Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.436/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_436/2008

Arrêt du 4 décembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Pascal Pétroz, avocat,

contre

Municipalité de Chardonne, 1803 Chardonne,
représentée par Me Denis Sulliger, avocat.

Objet
permis de construire,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 21 août 2008.

Faits:

A.
Du 5 janvier au 5 février 2007, C.________ a mis à l'enquête publique la
transformation de la grange existante sise sur la parcelle n° 21 de la Commune
de Chardonne, dont elle était propriétaire à la rue du Village n° 6. Ce
bâtiment se situe au coeur du village de Chardonne, au milieu d'un groupe de
trois bâtiments contigus. Il fait partie des bâtiments à conserver inscrits
dans la zone de villages régie par les art. 5 ss du règlement communal sur le
plan général d'affectation et la police des constructions approuvé par le
Département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud le
5 décembre 2005 et entré en vigueur le 22 février 2007 (RPGA). Le projet
consistait en la création d'un local commercial au rez-de-chaussée, de deux
appartements de 60 mètres carrés au rez supérieur et au premier étage ainsi que
d'un appartement de 120 mètres carrés occupant le deuxième étage et l'attique.
Selon les plans d'enquête, le faîte du bâtiment après transformation se situait
à une hauteur de 14,25 mètres et impliquait une surélévation de la toiture
d'une vingtaine de centimètres par rapport à la grange existante. Dans sa
séance du 19 mars 2007, la Municipalité de Chardonne a décidé de lever les
oppositions formulées lors de l'enquête publique et de délivrer le permis de
construire.
La parcelle n° 21 a successivement été vendue à B.________ le 8 mai 2007, puis
à A.________ le 27 août 2007 pour un prix de 150'000 francs. Le 12 décembre
2007, le nouveau propriétaire a requis l'autorisation d'installer un système
d'énergie renouvelable et des panneaux solaires en toiture. Dans ce cadre, il a
fourni, en date du 14 janvier 2008, des plans provisoires d'exécution qui ont
suscité un doute sur le gabarit exact du bâtiment auprès du Bureau technique
intercommunal. La Municipalité de Chardonne a fait procéder à un relevé de la
façade sud du bâtiment qui montre que le faîte actuel se situe à 12,60 mètres
par rapport à la rue du Village et non à 14,25 mètres comme figuré sur le plan
d'enquête.
Par courrier du 31 janvier 2008, elle a exigé l'arrêt immédiat des travaux et
la soumission dans les quinze jours d'un dossier comportant les plans des
façades, des étages et des coupes de toutes les modifications envisagées, ceci
dans le cadre des gabarits du bâtiment existant. Elle mentionnait des erreurs
dans les plans d'enquête en ce qui concerne les relevés du bâtiment existant
et, plus particulièrement, des différences entre la coupe de l'enquête publique
et celle du plan provisoire d'exécution en ce qui concerne les hauteurs
d'étages et l'aménagement de l'étage des combles. Le 7 février 2008, A.________
s'est opposé à l'ordre d'arrêt du chantier qu'il tenait pour nul et dépourvu
d'effet au motif qu'il ne contenait ni base légale, ni motivation, ni
indication des voie et délai de recours. Il précisait avoir acquis la parcelle
n° 21 avec une autorisation de construire en bonne et due forme délivrée par la
municipalité et contestait que celle-ci puisse remettre en cause sa propre
décision.
Le 19 février 2008, la Municipalité de Chardonne a précisé que la surélévation
de la toiture excéderait de 63 centimètres le maximum de un mètre autorisé à
l'art. 7 RPGA et a maintenu sa décision d'arrêt des travaux. A.________ a
recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et
public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal
ou la cour cantonale).
Le 8 avril 2008, la Municipalité de Chardonne a délivré à A.________ un permis
de construire complémentaire portant sur un projet modifié de transformation de
la grange autorisant la création de deux appartements et d'un bureau sans
modification de la hauteur du bâtiment.
Statuant par arrêt du 21 août 2008, le Tribunal cantonal a rejeté le recours.
Il a admis en substance que l'intérêt public à une application correcte du
droit, auquel s'ajoutait celui de la municipalité à pouvoir revenir sur un
permis de construire accordé sur la base de plans erronés, l'emportaient sur
les intérêts privés dont A.________ pouvait sa prévaloir pour exiger le
maintien du permis de construire.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que la décision de la
Municipalité de Chardonne du 19 février 2008 et d'autoriser en conséquence la
poursuite des travaux de transformation de la parcelle n° 21 tels que figurant
dans les plans provisoires d'exécution. A titre subsidiaire, il conclut à
l'annulation de la décision municipale du 19 février 2008 et au renvoi de la
cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. La Commune de
Chardonne conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision confirmant en dernière instance cantonale un ordre
de suspension de travaux qui implique la révocation d'un permis de construire,
le recours est recevable comme recours en matière de droit public au sens des
art. 82 ss LTF et de l'art. 34 al. 1 LAT dans sa teneur actuelle selon le ch.
64 de l'annexe à la loi sur le Tribunal administratif fédéral (ATF 133 II 400
consid. 2 p. 403). Aucun des motifs d'exclusion définis à l'art. 83 LTF n'est
réalisé. En tant que propriétaire du bâtiment qui fait l'objet du litige,
A.________ peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de
l'arrêt attaqué et à l'octroi de l'autorisation de poursuivre les travaux de
transformation conformément aux plans d'exécution. Il a participé à la
procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Sa qualité pour agir est
manifeste. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit
public sont réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.

2.
Le recourant prétend que les conditions posées à la révocation du permis de
construire délivré à l'ancienne propriétaire des lieux ne seraient pas réunies
et se plaint d'une atteinte disproportionnée à son droit de propriété et au
principe de la sécurité du droit. Il reproche à la cour cantonale d'avoir
statué sur la base d'un état de fait incomplet et constaté de manière
arbitraire.

2.1 Une décision ayant acquis force de chose décidée peut, sous certaines
conditions, être réexaminée à la demande d'un particulier ou être révoquée par
l'autorité qui l'a rendue. Les exigences de la sécurité du droit ne l'emportent
sur l'intérêt à une application correcte du droit objectif que si la décision
en cause a créé un droit subjectif au profit de l'administré, si celui-ci a
déjà fait usage d'une autorisation obtenue ou encore si la décision est le
fruit d'une procédure au cours de laquelle les divers intérêts en présence ont
fait l'objet d'un examen approfondi (ATF 127 II 306 consid. 7a p. 313; 121 II
273 consid. 1a p. 276 et les références citées). Cette règle n'est cependant
pas absolue et la révocation peut intervenir même dans une des trois hypothèses
précitées, le cas échéant moyennant le versement d'une indemnité, lorsqu'elle
est commandée par un intérêt public particulièrement important. A l'inverse,
les exigences de la sécurité du droit peuvent être prioritaires même
lorsqu'aucune de ces trois hypothèses n'est réalisée (arrêt 2A.737/2004 du 30
mars 2005 consid. 3.4 in Pra 2006 n. 26 p. 184). Dans tous les cas,
l'administré doit être de bonne foi. Celui qui a agi dolosivement ou violé ses
obligations en induisant l'administration en erreur au moment de demander
l'autorisation ne saurait en principe s'opposer à la révocation, à moins que
cette mesure ne soit contraire au principe de la proportionnalité (ATF 93 I 390
consid. 2 p. 394/395).

2.2 En l'espèce, le recourant, dont la bonne foi n'est pas remise en cause, ne
peut déduire de l'octroi du permis de construire litigieux aucun droit public
subjectif qui lui permettrait de s'opposer avec succès à l'annulation ou à la
révocation de cette décision (cf. ATF 109 Ib 246 consid. 4d p. 253 et les
références citées). Il n'a par ailleurs pas fait usage de l'autorisation de
construire dans une mesure qui ferait obstacle à sa révocation puisque les
travaux de transformation venaient de commencer lorsqu'ils ont été interrompus
selon l'arrêt attaqué; le recourant dénonce à tort sur ce point une
constatation inexacte des faits (cf. arrêt 1P.609/1994 du 15 décembre 1994
consid. 3d in ZBl 96/1995 p. 518). Le permis de construire a certes été délivré
à l'issue d'une procédure de mise à l'enquête publique au cours de laquelle des
oppositions ont été formulées au sujet notamment de la hauteur du bâtiment
après travaux. Les plans d'enquête étaient toutefois erronés sur ce point et ne
permettaient pas d'appréhender correctement la surélévation de la toiture, la
hauteur au faîte de la grange après transformation sur le plan de coupe et sa
représentation graphique par rapport aux bâtiments voisins ne correspondant pas
à la réalité. De plus, dans sa réponse aux oppositions, l'architecte auteur des
plans d'enquête a confirmé que le projet respectait l'art. 7 al. 2 RPGA et ne
nécessitait pas de dérogation. Dans ces conditions, on ne saurait dire que
l'erreur était manifeste et reprocher à la Municipalité de Chardonne de ne pas
l'avoir constatée ou d'avoir fait preuve de négligence et procédé à une
instruction insuffisante du dossier en renonçant à faire d'emblée un relevé de
la façade donnant sur la rue du Village (cf. BLAISE KNAPP, Précis de droit
administratif, 4e éd., 1991, n° 1279, p. 271). Le fait, au demeurant non
établi, que le projet mis à l'enquête soit le fruit de négociations entre la
propriétaire et la commune, qui ont duré plus de deux ans ne conduit pas à une
autre appréciation dans la mesure où il n'est pas établi qu'elles aient porté
sur un projet impliquant une surélévation de la toiture supérieure à celle
autorisée à l'art. 7 al. 2 RPGA. Dans ces conditions, on doit admettre
qu'aucune des conditions posées par la jurisprudence pour faire obstacle à la
révocation du permis de construire ne sont réunies.
Il existe au demeurant un intérêt public important à ce que la réglementation
communale soit respectée. La grange litigieuse fait partie des bâtiments à
conserver de la zone de villages dont l'aspect, l'implantation et le volume
doivent en principe être maintenus en vertu de l'art. 7 al. 1 RPGA. Les
transformations peuvent être autorisées dans certaines limites fixées à l'art.
7 al. 2 RPGA et dans le respect du caractère du bâtiment et des bâtiments
voisins contigus. Le village de Chardonne est par ailleurs inclus dans le
périmètre du plan de protection de Lavaux régi par la loi cantonale du même nom
du 12 février 1979, qui vise à préserver l'identité et les caractéristiques
propres de Lavaux. Il fait partie du territoire de villages et hameaux que
l'art. 18 de la loi tend à protéger dans leur volumétrie et leur caractère. La
surélévation de la toiture de 1,63 mètre implique une violation du règlement
communal, qui n'autorise qu'une surélévation légère d'au maximum un mètre, et
des principes tendant au maintien dans leur aspect, leur implantation et leur
volume des bâtiments identifiés comme bâtiments à conserver. Cette violation ne
saurait être qualifiée de minime, ce d'autant qu'elle s'inscrit dans un village
soumis à une protection particulière. La cour cantonale n'a pas ignoré le fait
que le recourant subissait un préjudice financier, évalué à 300'000 fr. par
l'intéressé, en raison de la suppression de l'attique d'une surface de 60
mètres carrés. Elle a estimé que ce préjudice devait être relativisé car le
projet autorisé par la Municipalité de Chardonne en avril 2008 demeurait
économiquement rentable au regard du prix d'achat de la grange et le recourant
pourrait conserver trois appartements en renonçant à un niveau complet dans les
combles et en prévoyant une mezzanine à la place de l'attique. Le recourant
tient cette dernière assertion pour gratuite. Il n'apparaît toutefois pas
d'emblée exclu qu'un autre projet permettant de limiter le préjudice financier
allégué puisse être soumis à la Municipalité de Chardonne. On ne saurait dès
lors conclure à une constatation arbitraire des faits sur ce point. Le
recourant ne conteste au demeurant pas que le projet faisant l'objet du permis
de construire complémentaire du 8 avril 2008 serait économiquement rentable,
même s'il est évidemment moins profitable que le projet initial.
Cela étant, le Tribunal cantonal pouvait admettre sans violer le droit fédéral
que l'intérêt public à une application correcte du droit objectif l'emportait
sur les exigences de la sécurité du droit et, partant, annuler l'autorisation
de construire que la Municipalité de Chardonne avait délivrée à C.________ sur
la base de plans inexacts. En ordonnant l'arrêt immédiat des travaux dès
qu'elle s'est rendue compte de la non-conformité du permis de construire au
règlement communal, puis en autorisant les travaux nécessaires à garantir la
sécurité du chantier, la Municipalité de Chardonne a agi dans le respect des
principes de la bonne foi et de la proportionnalité.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe
(art. 65 et 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle obtienne gain de cause avec
l'assistance d'un avocat, la Commune de Chardonne ne saurait prétendre à des
dépens (art. 68 LTF; ATF 134 II 117 consid. 7).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant et de la Commune
de Chardonne ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 décembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin