Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.410/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_410/2008

Arrêt du 30 janvier 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

Parties
Commune de Presinge, 1243 Presinge,
recourante, représentée par Me Christian Grobet,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Bruno Mégevand, avocat,
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, case postale 3880, 1211 Genève 8.

Objet
autorisation de construire;

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 29
juillet 2008.

Faits:

A.
Le 22 septembre 2006, le Département des constructions et des technologies de
l'information du canton de Genève (ci-après: le département) a refusé à
A.________ l'autorisation de construire un hangar agricole sur une parcelle de
la commune de Presinge, en raison de l'atteinte au paysage. A.________ a saisi
la Commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après: la
commission) qui, par décision du 10 avril 2007, a admis le recours: la parcelle
était située en zone agricole et ne faisait pas l'objet d'un plan de site; la
cause était renvoyée au département afin de définir si et dans quelle mesure la
construction répondait aux besoins de l'exploitation. Par lettre du 13 août
2007, le Chef du département a informé la commune de Presinge que, compte tenu
de la décision de la commission et des préavis favorables, l'autorisation était
accordée. L'autorisation de construire, datée du même jour, a été publiée dans
la feuille d'avis officielle du 17 août 2007, avec la mention qu'il s'agissait
d'une décision d'exécution non susceptible de recours.

B.
Le 3 septembre 2007, la Mairie de Presinge s'est adressée au Chef du
département. Elle relevait notamment qu'après avoir été informée du recours
devant la commission et après avoir déposé des remarques initiales, elle
n'avait pas été entendue et n'avait eu connaissance de sa décision qu'à
réception de la lettre du 13 août 2007. Elle désirait être informée des
possibilités de recours à ce stade de la procédure. Le Chef du département
répondit, le 27 septembre 2007, que l'autorisation avait été délivrée sur le vu
du préavis favorable du service de l'agriculture.

C.
Le 8 novembre 2007, la commune a saisi la commission d'un recours contre la
décision du 10 avril 2007, subsidiairement d'une demande de révision. Le
recours a été transmis au Tribunal administratif genevois, auquel la commune a
adressé un recours semblable le 13 novembre 2007. Le même jour, la commune a
formé une nouvelle demande de révision remplaçant la première, valant également
recours contre l'autorisation de construire du 13 août 2007.
Le 20 novembre 2007, la commission a rejeté la demande de révision, en
considérant que la décision du 10 avril 2007 tenait compte, matériellement, de
la position exprimée par la commune. Celle-ci a recouru au Tribunal
administratif contre ce prononcé.
Le 3 mars 2008, la commission a déclaré irrecevable le recours formé contre
l'autorisation de construire du 13 août 2007, cette décision n'étant qu'une
mesure d'exécution. La commune a également recouru au Tribunal administratif.

D.
Par arrêt du 29 juillet 2008, après avoir écarté diverses requêtes d'effet
suspensif, le Tribunal administratif a déclaré irrecevables les recours dirigés
contre la décision de la commission du 10 avril 2007; la commune en avait eu
connaissance par le courrier du département du 13 août 2007 et s'était ensuite
limitée à un échange de correspondance avec le département; le recours, formé
trois mois plus tard, était tardif. Le recours dirigé contre la décision de la
commission du 20 novembre 2007, irrecevable en tant qu'il tendait à
l'annulation de l'autorisation de construire, était mal fondé pour le surplus
car la commune ne faisait valoir aucun fait nouveau à l'appui de sa demande de
révision. Le recours formé contre la décision du 3 mars 2008 a également été
rejeté: l'autorisation de construire du 13 août 2007 constituait effectivement
une mesure d'exécution.

E.
La Commune de Presinge forme un recours en matière de droit public par lequel
elle demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif, ainsi que de la
décision de la commission du 10 avril 2007 et de l'autorisation de construire
du 13 août 2007. La recourante ne remet pas en cause l'arrêt cantonal en tant
qu'il concerne la demande de révision adressée à la commission. Elle conteste
en revanche l'irrecevabilité pour tardiveté de son recours cantonal contre la
décision du 10 avril 2007 de la commission, et le rejet du recours formé contre
la décision du 3 mars 2008 constatant que l'autorisation de construire n'était
qu'une décision d'exécution non susceptible de recours.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le département s'en rapporte à
justice. A.________ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du
recours.
Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 82 let. a LTF, le recours en matière de droit public est ouvert
contre les décisions rendues dans les causes de droit public.

1.1 Le recours est formé dans le délai de trente jours (art. 100 al. 1 LTF),
contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d
LTF).

1.2 Selon l'art. 89 al. 2 let. c LTF, les communes et autres collectivités
publiques ont qualité pour recourir en invoquant la violation de garanties qui
leur sont reconnues par les Constitutions cantonale ou fédérale.
La recourante ne prétend pas qu'elle serait autonome sur le fond de la
contestation, c'est-à-dire en matière de délivrance d'une autorisation de bâtir
en zone agricole. En droit genevois en effet, la compétence en revient au seul
département (art. 2 de la loi sur les constructions et installations diverses -
LCI, RS/GE L/5/05), les communes ne disposant que d'un droit de préavis (art. 3
al. 3 LCI), qui a été exercé en l'espèce. La recourante ne saurait ainsi fonder
sa qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 2 let. c LTF (autonomie communale).

1.3 Selon l'art. 89 al. 2 let. d LTF, ont aussi qualité pour recourir les
personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde
un droit de recours. Selon l'art. 34 al. 2 let. b et c LAT, les cantons et les
communes ont qualité pour recourir contre les décisions portant notamment sur
la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions
sises hors de la zone à bâtir, ainsi que sur les autorisations visées aux art.
24 à 24d LAT. L'arrêt attaqué ne traite pas directement de cette question, mais
le recours porte sur la violation des droits de participer à la procédure et de
recourir, tels que garantis par le droit cantonal (art. 145 al. 2 LCI) et par
l'art. 34 LAT. Le recours paraît donc recevable sous cet angle.

1.4 Dans la mesure où l'arrêt attaqué ne se prononce pas sur la validité de
l'autorisation de construire du 13 août 2007, et déclare tardif le recours
dirigé contre la décision de la commission du 10 avril 2007, le recours ne peut
tendre à l'annulation de ces deux décisions. Seule est recevable la conclusion
en annulation de l'arrêt cantonal.

2.
La recourante conteste que l'autorisation de construire du 13 août 2007 soit
une simple décision d'exécution, non soumise à recours. Elle se prévaut de
l'art. 147 al. 2 LCI, disposition qui permettrait aux recourants initiaux de
s'en prendre à une autorisation ultérieure, lorsqu'apparaissent de nouveaux
motifs de refus. L'art. 59 let. b de la loi genevoise sur la procédure
administrative (LPA; RS/GE E/5/10), qui concerne les mesures d'exécution des
décisions, ne serait applicable que lorsque la commission ordonne au
département de délivrer l'autorisation, et non lorsqu'elle exige, comme en
l'espèce, un complément d'instruction devant aboutir à une nouvelle décision
finale. Le département aurait omis à tort de procéder au complément
d'instruction exigé par la commission, à propos de la taille du hangar au
regard des besoins de l'exploitation. La recourante estime ensuite que sa
lettre du 3 septembre 2007 exprimait de manière suffisamment claire sa volonté
de recourir; elle se prévaut de l'absence d'indication correcte de la voie de
recours, et de l'obligation du département de transmettre le recours à
l'autorité compétente.

2.1 S'agissant de dispositions de droit cantonal, le Tribunal fédéral
n'intervient que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p.
251). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît
insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou
encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit
certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée
soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans
son résultat (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p.
260), ce que le recourant doit démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF
133 II 396 consid. 3.2 p. 400).

2.2 Dans sa décision du 10 avril 2007, la commission relevait que deux des
conditions posées à l'art. 34 al. 4 OAT n'étaient pas contestées (viabilité de
l'exploitation et absence d'intérêts prépondérants); en revanche, le dossier
était lacunaire s'agissant de l'adéquation du bâtiment aux besoins de
l'exploitation. Dans sa réponse à la recourante du 27 septembre 2007, le
département a expliqué que, sous l'angle de la LAT, le service de l'agriculture
s'était déclaré favorable au projet. La recourante remet en cause cette
appréciation en relevant que le préavis favorable du 23 juin 2005 comportait
une condition selon laquelle le projet de hangar devait être examiné
simultanément au projet de nouvelle stabulation et d'augmentation du cheptel.
Toutefois, dans son préavis du 13 juin 2006, le même service relevait que les
aménagements de stabulation ne nécessitaient aucune procédure d'autorisation.
Le département pouvait en déduire que la condition formulée précédemment était
devenue sans objet, et que le préavis relatif au respect de la LAT était dès
lors sans réserve. Dans la mesure où le dossier apparaissait suffisamment
instruit sur ce point, le département pouvait autoriser le projet sans se
livrer aux actes d'instruction requis par la commission. Il n'y a dès lors
aucun arbitraire à retenir que l'autorisation de construire constituait une
décision d'exécution.

2.3 La recourante soutient que l'art. 147 al. 2 LCI constituerait une "lex
specialis" par rapport à l'art. 59 let. b LPA. On ne voit cependant pas
pourquoi cette première disposition (qui impose simplement aux tiers
d'intervenir dans la procédure pour pouvoir recourir et participer aux
procédures ultérieures) obligerait d'entrer en matière sur un recours dirigé
contre une mesure d'exécution. Dans la mesure où il est suffisamment motivé, le
grief doit être écarté.

2.4 L'arrêt attaqué n'est pas non plus arbitraire dans son résultat, car, même
à supposer que l'autorisation du 13 août 2007 était sujette à recours, il
apparaît que la commune a manifestement tardé à agir. Ayant été informée le
jour même de la délivrance de l'autorisation de construire, et manifestement
désireuse de la remettre en cause, la commune ne pouvait ignorer qu'en cas de
recours possible, nonobstant l'indication figurant dans la FAO, elle devait
agir dans les trente jours dès la connaissance de cette décision. Or, sa lettre
du 3 septembre 2007 ne saurait valoir comme recours; la commune y exprimait son
désaccord sur le fond et son étonnement quant à la procédure ayant abouti à la
décision de la commission. Elle désirait être informée sur les "possibilités de
recours ... à ce stade de la procédure, s'il en reste". Présentée comme une
simple demande d'informations, dépourvue de toute motivation et de conclusions
à l'encontre de l'autorisation de construire, elle ne satisfaisait
manifestement pas aux exigences posées à l'art. 65 LPA et ne pouvait être
considérée comme un recours par son destinataire, pas plus que la lettre du 12
septembre 2007 qui annonce le lancement d'une pétition. Le département n'a dès
lors commis ni déni de justice, ni violation du droit cantonal en ne
transmettant pas ces lettres à la commission. Quant à l'acte du 13 novembre
2007, il est évidemment tardif.
Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, l'invocation du droit
d'être entendu n'impose pas à l'autorité de se montrer moins exigeante en
matière de recevabilité des recours.

3.
Les mêmes considérations valent - a fortiori puisqu'il n'y avait pas à ce sujet
d'indication erronée des voies de recours - pour le recours dirigé contre la
décision de la commission du 10 avril 2007, dont la recourante ne conteste pas
avoir également eu connaissance par le courrier du département du 13 août 2007.
Le Tribunal administratif relève à juste titre que les recours des 8 et 13
novembre 2007 sont tardifs, et que les courriers précédents de la commune ne
pouvaient valoir comme recours. Même si les membres de la Mairie ne sont pas
juristes, la recourante ne pouvait être assimilée à un administré ignorant les
règles de la procédure, en particulier de l'existence et de la durée des délais
de recours et des conséquences d'une inaction. Cette appréciation n'a rien
d'arbitraire: rien n'empêchait la commune de se renseigner immédiatement sur la
possibilité de recourir, afin de sauvegarder ses droits. A cet égard, les
explications liées au calendrier du Conseil municipal sont sans pertinence.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Conformément à l'art.
66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Une indemnité de dépens
est allouée à l'intimé A.________, à la charge de la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à l'intimé A.________, à la
charge de la recourante.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département des
constructions et des technologies de l'information et au Tribunal administratif
du canton de Genève.

Lausanne, le 30 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz