Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.391/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
1C_391/2008

Arrêt du 23 janvier 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb, Raselli, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
Gilles de Riedmatten,
Stephan Bumann,
Pierre-André Charbonnet,
Jacques Cordonier,
Gérald Dayer,
Simon Darioli,
Françoise Gianadda,
Philippe Hatt,
Jean-François Lovey,
Nicolas Mayor,
Christian Melly,
Claude Pottier,
Peter Scheibler,
René Schwéry,
Georges Seewer,,
Philippe Spörri,
Célestin Thétaz,
Marc-André Tudisco,
Pierre-Joseph Uldry,
Christian Varone,
recourants, représentés par Me Philippe Pont, avocat,

contre

Grand Conseil du canton du Valais,
représenté par Me Michel Ducrot, avocat,

Objet
recours en matière de droit public contre la modification de la loi fixant le
statut des fonctionnaires et employés de l'Etat du Valais, adoptée par le Grand
Conseil le 14 février 2008,

Faits:

A.
Le 11 février 2005, la Commission Mesures structurelles du Grand Conseil du
canton du Valais a présenté une motion visant à modifier la loi fixant le
statut des fonctionnaires et employés de l'Etat du Valais (loi sur le statut
des fonctionnaires, LSF; RS/VS 172.2), afin que les chefs de service soient
engagés non plus comme fonctionnaires, mais par contrat de droit privé. Il
s'agissait d'instituer une certaine souplesse dans l'organisation de
l'administration et d'éviter notamment que "des structures ne perdurent qu'en
raison d'un chef nommé dans un contexte révolu".
Dans sa réponse à la motion, le Conseil d'Etat valaisan estima que les
objectifs de souplesse pouvaient être atteints dans le cadre de la législation
existante; les mesures de réorganisation ne concernaient pas que les chefs de
service.
La motion ayant été acceptée par le Grand Conseil valaisan le 13 mai 2005, le
Conseil d'Etat a présenté un projet de loi visant à l'abolition du statut de
fonctionnaire pour les chefs de service et à l'instauration de rapports de
travail de droit public; cela permettait d'atteindre les buts visés par la
motion et ne nécessitait pas, au contraire d'un engagement de droit privé, de
changements d'ordre constitutionnel.

B.
Le 14 février 2008, le Grand Conseil du canton du Valais a adopté la
modification de la LSF, portant sur la modification des articles 1 al. 2 et 2
al. 2 dont la nouvelle teneur est la suivante:
Art. 1 Champ d'application

2Les dispositions de l'article 5 (durée de la période administrative), de
l'article 6 (nomination et temps d'essai) ainsi que des articles 33 à 35
(résiliation et renouvellements des rapports de service) ne sont pas
applicables aux chefs de service (rapport de droit public). Sont applicables à
cet égard les dispositions du code des obligations en la matière.
Art. 2 Définition de la qualité de fonctionnaire et d'employé

2Sont considérés comme employés, sous rapport de droit public, les chefs de
service et la personne qui est nommée à titre d'essai. Ils ne disposent pas du
statut de fonctionnaire.

C.
Gilles de Riedmatten ainsi que dix-neuf consorts, tous chefs de service au sein
de l'administration cantonale valaisanne, forment un recours en matière de
droit public. Ils concluent à l'annulation de la modification législative du 14
février 2008.
Le Grand Conseil valaisan conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 82 let. b LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours en matière
de droit public contre les actes normatifs cantonaux. Les recourants ont agi
dans le délai prévu à l'art. 101 LTF. La modification législative ne peut faire
l'objet d'aucun recours cantonal, de sorte que le recours est directement
recevable (art. 87 al. 1 LTF). En tant que chefs de service dans
l'administration cantonale, les recourants sont directement touchés par la
réglementation attaquée; ils ont qualité pour agir (art. 89 al. 1 let. b LTF).

2.
Les recourants se plaignent d'une inégalité de traitement contraire à l'art. 8
Cst. La modification législative traiterait les chefs de service différemment
des autres employés de l'Etat, sans aucune raison objective, alors que les
autres cadres supérieurs (directeurs, délégués ou adjoints du chef de service)
ne sont pas touchés. Seule une quarantaine de personnes étant visée, l'argument
de la flexibilité tomberait à faux. Par ailleurs, les chefs de service auraient
le même statut que les personnes nommées à titre d'essai ou les auxiliaires,
alors que leur fonction, hiérarchiquement élevée puisqu'elle comprend la
délégation des compétences de la part des chefs de départements, implique une
certaine durée. Les autres réglementations, fédérale et cantonales, prévoyant
l'engagement de droit public, s'appliqueraient à l'ensemble du personnel de
l'administration.

2.1 Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral
examine librement la conformité d'un acte normatif au droit constitutionnel. Il
s'impose cependant une certaine retenue eu égard notamment aux principes
découlant du fédéralisme et de la proportionnalité. Dans ce contexte, ce qui
est décisif, c'est que la norme mise en cause puisse, d'après les principes
d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les droits
fondamentaux invoqués. Le Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme
cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme à
la Constitution fédérale ou à la Convention européenne des droits de l'homme.
Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux
droits fondamentaux en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par
un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des
circonstances concrètes dans lesquelles ladite norme sera appliquée (arrêt
2C_218/2007 du 9 octobre 2007 consid. 1.5; arrêt 2C_71/2007 du 9 octobre 2007
consid. 2.6; cf. sous l'empire de l'ancien droit, ATF 129 I 12 consid. 3.2 p.
15; 128 I 327 consid. 3.1 p. 334/335 et les arrêts cités).

2.2 Un arrêté de portée générale est contraire au principe de l'égalité au sens
de l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se
justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à
réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu
des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité
de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière
différente; cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se
rapporte à une situation de fait importante (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6-7,
394 consid. 4.2 p. 399; 127 I 185 consid. 5 et la jurisprudence citée). La
question de savoir s'il existe un motif raisonnable pour une distinction peut
recevoir des réponses différentes suivant les époques et les idées dominantes.
Le législateur dispose toutefois d'un large pouvoir d'appréciation dans le
cadre de ces principes et de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 133 I 249
consid. 3.3 p. 254; 131 I 1 consid. 4.2 p. 7).

2.3 Les motifs de la modification législative ressortent du rapport de février
2005 de la Commission Mesures structurelles, dont la tâche est de trouver des
pistes d'économies dans l'administration cantonale. La commission estimait que
l'organisation de l'Etat devait pouvoir évoluer dans des délais assez courts.
Sa structure devait ainsi être revue et simplifiée notamment par la suppression
des petits services et par des regroupements, au terme d'une analyse des
prestations, sans devoir attendre le départ à la retraite du titulaire de la
fonction pour procéder aux changements souhaités. L'engagement des chefs de
service sous contrat de droit privé devait favoriser cette souplesse; les
risques de perte d'emploi pouvaient être compensés par les conditions
d'engagement. La commission précisait qu'elle n'entendait pas remettre en cause
le statut de fonctionnaire dans son ensemble car le droit actuel permettait de
déplacer les collaborateurs en fonction des besoins, et de se séparer de ceux
qui ne donnaient pas satisfaction (rapport, p. 32). Dans son message, le
Conseil d'Etat présente également la suppression du statut de fonctionnaire
pour les cadres supérieurs comme une mesure de flexibilisation. Les chefs de
service étaient nommés pour quatre ans durant lesquels une résiliation des
rapports de services était difficile. Or, les recommandations de la Commission
Mesures structurelles comportaient la réorganisation et la fusion de plusieurs
services.

2.4 Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la modification
législative repose ainsi sur des motifs clairs, faisant ressortir la nécessité
d'un traitement différencié des cadres supérieurs. La réorganisation des
services, et notamment le regroupement de ceux-ci, peut nécessiter la
suppression d'un poste de chef de service; en cas d'impossibilité de mettre fin
rapidement à la fonction, une restructuration peut se trouver ainsi retardée
durant plusieurs années en raison de la situation d'une seule personne. De ce
point de vue, la position des chefs de service diffère des autres postes de
l'administration, qui peuvent être maintenus sans entraver les remaniements et
regroupements de différents services. Cela justifie que l'on renonce aux délais
et termes de résiliation prévus dans la LSF, soit en principe (sauf justes
motifs) à l'échéance de la période administrative (art. 35 LSF), dont la durée
est de quatre ans (art. 5 LSF).
Il n'y a pas non plus d'assimilation insoutenable avec les personnes nommées à
titre d'essai; pour ces dernières, la possibilité de mettre fin facilement à
l'engagement tient à d'autres raisons: Le temps d'essai (cf., en droit privé,
l'art. 335b CO) doit permettre de préparer l'établissement de rapports de
travail durables et de déterminer si les parties se conviennent mutuellement
avant de s'engager pour une plus longue période. Si les rapports contractuels
ne répondent pas à leur attente, les parties doivent pouvoir s'en libérer
rapidement (ATF 138 III 108 consid. 7.1.1 p. 111; 129 III 124 consid. 3.1 p.
125). L'Etat doit ainsi pouvoir renoncer librement à la continuation des
rapports de service, afin de permettre l'engagement de personnel répondant au
mieux aux exigences du service.
Il n'y a donc pas d'inégalité de traitement de ce point de vue également. Quant
au grief d'arbitraire, il n'a pas de portée propre par rapport à celui tiré de
l'égalité de traitement; il doit être rejeté dans la même mesure.

3.
Invoquant le principe de la proportionnalité, les recourants estiment que la
législation actuelle permettrait déjà de garantir la souplesse de
l'organisation générale de l'Etat; touchant moins de quarante personnes sur
environ 3000 fonctionnaires, la réglementation attaquée ne serait pas propre à
atteindre l'objectif poursuivi; le statut de la fonction publique devrait être
revu dans son ensemble. Le changement de statut devrait être accompagné de
mesures assurant notamment la garantie de l'emploi, la protection contre les
licenciements et les garanties de procédure en cas de licenciement, ainsi que
des dispositions sur la politique générale du personnel de l'Etat.

3.1 Lorsque, comme en l'espèce, les recourants n'invoquent pas de droit
constitutionnel particulier, le Tribunal fédéral n'intervient en cas de
violation du principe de la proportionnalité que si la mesure de droit cantonal
est manifestement disproportionnée et qu'elle viole simultanément
l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4). En effet, le principe
de la proportionnalité, bien que de rang constitutionnel, ne constitue pas un
droit constitutionnel avec une portée propre (ATF 126 I 112 consid. 5b p. 120;
125 I 161 consid. 2b p. 163). Le grief se confond dès lors avec celui de
l'arbitraire (ATF 133 I 145 consid. 4.1; 117 Ia 27 consid. 7a p. 32).

3.2 Comme cela est relevé ci-dessus, l'engagement des chefs de service sous
contrat de droit public tend à faciliter, lorsque cela est nécessaire, la
résiliation à bref délai des rapports de service. De ce point de vue, la mesure
est manifestement propre à atteindre le but visé.

3.3 Les recourants évoquent des "mesures d'accompagnement" qui devraient selon
eux assortir le changement de statut. Il apparaît toutefois évident que les
dispositions propres à garantir la stabilité de l'emploi et à renforcer la
protection contre les licenciements vont à l'encontre du but recherché. De ce
point de vue également, les recourants ne parviennent pas à démontrer que le
choix opéré par le législateur valaisan serait insoutenable. Les recourants
perdent également de vue que les risques accrus de perte d'emploi peuvent être
compensés, comme l'a relevé la commission, par des conditions d'engagement plus
favorables à d'autres égards, notamment du point de vue salarial, afin de
garantir une attractivité suffisante des postes concernés.

4.
Les recourants invoquent enfin l'art. 22 de la Constitution valaisanne, aux
termes duquel "le fonctionnaire ou l'employé public ne peut être destitué ou
révoqué qu'après avoir été entendu ou appelé et sur décision motivée de
l'autorité qui l'a nommé". Selon eux, cette disposition impliquerait un droit
au renouvellement des rapports de travail. Cela empêcherait des engagements par
voie contractuelle et des résiliations sans motifs, et imposerait des décisions
susceptibles de recours.
L'argument ne peut être suivi. L'art. 22 Cst./VS rappelle les exigences du
droit d'être entendu et de recevoir une décision motivée avant une révocation.
Il s'agit là de garanties purement formelles, analogues à celles qui découlent
notamment de l'art. 29 al. 2 Cst., et qui continueront à s'appliquer dans le
cadre d'un contrat de droit public. Contrairement à ce que soutiennent les
recourants, ces garanties formelles sont indépendantes du fond: elles
n'impliquent pas qu'une résiliation des rapports de service devrait
obligatoirement se fonder sur des motifs particuliers. Quant à la possibilité
de recourir, elle demeure puisque l'art. 38 LSF (droit de recours selon la loi
sur la procédure et la juridiction administratives) ne fait pas partie des
dispositions dont l'application est exclue selon la modification législative.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière de droit public est rejeté.
Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge
des recourants. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge des recourants.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et du Grand
Conseil du canton du Valais.

Lausanne, le 23 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz