Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.450/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_450/2008

Arrêt du 19 mars 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

Parties
A.________ et B.________,
recourants, représentés par Me Paul Marville, avocat,

contre

C.________ et D.________,
E.________,
intimés, représentés par Me Thibault Blanchard, avocat,
Commune de Saint-George, case postale 59, 1188 Saint-George,
représentée par Me Marc-Etienne Favre, avocat.

Objet
permis de construire,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du
3 septembre 2008.

Faits:

A.
B.________ et A.________ sont propriétaires de la parcelle n° 434 de la commune
de Saint-George. D'une surface de 1'353 mètres carrés, cette parcelle non
bâtie, de forme triangulaire, est délimitée au nord et à l'ouest par le chemin
de la Viborne, au sud par le chemin des Tattes aux Boeufs et à l'est par les
parcelles nos 598 et 600, dont E.________ est propriétaire, respectivement
copropriétaire. Elle est classée dans la zone de construction de type "chalet"
régie par les art. 3 et ss du règlement communal sur le plan d'extension
partiel "Est" (RC) approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 5
novembre 1980.
Du 14 novembre au 13 décembre 2007, B.________ et A.________ ont mis à
l'enquête publique un projet de construction d'une maison individuelle avec
garage intérieur double et deux places de parc extérieures sur la parcelle n°
434. De forme trapézoïdale, le bâtiment comprendrait un sous-sol, un
rez-de-chaussée et un étage de combles coiffé d'un toit à deux pans recouvert
d'un placage de zinc et de titane, avec une hauteur au faîte de 9,20 mètres.
Les façades aval et amont présenteraient des longueurs respectives de 23,65
mètres et 9,72 mètres. Ce projet a notamment suscité les oppositions de
E.________ et de C.________ et D.________, propriétaires d'une parcelle bâtie
de l'autre côté du chemin de la Viborne.
Par décisions du 23 janvier 2008, la Municipalité de Saint-George a délivré
l'autorisation de construire sollicitée et levé les oppositions. Les époux
C.________ et D.________ et E.________ ont recouru contre ces décisions auprès
de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de
Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal ou la cour cantonale). Le 8 avril 2008,
les constructeurs ont présenté un projet réduit impliquant une diminution de la
surface de la terrasse du rez-de-chaussée et la suppression du décrochement en
façade est. La Municipalité de Saint-George s'est déclarée favorable à ce
nouveau projet et l'a dispensé d'une enquête publique complémentaire. Les
opposants ont déclaré maintenir leur recours.
Statuant par arrêt du 3 septembre 2008, le Tribunal cantonal a admis le recours
et annulé les décisions municipales du 23 janvier 2008. Il a estimé en
substance que le projet n'était pas admissible sous l'angle des règles tendant
à garantir l'esthétique et l'intégration des nouvelles constructions dans la
zone considérée.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.________ et
A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, respectivement de
le réformer "en ce sens que le projet réduit des constructeurs du 8 avril 2008
est favorisé d'un permis de construire définitif, toutes oppositions étant
écartées". Ils font valoir une violation de leur droit de propriété, de
l'interdiction de l'arbitraire dans l'application du droit cantonal et/ou
communal et de l'autonomie communale.
Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours et la Commune de Saint-George
à son admission. E.________ et les époux C.________ et D.________ proposent de
le rejeter dans la mesure où il est recevable, ces derniers demandant le
bénéfice de l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans le domaine
du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours
est recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF
et l'art. 34 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS
700) dans sa teneur actuelle selon le ch. 64 de l'annexe à la loi sur le
Tribunal administratif fédéral (ATF 133 II 249 consid. 1.2 p. 251). Aucune des
exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée.
Les recourants ont pris part à la procédure cantonale de recours. Ils sont
particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, qui annule l'autorisation de
construire que la Municipalité de Saint-George leur avait délivrée pour des
motifs qu'ils tiennent pour arbitraires et contraires à la garantie de la
propriété. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à
son annulation. Leur qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF est
manifeste. La conclusion du recours tendant à la réforme de l'arrêt attaqué
dans le sens de la délivrance du permis de construire doit en revanche être
écartée dans la mesure où le Tribunal cantonal n'a pas examiné les autres
griefs des intimés évoqués pour s'opposer au projet; en cas d'admission du
recours, le Tribunal fédéral ne pourrait donc que renvoyer la cause à la cour
cantonale pour qu'elle se prononce à leur sujet. Sous cette réserve, il y a
lieu d'entrer en matière sur le présent recours.

2.
Les recourants sont d'avis que la cour cantonale aurait porté une atteinte
inadmissible à la garantie de la propriété ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. et à
l'autonomie communale consacrée à l'art. 139 let. d de la Constitution vaudoise
en s'écartant du règlement communal pour des motifs qu'ils tiennent pour
arbitraires.

2.1 Sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du
droit cantonal ou communal ne constitue pas un motif de recours. Elle peut en
revanche être constitutive d'une violation du droit fédéral au sens de l'art.
95 let. a LTF, telle que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Sur ce
point, la loi sur le Tribunal fédéral n'apporte aucun changement à la cognition
du Tribunal fédéral qui était la sienne sous l'empire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire (ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 251). Appelé à
revoir l'application faite d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si
celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation
effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la
décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit
arbitraire dans son résultat (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257
consid. 5.1 p. 260), ce qu'il revient aux recourants de démontrer en vertu de
l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400).
Le grief de violation de l'autonomie communale, que les recourants sont en
principe autorisés à faire valoir à titre accessoire dès lors que la Commune de
Saint-George appuie les conclusions de leur recours, n'a pas de portée propre
par rapport à celui d'arbitraire; en effet, lorsqu'elle est reconnue autonome
dans un domaine spécifique, une commune peut se plaindre d'un excès voire d'un
abus du pouvoir d'appréciation, ou d'une fausse application par la juridiction
cantonale de recours des normes de droit cantonal et communal régissant le
domaine en cause. Le Tribunal fédéral revoit alors l'interprétation et
l'application de ces normes sous l'angle de l'arbitraire (cf. arrêts 1C_11/2008
du 25 septembre 2008 consid. 5 et 1C_160/2007 du 29 août 2007 consid. 4).

2.2 L'art. 9 RC dispose que la hauteur, mesurée sur la façade aval, du terrain
naturel au niveau supérieur du chéneau, ne dépassera pas 4 mètres. L'art. 10 RC
prévoit que les toitures sont à deux pans et le faîte perpendiculaire aux
courbes de niveau (al. 1), alors que la pente est comprise entre 45% et 60%
(al. 2).
Le Tribunal cantonal admet que le projet litigieux respecterait ces
dispositions. Il a toutefois estimé que les conditions posées pour s'écarter du
texte du règlement étaient réunies. A ses yeux, en édictant ces dispositions,
le législateur communal avait à l'esprit des constructions carrées ou
rectangulaires et non pas une construction de forme trapézoïdale comme cela
était le cas en l'espèce. En prenant comme référence la façade aval, d'une
longueur de 23,65 mètres, on obtient une hauteur au faîte de 7,08 mètres avec
une pente de 60% et de 5,91 mètres avec une pente de 50%. A titre de
comparaison, avec une maison de même surface de forme carrée, on obtient une
hauteur de 4,30 mètres avec une pente de 60% et de 3,59 mètres avec une pente
de 50%. Aussi, en utilisant comme référence la grande façade d'une maison en
trapèze, on dénature les notions utilisées aux art. 9 et 10 RC et on aboutit à
un résultat que le législateur communal n'avait pas envisagé et qui ne permet
pas de respecter la finalité de ces normes consistant à limiter le volume des
constructions dans la zone de type "chalet" afin de garantir une certaine
intégration des différentes constructions dans leur environnement bâti.

2.3 Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa
lettre. Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il y a lieu de rechercher la
véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d'autres
dispositions légales, de son contexte, du but poursuivi, de son esprit ainsi
que de la volonté du législateur, telle qu'elle résulte notamment des travaux
préparatoires. A l'inverse, lorsque le texte légal est clair, l'autorité qui
applique le droit ne peut s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de
penser que ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la
disposition visée et conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir
voulus et qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l'égalité
de traitement. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du
fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec
d'autres dispositions (ATF 134 I 184 consid. 5.1 p. 193; 131 I 394 consid. 3.2
p. 396 et les arrêts cités). En outre, il appartient à l'autorité de remédier à
une éventuelle lacune apparente de la loi, lorsque celle-ci, même interprétée,
n'apporte pas de solution sur un point qu'elle devrait régler, ou à une lacune
occulte, lorsque le législateur a omis d'adjoindre, à une règle conçue de façon
générale, la restriction ou la précision que le sens et le but de la règle
considérée ou d'une autre règle légale imposent dans certains cas. L'autorité
n'est en revanche pas autorisée à pallier l'absence d'une règle qui paraît
simplement désirable (ATF 131 II 562 consid. 3.5 p. 567 et les arrêts cités).

2.4 La comparaison faite par la cour cantonale entre une habitation présentant,
à l'instar de celle projetée, une façade aval de grande dimension et une façade
amont plus réduite, et une maison de même surface, mais de forme carrée, montre
des hauteurs au faîte qui peuvent varier fortement selon la pente de la
toiture. On ne saurait pour autant en déduire que le législateur n'aurait pas
eu en vue une telle situation ou qu'il ne l'aurait pas tolérée. La cour
cantonale ne peut se fonder sur aucun élément qui permettrait de retenir que la
réglementation de la zone de construction de type "chalet" du plan d'extension
partiel "Est" ne correspondrait pas à la volonté exacte du législateur communal
ou qu'elle serait entachée d'une lacune. Quoi qu'il en soit, cette question
peut demeurer indécise. Une utilisation réglementaire des possibilités offertes
par les art. 9 et 10 RC pourrait sans arbitraire être sanctionnée par un refus
du permis de construire si elle aboutissait à un manque d'intégration flagrant
de la construction projetée dans l'environnement bâti ou à une altération de la
zone de construction de type "chalet". Le Tribunal fédéral a en effet admis que
des projets de construction prévus dans des quartiers en pente ou exposés à la
vue puissent justifier une application des règles relatives à la manière de
calculer la hauteur ou la densité des bâtiments adaptée aux objectifs
d'esthétique et d'intégration poursuivis par ces règles (cf. arrêts 1P.266/1998
du 30 juin 1998 consid. 3b/ee et 1P.283/1995 du 21 août 1995 consid. 4; voir
aussi arrêt 1C_103/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.5). Encore faut-il que
le projet litigieux puisse être tenu à cet égard pour déraisonnable.
Une construction ou une installation s'intègre dans l'environnement lorsque son
implantation et ses dimensions n'affectent ni les caractéristiques ni
l'équilibre du site et si, par sa forme et les matériaux utilisés, elle en
respecte l'originalité (cf. DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire, Berne 1981, n. 28 ad art. 3 LAT). La parcelle des
recourants ne se trouve dans aucun site protégé qui mériterait une protection
particulière. De même, le milieu bâti dans la zone de construction de type
"chalet" du plan d'extension partiel "Est" ne présente pas une homogénéité ou
une spécificité particulières qu'il conviendrait de préserver autant que
possible en imposant un style de construction donné. Le règlement n'impose
aucune forme particulière pour les constructions autorisées dans la zone
litigieuse et n'en proscrit aucune, à l'exclusion des villas jumelles, la seule
contrainte, respectée par le projet, étant liée à la caractéristique de type
"chalet", soit un toit à deux pans avec des matériaux en bois de teinte foncée
sur les 3/4 de leur surface (cf. art. 3, 10 et 11 RC). Il n'est par ailleurs
nullement établi que la hauteur au faîte de la construction projetée serait
sensiblement plus élevée que celle des autres bâtiments du quartier. Selon les
photomontages versés au dossier par les constructeurs, la façade aval
reprendrait la même implantation que celle des constructions voisines et le
bâtiment projeté, bien que plus volumineux, ne romprait pas l'unité ou l'aspect
général du quartier. Dans ces conditions, l'on ne saurait dire que le projet ne
s'intégrerait pas, en raison de sa hauteur ou de la longueur de la façade aval,
dans l'environnement bâti. La cour cantonale devait faire preuve à cet égard
d'une certaine retenue dans la mesure où cette question relève en premier lieu
de l'appréciation de l'autorité communale, qui n'avait rien trouvé à redire au
projet sous cet angle.

3.
Le recours doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé, la cause
étant renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle statue sur les griefs encore en
suspens formulés à l'encontre du projet de maison individuelle des recourants.
Les époux C.________ et D.________ ont sollicité l'assistance judiciaire. Les
conditions de l'art. 64 LTF étant réunies, il convient de faire droit à leur
requête, Me Thibault Blanchard étant désigné comme avocat d'office et ses
honoraires pris en charge par la caisse du Tribunal fédéral. Les intimés sont
toutefois rendus attentifs sur leur obligation de rembourser la caisse du
tribunal, s'ils devaient être ultérieurement en mesure de le faire (art. 64 al.
4 LTF). La part des frais judiciaires leur incombant sera également
provisoirement supportée par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 4 LTF);
l'autre part doit être mise à la charge de E.________, qui succombe (art. 65 et
66 al. 1 LTF). L'octroi de l'assistance judiciaire ne dispense pas les époux
C.________ et D.________ du paiement de dépens (ATF 122 I 322 consid. 2c p. 324
/325). Les intimés verseront ainsi une indemnité à ce titre aux recourants, qui
ont procédé par l'intermédiaire d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). La Commune de
Saint-George, qui obtient également gain de cause avec l'assistance d'un
mandataire professionnel, ne saurait prétendre en revanche à des dépens en
l'absence de circonstances exceptionnelles établies (art. 68 al. 3 LTF; ATF 134
II 117).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour
de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour
nouvelle décision.

2.
La demande d'assistance judiciaire des époux C.________ et D.________ est
admise. Me Thibault Blanchard est désigné comme avocat d'office. Ses honoraires
sont fixés à 1'000 fr. et seront provisoirement supportés par la caisse du
Tribunal fédéral.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des intimés, à
raison de 1'500 fr. pour E.________ et de 1'500 fr. pour les époux C.________
et D.________, la part des frais incombant à ces derniers étant provisoirement
supportée par la caisse du Tribunal fédéral.

4.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux recourants, créanciers solidaires, à
titre de dépens à la charge des intimés, solidairement entre eux.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Commune de
Saint-George ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 19 mars 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin