Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.201/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_201/2008/col

Arrêt du 1er juillet 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

Parties
A.________,
B.________,
recourants, représentés par Me Jean-Pierre Moser, avocat,

contre

Office fédéral des migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne.

Objet
annulation de la naturalisation facilitée,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 19 mars
2008.

Faits:

A.
A.________, ressortissant angolais né le 8 juillet 1972, est entré en Suisse en
octobre 1990 en sollicitant le statut de réfugié. Le 25 février 1992, l'Office
fédéral des réfugiés a rendu une décision de non-entrée en matière sur sa
demande d'asile et a prononcé simultanément son renvoi de Suisse. Cette
décision a été confirmée le 4 juin 1992 par la Commission suisse de recours en
matière d'asile. Le 13 juin 1994, A.________ a présenté une nouvelle demande
d'asile qui a été rejetée en date du 20 octobre 1994. En raison de la situation
politique régnant alors en Angola, il a bénéficié d'une admission provisoire en
Suisse, que l'Office fédéral des réfugiés a levée le 8 août 1996. Le recours
interjeté contre cette dernière décision a été déclaré irrecevable le 18
décembre 1996.
Le 25 octobre 1996, A.________ a épousé B.________, ressortissante suisse née
le 13 avril 1949 et mère de deux enfants issus de son premier mariage. Il s'est
vu délivrer une autorisation de séjour annuelle qui a régulièrement été
renouvelée jusqu'en octobre 2001, date à laquelle il a obtenu une autorisation
d'établissement.
Le 18 octobre 1999, A.________ a introduit une demande visant à l'octroi de la
naturalisation facilitée. Le 4 février 2002, le requérant et son épouse ont
contresigné une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient
vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et
n'envisager ni séparation, ni divorce. Par décision du 9 avril 2002, l'Office
fédéral des étrangers, intégré depuis lors à l'Office fédéral des migrations, a
accordé la naturalisation facilitée à A.________.
En date du 2 juin 2005, le Service de l'état civil et des naturalisations du
canton de Fribourg lui a transmis une demande de naturalisation facilitée
concernant une petite fille de nationalité ivoirienne, C.________, née le 25
octobre 2004, que A.________ avait reconnue comme son enfant le 17 novembre
2004.
Avisé du fait que les époux vivent séparés depuis le 1er avril 2003, l'Office
fédéral des migrations a invité A.________ à prendre position sur l'opportunité
d'ouvrir une procédure en annulation de la naturalisation facilitée.
L'intéressé s'est déterminé le 9 juin 2005. B.________ a été entendue le 10
janvier 2006.
Par décision du 2 juin 2006, l'Office fédéral des migrations a prononcé avec
l'assentiment de l'autorité cantonale compétente l'annulation de la
naturalisation facilitée accordée à A.________ au motif que l'octroi de
celle-ci s'était effectué sur la base de déclarations mensongères voire d'une
dissimulation de faits essentiels.
Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision au terme d'un arrêt
rendu le 19 mars 2008 sur recours de A.________ et de son épouse.

B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et
B.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt en ce sens que
la naturalisation facilitée accordée à A.________ le 9 avril 2002 n'est pas
annulée. Ils concluent à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêt attaqué et
au renvoi de la cause au Département fédéral de justice et police pour qu'il
prononce que la naturalisation facilitée de A.________ n'est pas annulée,
respectivement pour qu'il renvoie la cause à l'Office fédéral des migrations
pour que ce dernier prononce que la naturalisation facilité de A.________ n'est
pas annulée. Ils invoquent l'arbitraire dans l'appréciation des faits.
L'Office fédéral des migrations et le Tribunal administratif fédéral ont
renoncé à se déterminer.

C.
Par ordonnance du 19 mai 2008, le Juge instructeur a admis la requête d'effet
suspensif présentée par les recourants.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt entrepris émane du Tribunal administratif fédéral et concerne
l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à A.________. Il peut
faire l'objet d'un recours en matière de droit public (art. 82 al. 1 let. a et
86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas
en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation
facilitée et non pas de naturalisation ordinaire (arrêt 1C_85/2007 du 6
septembre 2007 consid. 2). La qualité pour recourir de A.________ au sens de
l'art. 89 al. 1 LTF est manifeste. Il n'en va pas de même de celle de son
épouse. On ne voit en effet pas quel intérêt juridique B.________ pourrait
faire valoir afin de s'opposer à la révocation de la naturalisation facilitée
de son époux dont elle vit séparée depuis plus de cinq ans. Vu l'issue du
recours sur le fond, cette question peut toutefois demeurer indécise.

2.
En vertu de l'art. 27 al. 1 de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur
l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN; RS 141.0), un étranger
peut, ensuite de son mariage avec un ressortissant suisse, former une demande
de naturalisation facilitée s'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout
(let. a) ou s'il y réside depuis une année (let. b) et vit depuis trois ans en
communauté conjugale avec un ressortissant suisse (let. c). La naturalisation
facilitée ne peut pas être accordée, en particulier, s'il n'a pas de communauté
conjugale au moment du dépôt de la requête ou à la date de la décision de
naturalisation. D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale
suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une
véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une
volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable;
une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un
indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté
suisse (ATF 130 II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49
consid. 2b p. 52).
Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17 novembre
1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (RS
172.213.1), l'Office fédéral des migrations peut, avec l'assentiment de
l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ans une naturalisation
facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de
faits essentiels. Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne
suffit donc pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses
conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un
comportement déloyal et trompeur. S'il n'est pas besoin que ce comportement
soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire
que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou
qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait
essentiels (ATF 132 II 113 consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités). Tel est
notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son
conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation
facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de
manière harmonieuse (arrêt 5A.22/2006 du 13 juillet 2006 consid. 2.2).
La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine latitude à
l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans
l'exercice de cette liberté. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation
l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de
circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de
la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 130 III 176 consid. 1.2 p.
180). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision
intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la
jurisprudence admet dans certaines circonstances que l'autorité puisse se
fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint
naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure
où il s'agit d'un fait psychique, lié à des éléments relevant de la sphère
intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 130
II 482 consid. 3.2 p. 485). Partant, si l'enchaînement rapide des événements
fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue
frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette
présomption, non seulement en raison de son devoir de collaborer à
l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA), mais également dans son
propre intérêt. S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à
l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve, il suffit
que l'administré parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité
raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable
avec son conjoint (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486).

3.
Un examen chronologique des faits pertinents de la cause pouvait sans
arbitraire conduire l'Office fédéral des migrations puis le Tribunal
administratif fédéral à douter que, par son mariage avec B.________, le
recourant ait véritablement entendu fonder une communauté conjugale au sens de
l'art. 27 LN. La contraction d'un mariage avec une personne de plus de vingt
ans son aînée peu après la levée d'une mesure d'admission provisoire dont il
bénéficiait depuis plus de trois ans pouvait en effet donner à penser que par
ledit mariage le recourant cherchait avant tout à obtenir une autorisation de
séjour en Suisse (cf. arrêt 5A.11/2006 du 27 juin 2006 consid. 3.1). Le fait
qu'il a déposé une demande de naturalisation facilitée presque trois ans jour
pour jour après son mariage et qu'il a entretenu une relation extra-conjugale
durable avec une femme de trente cinq ans plus jeune que son épouse quelques
mois seulement après leur séparation tendaient à confirmer que la stabilité
requise de la communauté conjugale n'existait déjà plus lors du prononcé de la
naturalisation facilitée, respectivement au moment de la signature de la
déclaration de vie commune. Il leur incombait dès lors de renverser cette
présomption en rendant vraisemblable la survenance d'un événement
extraordinaire, de nature à expliquer une dégradation aussi rapide du lien
conjugal après un peu plus de six ans de mariage, ou en démontrant qu'ils
n'avaient pas encore conscience de la gravité des problèmes rencontrés par leur
couple au moment de la procédure de naturalisation facilitée (ATF 130 II 482
consid. 3.2 p. 485/486).
Les recourants soutiennent que leur séparation n'aurait eu d'autre but que
celui de satisfaire la volonté exprimée par A.________ d'avoir des enfants et
n'impliquait aucune rupture du lien conjugal toujours intact. Ce désir de
paternité, auquel B.________ n'était pas en mesure de répondre en raison de son
âge, se serait manifesté après la signature de la déclaration commune, au
retour d'un voyage de deux semaines que le recourant a effectué dans sa famille
en Angola en juillet 2002. En prenant pour épouse une personne de plus de vingt
ans son aînée, ayant déjà deux filles d'un premier mariage, A.________ ne
pouvait ignorer que la perspective d'avoir des enfants communs était
considérablement réduite, voire nulle. On ne voit pas en quoi le voyage
effectué dans son pays d'origine en été 2002 aurait été décisif dans sa
décision de vouloir des enfants. Il s'agissait au contraire d'une question qui
devait inévitablement se poser lorsque les époux ont signé la déclaration de
vie commune en février 2002. Si le lien qui les unissait était aussi solide que
les époux A.________ et B.________ le prétendent, il aurait dû prévaloir sur la
volonté du recourant d'assurer une descendance. Les conjoints auraient
également pu songer, le cas échéant, à l'adoption, qui aurait permis de
maintenir la communauté de vie du couple et satisfaire le désir de paternité du
recourant. Ce dernier élément ne constituait donc pas un événement imprévu
susceptible d'expliquer la cessation de la communauté conjugale dans un laps de
temps aussi bref, après plus de six ans de mariage. A tout le moins, le
Tribunal administratif fédéral n'a pas fait preuve d'arbitraire en admettant
qu'il en allait ainsi. Il importe peu que les recourants continuent à
entretenir des relations aussi profondes qu'auparavant et n'entendent pas
divorcer. Pareilles relations sont inconciliables avec la conception de la
communauté conjugale que la loi fédérale sur la nationalité tend à protéger,
laquelle implique une communauté de vie étroite, de toit, de table et de lit,
qui exclut la coexistence d'une autre relation du même type avec une tierce
personne. Les recourants doivent à cet égard assumer les conséquences de leur
choix de vie sur la naturalisation facilitée.
Quant au déménagement de la recourante près de Berne après six ans de mariage,
il ne pouvait s'expliquer par la seule nécessité de se rapprocher de son lieu
de travail et de sa mère malade. Comme le relève à juste titre le Tribunal
administratif fédéral, A.________ aurait pu sans difficulté accompagner son
épouse à Berne; à tout le moins, on pouvait attendre un tel comportement de la
part du recourant si, comme il l'affirme, le lien conjugal était toujours
intact. La constitution par l'épouse d'un domicile séparé ne repose donc pas
sur des circonstances extraordinaires indépendantes de la volonté du couple qui
permettraient d'admettre l'existence d'une communauté conjugale encore intacte
au sens de la jurisprudence (cf. ATF 121 II 49 consid. 2b p. 51). La recourante
a au surplus fait état lors de son audition d'un besoin de prendre de la
distance et de mener à nouveau sa propre vie selon son goût, admettant que la
différence d'âge et de culture entre les époux, si elle n'avait jamais
constitué un obstacle à leur mariage, avait néanmoins très certainement
également joué un rôle dans leur séparation. Le Tribunal administratif fédéral
pouvait sans autre y voir un indice supplémentaire du fait que la relation de
couple était déjà entamée en février 2002, lorsque les époux A.________ et
B.________ ont signé la déclaration concernant la communauté conjugale. Enfin,
il importe peu pour l'issue de la cause que la recourante ait été à l'origine
de la procédure de séparation. Ce fait repose au demeurant sur les seules
déclarations des recourants, lesquelles sont contredites par les pièces du
dossier qui tendent à établir que le jugement du 17 novembre 2003 prononçant la
séparation de corps des époux A.________ et B.________ fait suite à une requête
commune des conjoints.
Les conditions d'application de l'art. 41 LN sont donc réunies et l'Office des
migrations, puis le Tribunal administratif fédéral, n'ont nullement abusé de
leur pouvoir d'appréciation en annulant la naturalisation facilitée accordée au
recourant.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable,
aux frais de leurs auteurs (art. 65 et 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Office
fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral.
Lausanne, le 1er juillet 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin