Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.260/2008
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_260/2008/col

Arrêt du 26 septembre 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

Parties
Commune de Chexbres, 1071 Chexbres,
recourante, représentée par Me Kathrin Gruber, avocate,

contre

A.________ et B.________,
intimés, représentés par Me Denis Bettems, avocat.

Objet
ordre de remise en conformité d'une toiture,

recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Cour de droit
administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 mai 2008.

Faits:

A.
Le 11 mai 2007, la Municipalité de Chexbres a délivré à A.________ et
B.________ l'autorisation de rénover la toiture du bâtiment dont ils sont
propriétaires en zone de village. Les travaux comprenaient notamment la
création de vélux et d'une lucarne et l'agrandissement d'une fenêtre. A titre
exceptionnel, la couverture a été autorisée en ardoises artificielles
(Eternit), en dérogation à l'art. 49 du règlement communal sur le plan
d'extension et la police des constructions (RPE) qui exige une couverture en
tuiles de terre cuite. Cette dérogation avait été acceptée lors d'une audience
sur place, le 6 novembre 2006.
Le 14 septembre 2007, la Municipalité s'est adressée à l'architecte des
constructeurs en relevant que lors d'une rencontre avec le responsable des
constructions, il avait été décidé de couvrir la toiture en tuiles plates du
pays à la place d'Eternit. Or, la couverture avait finalement été effectuées
avec des tuiles recouvertes d'un engobe brun foncé (tuiles engobées), ce qui
était expressément exclu à l'art. 5.5 RPE.
Par lettre du 14 septembre 2007, confirmée le 1er octobre 2007, la Municipalité
a ordonné aux constructeurs de remettre leur toiture en conformité, en
utilisant des tuiles plates du pays non engobées.

B.
Par arrêt du 6 mai 2008, la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal vaudois a admis le recours formé par A.________ et B.________ et a
annulé l'ordre de remise en état. Les constructeurs s'étaient certes sciemment
écartés du permis de construire; toutefois, les motifs d'esthétique ne
commandaient pas impérativement une mise en conformité: les tuiles naturelles
avaient de toute façon tendance à s'assombrir avec le temps; la toiture
s'accordait avec celle de la grange existante; elle ne portait pas atteinte à
l'homogénéité des constructions du village, lesquelles ne présentaient pas une
unité remarquable. Le coût de remplacement des tuiles, soit 50'000 fr.,
apparaissait élevé par rapport à l'intérêt public en cause. La Municipalité
elle-même s'était écartée de l'art. 5.5 RPE en autorisant une couverture en
Eternit.

C.
La Commune de Chexbres forme un recours en matière de droit public contre ce
dernier arrêt; elle en demande la réforme et la confirmation de la décision du
1er octobre 2007.
La cour cantonale a renoncé à répondre au recours; A.________ et B.________
concluent au rejet du recours

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 82 let. a LTF, le recours en matière de droit public est ouvert
contre les décisions rendues dans les causes de droit public. Selon l'art. 89
al. 2 let. c LTF, les communes et autres collectivités publiques ont qualité
pour recourir en invoquant la violation de garanties qui leur sont reconnues
par les Constitutions cantonale ou fédérale. La Commune de Chexbres, qui
invoque son autonomie, a ainsi qualité pour agir. La question de savoir si elle
est réellement autonome dans ce domaine relève du fond (ATF 129 I 313 consid.
4.2 p. 319, 410 consid. 1.1 p. 412 et les références). Le recours est formé
dans le délai de trente jours (art. 100 al. 1 LTF), contre un arrêt rendu en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF).

2.
La Commune de Chexbres se prévaut de son autonomie en matière de police des
constructions (art. 139 let. d Cst./VD), ainsi que de ses compétences propres
dans le domaine de la surveillance des travaux (art. 127 de la loi vaudoise sur
l'aménagement du territoire et les constructions - LATC). Elle relève que le
bâtiment était déjà couvert en Eternit avant l'entrée en vigueur du règlement
communal, et que la dérogation avait été accordée uniquement pour respecter les
droits acquis lors de la rénovation. Les constructeurs y avaient délibérément
renoncé, de sorte que les normes réglementaires étaient à nouveau applicables.
La Municipalité entend faire appliquer strictement son règlement afin
d'éclaircir peu à peu les toits du village. Les considérations d'ordre
esthétique du Tribunal cantonal seraient inexactes: le toit foncé des intimés
porterait atteinte à l'homogénéité recherchée. L'arrêt attaqué aurait pour
conséquence de rendre impossible le respect des prescriptions communales sur
les toitures. La commune relève aussi que les constructeurs ne pouvaient se
prévaloir de leur bonne foi, ce qui justifierait une application stricte de la
réglementation. Le coût de remise en conformité serait de 35'468 fr., et non de
50'000 fr., les constructeurs ayant enlevé les échafaudages à leurs risques et
périls alors que l'ordre de remise en état leur avait déjà été notifié.

2.1 L'art. 50 al. 1 Cst. dispose que l'autonomie communale est garantie dans
les limites fixées par le droit cantonal. En droit cantonal vaudois, les
communes jouissent d'une autonomie en matière d'aménagement du territoire et de
droit des constructions. Cela résulte, notamment, de la disposition
constitutionnelle invoquée par la recourante (art. 139 let. d. Cst./VD). Les
communes vaudoises sont en particulier autonomes lorsqu'il s'agit de savoir si
une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou
le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (ATF 115 Ia
114 consid. 3d p. 118 s., 363 consid. 3b p. 367).
Dans la mesure où son autonomie est en cause, la commune peut exiger que
l'autorité cantonale respecte les limites de sa compétence et qu'elle applique
correctement les dispositions qui règlent la matière. Dans ce cadre, elle peut
se plaindre d'un excès ou d'un abus du pouvoir d'appréciation ou d'une fausse
application des normes de droit cantonal et communal régissant le domaine en
cause (cf. ATF 122 I 279 consid. 8c p. 291; 120 Ia 203 consid. 2a p. 204; 119
Ia 214 consid. 3a p. 218 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine sous
l'angle de l'arbitraire l'application des lois et règlements cantonaux ou
communaux (cf. ATF 131 I 91 consid. 1 p. 93; 129 I 410 consid. 2.3 p. 414 et
les arrêts cités).

2.2 Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction illicite n'est
en soi pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonce à
une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt
public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition
causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire
autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire
reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 123 II 248 consid. 3a/
bb p. 252; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224; 102 Ib 64 consid. 4 p. 69). Même un
constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la
proportionnalité. Toutefois, celui qui place l'autorité devant un fait accompli
doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe plus de rétablir une situation
conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF
123 II 248 consid. 4a p. 255; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224 et la jurisprudence
citée).

2.3 En l'occurrence, la violation de la réglementation communale est manifeste:
l'art. 5.5 RPE, applicable à la zone de village, impose la couverture en tuiles
plates du pays et interdit expressément la pose de tuiles engobées. Les
constructeurs ont pour leur part agi à leurs risques et périls en s'écartant
des conditions du permis de construire, ce que constate d'ailleurs l'arrêt
attaqué.
L'attitude des intimés n'est toutefois pas comparable à celle du constructeur
qui enfreint délibérément la réglementation et entend mettre l'autorité devant
le fait accompli. En effet, le permis de construire comprenait une dérogation
pour la pose d'un toit en Eternit. Quelles qu'en soient les raisons, cette
dérogation accordée par la commune avait pour conséquence une situation non
conforme à la réglementation. D'un point de vue esthétique, la solution
finalement adoptée par les constructeurs apparaît plus favorable que celle qui
a été autorisée puisque les tuiles utilisées ne se distinguent des tuiles
plates du pays que par leur couleur; comme le relève l'arrêt attaqué, les
tuiles naturelles ont d'ailleurs tendance à s'assombrir avec le temps, de sorte
qu'à terme, la différence s'estompe. La Commune de Chexbres estime que,
contrairement à ce que retient l'arrêt cantonal, la toiture litigieuse serait
choquante par rapport aux toits voisins. Les photographies produites au dossier
ne confirment toutefois pas clairement cette appréciation. Au demeurant, la
commune ne soutient pas que la couverture en Eternit qu'elle a elle-même
autorisée permettrait une meilleure intégration, conformément au but poursuivi
à l'art. 5.5 RPE.
La cour cantonale n'a dès lors nullement abusé de son pouvoir d'examen en
tenant compte de ces circonstances particulières dans l'examen de la
proportionnalité de l'ordre de remise en conformité. Ces circonstances,
ajoutées au coût des travaux de remise en état (de 35'000 à 50'000 fr. en
tenant compte du montage des échafaudages), font apparaître cette dernière
comme disproportionnée par rapport à l'intérêt public poursuivi.

2.4 Pour l'essentiel, le recours est motivé par la crainte de la commune de
créer un précédent et de ne plus pouvoir faire respecter sa réglementation. Ces
craintes apparaissent infondées. La solution retenue par la cour cantonale ne
se justifie en effet que compte tenu des circonstances tout à fait
exceptionnelles rappelées ci-dessus. Il ne fait guère de doute qu'en l'absence
d'une autorisation dérogatoire, la commune serait légitimée à exiger la remise
en état d'une construction non conforme au permis de construire et à la
réglementation communale.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Conformément aux art.
66 al. 4 et 68 al. 2 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires et une
indemnité de dépens est allouée aux intimés, à la charge de la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée aux intimés A.________ et
B.________, à la charge de la recourante.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de
droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 26 septembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz