Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.149/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_149/2008/col

Arrêt du 12 août 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________, avocat, cours des Bastions 14,

contre

B.________, représenté par Me Robert Assaël, avocat,
Département des institutions du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 1,
1204 Genève,
Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève,
Médiatrice en matière d'information du public et d'accès aux documents,
Chancellerie d'Etat, Direction des affaires juridiques, case postale 3964, 1211
Genève 3,
intimés.

Objet
législation cantonale sur l'information, production du dossier relatif à un
rapport d'audit, appel en cause,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 4 mars
2008.

Faits:

A.
Le 30 octobre 2006, le Chef du Département genevois des institutions (ci-après:
le département) a chargé l'avocat genevois A.________ d'analyser le
fonctionnement de la direction de la police judiciaire genevoise (ci-après:
PJ). Me A.________ a rendu son rapport le 28 février 2007, après avoir entendu
plusieurs membres de la PJ ainsi que son chef, B.________; il faisait état de
divers manquements de ce dernier dans l'exercice de ses fonctions. L'audit a
été remis à l'intéressé le 15 mars 2007 par le Chef du Département, qui lui a
indiqué que, dans sa séance du 7 mars 1997, le Conseil d'Etat avait décidé de
ne pas le reconduire dans ses fonctions; une conférence de presse a été tenue
le même jour, et le rapport a été distribué et publié sur le site internet de
l'Etat de Genève et de la police.
Le 5, puis le 30 avril 2007, B.________ s'est plaint auprès du Chef du
Département de ce que certains journaux avaient eu accès prématurément au
rapport d'audit; il demandait le retrait du rapport du site internet de l'Etat
de Genève, et l'accès à tout le dossier d'audit (procès-verbaux, notes et
documents). Il lui fut répondu que le rapport avait été retiré du site de
l'Etat le 4 mai 2007, mais que le dossier relatif à l'établissement de ce
rapport n'était pas accessible, conformément à l'art. 25 al. 4 de la loi
genevoise sur l'information du public et l'accès aux documents, du 5 octobre
2001 (LIPAD). La médiation instituée par la LIPAD ayant échoué, le Chef du
département a rejeté la demande d'accès, par décision du 22 juin 2007: la
décision de non-confirmation n'étant pas susceptible de recours, B.________ ne
pouvait fonder son droit d'accès sur les règles de la procédure administrative.

B.
B.________ a saisi le Tribunal administratif genevois, en prenant les
conclusions suivantes:
1. [...]
Préalablement

2. Ordonner aux autorités intimées, le cas échéant à A.________, de remettre au
tribunal de céans l'intégralité du dossier relatif à l'établissement du rapport
du 28 février 2007.

[...]

Principalement

5. Annuler la décision du département du 22 juin 2007.

[...]

Sur la transmission du dossier relatif à l'établissement du rapport d'audit:

8. Transmettre, le cas échéant ordonner au département, au Conseil d'Etat et à
Me A.________ de transmettre au recourant l'intégralité du dossier relatif au
rapport d'audit.

Si par impossible le tribunal de céans devait considérer que les procès-verbaux
ne sont pas encore approuvés au sens de l'art. 25 al. 4 LIPAD

9. Soumettre, cas échéant ordonner au département, au Conseil d'Etat et à Me
A.________ de soumettre aux personnes interrogées le procès-verbal les
concernant pour approbation.

10. Les transmettre, cas échéant ordonner au département, au Conseil d'Etat et
à Me A.________, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, de les
transmettre au recourant.

[...]
Le 4 mars 2008, le Tribunal administratif a rendu un arrêt sur partie par
lequel il a mis hors de cause le Conseil d'Etat, ce dernier n'étant pas
l'auteur de la décision attaquée. Le Tribunal administratif a par ailleurs
appelé en cause Me A.________ afin que ce dernier produise son dossier d'ici au
15 avril 2008. Il appartiendrait au Tribunal, en vertu de l'art. 37 al. 4
LIPAD, de déterminer si ce dossier constitue un document au sens de l'art. 25
de la loi. En l'état, les parties n'auraient pas accès à ce dossier tant qu'un
jugement définitif et exécutoire n'aura pas accordé un tel accès (art. 37 al. 4
LIPAD).

C.
A.________ forme un recours en matière de droit public par lequel il demande
l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif en tant qu'il l'appelle en
cause et l'invite à produire son dossier. Il demande l'effet suspensif.
Le Tribunal administratif persiste dans les considérants et dispositif de son
arrêt. Le Conseil d'Etat et le département concluent à l'admission de la
demande d'effet suspensif, sans se déterminer sur le fond. B.________ conclut à
l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
La demande d'effet suspensif a été admise par ordonnance présidentielle du 29
avril 2008.

Considérant en droit:

1.
Le recours est formé dans une cause relevant du droit public. La voie du
recours en matière de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF est en
principe ouverte contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86
al. 1 let. d LTF), sous réserve des conditions de recevabilité posées notamment
aux art. 90 ss LTF.

2.
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué serait final puisqu'outre l'appel en
cause, il comporte une condamnation à produire le dossier, en violation
notamment du secret professionnel. Ce point de vue ne peut être suivi. Une
décision d'appel en cause (à la différence d'un refus d'appel en cause qui
constitue un jugement partiel au sens de l'art. 91 let. b LTF; arrêt 4D_81/2007
du 17 mars 2008 destiné à la publication) est de nature incidente puisqu'elle
ne fait qu'obliger le recourant à participer à la procédure, sans mettre un
terme à cette dernière (ATF 132 I 13 consid. 1.1 p. 15). L'obligation faite au
recourant de produire son dossier est également, à l'instar de toute décision
en matière d'administration de preuves, de nature incidente. Le fait que
l'arrêt attaqué ait un caractère contraignant ne suffit pas à le qualifier de
décision finale.
L'arrêt attaqué ne portant pas sur une question de compétence ou sur une
demande de récusation (art. 92 LTF), il y a lieu de rechercher si les
conditions posées à l'art. 93 LTF sont remplies.

2.1 Selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF les (autres) décisions incidentes peuvent
faire l'objet d'un recours si elles sont susceptibles de causer un préjudice
irréparable. Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 87 OJ, également
applicable à l'art. 93 LTF, le simple fait d'avoir à subir une procédure et les
inconvénients qui y sont liés ne constituent pas un préjudice irréparable (ATF
133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les arrêts cités).
La jurisprudence considère que les décisions concernant l'appel en cause
n'occasionnent pas de préjudice irréparable (ATF 132 I 13 consid. 1.1 p. 15 et
les arrêts cités). Sans doute l'appelé en cause se trouve-t-il impliqué contre
son gré dans une procédure pendante entre des tiers. Il ne s'agit toutefois pas
d'un dommage irréparable, car il conserve la faculté de contester la décision
finale qui lui donnerait tort, en faisant valoir soit que les conditions de
l'appel en cause n'étaient pas réalisées en l'espèce, soit que cette décision a
mal appliqué le droit applicable sur le fond.

2.2 Selon l'art. 93 al. 1 let. b LTF, le recours est également recevable si son
admission peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter
une procédure probatoire longue et coûteuse. La recevabilité du recours
immédiat au sens de cette disposition suppose cumulativement que le Tribunal
fédéral puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant
différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente
et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette
d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid.
2.4.1 et les références citées). Si la première de ces conditions paraît
réalisée en l'espèce, il n'en va pas de même de la seconde. En effet, la
contestation porte au fond sur la communication d'un dossier qui se trouverait
en mains du recourant. L'instruction de la cause est a priori limitée à la
production de ce dossier et à son examen par le Tribunal administratif afin de
déterminer l'existence d'un droit d'accès fondé sur la LIPAD. Rien ne permet
par conséquent de penser que le recourant se trouve exposé à une procédure
longue et coûteuse (cf., s'agissant de cette dernière condition, ATF 134 II 142
consid. 1.2.4).

2.3 L'arrêt attaqué comporte également l'obligation pour le recourant de
produire le dossier qui serait en sa possession. Il s'agit là d'une ordonnance
de preuves, de nature incidente, ne causant pas de dommage irréparable (ATF 134
III 188).

2.4 En définitive, l'ensemble des arguments soulevés par le recourant
(violation de son droit d'être entendu dans la procédure d'appel en cause,
violation de l'obligation de motiver la décision prise à ce sujet, arbitraire
dans l'application des dispositions cantonales de procédure) pourra être repris
dans le cours ultérieur de la procédure: le recourant pourra en effet expliquer
? alors qu'il n'a pas pu le faire jusqu'à présent ? les raisons pour lesquelles
il estime ne pas devoir produire son dossier. En l'état, l'arrêt attaqué ne
porte pas atteinte au secret professionnel puisqu'il n'autorise pas l'accès au
dossier par un tiers (arrêt 1P.604/2005 du 15 novembre 2005; RJB 130/1994 p.
86); il appartiendra encore au Tribunal administratif de statuer préalablement
sur l'application de l'art. 25 LIPAD.
Le recours est par conséquent irrecevable. Conformément aux art. 66 al. 1 et 68
al. 2 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant, de même
qu'une indemnité de dépens allouée à l'intimé B.________. Le délai imparti par
le Tribunal administratif au recourant pour produire son dossier, dépassé en
raison de l'effet suspensif accordé au recours, est fixé au 15 septembre 2008.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est déclaré irrecevable; le délai imparti au recourant pour produire
son dossier est fixé au 15 septembre 2008.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée à l'intimé B.________, à la
charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif du
canton de Genève.
Lausanne, le 12 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz