Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.197/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_197/2008 ajp

Arrêt du 22 août 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Dominique Morard, avocat,

contre

Direction de l'instruction publique, de la culture et du sport du canton de
Fribourg, rue de l'Hôpital 1, 1700 Fribourg,
intimée.

Objet
Rapports de travail de droit public; décision,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Ire Cour
administrative, du 14 mars 2008.

Faits:

A.
En 1970, X.________ a été nommé en qualité de professeur au Conservatoire du
canton de Fribourg. En 1998, il a été en outre désigné en qualité d'organiste
titulaire de l'orgue du Collège B.________ de Fribourg. Par courrier du 16 mars
2005, il a démissionné pour la fin de l'année scolaire en cours de son poste de
professeur au Conservatoire, afin de bénéficier d'une retraite anticipée. Cette
démission a été acceptée par la Direction de l'instruction publique, de la
culture et du sport du canton de Fribourg (ci-après: la DICS). Dès le 1er
septembre 2005, X.________ n'a plus reçu de salaire, ni du Conservatoire, ni du
Collège B.________. Il a toutefois poursuivi une activité au profit de l'orgue
du collège. En septembre 2006, A.________, qui avait succédé au prénommé en
qualité de professeur au Conservatoire, a été désigné titulaire de l'orgue en
question.

Le 10 octobre 2006, X.________ a écrit à la DICS qu'il s'estimait toujours
titulaire de l'orgue, dans la mesure où il n'avait pas démissionné de son poste
au Collège B.________. Par lettre du 17 octobre 2006, la DICS lui a répondu que
la charge d'organiste titulaire était liée à celle de professeur au
Conservatoire, de sorte qu'il n'était plus titulaire de l'orgue à compter du
1er septembre 2005. X.________ a contesté cette appréciation le 30 octobre 2006
et une entrevue s'est déroulée le 16 novembre 2006, sans que les parties ne
modifient leur point de vue.

Par courrier du 14 décembre 2006, X.________ a demandé à la DICS de rendre une
décision formelle de fin des rapports de services pour sa fonction d'organiste
titulaire, avec indication des voies de droit utiles. Il a relancé la DICS le 8
février 2007. Par courrier du 17 avril 2007, la DICS a répondu à l'intéressé
qu'elle maintenait sa position et qu'elle n'avait pas à rendre une décision de
résiliation de la charge d'organiste titulaire, celle-ci s'étant éteinte le 31
août 2005 avec la fin des rapports de service de X.________ en sa qualité de
professeur au Conservatoire. Le 24 avril 2007, ce point de vue a été confirmé
par le Conseil d'Etat du canton de Fribourg, en réponse à une question écrite
d'un député du Grand Conseil.

B.
Le 13 septembre 2007, X.________ a recouru auprès du Tribunal administratif du
canton de Fribourg. En cours de procédure, la cause est devenue de la
compétence de la Ire Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de
Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal). X.________ se plaignait d'un défaut
de décision et reprochait à la DICS d'avoir refusé de rendre une décision
administrative motivée sur l'existence de rapports de service en sa qualité
d'organiste titulaire de l'orgue du Collège B.________.

Par arrêt du 14 mars 2008, le Tribunal cantonal a déclaré le recours
irrecevable, pour cause de tardiveté. Il a considéré que le courrier de la DICS
du 17 avril 2007 constituait une décision sujette à recours. Cette lettre
exprimait en effet la position officielle et définitive de l'autorité, qui
estimait inutile de rendre une décision de résiliation, la fin des rapports de
service étant déjà intervenue en septembre 2005. Il ne saurait dès lors être
question d'un déni de justice. Selon le Tribunal cantonal, X.________ aurait dû
attaquer cette décision du 17 avril 2007 auprès du Conseil d'Etat dans un délai
de trente jours suivant sa notification, intervenue le 23 avril 2007. Le défaut
d'indication des voies de droit n'y changeait rien, la voie de recours
ressortant clairement de la loi et l'intéressé étant assisté d'un mandataire
professionnel.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours
constitutionnel subsidiaire, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
cet arrêt et, subsidiairement, de constater que la DICS aurait dû rendre une
décision quant au maintien ou à la fin des rapports de service en sa qualité
d'organiste titulaire et, enfin, de constater qu'il est toujours organiste
titulaire, avec les droits et les obligations qui se rattachent à cette
fonction, notamment quant à sa rétribution. Il se plaint d'arbitraire et d'une
violation de son droit d'être entendu. Le Tribunal cantonal se réfère aux
considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. La Direction
cantonale de l'instruction publique, de la culture et du sport s'est
déterminée; elle conclut au rejet des recours.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée a été rendue en matière de rapports de travail de droit
public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Le recourant conclut à la constatation
du fait qu'il est toujours organiste titulaire, avec la rétribution rattachée à
cette fonction. Dès lors que son action a, en tout cas partiellement, un but
économique et dans la mesure où son objet peut être apprécié en argent, il y a
lieu de considérer qu'il s'agit d'une contestation de nature pécuniaire (cf.
Fabienne Hohl, Procédure civile, Tome II, Berne 2002, p. 77; Jean-François
Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II,
Berne 1990, p. 196 ss). Il s'ensuit que le motif d'exclusion de l'art. 83 let.
g LTF n'entre pas en considération. La contestation porte sur le maintien du
recourant au service de l'Etat après le 1er septembre 2005 et pour une durée
indéterminée. On peut donc admettre que la valeur litigieuse atteint le seuil
de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public dans ce
domaine (art. 51 al. 2 et 85 al. 1 let. b LTF). Dès lors que l'arrêt attaqué
déclare irrecevable le recours formé pour défaut de décision quant à ses
rapports de service, le recourant est particulièrement atteint par ce prononcé
et il a un intérêt digne de protection à son annulation; il a donc la qualité
pour recourir (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). Pour le surplus, interjeté en
temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en
dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal
administratif fédéral, le recours respecte les exigences des art. 42, 86 al. 1
let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. Le recours en matière de droit public est par
conséquent recevable, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours
constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF).

2.
Le recourant reproche en substance à l'autorité intimée d'avoir considéré
arbitrairement que la lettre de la DICS du 17 avril 2007 était une décision au
sens de l'art. 4 al. 1 du code de procédure et de juridiction administrative
fribourgeois (CPJA; RS/FR 150.1). Il relève que ce courrier ne respecte pas les
exigences de l'art. 66 CPJA, qui prévoit qu'une décision doit contenir une
motivation (let. c) ainsi que l'indication des voies de droit (let. f).

2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 133
I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p.
219; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178). Appelé à revoir l'interprétation d'une
norme sous cet angle, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue
par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain (ATF 133 II 257
consid. 5.1 p. 260 s. et les arrêts cités).

2.2 L'art. 4 al. 1 CPJA définit la notion de décision dans des termes
identiques à ceux de l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure
administrative (PA; RS 172.021). Est considérée comme une décision au sens de
ces dispositions toute mesure de caractère obligatoire prise dans un cas
d'espèce en application du droit public et qui a pour objet de créer, de
modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater
l'existence, l'inexistence ou le contenu de droits ou d'obligations (let. b) ou
de rejeter ou déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier,
annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Tel n'est pas le
cas en revanche de l'expression d'une opinion, d'une simple communication,
d'une prise de position, d'une recommandation, d'un renseignement, d'une
information, d'un projet de décision ou de l'annonce d'une décision, car il
leur manque un caractère juridique contraignant (cf. arrêt 1P.315/1998 du 7
décembre 1998 consid. 1d, in Pra 1999 p. 481; Häfelin/Müller/ Uhlmann,
Allgemeines Verwaltungsrecht, 5e éd., Zurich 2006, p. 182 ss et les références
cités). Quant à l'art. 66 CPJA, il prévoit que la décision doit contenir divers
éléments, en particulier une motivation (let. c) et l'indication des voies de
droit (let. f). Si ce dernier élément fait défaut, on attend en principe du
destinataire de la décision qu'il se renseigne auprès d'un avocat ou de
l'autorité qui a statué; dans certains cas, une restitution du délai peut être
envisagée sur la base du droit à la protection de la bonne foi, mais on ne
saurait admettre que le recours soit déposé dans n'importe quel délai (cf.
Carlos Jaïco Carranza/Sébastien Micotti, CPJA annoté, n. 66.44 ad art. 66 CPJA;
Benoît Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 272).

2.3 Dans son courrier du 17 avril 2007, la DICS écrivait que la charge
d'organiste titulaire des orgues du Collège B.________ était manifestement et
juridiquement liée à la fonction de professeur au Conservatoire. Dès lors que
l'intéressé avait démissionné de cette fonction et qu'il avait été mis au
bénéfice d'une retraite anticipée effective depuis le 1er septembre 2005, la
charge d'organiste titulaire était également terminée depuis cette date. La
DICS estimait donc qu'elle n'avait pas à prendre une décision de résiliation de
cette charge, celle-ci s'étant éteinte le 31 août 2005 avec la fin des rapports
de service du recourant en sa qualité de professeur au Conservatoire.
Comme le Tribunal cantonal l'a considéré à juste titre, cette lettre exprime la
position officielle et définitive de l'autorité concernant la question
litigieuse. Elle relève du droit public et a pour objet de constater
l'inexistence de droits ou d'obligations ainsi que de rejeter une demande
tendant à constater des droits ou des obligations. L'autorité intimée pouvait
dès lors considérer sans arbitraire que ce courrier constituait une décision
sujette à recours au sens de l'art. 4 al. 1 CPJA, respectivement de l'art. 5
al. 1 PA. Le fait que le recourant ait insisté à plusieurs reprises - avant le
17 avril 2007 - pour obtenir une décision formelle au sens de l'art. 66 CPJA
n'y change rien. Il ressortait en effet clairement de la lettre précitée que
l'autorité ne rendrait pas une telle décision, si bien que ce courrier
apparaissait comme le seul acte susceptible d'être attaqué.

2.4 S'agissant de l'indication des voies de droit, elle est certes requise pour
les décisions prises en dernière instance cantonale (art. 35 PA en relation
avec l'art. 1 al. 3 PA; art.112 al. 1 let. d LTF), mais il ne s'agit pas d'une
exigence du droit constitutionnel fédéral qui s'appliquerait de manière
générale à toutes les décisions cantonales (cf. ATF 123 II 231 consid. 8a p.
238). Le recourant ne le fait d'ailleurs pas valoir, si bien qu'il convient
d'examiner cette question uniquement sous l'angle de l'arbitraire dans
l'application du droit cantonal. L'autorité intimée a considéré que le défaut
d'indication des voies de droit ne permettait pas au recourant d'attendre cinq
mois avant de recourir pour faire valoir ce vice. Cette appréciation n'est pas
manifestement insoutenable, dans la mesure où les voies de droit ressortaient
clairement de la loi et dès lors que le recourant était assisté d'un mandataire
professionnel. De plus, vu le caractère reconnaissable de la décision, il
appartenait à son destinataire de se renseigner le cas échéant sur les voies de
recours, de sorte qu'il ne peut pas se prévaloir du droit à la protection de la
bonne foi. Il n'y a donc pas eu une application arbitraire du droit cantonal à
cet égard.

2.5 Le recourant se plaint enfin du fait que la décision litigieuse souffrirait
d'un « vice manifeste de motivation ». Il est vrai que cette décision est
motivée de manière relativement sommaire. La DICS se limite en effet à soutenir
que les rapports de services du recourant en qualité d'organiste titulaire se
sont éteints lorsque l'intéressé a démissionné de son poste de professeur au
Conservatoire car les deux fonctions étaient « manifestement et juridiquement »
liées, sans exposer les éléments qui fondent ce point de vue. Elle exprime
néanmoins sa position de manière particulièrement claire, de sorte que le
recourant, assisté d'un avocat, était à même de comprendre les motifs
pertinents. De plus, la décision se réfère expressément à un précédent courrier
du 17 octobre 2006, dans lequel la DICS avait développé son raisonnement de
manière plus détaillée, si bien qu'il n'apparaissait pas nécessaire de rappeler
ces éléments. Ce courrier répondait par ailleurs aux griefs du recourant et
celui-ci ne dit pas quels autres arguments n'auraient pas été examinés. Quoi
qu'il en soit, l'autorité n'était pas tenue de discuter tous les arguments de
l'intéressé et elle pouvait se limiter aux éléments décisifs pour l'issue du
litige (cf. ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17 et les références). En définitive,
le recourant était en mesure d'apprécier correctement la portée de la décision
et de la contester efficacement. Il y a donc lieu de constater que les
exigences minimales de motivation de la décision sont respectées et que l'art.
66 let. c CPJA n'a pas été appliqué de façon arbitraire.

3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas
alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière de droit public est rejeté.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1000 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Direction de
l'instruction publique, de la culture et du sport ainsi qu'au Tribunal cantonal
du canton de Fribourg, Ire Cour administrative.
Lausanne, le 22 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener