Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.459/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_459/2008

Arrêt du 13 janvier 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Eric Maugué, avocat,

contre

Ville de Genève, Conseil administratif, Palais Eynard, rue de la Croix-Rouge 4,
1204 Genève.

Objet
rapports de travail de droit public; suspension provisoire,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 26 août
2008.

Faits:

A.
Le 29 mars 1984, le Conseil administratif de la Ville de Genève a nommé
A.________ en qualité de fonctionnaire, machiniste au Grand-Théâtre. Le 1er
novembre 1996, il a été nommé en qualité de "chef-constructeur menuisier".
Le 14 décembre 2007, neuf menuisiers du Grand-Théâtre ont écrit à la présidente
de la fondation de cette institution pour lui faire part de dysfonctionnements
liés à la personne de A.________ et au "sous-chef constructeur" qui lui était
subordonné. Il était reproché à A.________ d'utiliser massivement les
ressources en personnel et en matériel du Grand-Théâtre à des fins privées. Il
aurait notamment fait travailler un chef d'équipe et des apprentis pour
aménager sa maison en France, à plein temps pendant deux ans, puis plusieurs
mois par an. Tous les menuisiers de l'équipe auraient été régulièrement mis à
contribution. L'intéressé aurait géré les stocks de matériel en fonction de ses
besoins personnels, adopté des comportements injustes, humiliants et dénigrants
à l'égard de ses subordonnés et critiqué ses supérieurs. Il aurait également
ignoré les demandes de ses employés visant à réduire la pénibilité du travail
et à améliorer la sécurité et il aurait passé beaucoup de temps en pause ou
dans son bureau à ne rien faire. Enfin, il lui était reproché d'utiliser la
camionette du Grand-Théâtre pour son propre usage.

B.
Donnant suite à cette dénonciation, le Grand-Théâtre et la Ville de Genève ont
déposé une plainte pénale contre A.________ le 14 janvier 2008.
Le lendemain, le prénommé a été entendu par X.________, maire de la Ville et
conseiller administratif en charge du département de la culture. Il a déclaré
que l'utilisation de l'atelier du Grand-Théâtre à des fins privées était une
pratique généralisée, qui se faisait ouvertement. Il a admis avoir bénéficié de
cette pratique, mais pas autant que l'ont décrit les dénonciateurs. X.________
a indiqué à A.________ que le Conseil administratif de la Ville allait ouvrir
une enquête administrative, qui serait suspendue pendant la procédure pénale.
Selon le procès-verbal de cet entretien, il lui a également demandé s'il
souhaitait démissionner "étant entendu qu'il ne pourra plus travailler à la
Ville de Genève".
Des employés du Grand-Théâtre ont été entendus le 18 janvier 2008 par le
Grand-Théâtre et la Ville de Genève. Il ressortait de ces auditions que
plusieurs employés auraient travaillé pendant plus de dix ans pour A.________,
durant leurs heures de travail au Grand-Théâtre, pour la fabrication du gros
oeuvre et du mobilier de sa maison en France, de son appartement à Avully et de
son chalet en Valais.
Par décision du 25 janvier 2008, la Ville de Genève a ouvert une enquête
administrative à l'encontre de A.________ et a prononcé la suspension de son
activité et de son traitement, à compter du 25 janvier 2008 et jusqu'à la
clôture de l'enquête. Il lui était reproché un comportement incompatible avec
sa fonction, de mauvaises relations de travail, un "irrespect des intérêts de
la Ville" et une utilisation sans droit des ressources humaines et matérielles
de son service afin d'obtenir des avantages pour lui-même et pour des tiers.

C.
Le 6 février 2008, A.________ a recouru contre cette décision auprès du
Tribunal administratif du canton de Genève. Le 9 juillet 2008, la Ville de
Genève l'a licencié avec effet immédiat. A.________ a également recouru auprès
du Tribunal administratif contre cette décision de licenciement, par écriture
du 11 août 2008. L'effet suspensif n'a pas été accordé.
Par arrêt du 26 août 2008, le Tribunal administratif a rejeté le recours formé
contre la décision du 25 janvier 2008 prononçant la suspension de A.________
sans traitement. Il a considéré en substance que X.________ ne devait pas se
récuser dans la procédure ayant mené à la décision de suspension, dès lors
qu'il ne découlait ni du procès-verbal de la séance du 15 janvier 2008, ni des
autres pièces du dossier, que le magistrat en question ait fait preuve de
prévention à l'égard de A.________. Pour le surplus, la suspension
n'apparaissait pas disproportionnée, la faute commise, évaluée sur la seule
base des faits reconnus, étant grave.

D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours
constitutionnel subsidiaire, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
cet arrêt ainsi que la décision prononçant sa suspension sans traitement et de
dire qu'il a droit à son traitement à compter du 23 janvier 2008. Il se plaint
d'une violation de la garantie d'impartialité déduite de l'art. 29 al. 1 Cst.
Il invoque également une application arbitraire (art. 9 Cst.) de diverses
normes de droit communal. Le Tribunal administratif se réfère aux considérants
de son arrêt. La Ville de Genève s'est déterminée; elle conclut au rejet du
recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 134 II 272 consid. 1.1 p. 275 et les arrêts cités).

1.1 La voie du recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF est
en principe ouverte pour contester les décisions concernant les rapports de
travail de droit public. Le recourant ne prend pas de conclusions chiffrées,
mais il conclut notamment à l'annulation de la décision de suspension sans
traitement et à la constatation de son droit à un traitement à compter du 23
janvier 2008. Son action a dès lors, en tout cas partiellement, un but
économique et son objet peut être apprécié en argent, si bien qu'il y a lieu de
considérer qu'il s'agit d'une contestation de nature pécuniaire (arrêt 1C_116/
2007 du 24 septembre 2007, consid. 2 et les références). Il s'ensuit que le
motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre pas en considération. Dans la
mesure où le salaire réclamé par le recourant concerne la période du 23 janvier
au 9 juillet 2008, la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. ouvrant
la voie du recours en matière de droit public (art. 85 al. 1 let. b LTF). Par
conséquent, le recours constitutionnel subsidiaire doit être déclaré
irrecevable (art. 113 LTF).

1.2 La décision litigieuse du 25 janvier 2008 prononce la suspension de
l'activité du recourant sans traitement, jusqu'à la clôture de l'enquête
administrative. Elle est fondée sur l'art. 35 du statut du personnel de
l'administration municipale de la Ville de Genève du 3 juin 1986, qui a la
teneur suivante:
1Le directeur ou le chef de service peuvent interdire momentanément et pour
deux jours au plus, le travail à ceux dont la conduite ou la tenue risquent
d'être une entrave à la bonne marche du service.
2Ils doivent en informer immédiatement le conseiller administratif responsable
qui peut prolonger cette interdiction; ce dernier en nantit le Conseil
administratif.
3Celui-ci peut confirmer la suspension temporaire de l'activité et ordonner
simultanément celle du traitement du fonctionnaire en faute, jusqu'au prononcé
de la sanction, conformément aux articles 33 et suivants du présent statut.
La suspension préventive est une mesure de sûreté instituée dans l'intérêt de
la bonne marche de l'administration, en vue d'une éventuelle mesure définitive
de renvoi pour justes motifs. Il s'agit d'une mesure provisoire destinée à
supprimer les dysfonctionnements de l'administration lorsque la situation exige
une solution immédiate. Fondée sur une appréciation prima facie des faits, elle
ne préjuge pas du sort d'une éventuelle procédure de renvoi pour justes motifs.
Même si elle peut être ordonnée avant - ou pendant - le déroulement d'une telle
procédure, elle ne possède aucun caractère autonome et ne constitue qu'une
étape dans le cadre d'une procédure de renvoi (arrêt 1P.613/1999 du 24 janvier
2000 consid. 2b). Dès lors que cette décision ne met pas fin à la procédure
(art. 90 LTF) et qu'elle ne statue pas sur un objet dont le sort est
indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 LTF), elle constitue une
décision incidente au sens de l'art. 93 LTF.

1.3 Conformément à l'art. 93 al. 1 LTF, le recours n'est ouvert contre une
décision incidente que si celle-ci peut causer un préjudice irréparable (let.
a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision
finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let.
b). Le recourant ne se prévaut pas de cette dernière condition, qui n'entre pas
en considération en l'espèce. Il convient dés lors uniquement d'examiner si la
décision litigieuse est susceptible de causer un préjudice irréparable au
recourant. Il appartient à ce dernier d'alléguer et d'établir que la décision
préjudicielle ou incidente lui cause un tel dommage, à moins que celui-ci ne
fasse d'emblée aucun doute (ATF 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632).

1.4 En l'occurrence, la décision finale a déjà été rendue, le renvoi définitif
du recourant ayant été prononcé le 9 juillet 2008 par le Conseil administratif
de la Ville de Genève. Il est dès lors douteux que la décision de suspension
provisoire faisant l'objet du présent recours ait encore une portée propre.
Elle constitue en effet une étape préalable à la décision de renvoi et le sort
du recours formé contre celle-ci lui apparaît nécessairement lié. Pour le
surplus, la décision de suspension provisoire est fondée sur des critères
semblables à ceux qui ont conduit au renvoi définitif du 9 juillet 2008, de
sorte que le recourant pouvait faire valoir ses griefs sur le fond dans le
cadre de son recours contre la décision finale, ce qu'il a d'ailleurs fait dans
son écriture du 11 août 2008. Il en va de même du grief relatif à la récusation
du conseiller administratif X.________, qui a également pris part à la décision
de renvoi définitif.
Dans ces circonstances particulières, l'économie de procédure commande que les
griefs formés à l'encontre de la décision incidente et de la décision finale
soient examinés ensemble. De plus, la décision incidente pourra le cas échéant
être attaquée devant le Tribunal fédéral par un recours contre la décision
finale aux conditions de l'art. 93 al. 3 LTF et on ne voit pas en quoi le
recourant aurait un intérêt digne de protection à ce que ses moyens soient
examinés immédiatement. Au demeurant, les effets d'un jugement favorable au
recourant dans le cadre de la décision de renvoi définitif devraient s'étendre
à la décision de suspension provisoire. Si tel ne devait pas être le cas pour
des motifs relevant du droit cantonal, il appartenait au recourant de le
démontrer. Quoi qu'il en soit, le préjudice irréparable n'apparaissant pas
évident en l'espèce, il incombait au recourant, conformément à la jurisprudence
susmentionnée, d'alléguer et d'établir les raisons pour lesquelles la décision
incidente lui causerait un tel dommage. Par conséquent, l'existence d'un
préjudice irréparable n'ayant pas été établie, la décision incidente litigieuse
ne peut pas faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. La solution est la
même qu'il s'agisse d'un recours en matière de droit public ou d'un recours
constitutionnel subsidiaire, l'art. 93 LTF étant applicable aux deux voies de
droit.

1.5 Le fait que le recourant soulève un grief relatif à la récusation n'y
change rien. En effet, pour déterminer si la décision incidente concerne une
demande de récusation au sens de l'art. 92 LTF, il convient de prendre en
compte l'objet de ladite décision et non pas les conclusions du recourant (cf.
arrêt 2C_507/2008 du 14 juillet 2008 consid. 2.2). Par ailleurs, les griefs
relatifs à la récusation ayant également été soumis au Tribunal administratif
dans le cadre du recours contre la décision de renvoi définitif, ils pourront
être examinés par le Tribunal fédéral si le litige concernant cette dernière
décision lui est valablement soumis. Enfin, la décision sur la demande de
récusation n'a pas été notifiée séparément en l'espèce (cf. art. 92 al. 1 LTF).
Dans ces conditions, il ne se justifie pas d'entrer en matière sur le recours
sous l'angle de l'art. 92 LTF.

2.
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public et le recours
constitutionnel subsidiaire doivent être déclarés irrecevables. Le recourant,
qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1
LTF). Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public et le recours constitutionnel subsidiaire
sont irrecevables.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Ville de
Genève et au Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 13 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener