Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.297/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
1C_297/2008/col

Arrêt du 4 novembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
Alain-Valéry Poitry, avocat,
recourant,

contre

Commune de Nyon, agissant par la Municipalité de Nyon, place du Château 3, 1260
Nyon,
intimée, représentée par Me Mercedes Novier, avocate, Mon Repos 14, case
postale 1106, 1001 Lausanne,
Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne,
intimé, agissant par le Département de l'intérieur du canton de Vaud,
Secrétariat général, Château cantonal, 1014 Lausanne.

Objet
droits politiques, radiation du rôle des électeurs, éligibilité,

recours contre l'arrêt de la Cour constitutionnelle du canton de Vaud du 2 juin
2008.

Faits:

A.
Alain-Valéry Poitry, avocat, a été élu à la Municipalité de Nyon en 1990. Alors
domicilié à Nyon au 4, chemin de la Redoute, il a occupé la charge de Syndic
depuis 1992. Il a été réélu à la Municipalité en 1994, 1998, 2002 et 2006.
A fin août 2007, Alain-Valéry Poitry a emménagé, avec son épouse et son fils de
seize ans, dans la villa qu'il avait fait construire au 57, chemin de la
Redoute, sur le territoire de la commune de Prangins.

B.
Le 20 décembre 2007, sur intervention du Chef du Département vaudois de
l'intérieur et après avoir obtenu un avis de droit constatant que le domicile
de l'intéressé se trouvait à Prangins, la Municipalité de Nyon a radié
Alain-Valéry Poitry du rôle des électeurs de la commune, précisant que le
mandat de syndic prenait fin simultanément. Selon les art. 4 et 5 de la loi
vaudoise sur l'exercice des droits politiques, les droits politiques
s'exerçaient exclusivement dans la commune du domicile civil.

C.
Alain-Valéry Poitry a saisi la Cour de droit administratif et de droit public
du Tribunal cantonal vaudois (CDAP). Après avoir refusé l'effet suspensif
(accordé à titre préprovisionnel), la CDAP a transmis la cause à la Cour
constitutionnelle du canton de Vaud.
Par arrêt du 2 juin 2008, cette dernière a confirmé sa compétence. Le Conseil
d'Etat devait en principe statuer préalablement, mais il s'était déjà exprimé
en ordonnant à la Municipalité de rendre la décision attaquée. Dès le 1er mai
2007, le recourant était annoncé au Contrôle des habitants de Nyon, à l'adresse
de son étude d'avocat. Toutefois, son domicile civil se trouvait à Prangins
puisqu'il y résidait avec sa famille. Le critère du domicile n'était ni
contraire aux droit reconnus à l'art. 25 du Pacte ONU II, ni obsolète, ni
contraire à la liberté d'établissement. Ayant perdu sa qualité d'électeur, le
recourant était "réputé démissionnaire" selon l'art. 97 al. 2 de la loi
vaudoise sur les communes. Il ne pouvait invoquer le principe de la bonne foi.

D.
Par acte du 3 juillet 2008, Alain-Valéry Poitry forme un recours en matière de
droit public. Il demande l'annulation de l'arrêt de la Cour constitutionnelle,
subsidiairement l'annulation de cet arrêt "en ce sens que la décision de la
Municipalité du 20 décembre 2007 est annulée dans la mesure où elle prononce
que le mandat politique du recourant prend fin simultanément".
Le recourant a requis l'effet suspensif, qui a été refusé par ordonnance du 24
juillet 2008.
La Cour constitutionnelle s'est déterminée sur le grief de violation du droit
d'être entendu soulevé par le recourant; elle se réfère à son arrêt pour le
surplus. Le Conseil d'Etat et la Municipalité de Nyon concluent au rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours porte sur la capacité civique active (qualité d'électeur) et passive
(droit d'éligibilité) du recourant dans la commune de Nyon. Le recours pour
violation des droits politiques est par conséquent ouvert (art. 82 let. c LTF;
ATF 128 I 34 consid. 1e p. 38). Le recours est dirigé contre un arrêt final
rendu en dernière instance cantonale (art. 88 al. 1 let. b LTF). Le recourant a
qualité, au sens de l'art. 89 al. 1 et al. 3 LTF, pour contester la décision
qui lui dénie la qualité d'électeur. Le recours est au surplus formé dans le
délai prévu à l'art. 100 al. 1 LTF.

1.1 Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal
fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et
du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur
qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et
l'étendue (cf. art. 95 let. d LTF). Tel est le cas des règles qui déterminent
le domicile politique (arrêt 1C_373/2007 du 6 août 2008). Le Tribunal fédéral
n'examine en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire
l'interprétation des autres règles du droit cantonal, en particulier les
dispositions de procédure. En présence de deux interprétations également
défendables, il s'en tient en général à celle retenue par la plus haute
autorité cantonale (ATF 131 I 126 consid. 4 p. 131 et les arrêts cités).

1.2 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou
compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des
lacunes ou erreurs dans l'établissement de celui-ci lui apparaîtraient d'emblée
comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut critiquer la constatation de
faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement
inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire arbitraire, ce qu'il lui appartient
de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2
LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p.
254 s.). L'existence de faits constatés de manière inexacte ou en violation du
droit doit en outre être susceptible d'avoir une influence déterminante sur
l'issue de la procédure (art. 97 al. 1 in fine LTF). Selon la jurisprudence,
l'appréciation des preuves ou l'établissement des faits sont arbitraires (art.
9 Cst.; pour une définition de l'arbitraire cf. ATF 133 I 149 consid. 3.1 p.
153) lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un
moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un
élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des
constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p.
9; 127 I 38 consid. 2a p. 41).

2.
Le recourant invoque son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., 6 par. 1
CEDH et 14 ch. 1 Pacte ONU II), grief d'ordre formel qu'il y a lieu d'examiner
en premier lieu.

2.1 Il reproche à la Cour constitutionnelle d'avoir rejeté sa demande
d'observations complémentaires formée le 29 mai 2008, en considérant que cette
dernière était tardive parce que le recourant avait eu connaissance des prises
de position des parties au mois de janvier 2008. Le recourant relève qu'il
avait demandé à pouvoir compléter son recours et requis d'emblée un second
échange d'écritures; par ailleurs, la CDAP avait informé les parties, le 14
février 2008, que la suite de la procédure serait aménagée une fois tranchée la
question de la compétence de l'autorité de recours; le 29 avril 2008 seulement,
il avait été informé que la Cour constitutionnelle était compétente. Le droit à
un procès équitable permettrait au recourant de prendre position sur les
observations des intimés, en particulier du Conseil d'Etat. Le recourant
entendait ainsi produire de nouvelles pièces "antérieures et postérieures au
recours" ainsi qu'un complément juridique sur la question du rapport entre les
domiciles politique et fiscal.

2.2 Le droit d'être entendu est l'un des aspects de la notion générale de
procès équitable au sens des art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Il comprend
le droit de prendre connaissance de toute prise de position soumise au tribunal
et de se déterminer à ce propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux
arguments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible
d'influer sur le jugement. Le droit de réplique fondé sur l'art. 29 al. 2 Cst.
vaut pour toutes les procédures judiciaires, y compris celles qui, comme le
contentieux électoral, ne tombent pas dans le champ de protection de l'art. 6
par. 1 CEDH (ATF 133 I 100 consid. 4.6 p. 104). Toutefois, le recourant qui
estime devoir se déterminer sur les observations qui lui ont été communiquées à
titre d'information doit en faire la demande sans délai, ou produire
directement ses déterminations; s'il s'en abstient, il est censé y avoir
renoncé (ATF 133 I 98 consid. 2.2; 100 consid. 4.8 p. 105; 132 I 42 consid.
3.3.3 et 3.3.4 p. 47).

2.3 Le recourant a certes demandé, dans son recours initial, à pouvoir
compléter son argumentation, compte tenu notamment du délai de 20 jours pour
recourir et du prononcé de la décision attaquée durant la période des fêtes de
fin d'année; le cas échéant, ce complément pourrait intervenir sous la forme
d'un second échange d'écritures, indépendamment des moyens invoqués. La réponse
au recours a été déposée auprès de la CDAP le 18 janvier 2008 par le Conseil
d'Etat; elle porte sur l'effet suspensif, sur la question de la compétence et
le fond; elle a été communiquée au recourant le 26 janvier 2008. Auparavant, le
23 janvier, le recourant avait spontanément pris position sur les
déterminations de la Municipalité, communiquées deux jours plus tôt, en
précisant n'avoir pas encore reçu celles du Conseil d'Etat. Un échange de vues
a alors été ouvert avec la Cour constitutionnelle. Le recourant n'en a pas
moins déposé de nouvelles observations le 14 mars 2008, sur le déroulement de
la procédure. La transmission du dossier à la Cour constitutionnelle a été
annoncé aux parties le 29 avril 2008. Le 29 mai 2008, soit un mois après, le
recourant a demandé à pouvoir exposer ses arguments devant la Cour
constitutionnelle; il s'est par ailleurs à nouveau exprimé sur la question de
l'effet suspensif. Cette demande est présentée de manière générale, et ne vise
pas spécifiquement à se déterminer sur les arguments du Conseil d'Etat. Elle
n'avait donc pas à être interprétée comme une demande de réplique et, compte
tenu des nombreuses observations déjà fournies par le recourant, la cour
cantonale pouvait considérer que celui-ci avait pu suffisamment s'expliquer.
Par ailleurs, dans la mesure où le recourant avait pu répondre spontanément au
mémoire de la Municipalité, il pouvait aussi le faire dès réception des
écritures du Conseil d'Etat. A tout le moins pouvait-il présenter l'ensemble de
ses observations après que la compétence de la Cour constitutionnelle ait été
confirmée. Sa réaction ultérieure apparaît ainsi tardive et la Cour
constitutionnelle n'a pas violé le droit d'être entendu en n'y donnant pas
suite.

2.4 Le recourant estime aussi que la cour cantonale devait procéder à
l'audition de témoins afin notamment de démontrer que dans certains cas, l'art.
97 de la loi vaudoise sur les communes (LC; RS/VD 175.11) n'avait pas été
appliqué de manière stricte. Il demandait également un rapport sur la pratique
du Conseil d'Etat dans des cas similaires. Ces offres de preuves auraient été
écartées à tort.
Bien qu'il s'en défende, le recourant entendait se prévaloir de précédents dans
lesquels l'exigence d'un domicile n'aurait pas été appliquée de manière
rigoureuse, grief qui relève de l'égalité de traitement. Or, le recourant avait
manifestement connaissance des cas auxquels il fait allusion, et était par
conséquent en mesure de se prévaloir d'une éventuelle pratique différente
suivie jusque-là par les autorités. Le recourant n'explique pas quels témoins
il aurait désiré faire entendre sur ce point. Quant à l'intérêt public qui
justifierait une application souple de la loi, l'argument pouvait être
développé indépendamment des moyens de preuve requis. Il n'y a donc pas, sur ce
point également, de violation du droit d'être entendu.

3.
Le recourant conteste la perte de sa qualité d'électeur. Il relève qu'une
personne peut avoir plusieurs lieux de résidence, notamment à l'endroit où il
exerce son activité lucrative; l'élément déterminant serait la volonté de
l'intéressé. La notion de centre de vie aurait elle aussi été interprétée trop
restrictivement; elle pourrait s'appliquer notamment au centre de l'activité
professionnelle. Le recourant relève qu'il est établi à Nyon depuis 1976, où il
a également fondé son étude d'avocat en 1991; celle-ci comprend quatre pièces
dont une salle de bain, et le recourant y travaille avec son épouse; c'est là
que la correspondance familiale est reçue et envoyée, que se prennent les
décisions importantes concernant la famille et que sont payées les factures.
L'enfant cadet y ferait souvent ses devoirs. C'est à Nyon, où il réside depuis
plus de trente ans, que le recourant aurait développé son réseau social,
professionnel et politique, et il serait arbitraire de retenir, comme l'a fait
la Cour constitutionnelle, que le recourant n'a pas de lien prépondérant avec
la commune de Nyon.

3.1 Selon l'art. 39 al. 2 Cst., les droits politiques s'exercent au lieu du
domicile. La Confédération et les cantons peuvent prévoir des exceptions.
L'art. 39 al. 3 Cst. pose le principe de l'unicité du domicile politique, qui
veut que l'on ne puisse pas exercer ses droits politiques simultanément en
plusieurs endroits. Valable au niveau fédéral, ce principe doit aussi être
respecté dans les législations cantonales, car il découle de l'exigence
d'égalité (MAHON, La citoyenneté active en droit public suisse, in: Thürer/
Aubert/Müller, Droit constitutionnel Suisse, 2001 p. 335, 345). La législation
cantonale définit le domicile politique en matière cantonale. Conformément à
l'art. 39 al. 2 Cst., elle peut prévoir des exceptions au principe du vote au
domicile. Faute de disposition contraire dans le droit cantonal ou communal, le
domicile politique est en principe identique au domicile civil (ATF 111 Ia 251
consid. 3b p. 254; 109 Ia 41 consid. 4 et 5 p. 48 ss; arrêt 1C_373/2007 du 6
août 2008; HANGARTNER/KLEY, Die Demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der
Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, p. 64 et 66 s.).
Selon l'art. 142 de la Constitution vaudoise (Cst./VD), font partie du corps
électoral communal les suissesses et les suisses qui sont domiciliés dans la
commune, ainsi que les étrangères et étrangers domiciliés dans la commune qui
résident en Suisse au bénéfice d'une autorisation depuis dix ans au moins et
sont domiciliés dans le canton depuis trois ans au moins. La loi précise les
modalités d'exercice de ces droits (art. 142 al. 3 Cst./VD). Selon l'art. 4 de
la loi vaudoise sur l'exercice des droits politiques (LEDP; RS/VD 160.01), le
domicile politique est la commune où l'électeur a son domicile civil et s'est
annoncé à l'autorité locale (al. 1). L'acquisition d'un nouveau domicile
politique est subordonnée au dépôt d'une déclaration officielle attestant que
l'intéressé n'est plus inscrit au rôle des électeurs de la commune de son
précédent domicile politique (al. 2). Peuvent se constituer un domicile
politique à leur lieu de résidence moyennant le dépôt de la déclaration
officielle prévue à l'alinéa 2: les personnes sous tutelle et les personnes
séjournant à leur lieu de travail durant la semaine, notamment les étudiants
(al. 3).

3.2 Le droit vaudois n'a donc pas dérogé au principe de l'identité entre
domiciles politique et civil; il fait au contraire expressément référence à la
notion de domicile civil.
Selon l'art. 23 al. 1 CC, le domicile d'une personne est au lieu où elle réside
avec l'intention de s'y établir. Cette disposition fait dépendre la
constitution du domicile de deux conditions: d'une part, la résidence, soit un
séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de
rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une
certaine durée au lieu de sa résidence, intention qui doit être reconnaissable
pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives.
Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de
ses relations personnelles et professionnelles (DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes
physiques et tutelle, 4ème éd., 2001, n. 370 ss et la jurisprudence citée; ATF
133 V 309 consid. 3.1). Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec
lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des
circonstances (ATF 132 I 29 consid. 4 p. 36). En général, cela correspond au
lieu de résidence de la famille, et non au lieu de travail (arrêt 4C_4/2005 du
16 juin 2005 consid. 4.1, in SJ 2005 p. 508; DESCHENAUX/STEINAUER, op. cit. n.
377a et les références citées).

3.3 Le recourant ne conteste pas qu'il a ses effets personnels dans la villa
qu'il a fait récemment construire et dont il est propriétaire au 57, ch. de la
Redoute sur le territoire de la commune de Prangins. C'est là qu'il passe
toutes ses nuits et qu'il retrouve sa famille, soit son épouse et son fils
cadet; il s'agit bien du foyer familial. Ces éléments sont déterminants pour
admettre l'existence d'un domicile (cf. DANIEL STAEHELIN, in Balser Kommentar
ZGB, 3ème éd. 2006, n. 6 et 10 ad art. 23). La construction ou l'achat d'une
maison pour y habiter constitue d'ailleurs un indice clair de l'intention de
s'établir (cf. arrêt 1C_373/ 2007 du 6 août 2008, consid. 5).

3.4 Le recourant relève qu'il travaille tous les jours, souvent même les fins
de semaines, dans son étude avec son épouse; il y recevrait la correspondance
familiale et paierait les factures relatives à la famille. Il reproche à la
Cour constitutionnelle d'avoir arbitrairement méconnu ces éléments de fait. Il
n'en est rien: l'adresse de l'étude à Nyon est purement professionnelle; le
recourant ne prétend pas qu'il y passerait des nuits. Le lieu de travail ne
saurait constituer un domicile que dans des cas exceptionnels, en particulier
lorsqu'une partie des effets personnels s'y trouve et que le lieu ou
l'intéressé passe ses nuits fait office de simple dortoir (STAEHELIN, op. cit.
n. 6). Aucun des éléments de fait relevés par le recourant n'est ainsi
susceptible de faire de son étude un lieu de résidence. Il y a d'ailleurs lieu
de relever que si le logement qu'occupait le recourant avec sa famille à Nyon
constituait auparavant un domicile, ce que le recourant ne conteste pas, il en
va nécessairement de même du nouveau logement qu'il occupe maintenant à
Prangins.

3.5 Le recourant relève que selon l'art. 11 de la loi sur les impôts communaux,
les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante sont imposés au
lieu où s'exerce cette activité, de sorte qu'il paiera ses impôts communaux à
Nyon, sans pouvoir y exercer ses droits politiques; il ne pourrait plus
participer aux décisions sur la gestion de la commune et l'affectation des
impôts, contrairement aux art. 34 et 39 Cst., à la Charte européenne de
l'autonomie locale et à l'art. 25 du Pacte ONU II.
Les lois d'impôt contiennent une définition autonome du domicile, propre au
droit fiscal. Si, dans la plupart des cas, cette notion correspond à celle du
Code civil, le droit fiscal ne coïncide cependant pas en tous points. Ainsi, la
fortune investie et le produit d'une activité lucrative indépendante - telle
qu'une profession libérale -, exercée au moyen d'installations fixes et
permanentes, sont imposables au for de l'établissement stable. Le domicile
politique ne joue également aucun rôle concluant en droit fiscal: le dépôt des
papiers et l'exercice des droits politiques ne constituent, au même titre que
les autres relations de la personne assujettie à l'impôt, que des indices
propres à déterminer le domicile fiscal (ATF 132 I 29 consid. 4.1 p 36; 125 I
54 consid. 2 p. 56, 458 consid. 2b p. 467). Aucune des dispositions citées par
le recourant n'impose une concordance entre les domiciles politique et fiscal.
Les art. 34 et 39 Cst. n'ont trait qu'aux droits politiques. La Charte
européenne de l'autonomie locale, élaborée au sein du Conseil de l'Europe et
entrée en vigueur, pour la Suisse, le 1er juin 2005 (RS 0.102) tend à garantir
l'indépendance politique, administrative et financière des collectivités
locales; elle n'a ni le but contraignant ni les effets que le recourant semble
lui prêter. Il en va de même de l'art. 25 du Pacte ONU II qui pose certes les
principes de périodicité, d'honnêteté, d'universalité et d'égalité du suffrage,
mais n'empêche pas l'adoption des règles ordinaires sur les incompatibilités,
les conditions d'âge et de domicile (cf. CLAUDE ROUILLER, Le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, in ZSR 1992 p. 107 ss,
128).

3.6 Il résulte de ce qui précède que la notion de domicile politique n'a pas
été interprétée de manière indûment restrictive par la cour cantonale, et que
la radiation du rôle des électeurs de la ville de Nyon ne viole pas le droit
constitutionnel.

4.
Le recourant soutient ensuite que le changement de domicile en cours de mandat
ne devrait pas avoir pour conséquence de mettre fin immédiatement à son mandat
de Syndic. Même s'il n'occupe plus ce poste depuis le 26 janvier 2008, il
estime avoir un intérêt actuel à faire trancher la question, ainsi qu'à faire
constater l'illicéité de la décision attaquée, dans la perspective d'une
demande d'indemnisation; il y aurait également un intérêt public à le faire,
car la même situation pourrait se reproduire dans certaines communes vaudoises.
Le recourant estime que l'art. 97 LC, qui impose aux élus de conserver leur
domicile dans la commune, serait contraire au Pacte ONU II, puisque cela irait
à l'encontre de la volonté des citoyens exprimée lors de l'élection. Il y
aurait également une atteinte à la liberté d'établissement; le recourant serait
privé, sans indemnité, d'une charge à 60% rémunérée à hauteur de 120'000 fr.
par an. Une telle sanction ne reposerait sur aucun intérêt public puisque
l'exigence de proximité seraient en l'occurrence respectée.

4.1 La question de savoir si le recourant dispose d'un intérêt actuel à ce que
cette question soit examinée peut demeurer indécise, car les différents griefs
soulevés à ce propos doivent de toute manière être écartés.

4.2 Selon l'art. 97 LC, les membres des conseils généraux, des conseils
communaux et des municipalités doivent avoir et conserver leur domicile, aux
termes du code civil, dans la commune où ils exercent leurs fonctions. S'ils
perdent la qualité d'électeurs ils sont réputés démissionnaires; la
municipalité en informe immédiatement le bureau du conseil. Le recourant ne
conteste pas que l'absence de domicile puisse avoir pour conséquence la perte
de l'éligibilité. La liberté d'établissement (art. 24 Cst.) peut en effet être
restreinte aux conditions de l'art. 36 Cst., soit en présence d'une base légale
et d'un intérêt public prépondérant; la jurisprudence admet de telles
restrictions dans le cas de l'obligation de résidence imposée aux employés
publics, desquels on peut attendre qu'ils se sentent concernés à titre
personnel par les problèmes rencontrés au sein de la collectivité. Tel est le
cas de certains fonctionnaires de l'enseignement (ATF 115 Ia 207), d'employés
de la police ou du corps des pompiers (ATF 103 1a 455) voire encore des
notaires exerçant des actes d'authentification relevant de la puissance
publique (ATF 128 I 280). La jurisprudence admet des exceptions pour le cas des
fonctions non dirigeantes, de nature purement techniques et non soumises à des
impératifs de service particuliers (ATF 118 1a 410 consid. 4; 116 Ia 382
consid. 3). Toutefois, ce qui vaut en général pour les fonctionnaires est a
fortiori valable pour un membre de la Municipalité, et plus encore pour le chef
de celle-ci, pour lequel on peut exiger un lien particulièrement étroit avec la
collectivité locale concernée (ATF 128 I 34). L'art. 97 LC est ainsi conforme à
la liberté d'établissement.

4.3 Le déplacement du domicile hors de la commune, en cours de mandat a
clairement pour conséquence, selon l'art. 97 LC, la fin immédiate et de plein
droit du mandat politique. La loi ne prévoit aucune exception à cette règle.
Cela ressort des expressions avoir et conserver [le domicile] et réputés
démissionnaires; cela explique également le devoir d'information immédiate du
bureau du conseil, dans la perspective d'une élection complémentaire. Outre
qu'elle paraît logique (la fin du mandat est le corollaire de la perte
d'éligibilité), une telle sanction immédiate permet également d'éviter des abus
tel que la prise d'un domicile dans la commune peu avant l'élection, et un
déménagement immédiatement après. La restriction apparaît ainsi raisonnable par
rapport à l'intérêt public en jeu.

4.4 Le recourant se prévaut en vain du respect de la volonté des électeurs qui
ont voté en sa faveur. Les critères d'éligibilité constituent, à l'instar des
règles d'incompatibilités (ATF 128 I 34 consid. 1d p. 37), des conditions
préalables à l'élection: lorsque celles-ci font défaut, les conséquences
doivent en être tirées, indépendamment de la volonté exprimée par le corps
électoral (ATF 128 I 34 consid. 3e p. 38).
Le recourant estime aussi que la Municipalité n'aurait pas la compétence pour
mettre fin à sa fonction. Il fait référence à l'art. 139b LC selon lequel, en
cas de motifs graves, la question de la révocation d'un membre d'une
municipalité est soumise au corps électoral. Le cas de la perte de la qualité
d'électeur est toutefois différent; il est réglé à l'art. 7 LEDP, qui permet à
la Municipalité de trancher les contestations relatives aux inscriptions et à
la radiation du rôle des électeurs. Quant à la perte d'éligibilité, elle a lieu
de plein droit en vertu de l'art. 97 al. 2 LC; l'intervention de la
municipalité se limite ainsi à une simple constatation, et sa compétence pour
ce faire n'est pas contestable.

4.5 Le recourant fait grief à la Cour constitutionnelle de n'avoir pas statué
sur sa conclusion tendant à l'annulation de la décision de la Municipalité de
Nyon dans la mesure où elle prononçait que le mandat politique du recourant
prenait fin immédiatement. La Cour cantonale s'est fondée, pour rejeter cette
conclusion, sur les considérations émises par le Juge instructeur de la CDAP à
l'appui du refus de l'effet suspensif; or, il s'agissait selon le recourant
d'un juge incompétent, puisqu'il s'est par la suite dessaisi. Devant la Cour
constitutionnelle, l'effet suspensif serait accordé de plein droit, de sorte
que le recourant conservait un intérêt à faire examiner la question de son
éviction immédiate. Le recourant se plaint à ce sujet d'une violation de son
droit d'être entendu, constitutive d'un déni de justice formel.
La Cour constitutionnelle n'est certes pas entrée en matière sur le grief
soulevé à propos du caractère immédiat de la cessation de son mandat politique.
Elle s'est référée à la décision prise sur effet suspensif par le juge de la
CDAP, tout en relevant qu'au jour de la notification de l'arrêt attaqué, le
recourant n'avait plus d'intérêt à l'examen de la question. Le renvoi à la
motivation de l'ordonnance d'effet suspensif, indépendamment de la validité
formelle de cette décision, constitue en soi une motivation suffisante: il y
est relevé que la loi ne prévoit pas de délai de transition et que la
Municipalité pouvait continuer à fonctionner sans la présence du recourant,
considérations qui répondaient à l'argumentation de ce dernier. Par ailleurs,
dans la mesure où le recourant avait effectivement quitté la Municipalité, il
n'était plus possible de revenir sur le caractère immédiat de son éviction; le
refus d'entrer en matière, faute d'intérêt, ne viole pas non plus le droit
d'être entendu.

4.6 Le recourant critique enfin le fait qu'aucune élection complémentaire n'a
eu lieu pour repourvoir le siège vacant, contrairement aux dispositions sur la
composition des municipalités et à l'art. 78 LEDP qui prévoit une telle
élection dans les soixante jours. Tel n'est toutefois pas l'objet de la
décision attaquée. En outre, le grief apparaît également sans objet dans la
mesure où l'élection complémentaire a eu lieu au mois de septembre 2008.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il
est recevable. Le recourant, qui succombe, devra s'acquitter des frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 68 al. 3 LTF, il n'est
pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Commune de Nyon, au Conseil
d'Etat et à la Cour constitutionnelle du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 novembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz