Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.437/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_437/2008

Arrêt du 19 janvier 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: Parmelin.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Frédéric Dovat, avocat,

contre

Commune de Cugy, 1053 Cugy,
intimée, représentée par Me Alain Thévenaz, avocat.

Objet
rapports de travail de droit public, résiliation,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 25 août 2008.

Faits:

A.
A.________ a été engagé par la Municipalité de la Commune de Cugy (ci-après: la
municipalité) comme employé communal polyvalent à partir du 1er septembre 1988
sur la base d'un contrat de droit privé, conformément à ce que prévoyait un
règlement communal alors en vigueur. A compter du 1er mai 2000, il a été soumis
à un nouveau statut du personnel communal adopté par le Conseil communal de la
Commune de Cugy le 27 mai 1999 et approuvé ensuite par le Conseil d'Etat du
canton de Vaud. Ce statut s'applique à tous les collaborateurs salariés de la
commune (art. 1.1). Il prévoit la compétence de la municipalité pour le
licenciement (art. 8), pour le renvoi pour justes motifs (art. 9) ainsi que
pour un cas spécial de licenciement, intitulé "suppression de fonction" et
réglé à l'art. 10 dans les termes suivants:
"L'employé communal peut être licencié avec six mois de préavis, pour la fin
d'un mois, lorsque sa fonction est supprimée et qu'il n'est pas possible de lui
trouver, dans l'administration communale, une autre situation correspondant à
ses capacités."

B.
Par une décision du 21 décembre 2006, la municipalité a signifié à A.________,
qui avait été promu entre-temps chef d'équipe de la voirie, son renvoi pour
justes motifs, conformément à l'art. 9 du statut du personnel. Elle a mis fin
immédiatement aux rapports de travail, retenant à l'encontre de l'intéressé
qu'il avait réalisé, sur les heures de travail, une activité de sciage de bois
de feu à la demande de plusieurs habitants de la commune, en encaissant
directement et en conservant la rémunération pour le travail fourni. Il lui
était également reproché de n'avoir jamais exposé cette manière de faire à la
municipalité.
A.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du
canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif). Ce tribunal, par un arrêt
rendu le 19 juillet 2007, a admis le recours et annulé la décision de la
municipalité. En substance, il a considéré que les motifs invoqués par
l'employeur étaient assurément sérieux mais pas d'une importance telle qu'ils
eussent pu justifier un licenciement avec effet immédiat, sans aucun
avertissement. En outre, selon cet arrêt, la municipalité, qui avait eu
connaissance des faits litigieux avant le mois de novembre 2006, avait tardé à
prononcer le licenciement immédiat.
Le 13 septembre 2007, la Commune de Cugy a formé contre cet arrêt un recours
constitutionnel subsidiaire, que le Tribunal fédéral a rejeté par un arrêt
rendu le 15 mai 2008 (arrêt 1D_13/2007).

C.
Le 1er octobre 2007 (soit après l'arrêt du Tribunal administratif mais avant
l'arrêt du Tribunal fédéral), la municipalité a pris la décision de réorganiser
le Service technique communal et de supprimer le poste de chef de voirie. Le 25
octobre 2007, A.________ a recouru auprès du Tribunal administratif contre
cette décision, en tant qu'elle supprimait la fonction de chef de voirie
(affaire GE.2007.0205).
Par décision du 22 octobre 2007, la municipalité a prononcé le licenciement de
A.________ pour le 30 avril 2008, à la suite de la suppression de la fonction
de chef de voirie. Le 12 novembre 2007, A.________ a recouru contre cette
décision au Tribunal administratif en dénonçant principalement un congé abusif
(affaire GE.2007.0221).
Les causes GE.2007.0205 et GE.2007.0221 ont été jointes et, dès le 1er janvier
2008, elles ont été traitées par la Cour de droit administratif et public du
Tribunal cantonal du canton de Vaud qui a succédé au Tribunal administratif.
Par un arrêt rendu le 25 août 2008, cette juridiction a déclaré irrecevable le
recours formé contre la décision municipale du 1er octobre 2007 et a rejeté le
recours formé contre la décision municipale du 22 octobre 2007, en confirmant
cette décision. Elle a considéré en substance que la mesure de réorganisation
de l'administration communale ne portait pas encore en elle-même atteinte à la
situation juridique du recourant - donc qu'un recours dirigé contre cette
mesure était irrecevable - mais que cette réorganisation, invoquée comme motif
de licenciement, pouvait être examinée indirectement dans le cadre du recours
déposé contre la décision municipale du 22 octobre 2007. A ce propos, elle a
retenu que les conditions de l'art. 10 du statut du personnel communal étaient
remplies.

D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et par celle du
recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande au Tribunal fédéral de
réformer l'arrêt du Tribunal cantonal en ce sens que la fonction de chef de
voirie auprès de la commune de Cugy est maintenue, qu'il continue à être
employé communal en qualité de chef de l'équipe communale de la voirie, et donc
qu'il n'est pas licencié. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de
l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire au Tribunal cantonal pour nouvelle
décision.
La Commune de Cugy conclut à l'irrecevabilité du recours constitutionnel et au
rejet du recours en matière de droit public, dans la mesure où il est
recevable. La Cour de droit administratif et public se réfère à son arrêt.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée a été rendue dans une cause de droit public, au sens de
l'art. 82 let. a LTF, les rapports de travail entre la commune et ses employés
étant régis par le droit public. La voie du recours en matière de droit public
(art. 82 ss LTF) est donc en principe ouverte. Le recours a été formé en temps
utile (cf. art. 100 al. 1 LTF). L'employé licencié, qui a participé à la
procédure devant le Tribunal cantonal, a qualité pour recourir au sens de
l'art. 89 al. 1 LTF.
L'art. 83 let. g LTF dispose que le recours en matière de droit public est
irrecevable "contre les décisions en matière de rapports de travail de droit
public qui concernent une contestation non pécuniaire, sauf si elles touchent à
la question de l'égalité des sexes". Il ne s'agit pas en l'espèce d'une
contestation non pécuniaire puisque les conclusions du recourant tendent à sa
réintégration dans l'administration communale et donc au versement de son
salaire. La valeur litigieuse de 15'000 fr. est à l'évidence atteinte (art. 85
al. 1 let. b LTF). Dans ces conditions, les griefs doivent tous être traités
dans le cadre du recours ordinaire en matière de droit public (art. 82 ss LTF),
le recours constitutionnel subsidiaire étant par conséquent irrecevable (cf.
art. 113 LTF).

2.
Le recourant soutient que la juridiction cantonale aurait dû entrer en matière
sur ses griefs dirigés contre la décision, respectivement la mesure de
réorganisation, prise le 1er octobre 2007, et qu'elle aurait dû l'annuler pour
arbitraire et violation du principe de la bonne foi. Il se plaint à ce propos
d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 Cst., d'une violation de
l'art. 29 de la loi cantonale sur la juridiction de la procédure
administratives (LJPA/VD), qui définit la notion de décision, et encore d'une
violation des art. 5 PA et 8 CC.
En l'espèce, le Tribunal cantonal a contrôlé l'application de l'art. 10 du
statut du personnel communal en considérant qu'il lui appartenait de revoir les
circonstances dans lesquelles la fonction de chef de voirie avait été
supprimée. D'après l'arrêt attaqué, la décision de réorganisation est un acte
interne et il est nécessaire de garantir un contrôle judiciaire lorsque cette
mesure est invoquée pour justifier un licenciement.
Le recourant ne prétend pas avoir été empêché d'obtenir un contrôle judiciaire
adéquat de la mesure d'organisation dans le cadre de la contestation de la
décision de licenciement. Comme cette décision a été prise directement après la
réorganisation, les deux recours au Tribunal cantonal ont pu être joints. On ne
voit pas en quoi la solution de l'arrêt attaqué violerait les garanties
minimales de l'art. 29 Cst. puisque, sur le fond, les critiques visant la
réorganisation litigieuse ont été examinées (s'agissant plus spécialement du
grief tiré du refus d'entendre des témoins, cf. infra, consid. 4.1).
Le recourant se plaint encore à ce propos d'une violation du droit cantonal de
procédure, soit de l'art. 29 LJPA/VD, qui définit la décision administrative
dans des termes analogues à ceux de l'art. 5 PA. Comme le recours est formé
pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), l'application de cette
norme ne peut être revue que sous l'angle de l'arbitraire. Selon la
jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une
règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit
d'une manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance que si elle est insoutenable ou en contradiction évidente avec la
situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation
d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la
décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit
arbitraire dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts
cités). Dans le cas particulier, il n'est pas arbitraire de ne pas voir, dans
la mesure de réorganisation prise le 1er octobre 2007, une décision susceptible
de recours dès lors que la décision de licenciement a elle-même pu être
contestée, y compris à propos de la réorganisation invoquée comme motif de
renvoi.
Enfin, l'art. 5 PA ne s'applique pas dans une procédure administrative
cantonale. Quant à l'art. 8 CC, il est sans pertinence dans ce contexte.

3.
Le recourant reproche à la municipalité d'avoir prononcé à son encontre un
licenciement conditionnel, lié au sort de sa précédente résiliation du 21
décembre 2006. Il soutient que le Tribunal cantonal, en écartant ses griefs à
ce sujet, a rendu une décision arbitraire qui viole gravement l'art. 335 al. 1
CO.
Dans l'arrêt attaqué, la Cour de droit administratif et public a considéré que
la décision de la municipalité du 22 octobre 2007 était une "résiliation
claire, destinée à prendre effet à une date précise, simplement assortie de
précisions rendues nécessaires par la configuration particulière des faits dans
le cas d'espèce". La "configuration particulière" dont il est question résulte
du premier arrêt du Tribunal administratif, qui avait annulé un licenciement
fondé sur une autre disposition du statut du personnel communal (renvoi
immédiat pour justes motifs), et d'une procédure de recours pendante devant le
Tribunal fédéral au moment où le licenciement litigieux a été prononcé (cause
1D_13/2007).
L'art. 335 al. 1 CO, invoqué par le recourant, dispose que "le contrat de durée
indéterminée peut être résilié par chacune des parties". D'autres dispositions
du code des obligations fixent alors des délais de congé (art. 335a ss CO). On
ne voit pas quel argument le recourant entend tirer de ces normes du droit
privé, dès lors que la municipalité a exercé sans réserve son droit formateur,
découlant de la réglementation de droit public applicable, en prononçant le 22
octobre 2007 un licenciement fondé sur l'art. 10 du statut du personnel
communal.
On peut certes se demander quelles auraient été les conséquences juridiques
d'une admission, par le Tribunal fédéral, du recours de la commune dans la
cause 1D_13/2007. Peut-être une telle décision aurait-elle rendu sans effet,
juridiquement ou pratiquement, le congé signifié ultérieurement. Peu importe
toutefois car ce second congé n'était pas conçu par la Commune de Cugy comme un
acte conditionnel, que l'une ou l'autre partie aurait pu retirer ou annuler.
L'interprétation de la Cour de droit administratif et public n'est, sur ce
point, pas arbitraire.

4.
Le recourant critique les motifs de son licenciement, en faisant valoir qu'il
s'agirait d'un pur congé-représailles. Il invoque les normes du droit privé sur
la protection contre les congés abusifs (art. 336 CO). Ces normes ne sont
toutefois pas directement applicables dans la présente contestation. En outre,
en droit privé, la sanction d'un congé abusif n'est pas une réintégration dans
la fonction (art. 336a CO); or tel est l'objet des conclusions du recourant en
l'espèce. Cela étant, seuls les griefs de violation du droit fédéral applicable
dans la présente contestation - en l'occurrence du droit constitutionnel
fédéral, qui doit être respecté dans les cas d'application du droit public
cantonal - entrent en considération.

4.1 L'arrêt attaqué expose en détail les circonstances dans lesquelles une
réorganisation du service technique communal est intervenue. Ces faits ne sont
pas critiqués de manière concluante par le recourant. Celui-ci se plaint d'une
violation de son droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. parce
que le Tribunal cantonal n'a pas cité les témoins dont il avait requis
l'audition. Or ces témoins étaient censés fournir la preuve du mauvais état
d'entretien des voies communales depuis la réorganisation du service de la
voirie. Cet élément n'était a priori pas pertinent pour la question à résoudre,
à savoir l'existence d'éléments objectifs propres à justifier la mise en place
d'une nouvelle direction de l'équipe de voirie (notamment la suppression d'une
structure à trois échelons - cf. consid. 4c de l'arrêt attaqué), puisque
notamment il se rapporte à des circonstances postérieures. Selon la
jurisprudence, le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend
le droit de faire administrer des preuves, notamment de faire entendre des
témoins. Mais ce droit suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le
moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la
demande soit présentée selon les formes et délais prescrits par le droit
cantonal. La garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un
terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former
sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation
anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, la certitude qu'elles ne
pourraient l'amener à modifier son opinion (cf. notamment ATF 134 I 140 consid.
5.3 p. 148; 131 I 153 consid. 3 p. 157). Tel est le cas en l'espèce, de sorte
que le droit d'être entendu du recourant n'a pas été violé.

4.2 Sur le fond, l'arrêt attaqué expose de manière convaincante les enjeux de
la réorganisation du service technique communal, ainsi que le fait que, dans la
nouvelle organisation, aucun poste de travail correspondant à la formation, aux
capacités et aux voeux du recourant (qui veut être employé à plein temps) ne
pouvait lui être offert. Il résiste en définitive au grief d'arbitraire.

5.
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 65 al. 1
et 66 al. 1 LTF). La Commune de Cugy, bien qu'obtenant gain de cause avec
l'assistance d'un avocat, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF; ATF
134 II 117).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de
droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 19 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier:

Féraud Parmelin