Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.225/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
1C_225/2008

Arrêt du 9 mars 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
WWF Suisse,
recourant, représenté par Me Raphaël Dallèves, avocat,

contre

Commune de Mase, 1968 Mase, représentée par
Me Antoine Zen Ruffinen, avocat, ,
Conseil d'Etat du canton du Valais, case postale, 1951 Sion.

Objet
plan de quartier; classement en zone à bâtir,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit
public, du 4 avril 2008.

Faits:

A.
Le 15 juin 1994, le Conseil d'Etat du canton du Valais a donné son accord de
principe à la révision du plan d'affectation de zones et du règlement des
constructions et des zones (ci-après: le règlement) de la Commune de Mase. Il
suspendait l'examen des "zones de mayens", parmi lesquelles figuraient les
lieux-dits la Louère et l'Arpettaz, dans l'attente d'une étude plus spécifique
de leur patrimoine bâti et de leur typologie.
Par courrier du 19 janvier 1995, le Conseil communal de Mase a soumis au
Service cantonal de l'aménagement du territoire (ci-après: le SAT) un nouvel
art. 90 de son règlement. Intitulée "zone agricole (pâturages et alpages)",
cette disposition prévoyait ce qui suit (let. a ch. 3): "Les zones d'alpages
sont considérées comme zones agricoles. Il en va de même avec les constructions
des alpages de l'Arpettaz et de la Louère". Le ch. 1 de la let. c avait la
teneur suivante: "Le caractère agricole de ces deux alpages doit impérieusement
être maintenu. La typologie des bâtiments devra elle aussi être scrupuleusement
respectée". Dans sa réponse du 6 février 1995, le SAT a mentionné que le
Conseil d'Etat avait décidé, dans son accord de principe du 15 juin 1994, que
les secteurs en question étaient en zone agricole d'alpages.
Le 20 décembre 1995, l'Assemblée primaire de Mase a voté la révision de son
règlement, que le Conseil d'Etat a approuvée le 26 juin 1996. L'annexe de ce
règlement contenait notamment un document intitulé "cahiers des charges pour
les plans d'affectation spéciaux précisés sur le plan d'affectation des zones
échelle 1:2'000ème". Le chiffre 4 de ce document était intitulé "plan
d'affectation spécial du secteur de «La Louère» et de «l'Arpetta»". Sous le
titre "Situation par rapport à la révision du PAL", le chiffre 4.1.2 avait la
teneur suivante: "ce secteur est affecté à la zone agricole d'alpages (1994)".
Les pièces produites par le Conseil d'Etat devant la Cour de céans comprennent
également une photocopie du plan général d'affectation du sol homologué le 26
juin 1996. Sur cette copie, les zones correspondant à la Louère et l'Arpettaz
sont colorées en jaune, ce qui correspond, toujours selon les couleurs apposées
sur la copie, à l' "étendue du plan des zones de construction". La mention
"P.A.S" figure à côté des deux secteurs en question.

B.
Par avis paru au Bulletin officiel du canton du Valais du 5 mars 2004, la
Commune de Mase a soumis à l'enquête publique un projet de modification de son
règlement des constructions et des zones ainsi qu'un projet de plan de quartier
concernant les lieux-dits la Louère et l'Arpettaz. Le cahier des charges
susmentionné devait notamment être modifié, en ce sens que le chiffre 4.1.2
serait remplacé par le texte suivant: "ces deux secteurs étaient affectés avant
la mise en zone de construction à la zone agricole d'alpages, et ce en 1994".
Le plan de quartier était constitué d'un cahier de sept pages daté du 12
novembre 2002. Il répertoriait sept "bâtisses existantes - état origine" à
l'Arpettaz et deux à la Louère ainsi que sept "bâtisses existantes - état
transformé" à l'Arpettaz et dix à la Louère. Il faisait également état de
"bâtisses à neuf", dont l'objectif serait de "reconstruire le tissu disloqué de
l'enceinte" et qui seraient "en rapport avec le maintien des bâtisses
originelles dans des affectations possibles de réduits, voire d'habitations".
Ce projet a suscité l'opposition de l'association WWF Valais et du WWF Suisse,
que le Conseil communal de Mase a rejetée le 25 mai 2004. L'Assemblée primaire
de Mase a approuvé le plan de quartier et la modification du règlement communal
par décisions du 16 juin 2004, publiées au Bulletin officiel du 25 juin 2004.
Le WWF Suisse a recouru contre ces décisions auprès du Conseil d'Etat, en
faisant grief à la Commune de Mase de vouloir transférer les lieux-dits
précités de la zone agricole d'alpage à la zone à bâtir, en violation des
principes régissant l'aménagement du territoire. Par décision du 18 mai 2005,
le Conseil d'Etat a rejeté le recours, retenant notamment que les hameaux de la
Louère et de l'Arpettaz se trouvaient déjà en zone à bâtir depuis 1996. Par
décisions du même jour, publiées au Bulletin officiel du 10 juin 2005, le
Conseil d'Etat a homologué le plan de quartier et la modification du règlement
communal.

C.
Le WWF Suisse a recouru contre ces décisions auprès de la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Il
contestait en substance l'affirmation selon laquelle les hameaux concernés
avaient déjà été classés en zone à bâtir en 1996 et se plaignait du fait que
l'adoption du projet litigieux revenait à effectuer un tel classement en
violation des règles sur l'aménagement du territoire et visait à contourner les
art. 24 ss de la loi sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS
700). Par arrêt du 4 novembre 2005, le Tribunal cantonal a déclaré le recours
irrecevable; il a en effet dénié au WWF Suisse la qualité pour agir,
considérant que celui-ci n'avait pas rendu plausible que le projet litigieux
touchait à l'application du droit matériel de la Confédération.
Le WWF Suisse a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral, qui a
admis le recours par arrêt du 25 avril 2006 (arrêt 1A.1/2006, publié in DEP
2006 p. 388 et RDAF 2007 I p. 425). La Cour de céans a considéré que la qualité
pour recourir au niveau cantonal devait être reconnue au WWF Suisse, car
celui-ci avait rendu suffisamment plausible que le projet litigieux concernait
une tâche fédérale au sens de l'art. 2 al. 1 let. b de la loi du 1er juillet
1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), dans la mesure
où il alléguait avec une certaine vraisemblance que le plan de quartier
litigieux et les modifications correspondantes du règlement communal étaient
contraires aux principes de l'aménagement du territoire et éludaient
l'application des art. 24 ss LAT.

D.
La cause a été renvoyée au Tribunal cantonal, qui a repris l'instruction avant
de rejeter le recours du WWF Suisse, par arrêt du 4 avril 2008. Le Tribunal
cantonal a considéré que le classement en zone à bâtir résultant du plan de
quartier litigieux était conforme aux exigences de la LAT et de la loi
cantonale d'application de la LAT du 23 janvier 1987 (LcAT; RS/VS 701.1). Aucun
argument décisif ne plaidait en faveur d'un classement en zone agricole et la
zone à bâtir se justifiait par un intérêt public lié à la "protection d'un
patrimoine collectif et de l'image d'un paysage évocateur du passé". Le plan de
quartier offrait en outre aux habitants des environs la possibilité d'avoir de
modestes résidences de villégiature à proximité de chez eux, ce qui
contribuerait à limiter la demande de terrains constructibles. Par ailleurs,
les espaces concernés par le plan de quartier étant déjà bâtis, le classement
n'entraînait pas une extension indue du sol constructible et ne se heurtait pas
aux objections que suscitent les zones à bâtir de faible surface.

E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public - par une écriture
déposée le 13 mai 2008 - le WWF Suisse demande au Tribunal fédéral d'annuler
cet arrêt. Il conclut également à l'annulation du classement des lieux-dits
Louère et Arpettaz en zone constructible et du "plan de quartier de la Louère
et de l'Arpettaz". Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. La Commune
de Mase et le Conseil d'Etat ont présenté des observations; ils concluent au
rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Invité à se déterminer,
l'Office fédéral du développement territorial conclut à l'admission du recours.
La Commune de Mase, le Conseil d'Etat et le recourant ont présenté des
observations complémentaires.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire, le recours est recevable comme recours en matière
de droit public conformément aux art. 82 ss de la loi sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110) auxquels renvoie l'art. 34 al. 1 LAT (ATF 133 II 353 consid.
2 p. 356, 249 consid. 1.2 p. 251). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83
LTF n'est réalisée. Le WWF Suisse fait partie des organisations d'importance
nationale habilitées à déposer un recours en matière de droit public (art. 12
LPN en relation avec l'art. 1 et le ch. 3 de l'annexe de l'ordonnance relative
à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de
la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du
paysage [ODO; RS 814.076]). Dans la mesure où il rend vraisemblable que
l'accomplissement d'une tâche de la Confédération est en jeu, il a la qualité
pour recourir au sens des art. 89 al. 1 let. a et al. 2 let. d LTF (ATF 123 II
289 consid. 1e p. 292; arrêt 1A.1/2006 précité et les références).
C'est à tort que la Commune de Mase met en doute le respect du délai de
recours. En effet, l'arrêt attaqué ayant été notifié le 10 avril 2008, le délai
de trente jours (art. 100 al. 1 LTF) courrait dès le lendemain (art. 44 al. 1
LTF) et jusqu'au 10 mai 2008. Ce dernier jour étant un samedi, le délai
expirait le premier jour ouvrable qui suit. Dès lors que le 12 mai 2008 était
le lundi de Pentecôte, assimilé à un jour férié en Valais (art. 32 de la loi
d'organisation judiciaire du 27 juin 2000 [LOJ; RS/VS 173.1]), le délai
arrivait bien à échéance le mardi 13 mai 2008 (art. 45 LTF). Pour le surplus,
interjeté dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif
fédéral, le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d et 90
LTF.

2.
Vu l'issue du recours, il n'y a pas lieu de procéder à l'inspection locale
requise par le recourant, le Tribunal fédéral s'estimant au demeurant
suffisamment renseigné par le dossier.

3.
Le recourant soutient que le plan d'affectation litigieux a pour effet de créer
de petites zones à bâtir, en violation des buts et des principes de
l'aménagement du territoire.

3.1 Le Conseil d'Etat et la Commune de Mase prétendent que le plan de quartier
contesté n'aurait pas un tel effet, car les lieux-dits la Louère et l'Arpettaz
seraient déjà classés en zone à bâtir depuis 1996. Le Tribunal cantonal n'a pas
examiné ce point, ni dans son arrêt du 4 novembre 2005, ni dans l'arrêt
attaqué. Il a considéré que le Tribunal fédéral avait tranché cette question de
manière négative, au considérant 3 de l'arrêt 1A.1/2006 du 25 avril 2006. Dans
cet arrêt, la Cour de céans s'est cependant limitée à constater que le Tribunal
cantonal n'avait pas examiné la question et elle a renoncé, sur le vu du
dossier déposé, à faire une substitution de motifs sur cette base. Elle
relevait au demeurant qu'il appartenait au Tribunal cantonal d'instruire cette
question s'il éprouvait des doutes à ce sujet. Cette autorité n'ayant pas
statué sur ce point, qui est toujours discuté par le Conseil d'Etat et la
Commune intimée, il y a lieu de l'examiner pour définir le cadre du présent
litige.

3.2 Il ressort du dossier déposé par le Conseil d'Etat que le projet de
règlement présenté en janvier 1995 par la Commune de Mase prévoyait que
l'Arpettaz et la Louère étaient en zone agricole d'alpages et que le caractère
agricole de cette zone devait être "impérieusement" maintenu. Le 6 février
1995, le SAT confirmait que ces secteurs étaient en zone agricole. Au dossier
figure également le cahier des charges annexé à ce règlement, approuvé par le
Conseil d'Etat le 26 juin 1996. Intitulé "situation par rapport à la révision
du PAL", le chiffre 4.1.2 de ce document rapporte que "ce secteur est affecté à
la zone agricole d'alpages (1994)".
Le dossier contient en outre une photocopie du plan général d'affectation du
sol homologué par le Conseil d'Etat le 26 juin 1996. Selon cette pièce, la
mention "P.A.S" figure à coté des secteurs de la Louère et de l'Arpettaz. Cette
mention doit être mise en relation avec le courrier du SAT du 6 février 1995,
qui constatait que les modifications du règlement relatives aux secteurs
précités - situés en zone agricole - n'étaient pas conformes à l'art. 22 LAT et
qui suggérait à la commune d'étudier la possibilité de créer un plan
d'affectation spécial (PAS) pour ces secteurs. C'est du reste ce que la commune
a fait en adoptant le plan de quartier qui fait l'objet de la présente
procédure. Il est vrai que sur la photocopie du plan de zones homologué
figurant au dossier, les secteurs de la Louère et de l'Arpettaz sont colorés en
jaune, ce qui correspond, toujours selon les couleurs apposées sur la copie en
question, à l' "étendue du plan des zones de construction". Compte tenu des
éléments mentionnés précédemment, ce seul document, dont on ignore au demeurant
la provenance et la portée, ne suffit pas pour retenir que l'homologation de
1996 avait notamment pour objet la création des deux zones à bâtir litigieuses.
Au demeurant, en approuvant le plan d'affectation en question, le Conseil
d'Etat aurait en principe dû examiner la nécessité de classer les secteurs
concernés en zone constructible en fonction des critères de l'art. 15 LAT (cf.
arrêt 1C_135/2007 du 1er avril 2008, consid. 2.3). Les éléments au dossier font
toutefois défaut pour admettre qu'un tel examen a effectivement eu lieu et ils
ne permettent pas de conclure avec la certitude voulue que l'homologation du 26
juin 1996 ait eu pour effet d'inscrire les lieux-dits la Louère et l'Arpettaz
dans une zone constructible délimitée en conformité au droit fédéral. Ni le
Conseil d'Etat ni la Commune de Mase n'ont déposé d'autres documents qui
permettraient de donner une telle portée à cette homologation. Dans ces
conditions, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'appréciation de l'arrêt
attaqué, qui part du principe que les modifications et le plan de quartier
présentés en 2004 équivalent à la création de nouvelles zones constructibles.
Il convient donc d'examiner si le Tribunal cantonal pouvait considérer sans
violer le droit fédéral que la création de ces nouvelles zones à bâtir était
justifiée.

4.
Le recourant reproche à la mesure de planification contestée d'éluder les art.
24 ss LAT. Il estime que la création de petites zones à bâtir aux lieux-dits la
Louère et l'Arpettaz est contraire à la loi ainsi qu'aux buts et aux principes
de l'aménagement du territoire (art. 1 et 3 LAT). Selon lui, aucun intérêt
public prépondérant ne permettrait de classer ces secteurs en zone à bâtir.

4.1 Aux termes de l'art. 15 LAT, les zones à bâtir comprennent les terrains
propres à la construction qui sont déjà largement bâtis (let. a) ou qui seront
probablement nécessaires à la construction dans les quinze ans à venir et
seront équipés dans ce laps de temps (let. b). La notion de "terrains déjà
largement bâtis" doit être comprise de manière étroite. Elle ne s'applique pas
à n'importe quel groupe de constructions; il faut que l'on soit en présence
d'un milieu bâti, qui présente les caractéristiques d'une "agglomération", avec
les infrastructures habituelles ("Siedlungsstruktur"). Les critères à prendre
en compte sont notamment le caractère compact de l'ensemble construit, les
équipements, les liaisons avec les autres zones à bâtir ou l'infrastructure
publique. Les constructions agricoles peuvent être exceptionnellement prises en
compte; il ne suffit toutefois pas qu'un ensemble de maisons n'ait plus de
fonctions agricoles pour qu'il réponde à cette définition (ATF 132 II 218
consid. 4.1 p. 223; 121 II 417 consid. 5a p. 424; 116 Ia 197 consid. 2b p. 201;
113 Ia 444 consid. 4d/da p. 451 et les arrêts cités; BERNHARD WALDMANN/PETER
HÄNNI; Raumplanungsgesetz, 2006, n. 21 ss ad art. 15 LAT; PIERMARCO
ZEN-RUFFINEN/CHRISTINE GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction,
expropriation, 2001, p. 145 s.; ALEXANDRE FLÜCKIGER, Commentaire LAT, 1999, n.
60 ad art. 15 LAT).
Selon la jurisprudence, la création d'une zone à bâtir par le biais d'un plan
d'affectation spécial pour un projet concret est en principe admissible si les
buts et les principes de l'aménagement du territoire sont respectés. La mesure
de planification doit en outre être fondée sur une pesée des intérêts en
présence objectivement justifiable. De plus, elle ne doit pas éluder les règles
des art. 24 ss LAT par la création de petites zones à bâtir inadmissibles. De
telles zones ne peuvent être admises si elles tendent à contourner les buts de
l'aménagement du territoire que sont la concentration de l'habitation dans les
zones à bâtir et l'interdiction des constructions en ordre dispersé (ATF 124 II
391 consid. 2c et 3a p. 393 ss; 119 Ia 300 consid. 3b p. 303; 116 Ia 339
consid. 4 p. 343; arrêt 1A.271/2005 du 26 avril 2006, consid. 3.1 publié in ZBl
2007 p. 30 et RDAF 2008 I p. 526).

4.2 Parmi les buts et les principes de l'aménagement du territoire figurent
l'utilisation mesurée du sol (art. 1 al. 1 LAT), la protection des bases
naturelles de la vie, telles que le sol, l'air, l'eau, la forêt et le paysage
(art. 1 al. 2 let. a LAT), la création et le maintien d'un milieu bâti
harmonieusement aménagé et favorable à l'habitat et à l'exercice des activités
économiques (art. 1 al. 2 let. b LAT), ainsi que la préservation du paysage en
veillant à ce que les constructions s'y intègrent (art. 3 al. 2 let. b LAT) et
en conservant les sites naturels et les territoires servant au délassement
(art. 3 al. 2 let. d LAT). Il convient également d'aménager les territoires
réservés à l'habitat selon les besoins de la population et de limiter leur
étendue (art. 3 al. 3 LAT).
La loi cantonale d'application de la LAT poursuit des objectifs similaires,
puisqu'elle a pour but d'assurer une utilisation rationnelle et mesurée du sol
(art. 1 al. 1 LcAT) et qu'elle enjoint les autorités chargées des tâches
d'aménagement de veiller en particulier à assurer la qualité de la vie par le
respect et la mise en valeur du patrimoine naturel et culturel (art. 2 al. 1
let. a LcAT), à réduire les disparités régionales et à favoriser le maintien de
la population dans son lieu d'habitat (let. b) et à sauvegarder les terres
productives et les mayens (let. c).
Il convient encore de relever que la jurisprudence considère que l'un des buts
principaux de la législation fédérale sur l'aménagement du territoire est de
concentrer le peuplement dans les zones à bâtir et d'empêcher de construire en
ordre dispersé, de sorte que les petites zones à bâtir paraissent en principe
non seulement inappropriées, mais également contraires à la loi (ATF 119 Ia 300
consid. 3b p 303; 116 Ia 339 consid. 3b/bb et 4 p. 342 ss; 107 Ia 240 consid.
3a p. 242).

4.3 En l'espèce, le Tribunal cantonal a considéré en substance que le
classement des secteurs concernés en zone agricole n'était justifié ni par la
situation actuelle ni par son évolution prévisible, le sol occupé par les
groupes de constructions existantes n'étant plus utilisable pour l'élevage. En
revanche, le classement en zone à bâtir était justifié par un intérêt public
lié à la préservation de "vestiges d'un mode de vie campagnard, assez répandu
jusqu'à une époque récente et dont la population garde le souvenir".
L'association possédant les hameaux de la Louère et de l'Arpettaz n'aurait
notoirement pas les moyens d'entretenir les constructions si celles-ci ne
pouvaient être transformées ou si leur affectation ne pouvait être modifiée
qu'aux conditions des art. 24 ss LAT et 39 ss de l'ordonnance du 28 juin 2000
sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1). Le classement en zone à bâtir
permettrait donc d'éviter la disparition des deux hameaux. Il donnerait en
outre aux habitants des environs la possibilité d'avoir de modestes résidences
de villégiature à proximité de chez eux, ce qui contribuerait à limiter la
demande de terrains constructibles. Enfin, dès lors que le périmètre concerné
par le classement était entièrement bâti, la mesure de planification contestée
n'entraînait pas une extension indue du sol constructible et ne se heurtait pas
aux objections que suscitent les zones à bâtir de faible surface. Selon le
Tribunal cantonal, le classement en zone à bâtir résultant du plan de quartier
litigieux était donc conforme aux exigences de la LAT et de la LcAT.

4.4 Il n'est pas contesté que les constructions subsistant aux lieux-dits la
Louère et l'Arpettaz ne sont plus utilisées pour des activités de nature
agricole et qu'elles ne pourront plus l'être dans un avenir proche. Cela ne
suffit toutefois pas pour considérer que le terrain qu'elles occupent doit être
soustrait à la zone agricole. En effet, il n'est pas rare que des constructions
à vocation autrefois agricole perdent leur affectation d'origine en raison de
l'évolution de l'agriculture et il ne serait pas conforme aux buts et aux
principes de l'aménagement du territoire de créer systématiquement des
mini-zones à bâtir sur les surfaces occupées par ces bâtiments. Le législateur
a d'ailleurs réglé ces situations par l'adoption de l'art. 24d LAT, qui prévoit
que le droit cantonal peut autoriser, à certaines conditions, l'utilisation de
bâtiments d'habitation agricoles conservés dans leur substance à des fins
d'habitation sans rapport avec l'agriculture (al. 1) ainsi que le changement
complet d'affectation de constructions ou d'installations jugées dignes d'être
protégées (al. 2). Par ailleurs, des zones spéciales peuvent être délimitées en
application de l'art. 18 LAT. Ainsi, l'art. 33 OAT permet, pour assurer le
maintien de petites entités urbanisées sises hors de la zone à bâtir, de
délimiter des zones spéciales telles que les zones de hameaux ou les zones de
maintien de l'habitat rural, si la carte ou le plan directeur cantonal le
prévoit. En définitive, le seul fait qu'un groupe de constructions ait perdu sa
vocation agricole n'impose pas de le classer en zone à bâtir, d'autres
solutions existant pour assurer un éventuel maintien de ces constructions.

4.5 Cela étant, conformément à la jurisprudence exposées ci-dessus, la création
d'une zone à bâtir peut être exceptionnellement admise pour réaliser un projet
concret, si les buts et les principes de l'aménagement du territoire sont
respectés et si la mesure de planification en cause est justifiée par une pesée
des intérêts en présence objectivement justifiable (cf. supra consid. 4.1). Le
droit fédéral impose d'ailleurs à l'autorité cantonale de planification de
procéder à une pesée globale des intérêts pour apprécier l'opportunité d'un
classement en zone à bâtir (art. 3 OAT; ATF 123 I 175 consid. 3e/aa p. 188; 119
Ia 411 consid. 2b p. 416; ALEXANDRE FLÜCKIGER, op. cit., n. 25 ad art. 15 LAT).
Il convient donc de déterminer si la mesure de planification contestée est
conforme aux buts et aux principes de l'aménagement du territoire et si elle
repose sur un intérêt public prépondérant.
4.5.1 En l'occurrence, les condition de l'art. 15 LAT n'apparaissent pas
d'emblée réunies, dès lors qu'il est douteux que les terrains concernés par la
mesure de planification puissent être considérés comme "largement bâtis" au
sens de la jurisprudence susmentionnée (cf. supra consid. 4.1). En effet, les
hameaux partiellement en ruine de la Louère et de l'Arpettaz ne présentent pas
les caractéristiques d'une "agglomération", avec les infrastructures qu'on y
trouve habituellement. De plus, les terrains ne sont pas équipés, ils sont
éloignés de plusieurs kilomètres des autres zones à bâtir, ils sont desservis
par de simples chemins agricoles et l'infrastructure publique est inexistante.
Il n'apparaît pas non plus que ces terrains soient nécessaires à la
construction dans les quinze ans à venir au sens de l'art. 15 let. b LAT, la
Commune de Mase ne l'alléguant au demeurant pas. Par conséquent, on ne saurait
considérer que le classement en zone à bâtir est imposé par les circonstances.
4.5.2 Pour justifier la mesure de planification contestée, le Tribunal cantonal
invoque un intérêt public lié à la protection des vestiges d'un mode de vie
campagnard révolu. On ignore cependant quel patrimoine digne de protection
subsiste encore dans les hameaux de la Louère et de l'Arpettaz. Le plan de
quartier litigieux y recense neuf bâtisses dans leur état originel ou
partiellement ruinées contre dix-sept bâtisses transformées. Selon le relevé
photographique figurant au dossier, ces transformations ne sont pas toutes
respectueuses de la typologie des bâtiments d'origine; certains chalets
s'éloignent même sensiblement des constructions originelles encore debout.
Il appartenait à la Commune de Mase de démontrer que le classement en zone à
bâtir répondait à un intérêt public. En effet, conformément à l'art. 47 OAT,
l'autorité qui établit les plans d'affectation doit fournir à l'autorité
cantonale chargée d'approuver ces plans un rapport démontrant notamment leur
conformité aux buts et aux principes de l'aménagement du territoire au sens des
art. 1 et 3 LAT. La commune concernée aurait donc dû établir dans ce cadre que
les constructions de la Louère et de l'Arpettaz devaient être préservées et que
le classement en zone constructible était le meilleur moyen de garantir la
réalisation de cet objectif. Ne sont pas suffisantes à cet égard les seules
affirmations du plan de quartier sur la valeur importante des bâtisses
existantes en tant que "mémoire du lieu et de l'architecture spécifique de
l'alpage" et sur l'objectif de la construction de nouvelles bâtisses qui est
"en quelque sorte, de reconstruire le tissu disloqué de l'enceinte par
l'insertion de volumes simples, de telle manière à reconstituer l'espace
central fondamental". L'étude de 1984 et 1985 à laquelle renvoie le cahier des
charges de 1995 ne démontre pas davantage la nécessité du classement litigieux,
son auteur relevant en outre un état de ruine déjà avancé et l'extrême
difficulté, voire l'impossibilité, de reconstituer le schéma circulaire en
enceinte qui semble caractériser ces deux hameaux.
Par ailleurs, on ignore combien de bâtisses le plan litigieux permettrait de
reconstruire entièrement à neuf et leur emplacement n'est pas clair, le
document en question prévoyant seulement que "les implantations sont fixées par
le plan" (p. 5). Si l'on compare le plan du cahier des charges de 1995 et le
plan de quartier litigieux, on constate que de nombreux bâtiments ont disparu.
On comprend donc que les "bâtisses à neuf" prévues par le plan de quartier sont
censées prendre place aux endroits autrefois bâtis, mais ceux-ci ne sont pas
déterminés précisément. Le cahier des charges de 1995 recense vingt-sept
constructions à l'Arpettaz (désignées comme suit: 12 "ruine", 9 "transformé,
consolidé, reconstruit" et 6 "état actuel satisfaisant") et vingt-huit
constructions à la Louère (7 "ruine", 5 «transformé, consolidé, reconstruit" et
16 "état actuel satisfaisant"). Quant au plan de quartier litigieux, il
mentionne quatorze constructions à l'Arpettaz (7 "bâtisses existantes - état
transformé" et 7 "bâtisses existantes - état originel") et douze constructions
à la Louère (10 "bâtisses existantes - état transformé" et 2 "bâtisses
existantes - état originel"). Ainsi, sur la base des deux documents précités,
si l'on compare les constructions dans leur état originel et les constructions
qui ont été transformées ou qui devront être rebâties à neuf, on arrive à des
proportions de 7/27 à l'Arpettaz et 2/28 à la Louère. Quoi qu'il en soit, les
bâtisses d'origine sont beaucoup moins nombreuses que les bâtisses transformées
ou à reconstruire. Il n'est dès lors pas exclu que le résultat de la
planification litigieuse relève plus d'une véritable reconstruction des hameaux
- par la régularisation des bâtisses déjà transformées et l'autorisation de
nouvelles constructions - que d'une préservation du patrimoine existant. Dans
ces conditions, l'intérêt public lié à la préservation et la mise en valeur
d'un patrimoine bâti n'est pas établi.
4.5.3 Dans la pesée des intérêts en présence, il convenait en outre de prendre
en considération le fait que la Louère et l'Arpettaz sont situés dans un
paysage d'alpage, à plus de 2'000 m d'altitude et à plusieurs kilomètres du
village de Mase. En faire des lieux de résidences secondaires occasionnerait
nécessairement des nuisances, ne serait-ce qu'en termes de trafic et de
pollutions diverses résultant d'une occupation accrue des hameaux. Le
classement en zone à bâtir entraînerait en outre des travaux relativement
importants, pour que la commune puisse respecter l'obligation d'équiper ces
parcelles en vertu de l'art. 19 LAT. Ces divers éléments ne plaident pas en
faveur de la création de zones à bâtir: faute d'intérêt public avéré lié à la
préservation du patrimoine bâti, le souci d'éviter ces nuisances et de protéger
le paysage et la tranquillité des lieux devait l'emporter. Quant à la
possibilité pour les habitants de la région d'avoir des résidences secondaires
modestes, on peut difficilement y voir un véritable intérêt public justifiant
la mesure de planification litigieuse, un tel objectif étant du reste étranger
aux buts et aux principes de l'aménagement du territoire.
Au demeurant, il y a lieu de relever que le classement en zone à bâtir n'est
pas nécessairement le seul moyen de préserver ces hameaux. En effet, l'art. 33
OAT permet, pour assurer le maintien de petites entités urbanisées sises hors
de la zone à bâtir, de délimiter des zones spéciales au sens de l'art. 18 LAT,
telles que les zones de hameaux ou les zones de maintien de l'habitat rural, si
la carte ou le plan directeur cantonal le prévoit. Or, le plan directeur
cantonal a prévu la "zone des mayens" pour préserver ce type de hameaux de la
ruine et éviter des rénovations anarchiques (cf. fiche A.6/3). En principe, les
dispositions de la zone agricole y sont applicables (fiche p. 1). On comprend
mal les raisons pour lesquelles la Commune de Mase a créé des zones de mayens
pour d'autres secteurs de son territoire, mais pas pour la Louère et
l'Arpettaz. Cette autorité n'explique pas pourquoi ce type de zone ne serait
pas adapté à ces hameaux. L'argument du Tribunal cantonal selon lequel leurs
propriétaires n'auraient pas les moyens de sauvegarder ce patrimoine si les
règles de la zone agricole s'appliquaient ne résiste pas à l'examen. En effet,
on ne voit pas ce qui les distingue des propriétaires des autres hameaux
classés en zone de mayens - où les règles de la zone agricole sont en principe
applicables - et il ne paraît pas exclu de transformer les bâtiments de ces
zones en résidences secondaires, le plan directeur prévoyant expressément que
les changements d'affectation peuvent être autorisés à certaines conditions.
4.5.4 En définitive, le classement des lieux-dits la Louère et l'Arpettaz en
zone à bâtir ne s'imposait pas au regard de l'art. 15 LAT et il n'était pas
justifié par une pesée des intérêts en présence objectivement justifiable, la
Commune de Mase n'ayant au demeurant pas démontré que ce classement était
imposé par les circonstances. Pour le surplus, si les vestiges des hameaux en
question devaient être jugés dignes d'être préservés, il n'apparaît pas exclu
qu'ils puissent l'être par d'autres mesures de planification plus respectueuses
des buts et des principes de l'aménagement du territoire.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé. Il
convient également d'annuler les décisions de l'Assemblée primaire de Mase du
16 juin 2004 approuvant le plan de quartier et la modification du règlement
communal, ainsi que les décisions du Conseil d'Etat du 18 mai 2005 homologuant
ceux-ci et rejetant le recours du WWF Suisse. La cause est renvoyée au Tribunal
cantonal pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances
successives. Le recourant, assisté d'un avocat, a droit à des dépens pour la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 LTF), à la charge de l'Etat du
Valais. Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure devant le
Tribunal fédéral (art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Les décisions de
l'Assemblée primaire de Mase du 16 juin 2004 approuvant le plan de quartier et
la modification du règlement communal, ainsi que les décisions du Conseil
d'Etat du 18 mai 2005 homologuant ceux-ci et rejetant le recours du WWF Suisse
sont annulées.

2.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton du Valais pour nouvelle
décision sur les frais et dépens des instances successives.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure devant le Tribunal
fédéral.

4.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au WWF Suisse à titre de dépens pour la
procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge de l'Etat du Valais.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant et de la Commune
de Mase, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de
droit public, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 9 mars 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener