Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.32/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_32/2008/col

Arrêt du 21 août 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Pont Veuthey, Juge
suppléante.
Greffière: Mme Truttmann.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Benoît Bovay, avocat,

contre

Commune d'Allaman, 1165 Allaman,
Département de l'économie du canton de Vaud, Service du développement
territorial, 10, place de la Riponne, 1014 Lausanne,
représenté par Me Edmond C.M. De Braun, avocat.

Objet
Ordre de démolition,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 4
décembre 2007.

Faits:

A.
A.________, exploitant agricole, est propriétaire de la parcelle n° 113 de la
commune d'Allaman, au lieu-dit "Au Coulet". Cette parcelle se trouve en zone
protégée selon le plan d'affectation cantonal pour les communes
d'Allaman-Aubonne-Saint-Prex, "Littoral Parc", adopté le 12 décembre 1996
(ci-après: PAC). Une villa familiale et un garage sont édifiés sur ce
bien-fonds. A.________ y a également installé une petite serre démontable (606
x 384 x 290 cm), afin d'y faire des essais agricoles.
Le 12 décembre 2006, la Municipalité d'Allaman a constaté que cette
construction avait été érigée sans autorisation préalable. Elle a invité
A.________ à régulariser la situation. Le 24 avril 2007, le Service de
l'aménagement du territoire (devenu le Service du développement territorial) a
refusé d'octroyer l'autorisation de construire requise et a ordonné la
démolition de la serre avant le 30 juin 2007. Il a précisé que le bâtiment
était compris dans une zone de protection au sens de l'art. 18 de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) et que tout projet dans une
telle zone était soumis à une autorisation municipale ainsi qu'à une
autorisation spéciale du département au sens de l'art. 120 de la loi vaudoise
sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC), qui ne pouvaient
cependant pas être délivrées dans le cas d'espèce. La remise en état se
justifiait en raison de la primauté de l'intérêt public lié à la protection du
paysage des abords de l'Aubonne sur l'intérêt privé de A.________ à faire des
essais agricoles dans sa serre.
Par arrêt du 4 décembre 2007, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours déposé par A.________
contre la décision précitée au motif que la construction, non conforme à la
zone, ne pouvait pas être autorisée et que l'ordre de démolition ne violait pas
le principe de la proportionnalité.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler la décision rendue par le Service de
l'aménagement du territoire le 24 avril 2007 et de mettre la serre au bénéfice
d'une autorisation cantonale, subsidiairement de permettre son maintien. Il se
plaint d'une violation des art. 22 LAT et 9 Cst., ainsi que du principe de la
proportionnalité. Il requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif.
Par ordonnance du 19 février 2008, le Président de la Ire Cour de droit public
a admis la requête d'effet suspensif formulée par A.________.
Le Service du développement territorial de même que le Tribunal administratif
ont conclu au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial a
indiqué que l'affaire ne soulevait pas, au regard du droit fédéral de
l'aménagement du territoire et de la planification, des questions de principe
nécessitant des observations de sa part. Hors du délai lui ayant été imparti
pour se déterminer, la municipalité d'Allaman a précisé qu'elle ne s'opposait
pas au maintien de la serre.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans le domaine
du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours
est recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82
ss de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) et 34 al. 1 LAT dans sa
teneur actuelle selon le ch. 64 de l'annexe à la loi sur le Tribunal
administratif fédéral (ATF 133 II 353 consid. 2 p. 356, 249 consid. 1.2 p.
251). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Le
recourant a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal
administratif et est particulièrement touché par l'arrêt attaqué, qui confirme
l'ordre de démolition de son bâtiment. Il a donc la qualité pour agir au sens
de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en
matière de droit public étant remplies, il convient d'entrer en matière.

2.
Le dossier étant suffisamment complet pour trancher le litige, il n'y a pas
lieu de procéder à l'inspection locale requise par le recourant. Ce dernier
n'explique au demeurant pas en quoi une telle mesure serait utile.

3.
Le recourant estime que le Tribunal administratif aurait arbitrairement
appliqué le droit cantonal en considérant que seuls les bâtiments destinés à
l'activité agricole et nécessaires à un service public pouvaient être
autorisés.

3.1 Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décision attaquée
viole gravement une règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice ou de
l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si elle est insoutenable ou en contradiction
évidente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif
ou en violation d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit pas que les
motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que
celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et
la jurisprudence citée).

3.2 Le recourant ne conteste pas que la serre litigieuse est une construction
ou installation dont l'édification est soumise à autorisation au sens de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire (art. 22 al. 1 LAT). Il s'agit donc
uniquement d'examiner si la serre aurait pu être considérée comme conforme à
l'affectation de la zone au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT.

3.3 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire définit les zones à bâtir
(art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 LAT) et les zones à protéger (art.
17 LAT), en précisant que le droit cantonal peut prévoir d'autres zones
d'affectation (art. 18 al. 1 et 2 LAT). Les zones à protéger comprennent,
notamment, "les cours d'eau, les lacs et leurs rives" (art. 17 al. 1 let. a
LAT). Pour ces objets, il appartient aux cantons de délimiter les zones à
protéger.
L'art. 54 al. 1 LATC définit les "zones protégées" comme des zones "destinées
en particulier à la protection des sites, des paysages d'une beauté
particulière, des rives de lacs et de cours d'eau, des réserves naturelles ou
des espaces de verdure; seules peuvent y être autorisées les constructions et
les installations conformes au but assigné à la zone, ne portant pas préjudice
à l'aménagement rationnel du territoire et au site ou imposées par leur
destination, si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose". De façon plus
générale, cette loi prévoit que les plans d'affectation cantonaux ou communaux
peuvent contenir des dispositions relatives aux paysages, sites, rives de lacs
et de cours d'eau, et elle réserve les mesures prises en application de la loi
cantonale sur la protection de la nature, des monuments et des sites (art. 45
al. 2 let. c et art. 47 al. 2 ch. 2 LATC).

3.4 En l'espèce, pour déterminer si la serre est conforme à la zone, il
convient de se fonder notamment sur l'art. 2.3 PAC qui régit la zone de
protection, dans laquelle la parcelle du recourant est comprise, en ces termes:
« Surface très peu bâtie, d'intérêt naturel et paysager occupant une partie du
vallon de l'Aubonne, site d'intérêt cantonal.

Les constructions, installations, et aménagements admis ou qui peuvent être
autorisés par l'autorité compétente sont:
-les bâtiments existants qui peuvent être agrandis dans des proportions
limitées
-les ouvrages et installations nécessaires à un service public
-les voies d'accès aux bâtiments existants, y compris des places de
stationnement pour véhicules des cheminements piétonniers.

Les bâtiments peuvent être destinés à l'habitation et/ou aux activités
agricoles, viticoles, arboricoles ou horticoles.

Les dispositions de la législation cantonale et fédérale sur la protection de
la nature, du paysage et de l'environnement sont réservées ».

3.5 Le texte de cette norme peut prêter à confusion. L'alinéa 2 énumère les
quatre cas dans lesquels une construction peut être autorisée par l'autorité
compétente. L'alinéa 3, sans indiquer à quel genre de construction il se
réfère, en précise les affectations possibles. Admettre, à l'instar du
recourant, que cet alinéa instituerait une cinquième hypothèse venant compléter
l'alinéa précédent n'est pas satisfaisant. En effet, si le législateur avait
voulu ajouter un élément à la liste, il l'aurait fait figurer à l'alinéa 2. De
plus, l'interprétation proposée par le recourant n'est pas compatible avec le
sens de la disposition, car elle aurait pour conséquence de vider de sa
substance le principe même de la zone protégée. Selon le PAC, cette dernière a
pour caractéristique d'être très peu bâtie, de présenter un intérêt naturel et
paysager et d'occuper une partie du vallon de l'Aubonne qui a été classé site
d'intérêt cantonal. Dès lors, admettre tout type de construction, destinée à
l'habitation ou à caractère agricole, rendrait illusoire la protection
instaurée par le plan d'affectation cantonal. A cela s'ajoute le fait que cette
mesure de planification est fondée sur l'art. 54 LATC, lequel limite les
possibilités de construire dans les zones protégées. L'interprétation
téléologique et systématique de la norme confirme dès lors le point de vue du
Tribunal administratif. Cette autorité n'a par conséquent pas fait preuve
d'arbitraire en considérant que l'alinéa 3 de la disposition en cause ne
pouvait se lire qu'en relation avec les hypothèses énumérées à l'alinéa
précédent, en particulier en corrélation avec celle permettant l'agrandissement
de bâtiments existants.
En l'occurrence, la construction est nouvelle. Elle n'est donc pas visée par le
premier terme de l'énumération de l'alinéa 2. Elle ne satisfait pas davantage
au deuxième élément cité puisqu'il ne s'agit pas d'une construction nécessaire
à un service public. Enfin, les deux dernières hypothèses listées ne trouvent à
l'évidence pas application en l'espèce. Ainsi, le Tribunal administratif
pouvait conclure, sur la base d'une interprétation des normes applicables
exempte d'arbitraire, que la serre n'était pas conforme à l'affectation imposée
par le plan d'affectation.

4.
Il reste à examiner si l'ordre de démolition viole le principe de la
proportionnalité comme le fait valoir le recourant. Ce dernier soutient qu'on
ne saurait interdire des installations de petite dimension dans une zone
protégée, alors que des constructions nécessaires à un service public y
seraient admises. Il avance que la serre se trouve à côté de bâtiments
existants et qu'elle n'aurait donc aucun impact sur le paysage. Il indique
avoir du reste obtenu une autorisation de poser des filets anti-grêle. Enfin,
il allègue que la démolition aurait des répercussions financières pénibles à
son endroit.

4.1 Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction ou un ouvrage
édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée
n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui
place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des
inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 la 216 consid. 4b
p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les dérogations à la
règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier
le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci
pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des
chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit
qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255).

4.2 Le recourant ne nie pas l'existence de l'intérêt public à assurer la
protection du site du vallon de l'Aubonne. Cet intérêt ne saurait à l'évidence
être minimisé, le secteur devant de surcroît être regardé comme un site
d'importance cantonale. Plus largement, la réglementation en cause vise à
maintenir une séparation entre les zones constructibles et inconstructibles,
mettant ainsi en oeuvre un principe de base de l'aménagement du territoire,
qui, en dehors des exceptions prévues par la loi, doit demeurer d'application
stricte (ATF 111 Ib 213 consid. 6b p. 225).
Pour le surplus, le recourant ne peut tirer aucun argument de la proximité de
la serre avec ses autres constructions. En effet, non seulement ne
démontre-t-il pas que ces bâtiments ont été construits à une époque où les
prescriptions litigieuses étaient déjà en vigueur, mais il n'invoque pas non
plus le principe de l'égalité dans l'illégalité.
Il ne saurait davantage se prévaloir de l'autorisation délivrée pour la pose de
filets anti-grêle, le PAC n'ayant pas encore été adopté lors de la prise de
cette décision. Par ailleurs, il ressort du dossier que l'autorisation n'avait
été accordée que sur la base des normes régissant la zone agricole. L'ancien
plan des zones de 1977 apparaît en outre ne pas avoir été pris en considération
à cette occasion, la protection du vallon de l'Aubonne étant alors au demeurant
assurée quelque peu différemment que sous le PAC.
S'agissant de son intérêt privé, le recourant n'apporte pas la preuve que la
démolition de la serre lui serait préjudiciable, alléguant au contraire que
cette dernière est facilement démontable. Dans ces circonstances, il s'avère
que l'intérêt public à la préservation du vallon de l'Aubonne doit l'emporter
sur l'intérêt privé du recourant à procéder à des essais agricoles dans sa
serre, de sorte que le principe de la proportionnalité doit être considéré
comme respecté.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Un nouveau délai est imparti au
recourant pour procéder à la démolition de la construction litigieuse. Le
recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le délai imparti au recourant pour exécuter la décision du 24 avril 2007 du
Service de l'aménagement du territoire, conformément au ch. III du dispositif
de l'arrêt attaqué, est prolongé au 30 novembre 2008.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune
d'Allaman, au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office
fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 21 août 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Féraud e.r. Kurz