Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.224/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_224/2008/col

Arrêt du 30 mai 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Raphaël Zimmermann, avocat-stagiaire, et Me Reza
Vafadar, avocat,

contre

Office fédéral de la justice, Division de l'entraide judiciaire internationale,
Section extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne.

Objet
extradition à l'Ukraine,

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, IIe Cour des plaintes, du 30
avril 2008.

Faits:

A.
Le 15 octobre 2007, A.________, ressortissant russe, a été arrêté à Genève à la
demande d'Interpol Kiev. Il a reconnu être la personne visée et son identité a
été confirmée par le système d'identification par empreintes digitales. Le 26
octobre 2007, l'Ambassade d'Ukraine à Berne a présenté une demande
d'extradition. Usant d'une fausse identité, A.________ aurait créé, avec des
complices, un groupe de sociétés d'investissements immobiliers. Les fonds
versés par les investisseurs auraient été détournés à son profit.

B.
Par décision du 5 février 2008, l'Office fédéral de la justice a accordé
l'extradition, après avoir obtenu du Parquet Général d'Ukraine les garanties
suivantes:
a. L'Ukraine s'engage à accorder à la personne extradée les garanties de
procédure reconnues par la CEDH et le Pacte ONU II, spécialement en ses
articles 2 ch. 3, 9, 14, 15 et 26.
b. Aucun tribunal d'exception ne pourra être saisi des actes délictueux imputés
à la personne réclamée.
c. La peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni appliquée à l'égard de
la personne réclamée. Une telle mesure n'est pas prévue en général par la
législation ukrainienne.
d. La personne extradée ne sera en outre soumise à aucun traitement portant
atteinte à son intégrité physique et psychique (CEDH et art. 7, 10 et 17 Pacte
ONU II). La situation de la personne extradée ne pourra pas être aggravée lors
de sa détention au cours de l'instruction préliminaire ou de l'exécution de la
peine conformément à la sentence du tribunal ukrainien, en raison de
considérations fondées sur ses opinions ou ses activités politiques, son
appartenance à un groupe social déterminé, sa race, sa religion ou sa
nationalité (art. 2 let. b EIMP).
e. (spécialité).
f. Toute personne représentant la Suisse en Ukraine pourra rendre visite à la
personne réclamée, sans que les rencontres ne fassent l'objet de mesures de
contrôle. La personne réclamée pourra en tout temps s'adresser à ce
représentant. En outre, ledit représentant pourra s'enquérir de l'état de la
procédure et assister aux débats judiciaires. Un exemplaire de la décision
mettant fin à la procédure pénale concernant la personne extradée lui sera
remis.
g. Les conditions de détention ne seront pas inhumaines ou dégradantes au sens
de l'art. 3 CEDH. Tout traitement portant atteinte à l'intégrité physique ou
psychique du détenu sera exclu. La santé du prévenu sera assurée de manière
adéquate, notamment par l'accès à des soins médicaux suffisants, dans un
établissement pénitentiaire aussi bien qu'en dehors de cet établissement, en
cas de besoin.

C.
Par arrêt du 30 avril 2008, la IIe Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
(TPF) a rejeté le recours formé par A.________. Celui-ci contestait être la
personne poursuivie; il aurait fait enregistrer ses empreintes digitales sous
le nom de A.________ afin de protéger le véritable A.________ auquel il devait
fidélité. L'instruction avait toutefois démontré que les empreintes digitales
de la personne visée par la demande d'extradition correspondaient bien à celles
du recourant. Celui-ci avait modifié sa version des faits durant la procédure,
et devait en assumer les conséquences. L'Ukraine faisait partie des Etats
auxquels une extradition pouvait être accordée moyennant l'obtention
d'assurances quant au respect des droits humains. Compte tenu des exigences
accrues posées par la jurisprudence récente à l'égard de la Russie, il y avait
lieu d'exiger des garanties supplémentaires concernant le droit de visite de la
représentation suisse, l'information concernant le lieu de détention, le droit
du recourant de communiquer librement avec son avocat et le droit de visite
accordé aux proches. Le recourant prétendait avoir été victime de menaces, mais
n'avait produit, après l'échéance du délai de recours, que deux lettres dont
l'authenticité était douteuse.

D.
A.________ (prétendant agir sous l'identité de B.________) forme un recours en
matière de droit public assorti d'une demande d'effet suspensif. Il conclut
principalement à l'annulation de l'arrêt du TPF, au rejet de la demande
d'extradition et à sa mise en liberté immédiate; subsidiairement, il demande
que les autorités ukrainiennes soient invitées à garantir le respect de la
présomption d'innocence et à prendre toutes mesures pour garantir son intégrité
physique.
Il n'a pas été demandé de réponse.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 109 al. 1 LTF, la cour siège à trois juges lorsqu'elle refuse
d'entrer en matière sur un recours soumis à l'exigence de l'art. 84 LTF.

1.1 Selon cette disposition, le recours est recevable, à l'encontre d'un arrêt
du Tribunal pénal fédéral en matière d'extradition, pour autant qu'il s'agisse
d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement
important "notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à
l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves"
(al. 2). Selon l'art. 42 al. 2 LTF, c'est au recourant qu'il appartient de
démontrer que ces exigences sont satisfaites. Le but de l'art. 84 LTF n'est pas
d'assurer systématiquement un double degré de juridiction, mais de limiter
fortement l'accès au Tribunal fédéral dans les domaines de l'entraide
judiciaire et de l'extradition, en ne permettant de recourir que dans un nombre
limité de cas jugés particulièrement importants (ATF 133 IV 125, 129, 131, 132
et les références citées).

1.2 Le recourant prétend que la procédure pénale en Ukraine violerait le
principe de la présomption d'innocence car, selon les termes de la demande
d'extradition, sa culpabilité serait prouvée par les pièces recueillies durant
l'enquête. La violation dont se plaint le recourant ne résulte pas de la
procédure pénale proprement dite, mais de la procédure d'extradition qui, en
tant que procédure administrative, n'est pas soumise aux exigences de l'art. 6
CEDH et des dispositions correspondantes du Pacte ONU II (CourEDH, arrêt
Mamatkulov et Askarov c/ Turquie, Recueil CourEDH 2005-I p. 225; EuGRZ 2005 p.
357). Les indications données par l'autorité requérante au sujet des preuves à
charge ont d'ailleurs pour unique but de satisfaire aux conditions de
motivation posées notamment à l'art. 13 CEExtr., et non de se prononcer de
manière définitive sur la culpabilité de la personne poursuivie.

1.3 Le TPF n'a pas méconnu qu'il existe, dans l'Etat requérant, des risques de
violation des principes fondamentaux, tels que les droits de la défense, ou
d'autres vices graves concernant notamment la condition des détenus. Il a
toutefois considéré que les garanties obtenues de la part de l'Etat requérant
étaient propres à prévenir un traitement contraire aux droits de l'homme. Le
recourant ne conteste pas que l'octroi de garanties diplomatiques peut
représenter, pour la personne poursuivie, une protection efficace; le Tribunal
fédéral l'a récemment confirmé dans l'arrêt 1C_205/2007 du 18 décembre 2007
(destiné à la publication in ATF 134 X, consid. 6) concernant l'extradition à
la Fédération de Russie. Conformément à cet arrêt, le TPF a estimé que ces
garanties devaient être renforcées sur certains points s'agissant en
particulier du droit de regard de la représentation suisse (celle-ci devant
être informée du lieu de détention), du droit de visite des proches et du droit
de conférer avec le défenseur. Les conditions posées à l'extradition par l'OFJ,
confirmées et complétées par le TPF, correspondent donc strictement à la
jurisprudence actuelle.

1.4 Le recourant soutient par ailleurs qu'il encourrait un danger de mort en
cas de remise à l'Etat requérant. Le 13 mars 2008, le service pénitentiaire lui
aurait remis deux lettres lui enjoignant de garder le silence, et comportant
des menaces pour lui-même et sa famille. Il produit aussi des extraits de
presse selon lesquels l'extradition serait requise pour que le recourant garde
le silence et, le cas échéant, qu'il soit éliminé. Le TPF a considéré qu'il
existait des doutes légitimes sur l'authenticité des lettres produites. Ces
doutes sont renforcés par le fait que le recourant n'apporte pas la moindre
indication sur les personnes susceptibles de vouloir le réduire au silence,
alors même qu'il prétend les connaître. Au demeurant, les garanties données par
les autorités ukrainiennes tendent également à prévenir toute atteinte à
l'intégrité du recourant, dont l'Etat requérant devra évidemment assurer la
sécurité (cf. lettres d et g des garanties).

1.5 Il apparaît ainsi que, compte tenu des assurances exigées de la part de
l'Etat requérant, il n'y a pas de raison de supposer que la procédure à
l'étranger violera les principes fondamentaux ou comportera d'autres vices
graves au sens de l'art. 84 al. 2 LTF. L'intervention d'une seconde instance
judiciaire ne se justifie donc pas.

2.
Le recours est par conséquent irrecevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF,
les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, à l'Office
fédéral de la justice (B 205 975) et au Tribunal pénal fédéral, IIe Cour des
plaintes.
Lausanne, le 30 mai 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz