Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.373/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_373/2008

Arrêt du 13 janvier 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffière: Mme Tornay.

Parties
A.________ et B.________,
recourants, représentés par Me Marc-Etienne Favre, avocat,

contre

C.________ et D.________,
intimés, représentés par Me Thibault Blanchard, avocat,
Municipalité de Grandson, rue Basse 57, 1422 Grandson,
représentée par Me Renaud Lattion, avocat.

Objet
permis de construire, définition de l'ordre contigu,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 27 juin 2008.

Faits:

A.
A.________ et B.________ sont propriétaires de la parcelle n° 1'563 du registre
foncier de la commune de Grandson. Ce bien-fonds supporte un bâtiment
d'habitation implanté en limite de propriété et en contiguïté avec le garage
sis sur la parcelle voisine n° 1'564, propriété de C.________ et D.________,
sur laquelle une maison d'habitation est également construite. Les parcelles n°
1'563 et n° 1'564 sont situées dans le secteur de construction I du plan de
quartier "Au Revelin", approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 18
juin 1982 (ci-après: le plan de quartier). Sur ces terrains, ledit plan
délimite le périmètre A6, à l'intérieur duquel une zone d'implantation en ordre
contigu est obligatoire.
Le 18 février 2006, A.________ et B.________ ont requis l'autorisation de
construire une véranda vitrée accolée à la façade sud de leur villa, en limite
de propriété avec le bien-fond voisin n° 1'564. La toiture de la véranda serait
aménagée par une terrasse dallée, accessible non seulement depuis l'intérieur
de la véranda par un escalier, mais aussi depuis la chambre située au premier
étage de l'habitation. La longueur de la véranda serait de 8 m 10, la largeur
de 4 m et la hauteur de 2 m 60. Sur la façade est, en limite de propriété, la
véranda se présenterait sous la forme d'une prolongation du mur pignon dont le
sommet reprendrait la pente de la toiture existante.
Soumis à l'enquête publique du 21 mars au 10 avril 2006, ce projet a suscité
l'opposition des propriétaires voisins C.________ et D.________, qui faisaient
valoir, entre autres griefs, une violation des dispositions du règlement du
plan de quartier (ci-après: le RPQ ou le règlement communal) relatives à
l'ordre contigu. Par décision du 19 juillet 2007, la Municipalité de Grandson a
levé l'opposition et délivré le permis de construire requis, moyennant la
fermeture de la terrasse prévue sur le toit de la véranda par un verre non
transparent, dans le but d'empêcher une vue plongeante sur la parcelle n°
1'564.

B.
Le 27 juin 2008, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal
du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a annulé cette décision, sur
recours des opposants.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et
B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et,
subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour complément
d'instruction et nouvelle décision au sens des considérants. Ils se plaignent
d'une application arbitraire des art. 4 et 9 RPQ (art. 9 Cst.), d'une atteinte
à leur droit de propriété (art. 26 Cst.) et d'une violation du principe
d'égalité de traitement (art. 8 Cst.).
Les intimés concluent au rejet du recours. La Municipalité de Grandson renonce
à formuler des observations. Le 10 novembre 2008, le Tribunal cantonal transmet
le dossier à la Cour de céans. Il conclut au rejet du recours après avoir
requis trois prolongations de délai, nonobstant les exigences de célérité qui
prévalent en matière d'administration de la justice, pour déposer de très
brèves observations dans lesquelles il fait valoir un motif dont la portée est
incertaine et qui ne figure pas précisément dans l'arrêt attaqué, à savoir que
"la réglementation du plan de quartier offre d'importantes possibilités
d'extension aux recourants A.________ et B.________, hors de l'ordre contigu,
ce que l'inspection locale a permis de constater". Par courrier du 26 novembre
2008, les recourants concluent à l'irrecevabilité du motif précité et
sollicitent un second échange d'écritures dans l'hypothèse où ce moyen devait
être considéré comme recevable. Par lettre du 5 décembre 2008, les intimés
concluent au rejet de la demande d'un second échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans le domaine
du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours
est recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss
LTF. Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Les
recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal.
Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui annule l'autorisation
de construire que la Municipalité de Grandson leur avait délivrée: ils peuvent
ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision
soit annulée. Ils ont donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public
sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. Au
surplus, vu l'issue du recours, la requête d'un second échange d'écritures
formulée par les recourants est sans objet.

2.
Les recourants dénoncent une application insoutenable de l'art. 9 al. 1 et 4
RPQ, conduisant selon eux à leur refuser de façon arbitraire l'octroi du permis
de construire sollicité.

2.1 Sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du
droit cantonal ou communal ne constitue pas un motif de recours. Elle peut en
revanche être constitutive d'une violation du droit fédéral au sens de l'art.
95 let. a LTF, telle que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Sur ce
point, la loi sur le Tribunal fédéral n'apporte aucun changement à la cognition
du Tribunal fédéral qui était la sienne sous l'empire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire (ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 251). Appelé à
revoir l'application faite d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si
celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation
effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la
décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit
arbitraire dans son résultat (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257
consid. 5.1 p. 260), ce que les recourants doivent démontrer en vertu de l'art.
106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400).

2.2 L'art. 9 RPQ régit l'implantation et l'ordre des constructions dans le
secteur de construction I. Aux termes de l'alinéa premier de cette disposition,
"les bâtiments doivent s'inscrire à l'intérieur des zones fixées par le plan".
A teneur de l'art. 9 al. 4 RPQ, "la contiguïté des constructions est
obligatoire, là où elle est prévue par le plan". Il est précisé dans cet alinéa
que "la contiguïté peut également être réalisée par les garages hors-sol". Le
plan de quartier délimite quant à lui différents périmètres à l'intérieur
desquels les constructions doivent s'implanter soit en ordre contigu, soit en
ordre non contigu.
L'ordre contigu se caractérise le plus souvent par l'implantation sur un
alignement d'immeubles adjacents élevés en limite de propriété et séparés par
un mur mitoyen (Zen-Ruffinen/Guy-Ecabert, Aménagement du territoire,
construction, expropriation, 2001, n° 887 p. 387; Alexander Ruch,
Öffentlichrechtliche Anforderungen an das Bauprojekt, in: Beraten und
Prozessieren in Bausachen, 1998, p. 258; Haller/ Karlen, Raumplanungs- und
Baurecht nach dem Recht des Bundes und des Kantons Zürich, 1992, n° 670 p. 157;
Jean-Luc Marti, Distances, coefficients et volumétrie des constructions en
droit vaudois, thèse Lausanne, 1988, p. 41; Peter Dilger, Raumplanungsrecht der
Schweiz, Handbuch für die Baurechts-und Verwaltungspraxis, 1982, n° 101 p. 59).
L'ordre contigu peut cependant être défini d'une autre manière dans les
communes qui disposent d'un plan de limites des constructions. Ce sont alors
des périmètres qui délimitent des zones d'implantation, à l'intérieur
desquelles les bâtiments doivent s'implanter en ordre contigu (cf. Marti, op.
cit., p. 41). C'est ainsi que le plan de quartier de la commune de Grandson et
le règlement y relatif définissent l'ordre contigu.

2.3 En l'espèce, le plan de quartier prévoit que les bâtiments d'habitation
construits à l'intérieur du périmètre A6 doivent s'implanter en ordre contigu.
Les recourants ont construit leur villa en respectant cette règle générale de
l'art. 9 al. 4 RPQ puisque la façade est se trouve implantée en limite de
propriété. Ils ont requis l'autorisation de construire une véranda en se
soumettant à cette même règle. L'immeuble des intimés est quant à lui contigu
par le garage à la villa des recourants, ainsi que le permet subsidiairement
l'art. 9 al. 4 RPQ.
2.3.1 Après avoir rappelé les définitions susmentionnées de l'ordre contigu, le
Tribunal cantonal expose la jurisprudence cantonale relative à la profondeur
maximale du mur mitoyen, au-delà de laquelle une distance à la limite de
propriété doit être respectée pour les façades non contiguës (voir notamment
arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 1er juin 1992, in RDAF
1992, p. 485 et les arrêts cités). Il s'en écarte finalement au profit d'un
examen des caractéristiques du cas particulier et des objectifs recherchés par
la contiguïté, en tenant compte de l'ensemble des circonstances. Il arrive à la
conclusion qu'"en l'absence de règles fixées par le plan de quartier sur la
profondeur des murs mitoyens ou contigus, une nouvelle contiguïté ne peut être
créée sur un espace aménagé selon les règles de l'ordre non contigu".
Argumentant que l'on se trouve précisément dans un cas où le règlement communal
ne fixe pas de profondeur maximale pour le mur mitoyen, le Tribunal cantonal en
déduit que l'adjonction d'une véranda aurait "pour effet de créer une
contiguïté de fait dans un espace où la villa des [intimés] a été construite
dans l'ordre non contigu", le projet contesté ne s'intégrant dès lors plus dans
l'ordre contigu mais créant un prolongement excessif du mur mitoyen dans une
situation de non-contiguïté, sans l'accord exprès du voisin, motif pour lequel
le permis de construire devrait être annulé.
2.3.2 Ce faisant, sans mettre en cause le règlement communal, le Tribunal
cantonal refuse d'appliquer les règles relatives à l'ordre contigu (art. 9 al.
4 RPQ) à un projet de construction qui se trouve clairement dans une zone où
l'implantation en ordre contigu est imposée. Il estime au contraire que les
règles de l'ordre non contigu seraient déterminantes. Pour s'écarter de l'art.
9 al. 4 RPQ, le Tribunal cantonal fonde son argumentation, d'une part, sur le
fait que la configuration des deux constructions actuelles relèverait davantage
de l'ordre non contigu que de l'ordre contigu. Ce motif est clairement
contraire au droit, dès lors que lesdites constructions et le projet litigieux
se situent dans le périmètre A6 du plan de quartier à l'intérieur duquel l'art.
9 al. 4 RPQ prévoit le caractère obligatoire de la construction en ordre
contigu. L'instance précédente estime, d'autre part, que le plan de quartier et
le règlement communal ne contiendraient aucune règle sur la profondeur du mur
mitoyen. Cet argument n'est pas non plus soutenable, dès lors que le plan de
quartier ne fixe pas de limite des constructions par rapport à la voie publique
ou par rapport à un alignement, mais définit des périmètres délimitant des
zones à l'intérieur desquelles les bâtiments doivent s'implanter en ordre
contigu. La profondeur de la construction en limite de propriété est ainsi
déterminée par le périmètre A6 du plan de quartier. Loin de contenir une lacune
à ce sujet, le règlement communal et le plan de quartier imposent une extension
de la construction existante le long de la limite de propriété à l'intérieur du
périmètre A6. En niant l'application de l'art. 9 al. 4 RPQ à la situation
litigieuse sans cependant remettre en cause la validité d'une telle
disposition, l'instance précédente a versé dans l'arbitraire.
Le Tribunal cantonal motive également l'annulation du permis de construire par
l'impact qu'aurait l'édification d'une "façade relativement imposante" en
limite de propriété sur la parcelle voisine. Ce motif ne saurait constituer un
élément déterminant pour éluder l'art. 9 al. 4 RPQ, puisque cette disposition
impose précisément la construction en ordre contigu dans les zones délimitées
par le plan de quartier, ce qui l'emporte sur l'intérêt du voisin à ne pas
avoir de façade contiguë à la limite de la propriété.
Enfin, il ne pouvait échapper aux autorités communales et cantonales - qui ont
respectivement élaboré et approuvé le règlement communal - que la coexistence
des deux règles de contiguïté figurant à l'art. 9 al. 4 RPQ était susceptible
de conduire à la situation qui fait l'objet du présent litige. A cet égard, les
recourants relèvent à juste titre que dans sa décision du 19 juillet 2007, la
Municipalité de Grandson a précisé que la contiguïté peut se faire sur une
partie seulement des constructions et que ces dernières ne sont pas limitées
par la profondeur des bâtiments existants.

2.4 Sur le vu de ce qui précède, le Tribunal cantonal applique de façon
insoutenable les règles de la non-contiguïté dans une zone où le règlement
communal prévoit de façon claire et contraignante l'application des règles de
contiguïté. Il est en effet arbitraire de refuser l'autorisation de construire
la véranda litigieuse, alors que cette construction respecte l'ordre contigu
tel qu'il est prévu à l'art. 9 al. 4 RPQ. Par conséquent, le grief tiré d'une
violation arbitraire de l'art. 9 al. 4 RPQ est bien fondé.

3.
Le recours doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé sans qu'il
soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité et la pertinence des autres
moyens invoqués par les recourants. Le Tribunal cantonal ayant laissé ouverte
la question de la conformité du projet à d'autres dispositions du règlement
communal, il y a lieu de lui retourner le dossier pour instruction
complémentaire et décision sur la conformité à l'art. 9 al. 2 RPQ relatif à
l'orientation des façades, voire aux art. 4 et 16 al. 1 RPQ concernant
l'esthétique des constructions. Les intimés, qui succombent, doivent supporter
les frais de la présente procédure (art. 65 al. 1 et 66 LTF). Ils verseront en
outre une indemnité à titre de dépens aux recourants, qui obtiennent gain de
cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF), sous réserve d'une
partie qui sera mise à la charge de l'Etat de Vaud, le Tribunal cantonal ayant
fait valoir dans ses déterminations du 10 novembre 2008 un motif à la portée
incertaine, qui a amené les recourants à présenter des observations
complémentaires le 26 novembre 2008 (art. 68 al. 4 en lien avec l'art. 66 al. 3
LTF; cf. ATF 133 V 402 consid. 5 p. 407 et les références; Seiler/von Werdt/
Güngerich, Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n° 43 ad art. 66; Thomas Geiser,
Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 2008, n° 25 ad art. 66).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour
de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, pour
instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à CHF 2'000.-, sont mis à la charge de
C.________ et D.________.

3.
Une indemnité de CHF 2'000.- est allouée aux recourants, à titre de dépens, à
concurrence respectivement de CHF 1'700.- à charge de C.________ et D.________
et de CHF 300.- à charge de l'Etat de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la
Municipalité de Grandson, ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Féraud Tornay