Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.152/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_152/2008/col

Arrêt du 17 juin 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Sylvie Fassbind-Ducommun, avocate,

contre

Office fédéral des migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne.

Objet
annulation de la naturalisation facilitée,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 6 mars
2008.

Faits:

A.
Par décision du 18 janvier 2008, l'Office fédéral des migrations (ODM) a
prononcé l'annulation de la naturalisation facilitée octroyée à A.________.
Cette décision a été notifiée le 21 janvier 2008 à la mandataire du prénommé,
Me Sylvie Fassbind-Ducommun. Celle-ci a signé l'accusé de réception, sur lequel
figurait par erreur l'adresse du domicile privé de A.________. Constatant cette
erreur, l'ODM a adressé le 22 janvier 2008 à Me Fassbind-Ducommun un courrier à
la teneur suivante:
« Nous vous prions de trouver sous ce pli notre décision d'annulation du 18
janvier 2008 qui par erreur a été directement envoyée à votre client.
Il est clair que la date de notification de ladite décision sera celle à
laquelle vous aurez retiré la présente respectivement celle de l'écoulement du
délai de garde rattaché au présent courrier.
Nous vous prions de bien vouloir excuser ce contretemps et d'agréer [...] »
Cet envoi a été réceptionné le 23 janvier 2008. Par écriture du 22 février
2008, A.________, représenté par sa mandataire, a recouru auprès du Tribunal
administratif fédéral.

B.
Par arrêt du 6 mars 2008, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le
recours irrecevable pour cause de tardiveté. Il a considéré que la décision
avait été valablement notifiée le 21 janvier 2008, de sorte que le délai de
recours était arrivé à échéance le 20 février 2008. A.________ ne pouvait pas
se prévaloir du principe de la confiance, dès lors que son avocate avait dû
immédiatement se rendre compte que le courrier de l'ODM du 22 janvier 2008
résultait d'une méprise, l'office précité ayant cru à tort que sa décision
avait été notifiée directement à l'intéressé et non à sa mandataire. Celle-ci
ne pouvait que réaliser cette erreur, puisqu'elle avait signé elle-même
l'accusé de réception.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de déclarer recevable son recours
déposé le 22 février 2008 devant le Tribunal administratif fédéral. Il invoque
la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) et se plaint de formalisme excessif
(art. 9 et 29 al. 1 Cst.). Il requiert en outre l'assistance judiciaire. Le
Tribunal administratif fédéral et l'ODM se sont déterminés; ils concluent au
rejet du recours. Ces déterminations ont été communiquées au recourant.

D.
Par ordonnance du 29 avril 2008, le Président de la Ire Cour de droit public a
admis la requête d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt entrepris émane du Tribunal administratif fédéral et concerne
l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, si bien
qu'il peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant la cour
de céans (art. 82 al. 1 let. a et 86 al. 1 let. a LTF, art. 29 al. 1 let. f
RTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de
compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non
pas de naturalisation ordinaire (cf. arrêt non publié 5A.7/2003 du 25 août 2003
et les références). Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au
sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont
remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Le recourant invoque le droit à la protection de sa bonne foi; il soutient en
substance qu'il pouvait se fonder sur le courrier de l'ODM, mentionnant
expressément que le délai de recours partait de la deuxième notification.

2.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de
l'activité étatique, le droit à la protection de la bonne foi préserve la
confiance légitime que le citoyen met dans les assurances reçues des autorités,
lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un
comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636;
129 I 161 consid. 4.1 p. 170; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125; 126 II 377
consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, un
renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger
celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation
en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation
concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée
avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu
se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il
faut encore que celui-ci se soit fondé sur les assurances ou le comportement
dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait
renoncer sans subir de préjudice, et que la réglementation n'ait pas changé
depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p.
637; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les
références).
En application de ce principe, on admet généralement qu'une partie ne doit pas
être lésée par une indication erronée des voies de droit (ATF 115 Ia 12 consid.
4a p. 19; 112 Ia 305 consid. 3 p. 310; cf. également art. 49 LTF et 38 PA). Il
est donc possible que le droit à la protection de la bonne foi conduise à la
prolongation d'un délai légal en raison d'une indication erronée donnée par
l'autorité (ATF 114 Ia 105 consid. 2 p. 107 et les références). Tel est
notamment le cas si l'autorité procède à une deuxième notification avant
l'échéance du délai de recours, en indiquant sans réserve les voies de droit
(ATF 119 V 89 consid. 4b/aa p. 94; 115 Ia 12 consid. 4a et 4c p. 19 ss).

2.2 En l'occurrence, la seconde notification a eu lieu avant l'échéance du
délai de recours et l'autorité a bien précisé que la date déterminante était
celle de cette seconde notification, indiquant ainsi que le délai de recours
serait calculé à compter de celle-ci. Il s'est avéré par la suite que le motif
ayant conduit l'ODM à cette affirmation reposait sur une appréciation erronée,
puisque l'autorité a cru à tort que sa décision avait été notifiée par erreur
au recourant lui-même. Il y a dès lors lieu d'examiner si, au vu de l'éventuel
caractère reconnaissable de cette erreur, le recourant pouvait néanmoins se
fier aux indications de l'ODM quant au nouveau point de départ du délai de
recours, en vertu du principe de la confiance.

2.3 L'autorité est intervenue dans une situation concrète, à l'égard d'une
personne déterminée et dans les limites de ses compétences. Le recourant s'est
fondé sur l'assurance reçue pour prendre une disposition sur laquelle il ne
peut revenir, puisqu'il a recouru après le délai découlant de la première
notification. Enfin, la législation applicable n'a pas changé. La seule
question à résoudre est donc celle de savoir si le recourant pouvait se rendre
compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu.
La décision de l'ODM a été notifiée une première fois le 21 janvier 2008 à
l'avocate du recourant, qui a signé elle-même l'accusé de réception. Il est
donc vrai que la mandataire du recourant aurait pu s'étonner du fait que l'ODM
lui écrive ensuite, dans son courrier du 22 janvier 2008, que la décision avait
été "par erreur [...] directement envoyée à [son] client". Cela étant, si ce
passage du courrier pouvait susciter des doutes quant aux motifs ayant conduit
l'ODM à procéder à un nouvel envoi, le deuxième paragraphe était dénué de toute
équivoque: "Il est clair que la date de notification de ladite décision sera
celle à laquelle vous aurez retiré la présente respectivement celle de
l'écoulement du délai de garde rattaché au présent courrier". L'autorité
compétente a donc manifesté de façon particulièrement claire sa volonté de
fixer le moment de la notification au jour de la réception de son courrier du
22 janvier 2008.
Dans la mesure où l'autorité a très clairement fait part de sa décision
d'arrêter le moment de la notification au jour de la réception de son courrier
du 22 janvier 2008 - soit de fixer un nouveau point de départ du délai de
recours - le destinataire pouvait se fier à cette communication sans devoir
s'interroger sur les raisons qui ont amené l'autorité à procéder de la sorte.
Il n'appartenait dès lors pas à la mandataire du recourant de rechercher les
motivations de l'autorité, de déterminer si son client avait également reçu le
premier envoi ou encore d'interpeller l'ODM pour comprendre en quoi consistait
l'erreur de la première notification. Dans ces circonstances, le Tribunal
administratif ne saurait être suivi lorsqu'il affirme que l'avocate aurait dû
se rendre compte immédiatement de l'erreur de l'autorité et que la diligence
aurait voulu "qu'elle informe l'ODM de l'erreur commise, non qu'elle s'en
satisfasse pour bénéficier d'une prolongation du délai de recours". Au
contraire, compte tenu de la clarté de la communication de l'autorité et des
faibles implications de celle-ci - le délai de recours n'étant en définitive
reporté que de quelques jours - le destinataire du courrier du 22 janvier 2008
pouvait se fier à l'assurance reçue. Par conséquent, le principe de la
confiance imposait de calculer le délai de recours à compter de la seconde
notification, intervenue le 23 janvier 2008, de sorte que le Tribunal
administratif fédéral a violé l'art. 9 Cst. en déclarant le recours irrecevable
pour tardiveté.

3.
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être admis,
l'affaire étant renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle
décision. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4
LTF). Le recourant, assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de
la Confédération, par l'Office fédéral des migrations (art. 68 al. 1 LTF). Dans
ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête d'assistance
judiciaire, devenue sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Tribunal administratif fédéral, Cour III, pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 2000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, à la
charge de la Confédération (Office fédéral des migrations).

4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, à l'Office
fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III.
Lausanne, le 17 juin 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener