Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.505/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_505/2008, 1C_507/2008

Arrêt du 17 février 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Fonjallaz.
Greffière: Mme Mabillard.

Parties
1C_505/2008
X.________SA, c/o Y.________SA,
A.X________ et B.X________,
recourantes, toutes les trois représentées par
Me Shahram Dini, avocat,

et

1C_507/2008
Z.________Sàrl et C.Y________,
recourants, tous les deux représentés par
Me Daniel Peregrina, avocat,

contre

ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, rue du Lac 12, 1207
Genève,
intimée, représentée par Me François Zutter, avocat,

Département des constructions et des technologies de l'information, case
postale 22, 1211 Genève 8.

Objet
Autorisation d'aliéner des appartements,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 23
septembre 2008.

Faits:

A.
L'immeuble sis au n° 5 du chemin des Crêts-de-Champel, à Genève, est un
immeuble d'habitation de six étages sur rez plus un attique, soumis au régime
de la propriété par étages. Il compte treize logements, à savoir neuf
appartements de quatre pièces, deux de huit pièces et deux de deux pièces.

Z.________Sàrl est une entreprise générale de constructions, acquisition,
gestion, détention et cession de biens immobiliers, services et conseils dans
le domaine immobilier. C.Y.________ est associé-gérant de la société, pour une
part de 20'000 fr., avec signature individuelle.

X.________SA a notamment pour but la construction, rénovation, gérance et
location de résidences ainsi que d'appartements meublés. B.X.________ en est
l'administratrice unique et C.Y.________ le directeur.

B.X.________ est également administratrice unique de M.________SA, où
C.Y.________ possède la signature individuelle.

B.
Par arrêté du 22 mai 2006, le Département des constructions et des technologies
de l'information du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) a
autorisé l'aliénation de trois appartements de quatre pièces de l'immeuble
susmentionné, à savoir les appartements 8.01, 10.01 et 10.02, au profit de
B.X.________. Il était précisé que l'autorisation ne pouvait être invoquée
ultérieurement pour justifier une aliénation individualisée des trois
appartements concernés, en application de l'art. 39 al. 4 let. d de la loi
genevoise du 25 janvier 1996 sur les démolitions, transformations et
rénovations de maisons d'habitation (ci-après: LDTR). Le 10 juillet 2006, le
Département cantonal a pris acte que les trois appartements en question étaient
en réalité acquis conjointement par B.X.________, A.X.________ et C.Y.________.
L'opération a été inscrite au registre foncier le 22 juillet 2006.

Le 28 août 2006, le Département cantonal a autorisé l'aliénation de trois
autres appartements de quatre pièces, soit les appartements 7.01, 7.02 et 8.02,
au profit des sociétés X.________SA, M.________SA et G.________Sàrl. Il était
également précisé que l'autorisation ne pouvait être invoquée ultérieurement
pour justifier une aliénation individualisée des trois appartements concernés.
Le 1er novembre 2006, le Département cantonal a pris acte que la société
Z.________Sàrl achèterait en lieu et place de la société G.________Sàrl.
L'opération a été inscrite au registre foncier le 21 novembre 2006.

C.
Par acte enregistré au registre foncier le 22 mars 2007, à la suite de la
dissolution de la copropriété, A.X.________ a été inscrite comme propriétaire
de l'appartement 8.01, B.X.________ de l'appartement 10.02 et C.Y.________ de
l'appartement 10.01.

Le même jour, les sociétés Z.________Sàrl, X.________SA et M.________SA ont
également procédé à un partage-attribution de leurs trois appartements.
X.________SA a ainsi été inscrite au registre foncier comme propriétaire de
l'appartement 7.01, M.________SA de l'appartement 7.02 et Z.________Sàrl de
l'appartement 8.02.

Interpellé par l'Association genevoise de défense des locataires (ci-après:
l'Asloca) au sujet de ce partage, le Département cantonal a indiqué, dans des
courriers des 12 juin et 13 juillet 2007, que celui-ci n'avait pas fait l'objet
d'une demande d'autorisation d'aliéner. Ces opérations, qui apparaissaient
destinées à éluder la LDTR, étaient problématiques car elles étaient effectuées
directement auprès du registre foncier qui les enregistrait. Le Département
entendait contacter ce dernier mais renonçait à intervenir dans le cas
d'espèce.

D.
Par arrêté du 12 novembre 2007 , le Département cantonal a autorisé
Z.________Sàrl à vendre l'appartement 8.02. Le 20 décembre 2007, la société
X.________SA a été autorisée à aliéner l'appartement 7.01 et A.X.________
l'appartement 8.01 . Il était précisé, pour chaque autorisation, que la
requérante ne possédait qu'un seul logement et que la prise en compte du
principe de la proportionnalité conduisait à délivrer l'autorisation d'aliéner
sollicitée.

L'Asloca a entrepris les arrêtés précités auprès de la Commission de recours en
matière de constructions du canton de Genève (ci-après: la Commission
cantonale), qui, par décision du 1er avril 2008, a admis les recours après les
avoir joints.

E.
Le 23 septembre 2008, le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après:
le Tribunal administratif) a rejeté les recours de B.X.________ et X.________SA
ainsi que de Z.________Sàrl contre la décision de la Commission cantonale. Il a
confirmé la décision attaquée en tant qu'elle annule les autorisations des 12
novembre 2007 (VA 9996) et 20 décembre 2007 (VA 10138 et VA 10139) et a
constaté la nullité des partages-attributions des lots d'appartements 7.01,
7.02 et 8.02 ainsi que 8.01, 10.01 et 10.02. Le Tribunal administratif a
considéré pour l'essentiel que les partages-attributions avaient permis une
individualisation des objets et le transfert de la propriété d'un appartement à
chaque intéressé. Cette opération revenait ainsi à une aliénation qui devait
être soumise à autorisation au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR. Or, l'absence
d'autorisation de la part du Département cantonal constituait en l'espèce un
vice particulièrement grave et entraînait la nullité des partages-attributions.
A défaut d'être devenus propriétaires des appartements litigieux, les
intéressés n'étaient ainsi pas légitimés à requérir l'autorisation de vendre
leurs appartements.

F.
La société X.________SA, B.X.________ et A.X.________ (procédure 1C_505/2008)
ainsi que Z.________Sàrl et C.Y.________ (procédure 1C_507/2008) ont interjeté
un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt
précité.

Les premières demandent à l'autorité de céans, sous suite de frais et dépens,
d'annuler l'arrêt litigieux, de dire que les partages-attributions des lots
d'appartements 7.01, 7.02 et 8.02 ainsi que 8.01, 10.01 et 10.02 sont valables
et de confirmer les arrêtés VA 10138 et VA 10139. Subsidiairement, elles
concluent au renvoi de la cause au Tribunal administratif pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

Les deuxièmes concluent, sous suite de frais et dépens, à la nullité de l'arrêt
litigieux, subsidiairement à son annulation, en tant qu'il constate la nullité
des partages-attributions des lots d'appartements 7.01, 7.02 et 8.02 ainsi que
8.01, 10.01 et 10.02 et demandent à l'autorité de céans d'autoriser la vente de
l'appartement 8.02 par Z.________Sàrl à E.________.

Le Tribunal administratif renonce à formuler des observations au sujet des
recours. Il s'en rapporte à justice quant à leur recevabilité et persiste dans
les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département cantonal s'en
rapporte à justice quant à la suite à donner aux deux recours. Il porte par
ailleurs à la connaissance du Tribunal fédéral qu'à la suite de la décision de
la Commission cantonale du 1er avril 2008, il a adressé le 16 mai 2008 une note
au registre foncier ainsi qu'une circulaire aux notaires, les informant que
toute opération de partage-attribution entre les membres d'une société simple
consiste en une aliénation assujettie à la LDTR et doit par conséquent faire
l'objet d'une autorisation d'aliéner.

L'Asloca conclut, sous suite de frais et dépens, à ce qu'il plaise au Tribunal
fédéral de débouter les recourants de toutes leurs conclusions.

Considérant en droit:

1.
Compte tenu de leur connexité, il se justifie de joindre les deux recours,
dirigés contre une même décision, afin de statuer en un seul arrêt.

2.
B.X.________ recourt en son nom aux côtés de la société X.________SA et de
A.X.________, alors qu'elle n'est pas partie à la procédure devant les
autorités précédentes. Il en est de même de C.Y.________ qui agit conjointement
à la société Z.________Sàrl.

La Commission cantonale a annulé les autorisations d'aliéner un appartement
délivrées le 12 novembre 2007 à Z.________Sàrl et le 20 décembre 2007 à
X.________SA et A.X.________. Le Tribunal administratif a confirmé cette
décision et a en outre constaté la nullité des partages-attributions du 22 mars
2007. Il a par conséquent déclaré nul le transfert de propriété des
appartements effectué notamment en faveur des anciens associés B.X.________ et
C.Y.________. Ces derniers sont donc particulièrement atteints par l'arrêt
attaqué et ont un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa
modification (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). Comme ils font valoir qu'ils ont
été sans droit privés de la possibilité de participer à la procédure cantonale,
la qualité pour recourir au Tribunal fédéral doit leur être reconnue au sens de
l'art. 89 al. 1 let. a LTF.

Au surplus, les recours ayant été déposés en temps utile (art. 100 LTF) et dans
les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), il y a lieu d'entrer en
matière.

3.
En vertu de l'art. 97 al. 1 LTF, le recourant peut critiquer les constatations
de fait à la double condition que ceux-ci aient été établis de façon
manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que
la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause.

Les recourantes X.________SA, B.X.________ et A.X.________ déclarent
textuellement qu'elles ne font pas grief au Tribunal administratif d'avoir
établi les faits en violation de l'art. 97 LTF (mémoire de recours p. 8). Elles
critiquent néanmoins l'établissement des faits de la Commission cantonale,
laquelle aurait retenu à tort que le partage-attribution du 22 mars 2007
procédait d'une volonté des parties d'éluder les dispositions légales. Elles
n'indiquent cependant pas en quoi la prise en compte de leur version des faits
par la Cour cantonale aurait permis d'aboutir à une solution différente. Par
conséquent, dans la mesure où leur intention est de rectifier ou compléter
l'état de faits de l'arrêt attaqué, leur grief est irrecevable.

4.
Les recourants se plaignent de la violation de leur droit d'être entendus. Ils
font valoir d'une part que l'arrêt attaqué n'a pas été notifié à B.X.________
ni à C.Y.________, alors qu'ils sont touchés dans leurs droits; de plus, comme
la Cour cantonale n'a pas interpellé les prénommés, en violation de l'art. 71
de la loi genevoise du 12 septembre 1982 sur la procédure administrative
(ci-après: LPA/GE), ceux-ci n'ont pas pu s'exprimer avant que la décision ne
soit rendue. D'autre part, ils reprochent au Tribunal administratif de s'être
fondé principalement sur un motif sur lesquels ils n'ont jamais eu l'occasion
de se prononcer, à savoir la nullité des partages-attributions du 22 mars 2007;
cette question ne faisait alors pas partie de l'objet du litige.

4.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,
comprend notamment le droit pour les parties à une procédure d'être informées
et de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit
prise touchant leur situation juridique (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494; 127
I 54 consid. 2b p. 56). Si cette règle s'applique en principe sans restriction
pour les questions de fait, il est admis que, pour ce qui est de la
qualification juridique de ceux-ci, elle vaut dans l'hypothèse où une partie
change inopinément son point de vue juridique ou lorsque l'autorité a
l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inconnus des parties et
dont celles-ci ne pouvaient prévoir l'adoption (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p.
504 s.; 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278; 124 I 49 consid. 2c p. 52).

4.2 Ainsi qu'il a été mentionné au consid. 2 ci-dessus, le Tribunal
administratif a déclaré nuls les partages-attributions du 22 mars 2007, tout
comme le transfert de la propriété des appartements 10.02 et 10.01 en faveur de
B.X.________ et C.Y.________. Dès lors, en omettant de donner aux intéressés
l'occasion de s'exprimer avant de rendre une décision qui affecte leur
situation juridique, le Tribunal administratif a violé leur droit d'être
entendus. On peut relever à cet égard que le canton de Genève connaît l'appel
en cause en procédure administrative. Aux termes de l'art. 71 LPA/GE,
l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers
dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la
procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L'appelé en
cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2).
L'institution de l'appel en cause a justement pour but de sauvegarder le droit
d'être entendus des personnes qui ne sont pas initialement parties à la
procédure (cf. Pierre Moor, Droit administratif, 2ème éd., 2002, volume II, p.
254; Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd.,1998, p. 191 ch. 528). En
l'espèce, si elle avait procédé d'office à l'appel en cause de B.X.________ et
C.Y.________, la Cour cantonale aurait ainsi pu leur permettre de faire valoir
leurs droits en cours de procédure.

4.3 Au demeurant, en ce qui concerne la nullité des partages-attributions du 22
mars 2007, il s'agit d'un motif qui est développé pour la première fois dans
l'arrêt attaqué. Il ressort du dossier que cette hypothèse n'a jamais été
évoquée aux stades antérieurs de la procédure et que la pratique des autorités
genevoises en la matière n'est pas claire. Interpellé par l'Asloca au sujet des
partages en question, le Département cantonal a indiqué, dans des courriers des
12 juin et 13 juillet 2007, que ces opérations, qui apparaissaient destinées à
éluder la LDTR, étaient problématiques car elles étaient effectuées directement
auprès du registre foncier qui les enregistrait; il renonçait toutefois à
intervenir dans le cas d'espèce. Dans ses observations du 22 février 2008 à
l'attention de la Commission cantonale, il a encore précisé que la police des
constructions s'était adressée au registre foncier pour tenter de définir une
approche commune face au processus de ces partages-attributions, mais que la
question demeurait encore ouverte. Dans sa décision sur recours du 1er avril
2008, la Commission cantonale ne s'est pas fondée sur l'éventuelle nullité des
partages-attributions pour annuler les autorisations d'aliéner et n'a même pas
fait allusion à cette problématique. Il apparaît ainsi que les parties ne
pouvaient s'attendre à l'argumentation juridique du Tribunal administratif et
ont été privées de la possibilité de se défendre sur ce point. Dans ces
conditions, il s'impose de constater que la Cour cantonale a violé le droit
d'être entendu des recourants sous cet angle également.

5.
Il s'ensuit que les recours en matière de droit public doivent être admis, sans
qu'il y ait lieu d'examiner les griefs des recourants sur le fond. L'arrêt
attaqué doit être annulé et l'affaire renvoyée au Tribunal administratif pour
nouvelle décision prise à l'issue d'une procédure respectant les garanties de
l'art. 29 al. 2 Cst. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art.
66 al. 4 LTF). Les recourants, assistés d'un avocat, ont droit à des dépens, à
la charge de l'État de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours sont admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Tribunal administratif du canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3a.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à X._______SA, A.X.________ et
B.X.________ à titre de dépens dans la cause 1C_505/2008, à la charge du canton
de Genève.
b.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à Z.________Sàrl et C.Y.________ à titre
de dépens dans la cause 1C_507/2008, à la charge du canton de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif du
canton de Genève.

Lausanne, le 17 février 2009

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

M. Féraud F. Mabillard