Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.294/2008
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_294/2008/col

Arrêt du 18 novembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Oscar Zumsteg, avocat,

contre

Département de la gestion du territoire de la République et canton de
Neuchâtel, Service cantonal des automobiles et de la navigation,
Faubourg de l'Hôpital 65, case postale 773, 2001 Neuchâtel 1.

Objet
retrait du permis de conduire,

recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal administratif de
la République et canton de Neuchâtel du 16 juin 2008.

Faits:

A.
A.________ est chauffeur de bus professionnel auprès de la compagnie des
Transports publics du Littoral neuchâtelois. Il est titulaire d'un permis de
conduire des véhicules de cette catégorie depuis le 22 janvier 1997 et n'a pas
d'antécédents en matière de circulation routière. Le vendredi 3 mars 2006, vers
17h40, il circulait au volant de son trolleybus sur la Grand-Rue à Peseux, en
direction de Cormondrèche, lorsqu'un véhicule automobile a débouché d'une cour
intérieure sans visibilité, en empiétant légèrement sur sa voie de circulation.
Il a klaxonné puis s'est déporté sur la gauche pour éviter l'obstacle,
franchissant la ligne de sécurité centrale. Alors qu'il se rabattait, il a
heurté avec l'avant gauche de son véhicule un motocycliste qui survenait en
sens inverse, le blessant mortellement. Son permis de conduire a été saisi
sur-le-champ avant de lui être restitué le 31 mai 2006.
Le 21 décembre 2006, le Procureur général de la République et canton de
Neuchâtel a ordonné le classement de la procédure pénale ouverte à raison de
ces faits contre A.________ pour insuffisance de charges. Il a considéré
qu'aucune faute relevant de la négligence ne pouvait être retenue à l'encontre
de l'intéressé.
Par décision du 29 janvier 2007, la Commission administrative du Service des
automobiles et de la navigation de la République et canton de Neuchâtel a
retiré le permis de conduire de A.________ pour une durée d'un mois "réputé
subi". Elle a estimé que l'intéressé avait commis une infraction moyennement
grave en opérant une manoeuvre d'évitement qui l'avait amené à franchir la
ligne de sécurité centrale alors qu'il aurait pu éviter la collision avec le
véhicule automobile empiétant sur sa voie de circulation en effectuant un
freinage d'urgence.
Statuant sur recours de l'intéressé, le Département de la gestion du
territoire, puis le Tribunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) ont
confirmé la mesure de retrait du permis de conduire par décision du 15 juin
2007, respectivement par arrêt du 16 juin 2008.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 16 juin 2008
ainsi que les décisions du Département de la gestion du territoire du 15 juin
2007 et de la Commission administrative du Service des automobiles et de la
navigation du 29 janvier 2007.
Le Tribunal administratif, le Service cantonal des automobiles et de la
navigation et l'Office fédéral des routes concluent au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est
ouverte contre les décisions prises en dernière instance cantonale au sujet de
mesures administratives de retrait du permis de conduire. Le recourant est
particulièrement atteint par l'arrêt attaqué qui confirme le retrait de son
permis de conduire pour une durée d'un mois. Il est à cet égard sans importance
qu'il ait déjà subi la mesure incriminée étant donné les conséquences qu'elle
pourrait avoir en cas de nouvelle infraction aux règles de la circulation
routière. Sa qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF est à
l'évidence donnée. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière
de droit public sont par ailleurs réunies.

2.
Le recourant prétend que les conditions posées par la jurisprudence pour
admettre que l'autorité administrative s'écarte de la décision de classement
prise par le Procureur général ne seraient pas réalisées.

2.1 Le jugement pénal ne lie en principe pas l'autorité administrative. Afin
d'éviter dans la mesure du possible des décisions contradictoires, la
jurisprudence a admis, s'agissant de se prononcer sur l'existence d'une
infraction, que l'autorité administrative ne devait pas s'écarter sans raison
sérieuse des faits constatés par le juge pénal ni de ses appréciations
juridiques qui dépendent fortement de l'établissement des faits, en particulier
lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique
ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins
interrogés (ATF 124 II 103 consid. 1c/bb p. 106; 123 II 97 consid. 3c/aa p.
100; 121 II 214 consid. 3a p. 217; 119 Ib 158 consid. 3c/aa p. 164). L'autorité
administrative ne peut dès lors s'écarter du jugement pénal que si elle est en
mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne
connaissait pas ou qu'il n'a pas prises en considération, s'il existe des
preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si
l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux
faits constatés ou si ce dernier n'a pas élucidé toutes les questions de droit,
en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation
(ATF 129 II 312 consid. 2.4 p. 315 et les arrêts cités). Cette dernière
hypothèse recouvre notamment le cas où le juge pénal a rendu sa décision sur la
seule base du dossier, sans procéder lui-même à des débats (ATF 120 Ib 312
consid. 4b p. 315).

2.2 En l'espèce, le classement de la procédure sur le plan pénal n'a pas été
prononcé à l'issue d'une procédure ordinaire avec audition contradictoire des
protagonistes, mais sur la base du dossier établi par le juge d'instruction,
qui concluait au renvoi du recourant en jugement. L'appréciation juridique ne
dépend donc pas étroitement de faits que le Procureur général connaîtrait de
manière plus approfondie que l'autorité administrative, parce qu'il aurait
procédé personnellement à des mesures probatoires. Le Service cantonal des
automobiles et de la navigation était libre de procéder à sa propre
appréciation juridique des faits pertinents, tels qu'ils résultent du dossier,
et de combler le cas échéant une lacune du jugement pénal s'agissant de savoir
si une infraction aux règles de la circulation routière a été commise.

3.
A.________ reproche à la cour cantonale d'avoir violé le droit fédéral en
retenant à sa charge une faute non excusable là où le juge pénal n'en a pas
trouvé.

3.1 Il n'est pas contesté que le recourant a contrevenu aux art. 27 al. 1 LCR,
34 al. 2 LCR et 73 al. 6 let. a OSR en franchissant la ligne de sécurité pour
éviter le véhicule qui empiétait sur sa voie de circulation. Du point de vue
objectif, pareille manoeuvre représente une violation grave des règles de la
circulation routière en raison du danger notoirement important qu'elle comporte
pour la sécurité du trafic et, en particulier, des usagers de la route
circulant en sens inverse (ATF 119 V 241 consid. 3d/bb p. 247; arrêt 6S.416/
2003 du 10 février 2004 consid. 2.3). Il ne peut être dérogé à l'interdiction
de franchir les lignes de sécurité que pour des motifs impérieux, par exemple
lorsqu'un véhicule en panne ou momentanément abandonné par le conducteur bloque
le passage pour une certaine durée de sorte que l'on ne saurait exiger du
conducteur d'un véhicule gêné dans sa progression qu'il attende que la voie
soit dégagée (ATF 86 IV 113 et les arrêts cités), ou encore lorsque cette
manoeuvre est la seule qui permette d'éviter un accident ou d'en rendre les
conséquences moins graves (ATF 119 V 241 consid. 3d/bb précité; 63 I 53 consid.
2 p. 58/59; 63 II 209 consid. 2b/bb p. 215; 61 I 218 consid. 4 p. 222; 38 II
487 consid. 2 p. 488). Le recourant soutient précisément s'être trouvé dans une
telle situation lorsque le véhicule a débouché d'une cour intérieure sans
visibilité sur sa voie de circulation. Le parti pris en l'occurrence de
contourner l'obstacle par la gauche en empiétant sur la voie de circulation
opposée ne s'est pas révélé le plus adéquat pour parer au danger, eu égard aux
conséquences tragiques auquel il a abouti et à la possibilité que le recourant
aurait eue, selon le rapport d'expertise technique, de s'arrêter à temps en
opérant un freinage d'urgence. Reste à savoir si ce choix est imputable à faute
au recourant. La jurisprudence tient, suivant les circonstances, pour excusable
le fait d'avoir choisi la manoeuvre qui se révèle après coup ne pas être la
plus appropriée pour éviter l'accident (ATF 104 IV 28 consid. 2 p. 29; 101 IV
80 consid. 3c p. 83; 83 IV 84; 66 I 317 consid. 2 p. 320; 63 I 53 consid. 2 p.
59; 61 I 429 consid. 2 p. 432; arrêt du Tribunal fédéral du 11 mars 1976 in
Revue valaisanne de jurisprudence (RVJ) 1976 p. 460). Cette excuse ne sera pas
justifiée si le conducteur s'est mis lui-même dans une situation dangereuse,
par exemple en circulant à une vitesse excessive. Elle ne sera pas davantage
admise lorsque, parmi plusieurs manoeuvres, l'une s'imposait de telle manière
qu'elle pouvait être reconnue comme la plus évidente et la plus utile, même
dans une situation exigeant une décision très rapide (ATF 83 IV 84; Bussy/
Rusconi, Code suisse de la circulation routière, 3e éd., 1996, n. 3 ad art. 31
LCR).

3.2 En l'occurrence, le recourant roulait légèrement en-deçà de la vitesse
maximale autorisée. Lorsque le véhicule s'est engagé sur la chaussée et que le
danger a été reconnaissable pour lui, il a klaxonné puis donné un coup de
volant sur la gauche afin de contourner l'obstacle. Aucun élément au dossier ne
permet de retenir qu'il aurait réagi tardivement. Certes, selon l'expertise
technique versée au dossier pénal, il aurait été en mesure de freiner vu la
distance le séparant du véhicule incriminé. Outre que ce constat ne s'imposait
pas d'emblée comme une évidence, il devait cependant également tenir compte des
risques de chute et de lésions auxquels un freinage d'urgence exposait les
passagers du trolleybus, dont certains étaient debout dans l'attente de
descendre au prochain arrêt. Par ailleurs, aucun véhicule automobile ne
survenait en sens inverse lorsqu'il a entrepris sa manoeuvre suivant les
témoignages recueillis dans la procédure pénale. Il est vrai que le contact
visuel avec le motocycliste était alors possible d'après l'expertise technique.
Les éléments du dossier ne permettent toutefois pas de connaître les raisons
pour lesquelles le recourant n'a pas vu le motocycliste lorsqu'il a pris la
décision de contourner le véhicule en empiétant partiellement sur la voie de
circulation inverse et, en particulier, de retenir qu'il serait le résultat
d'une inattention fautive susceptible de lui être imputée à faute. Cette
question peut en définitive rester indécise.

3.3 Le Tribunal administratif a également considéré qu'en raison du risque que
le franchissement, sans avertissement, d'une ligne de sécurité faisait courir
aux usagers de la route venant en sens inverse, le recourant aurait dû, aussi
longtemps qu'il n'avait pas achevé de se rabattre sur sa voie de circulation,
porter une attention accrue sur le trafic plutôt que dans son rétroviseur droit
pour vérifier que l'arrière du bus ne touche pas la voiture empiétant. Cette
considération échappe à toute critique.
Le conducteur doit vouer à la route et au trafic toute l'attention possible
(art. 3 al. 1 OCR). Le degré de cette attention s'apprécie au regard des
circonstances de l'espèce, telles que la densité du trafic, la configuration
des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 122
IV 225 consid. 2b p. 228). Dans le cas particulier, les conditions de
circulation étaient difficiles; il pleuvait et la chaussée était mouillée. La
rue sur laquelle est survenu l'accident est bordée de maisons contiguës, avec
des ruelles latérales et des cours intérieures sans visibilité. Le recourant
circulait au volant d'un bus articulé, dont la maniabilité et le temps de
réaction ne sont pas comparables à ceux d'un véhicule automobile léger, à
l'approche d'une double intersection lorsqu'il a entrepris la manoeuvre
d'évitement. Celle-ci n'était pas d'emblée visible ou compréhensible de la part
des autres usagers de la route. Elle était au surplus particulièrement
dangereuse, notamment pour les véhicules circulant sur la voie opposée (ATF 119
V 241 consid. 3d/bb précité), voire pour d'éventuels usagers en provenance de
la rue du Lac et de la place de la Fontaine. Cela étant, le recourant devait
consacrer une attention accrue aux autres usagers de la route non seulement
avant d'entamer sa manoeuvre, mais également tout au long de celle-ci. Si l'on
ne saurait lui reprocher d'avoir jeté un rapide coup d'oeil dans son
rétroviseur droit avant de se rabattre pour s'assurer qu'il ne touchait pas le
véhicule empiétant sur sa voie de circulation, il n'était en revanche pas
dispensé pour autant de garder son attention sur la voie de circulation inverse
de manière à s'assurer qu'aucun usager de la route ne vienne à sa rencontre ou
ne débouche sur cette artère depuis une rue latérale. Or, il ne conteste pas
n'avoir vu le motocycliste qu'au dernier moment, soit lorsque celui-ci a touché
l'avant gauche du trolleybus qu'il conduisait. Cela étant, il a détourné son
attention du trafic plus que de raison. Si cette faute peut être qualifiée de
légère, la mise en danger de la sécurité des autres usagers de la route était
en revanche sérieuse. Il importe peu que le motocycliste ait lui-même adopté un
comportement doublement fautif en circulant au-delà de la vitesse autorisée,
sur la partie gauche de sa voie de circulation. Un conducteur attentif au
trafic doit en effet faire tout son possible pour éviter qu'un dommage ne se
produise (freinage, manoeuvre d'évitement ou avertissement) lorsqu'il
s'aperçoit qu'un autre usager de la route commet une faute qui pourrait créer
un risque d'accident.
Dans ces conditions, le Tribunal administratif n'a pas violé le droit fédéral
en retenant que le recourant avait fait preuve d'une inattention fautive et en
qualifiant la faute commise de légère. Ce dernier ne prétend pas que la cour
cantonale aurait fait une application erronée du droit fédéral en retenant
l'existence d'une infraction moyennement grave et en lui infligeant un retrait
du permis de conduire d'une durée d'un mois en lieu et place d'un avertissement
(cf. arrêt 6A.16/2006 du 6 avril 2006 in JdT 2006 I 442). En l'absence de tout
grief à ce sujet, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office
ce qu'il en est.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais de son auteur (art. 65 et
66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département de
la gestion du territoire et au Tribunal administratif de la République et
canton de Neuchâtel ainsi qu'à l'Office fédéral des routes.

Lausanne, le 18 novembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin