Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.35/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_35/2008/col

Arrêt du 19 mai 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Gaëtan Coutaz, avocat,

contre

Commune de Chermignon, 3971 Chermignon,
Commune d'Icogne, 1977 Icogne,
Commune de Lens, 1978 Lens,
Commune de Mollens, 3974 Mollens VS,
Commune de Montana, 3963 Crans-Montana 1,
Commune de Randogne, 3975 Randogne,
toutes représentées par Me Laurent Schmidt, avocat,
Conseil d'Etat du canton de Valais, Chancellerie d'Etat, 1950 Sion.

Objet
votation communale,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit
public, du 25 janvier 2008.

Faits:

A.
A la fin de l'année 2006, un groupe de travail mis en place par les communes de
Chermignon, Icogne, Lens, Mollens, Montana et Randogne a présenté un projet de
règlement des quotas et du contingent (ci-après: le RQC) visant à contrôler le
développement des résidences secondaires sur le Haut-Plateau de Crans-Montana.
Les modalités de ce règlement devaient s'insérer dans le règlement
intercommunal des constructions (ci-après: le RIC).
Le 21 février 2007, les présidents des six communes précitées ont conclu un
engagement avec un groupement appelé "la Confrérie du bâtiment de
Crans-Montana" (ci-après: la Confrérie). Aux termes de ce document, la
Confrérie s'engageait à soutenir le RQC en vue de la votation prévue le 11 mars
2007, notamment en rédigeant un communiqué de presse. En contrepartie, les
communes devaient créer un "groupe de travail développement durable" comprenant
des membres de la Confrérie, incorporer des membres de la Confrérie dans le
"groupe de travail du règlement d'application du RQC" et étudier "l'attribution
de bonus à la construction et aux travaux de rénovation". Le soutien de la
Confrérie au RQC a été relaté par le quotidien Le Nouvelliste dans son édition
du 6 février 2007.
A l'issue du scrutin populaire du 11 mars 2007 dans les communes précitées, le
RQC a été accepté à plus de 70% des bulletins valables, le taux de
participation s'élevant à 64%. Dans la commune de Chermignon, les résultats
(797 oui - 289 non) ont été affichés le jour même au pilier public. Les six
communes concernées ont publié la modification partielle du RIC qui en
résultait, par avis paru au Bulletin officiel du canton du Valais du 16 mars
2007.

B.
Le 12 avril 2007, A.________, citoyen de la commune de Chermignon, a demandé au
Conseil d'Etat du canton du Valais la restitution du délai de recours ouvert en
matière de droits politiques ainsi que la constatation de la nullité du
scrutin. Il alléguait qu'il n'avait eu connaissance que le 10 avril 2007 du
texte de l'engagement conclu entre les six communes et la Confrérie du
bâtiment. Il se plaignait en substance du fait que les électeurs avaient été
induits en erreur, car ils ignoraient la contrepartie offerte à la Confrérie en
échange de son soutien.
Par décision du 19 septembre 2007, le Conseil d'Etat a déclaré ce recours
irrecevable pour tardiveté. Il a considéré que le délai de trois jours ne
pouvait pas être restitué et qu'au demeurant l'irrégularité alléguée n'était
pas de nature à différer le dépôt d'un recours. Il a par ailleurs rejeté la
requête de A.________ dans la mesure où elle devait être considérée comme une
simple dénonciation auprès du Conseil d'Etat en qualité d'autorité de
surveillance des communes, l'intervention de la Confrérie du bâtiment n'ayant
pas été déterminante dans l'acceptation massive du RQC.

C.
A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit public du
Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Il
soutenait notamment que l'application stricte du délai de recours de trois
jours était anticonstitutionnelle, qu'il avait eu connaissance de l'engagement
litigieux le 10 avril 2007 seulement et, subsidiairement, que l'art. 12 al. 3
de la loi du 6 octobre 1976 sur la procédure et la juridiction administratives
(LPJA; RS/VS 172.6) relatif à la restitution de délai était applicable. Sur le
fond, il se plaignait d'une violation de l'art. 34 Cst. et affirmait que la
votation devait être annulée en vertu de l'art. 217 al. 1 de la loi du 13 mai
2004 sur les droits politiques (LcDP; RS/VS 160.1). Le Tribunal cantonal a
rejeté le recours par arrêt du 25 janvier 2008, considérant en substance que le
délai de recours de trois jours prévu par l'art. 215 al. 2 LcDP avait un
caractère péremptoire et qu'il ne pouvait pas être restitué. Quant aux griefs
sur le fond, ils ne pouvaient pas être examinés car l'acte rendu par le Conseil
d'Etat sur dénonciation ne constituait pas une décision sujette à recours
devant le Tribunal cantonal, faute d'effets juridiques sur les droits et
obligations du dénonciateur.

D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'annuler la votation populaire du
11 mars 2007. Il se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal (art.
9 Cst.) et d'une violation de l'art. 34 Cst. Le Tribunal cantonal a renoncé à
formuler des observations. Le Conseil d'Etat et les communes de Chermignon,
Icogne, Lens, Mollens, Montana et Randogne se sont déterminés; ils concluent au
rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
En vertu de l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours en
matière de droit public concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les
élections et votations populaires. Citoyen actif dans la commune de Chermignon,
le recourant a la qualité pour recourir (art. 89 al. 3 LTF). La recevabilité de
la conclusion tendant à l'annulation de la votation est douteuse, dans la
mesure où cette question de fond ne constitue pas l'objet du litige et dès lors
que le recours n'est pas suffisamment motivé sur ce point (art. 42 LTF). Vu
l'issue du recours, cette question peut cependant demeurer indécise. Pour le
surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours
devant le Tribunal administratif fédéral, le recours est recevable au regard
des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.

2.
Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF)
- y compris les droits constitutionnels (cf. Message concernant la révision
totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p.
4132) - ainsi que pour violation de dispositions cantonales sur le droit de
vote des citoyens et sur les élections et votations populaires (art. 95 let. c
et d LTF). Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal
fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et
du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur
qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et
l'étendue. Il n'examine en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire
l'interprétation d'autres règles du droit cantonal. En présence de deux
interprétations également défendables, il s'en tient en général à celle retenue
par la plus haute autorité cantonale (ATF 131 I 126 consid. 4 p. 131 et les
arrêts cités).

3.
Le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir appliqué les art. 215 al. 2
LcDP et 12 al. 3 LPJA de façon arbitraire en considérant que son recours était
tardif et que le délai ne pouvait pas être restitué.

3.1 Conformément à l'art. 215 al. 2 LcDP, le recours contre une élection ou une
votation communale doit être déposé auprès du Conseil d'Etat "dans les trois
jours qui suivent la découverte du motif, mais au plus tard le troisième jour
dès la publication des résultats". L'art. 218 LcDP a la teneur suivante: "sous
réserve des dispositions spéciales de la présente loi, les dispositions
cantonales régissant la procédure et juridiction administratives sont
applicables". Aux termes de l'art. 12 al. 3 LPJA, un délai peut être restitué
lorsque l'intéressé fait valoir par écrit des motifs suffisants dans les dix
jours dès que l'empêchement d'agir a cessé.
Les dispositions susmentionnées n'étant pas étroitement liées au droit de vote,
elles doivent effectivement être examinées sous l'angle restreint de
l'arbitraire (pour une définition de l'arbitraire, cf. ATF 133 I 149 consid.
3.1 p. 153). Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous
cet angle, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si
l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas
déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou
de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une
autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 133 II
257 consid. 5.1 p. 260 s. et les arrêts cités).

3.2 Le Tribunal cantonal a considéré que le délai de trois jours de l'art. 215
al. 2 LcDP avait un caractère péremptoire et qu'il ne pouvait pas faire l'objet
d'une restitution. Dès lors que l'art. 215 al. 2 LcDP instaurait une règle
spéciale de déchéance, la règle générale de la LPJA sur la restitution ne
trouvait pas application. Cette conception se fonde notamment sur le Message du
Conseil d'Etat accompagnant le projet de loi sur les droits politiques, qui
considère que le délai en question est péremptoire et que sa brièveté répond à
un souci de sécurité et de dignité du corps électoral, la remise en question
des décisions de l'organe souverain après plusieurs semaines n'étant pas
souhaitable (Bulletin des séances du Grand Conseil du canton du Valais, vol.
50, session ordinaire de mars 2004, p. 227).

3.3 La brièveté du délai de recours est habituelle en matière de droits
politiques et la doctrine considère qu'elle est en principe justifiée (Etienne
Grisel, Initiative et référendum populaires, 3e éd., Berne 2004, p. 143 et les
références). Bien qu'un délai de trois jours soit considéré comme
particulièrement court (cf. ATF 112 Ib 576 consid. 7 p. 587 ss; Christoph
Hiller, Die Stimmrechtsbeschwerde, Zurich 1990, p. 74), le Tribunal fédéral a
jugé qu'il était conforme au droit constitutionnel fédéral, à tout le moins
lorsqu'il courait dès la découverte d'une irrégularité avant le jour de la
votation (ATF 121 I 1 consid. 3b p. 5 s.). L'art. 77 al. 2 de la loi fédérale
sur les droits politiques (LDP; RS 161.1) prévoit d'ailleurs également que le
recours doit être déposé dans un délai de trois jours dès la découverte du
motif mais au plus tard le troisième jour après la publication des résultats.
Lorsqu'une irrégularité est découverte après le scrutin, il peut être
exceptionnellement possible de demander un réexamen de la décision
administrative validant la votation, pour autant qu'il s'agisse d'un vice
particulièrement grave, comparable aux motifs de révision prévus en procédure
administrative, civile ou pénale (ATF 113 Ia 146 consid. 3 p. 150 ss). Dans
l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a ouvert la voie à un réexamen en raison
de la découverte, deux ans après le scrutin, d'un versement de plus de 300'000
fr. à un comité de propagande; procédant à une pesée des intérêts en présence,
il a estimé que les nouveaux faits étaient importants et qu'ils avaient exercé
une influence sur le résultat.

3.4 En l'occurrence l'irrégularité alléguée est d'une importance bien moindre
que celle qui a fait l'objet de l'arrêt précité et elle n'est aucunement
comparable à un motif de révision. Compte tenu de la clarté du résultat (plus
de 70% de oui), il n'apparaît pas d'emblée que l'omission d'informer les
électeurs de la contrepartie offerte à la Confrérie en échange de son soutien
ait été susceptible d'exercer une influence significative sur l'issue du
scrutin. La voie exceptionnelle du réexamen n'était donc pas ouverte au
recourant. Par ailleurs, il ne découle pas de la jurisprudence fédérale que les
cantons doivent impérativement prévoir des possibilités de restitution de
délais en matière de droits politiques, de sorte que l'interprétation du
Tribunal cantonal n'est pas en contradiction avec cette jurisprudence. Elle est
en outre fondée sur la volonté exprimée par le législateur cantonal (Message
précité p. 227) et elle répond à des soucis compréhensibles de sécurité
juridique et de respect des décisions du corps électoral, si bien qu'elle ne
saurait être qualifiée de manifestement insoutenable. Enfin, il convient encore
de relever que le motif allégué n'était pas totalement nouveau ou inattendu,
puisque le recourant était informé des discussions entre la Confrérie et les
communes concernées et qu'il connaissait l'existence de la convention
litigieuse avant le scrutin. Il n'était donc pas particulièrement choquant
d'exiger de lui qu'il recoure dans le délai de trois jours, en demandant la
production de la convention en question dans le cadre de cette procédure. Dans
ces circonstances, il y a lieu de constater que l'autorité intimée n'a pas
appliqué les art. 215 al. 2 LcDP et 12 al. 3 LPJA d'une manière qui puisse être
qualifiée d'arbitraire.

4.
Le recourant reproche également au Tribunal cantonal d'avoir violé l'art. 34
Cst. en considérant que la décision rendue par le Conseil d'Etat sur
dénonciation n'était pas sujette à recours.

4.1 L'art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits
politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. Selon l'art.
34 al. 2 Cst., qui codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral établie sous
l'empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, cette garantie protège la
libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression
fidèle et sûre de leur volonté (ATF 132 I 104 consid. 3.1 p. 108; 124 I 55
consid. 2a p. 58; 121 I 138 consid. 3 p. 141, 187 consid. 3a p. 190). La
jurisprudence en a notamment déduit le droit pour chaque citoyen de participer
à une élection, comme électeur ou candidat, s'il remplit les exigences requises
(ATF 125 I 441 consid. 2a p. 443), le droit pour les électeurs de se former une
opinion sur la base la plus libre et la plus complète possible (ATF 131 I 126
consid. 5.1 p. 132; 129 I 185 consid. 5 p. 192; 125 I 441 consid. 2a p. 444),
le droit de voter dans le secret et à l'abri de toute influence extérieure (ATF
90 I 72 consid. 2a p. 73) et le droit d'exiger qu'aucun résultat ne soit
reconnu s'il n'exprime pas la libre volonté du corps électoral (ATF 123 I 63
consid. 4b p. 71; 121 I 138 consid. 3 p. 141).

4.2 En l'occurrence, le recourant avait la possibilité de contester le résultat
du scrutin litigieux en formant un recours devant le Conseil d'Etat selon
l'art. 215 LcDP, puis devant le Tribunal cantonal selon l'art. 217 al. 3 LcDP.
Il pouvait dans ce cadre démontrer en quoi le résultat n'exprimait pas, selon
lui, la libre volonté du corps électoral. Il n'a aucunement été empêché de le
faire; si ses griefs n'ont pas été examinés, c'est uniquement parce qu'il n'a
pas agi dans le délai de recours. Or, un délai de recours ne saurait être
considéré comme un obstacle inadmissible au droit de contester un scrutin. Par
ailleurs, le fait que le Conseil d'Etat se soit quand même prononcé sur le fond
en considérant le recours comme une dénonciation à l'autorité de surveillance
des communes a permis au recourant d'obtenir une réponse sur ses critiques,
malgré la péremption de son droit de recours. Cette façon de procéder apparaît
suffisante du point de vue des exigences déduites de l'art. 34 Cst. En effet,
il ne découle pas de cette disposition constitutionnelle un droit à une voie de
recours contre la décision de l'autorité de surveillance rendue sur
dénonciation. Le refus du Tribunal cantonal d'entrer en matière sur ce point ne
constitue dès lors pas une violation de l'art. 34 Cst.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Avec l'entrée en vigueur de la LTF, la pratique consistant à renoncer au
prélèvement d'un émolument judiciaire en matière de droit de vote des citoyens
a été abandonnée (ATF 133 I 141 consid. 4 p. 142 s.). Le recourant, qui
succombe, doit donc supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1
LTF). La pratique qui prévalait en matière de recours de droit public et qui
consistait à allouer des dépens aux collectivités ne disposant pas d'une
infrastructure administrative et juridique suffisante pour procéder sans
l'assistance d'un avocat a également été abandonnée, de sorte qu'il n'y a pas
lieu d'allouer de dépens aux communes concernées (art. 68 al. 3 LTF; arrêt
1C_122/2007 du 24 juillet 2007, consid. 6).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, ainsi qu'au
Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit
public.
Lausanne, le 19 mai 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener