le recourant a reconnu qu'il s'était
endormi. Il prétend avoir voulu ainsi éviter d'être privé de son permis de
conduire, et ajoute qu'il maîtrise mal le français, ne se trouvait pas dans son
état normal lors de sa déposition, n'avait pas de connaissances médicales et
ignorait qu'il couvait alors une forte grippe. Le recourant n'en a pas moins
expliqué qu'il avait passé une nuit blanche le 31 décembre 2007, ne se couchant
le lendemain que vers onze heures du matin. Il avait peu dormi (environ cinq
heures) durant la journée, puis avait travaillé toute la nuit du 1er au 2
janvier 2008, jusqu'à six heures du matin. Se sentant fatigué, il avait dormi
une demi-heure dans sa voiture. Le recourant a encore précisé: "En fait, en
parlant de malaise, je voulais surtout dire que j'étais trop mal pour conduire
mon taxi. Seul mon état d'épuisement était en question". Ces dernières
déclarations sont particulièrement claires. Le recourant ne saurait prétendre
ne pas en avoir compris le sens en raison de son état ou d'une connaissance
insuffisante du français. Le recourant se prévaut d'un avis de son médecin,
selon lequel il aurait pu subir une hypovolémie en réaction au réchauffement de
l'habitacle du véhicule. Il s'agissait toutefois d'une simple hypothèse. Les
causes typiques d'un tel phénomène, énumérées dans l'article produit par le
recourant, sont avant tout l'hémorragie et la déshydratation, le choc
allergique et les brûlures; l'hypothermie n'est pas mentionnée. Le recourant ne
prétend pas avoir connu des symptômes caractéristiques décrits, tels que
tachycardie, nausée, vertiges et soif. Le manque de sommeil apparaissait ainsi
comme la cause la plus probable de l'endormissement du recourant. Dans ces
conditions, les explications avancées après-coup pouvaient être écartées, sans
qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise. Le recourant n'a d'ailleurs pas
requis une telle expertise en instance cantonale, et ne saurait dès lors se
plaindre d'une violation de son droit d'être entendu. Pour les mêmes motifs, le
grief tiré de la présomption d'innocence doit être écarté.

Le recourant conteste également à tort être resté dans la circulation: même
s'il a pris la précaution d'éteindre le moteur et de tirer le frein à main, il
n'en est pas mois resté sur la chaussée à un carrefour alors que la
signalisation lumineuse était passée au vert. Telle est d'ailleurs aussi le
fait retenu dans le prononcé préfectoral, que le recourant n'a pas contesté.
L'arrêt attaqué n'a, sur ce point également, rien d'arbitraire.

4.
Le recourant prétend qu'il n'aurait commis qu'une faute légère au sens de
l'art. 16a LCR. Il part toutefois de la prémisse qu'il aurait été victime d'un
malaise soudain, et qu'il aurait pris toutes les mesures commandées par les
circonstances (pauses régulières, arrêt immédiat du véhicule dans un endroit
peu dangereux). Cette version des faits n'est pas celle qui a été retenue, sans
arbitraire, par la cour cantonale. Dans la mesure où l'assoupissement du
recourant est dû essentiellement à un manque de sommeil, il devait - sauf
circonstances exceptionnelles liées à une maladie - être précédé de signes
annonciateurs. La faute du recourant consiste à n'avoir pas tenu compte de ces
signes et pris le risque de s'engager dans le trafic. La mise en danger,
qualifiée d'abstraite par la cour cantonale, ne saurait être considérée comme
légère, puisque le risque d'accident, dans un tel cas, est particulièrement
élevé (ATF 126 II 206 consid. 2b p. 209). L'application de l'art. 16c al. 2
let. b LCR (minimum légal compte tenu de l'état de récidive du recourant) est
ainsi conforme à la loi.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, aux frais de son auteur (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service des
automobiles et de la navigation et à la Cour de droit administratif et public
du Tribunal cantonal du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral des routes.

Lausanne, le 1er avril 2009

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz