Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.502/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_502/2008

Arrêt du 10 juin 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
Hoirie de A.________, soit: B.________, C.________, D.________ et E.________,
recourante, représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat,

contre

Département des constructions et des technologies de l'information du canton de
Genève, case postale 22, 1211 Genève 8.

Objet
construction en zone agricole, ordre de démolition,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 27 août
2008.

Faits:

A.
L'hoirie de feu A.________ - soit son épouse B.________ et leurs trois enfants,
C.________, D.________ et E.________ - est propriétaire de la parcelle n° 760
du registre foncier de la commune de Jussy (GE). Acquis le 20 décembre 1989 par
les époux A.________ et B.________, ce bien-fonds est situé en zone agricole.
Il supporte un bâtiment d'habitation, un gararge et une annexe. Le 23 janvier
2006, un inspecteur de la police des constructions du département des
constructions et des technologies de l'information du canton de Genève
(ci-après: le département) a constaté que diverses constructions avaient été
édifiées sans autorisation sur cette parcelle. Il s'agissait d'un auvent appuyé
au garage, d'un auvent et d'un jardin d'hiver accolés à l'annexe, ainsi que
d'un biotope et d'une piscine ronde d'un diamètre d'environ 7 m, creusée dans
le sol et affleurante au niveau du terrain.
Par décision du 7 mars 2006, le département a ordonné à B.________ de démolir
les constructions et installations susmentionnées, au motif qu'elles
constituaient une infraction à l'art. 1 de la loi cantonale sur les
constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RSG L 5 05)
ainsi qu'à l'art. 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire (LaLAT; RSG L 1 30). Par arrêt du 26 juillet 2006,
le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif) a rejeté le recours formé par B.________ contre cette décision.
L'hoirie de A.________ a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral,
qui a admis le recours par arrêt du 12 mars 2007 (arrêt 1A.196/2006, publié in
SJ 2007 I p. 472). Il a été considéré en substance que le Tribunal
administratif avait commis un déni de justice et violé le droit d'être entendu
des recourants en omettant d'examiner si les constructions litigieuses
pouvaient être autorisées sur la base de l'art. 24c de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700) et de l'art. 27c
LaLAT. L'arrêt du 26 juillet 2006 a été annulé et la cause renvoyée au Tribunal
administratif pour nouvelle décision.

B.
Le Tribunal administratif a rendu un nouvel arrêt le 27 août 2008. Il a
considéré que l'art. 24c LAT ne s'appliquait pas aux deux auvents, au jardin
d'hiver et au biotope, ces constructions étant postérieures au 1er juillet 1972
et les travaux n'ayant pas été autorisés. Le Tribunal administratif semble
aboutir à la même conclusion s'agissant de la piscine, dans la mesure où il
considère que la piscine existante diffère de celle qui avait été cadastrée en
1982 et que la recourante n'avait "pas apporté la preuve que la prescription
trentenaire était acquise". L'art. 24c LAT n'étant pas applicable, il n'y avait
pas lieu d'examiner les conditions d'application de l'art. 42 OAT.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'hoirie de
A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la
cause au Tribunal administratif pour annulation de la décision du département
du 7 mars 2006, subsidiairement pour application de l'art. 42 OAT. Elle se
plaint notamment d'une violation de l'art. 24c LAT. Elle requiert en outre
l'octroi de l'effet suspensif. Le département s'est déterminé; il conclut au
rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial a présenté des
observations. Le Tribunal administratif a renoncé à se déterminer. L'hoirie de
A.________ a présenté des observations complémentaires.

D.
Par ordonnance du 14 novembre 2008, le Président de la Ire Cour de droit public
a admis la requête d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est recevable
comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF,
aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a
pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal et est
particulièrement touchée par l'arrêt attaqué, qui confirme l'ordre de démolir
des constructions et installations érigées sur sa parcelle. Elle a donc la
qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Pour le surplus, interjeté en
temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non
susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours est
recevable au regard des art. 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.

2.
La recourante se plaint d'une application erronée de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire, en particulier de l'art. 24c LAT.

2.1 Aux termes de cette disposition, les constructions et installations sises
hors de la zone à bâtir, qui peuvent être utilisées conformément à leur
destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone,
bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1).
L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et
installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou
leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou
transformés légalement. Dans tous les cas, les exigences majeures de
l'aménagement du territoire doivent être satisfaites (al. 2).
Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et
installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit
matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à
l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des
plans d'aménagement (art. 41 OAT). La date déterminante est en principe celle
du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8
octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit
expressément le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF
129 II 396 consid. 4.2.1 p. 398). La garantie de la situation acquise de l'art.
24c LAT profite ainsi aux constructions érigées ou transformées de manière
conforme au droit matériel alors en vigueur et elle ne saurait s'appliquer aux
constructions et installations transformées ou érigées illégalement, même si le
rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas pu être effectué pour des
raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption (Bernhard
Waldmann/Peter Hänni; Raumplanungsgesetz, 2006, n. 4 ad art. 24c LAT; Piermarco
Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction,
expropriation, 2001, n. 598 p. 280 et les références).

2.2 En l'occurrence, la recourante admet que les constructions litigieuses -
soit l'auvent appuyé au garage, l'auvent et le jardin d'hiver accolés à
l'annexe, ainsi que le biotope et la piscine - ont été réalisées dans les
années 1990 et elle ne soutient pas que leur constructeur était au bénéfice
d'une autorisation. Elle prétend cependant que ces constructions peuvent être
autorisées au titre d'agrandissement mesuré au sens des art. 24c al. 2 LAT et
42 OAT. Le Tribunal administratif a considéré que ces dispositions n'étaient
pas applicables, d'une part parce que les constructions et installations
susmentionnées étaient postérieures au 1er juillet 1972 et, d'autre part, parce
qu'elles avaient été construites sans autorisation. Il perd ainsi de vue que
ces exigences concernent les constructions susceptibles d'être agrandies mais
non pas les agrandissements eux-mêmes. Or, l'arrêt attaqué ne retient pas que
la maison d'habitation, le garage et l'annexe sis sur la parcelle n° 760 ont
été construits après le 1er juillet 1972 et qu'ils n'ont pas été érigés en
conformité avec le droit en vigueur à l'époque. Il apparaît donc que ces
constructions bénéficient de la garantie de la situation acquise au sens de
l'art. 24c al. 1 LAT, de sorte qu'elles peuvent en principe faire l'objet d'un
agrandissement mesuré au sens des art. 24c al. 2 LAT et 42 OAT. Le fait que les
constructions litigieuses aient été réalisées sans autorisation n'y change
rien, l'examen de la conformité aux normes en vigueur étant inhérent à toute
procédure de remise en état; la démolition peut en effet être évitée notamment
si les dérogations à la règle sont mineures et s'il y a des chances sérieuses
de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 123 II
248 consid. 3bb p. 252; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224s.; 102 Ib 64 consid. 4 p.
69).
Le Tribunal administratif devait donc examiner cette question et déterminer
quelles constructions et installations pouvaient être considérées comme des
agrandissements des constructions préexistantes et si ces agrandissements
pouvaient être admis au regard des critères fixés par les dispositions
précitées. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner ces questions
pour la première fois, de sorte que la cause doit à nouveau être renvoyée au
Tribunal administratif.

3.
Il s'ensuit que le recours doit être admis, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner les autres griefs présentés par la recourante. L'arrêt attaqué doit
être annulé et la cause renvoyée au Tribunal administratif pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il n'y a pas lieu de percevoir des
frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). La recourante, assistée d'un avocat, a
droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Tribunal administratif du canton de Genève, pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la recourante à titre de dépens, à la
charge de l'Etat de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département
des constructions et des technologies de l'information, et au Tribunal
administratif du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral du développement
territorial.

Lausanne, le 10 juin 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener