Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.111/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_111/2008/col

Arrêt du 8 août 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
Commune de Vevey, 1800 Vevey,
recourante,
représentée par Me Philippe Vogel, avocat,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Romano Buob, avocat,
Département des infrastructures du canton de Vaud, place de la Riponne 10, 1014
Lausanne,
représenté par Me Benoît Bovay, avocat.

Objet
permis de construire; remise en état,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 5 février
2008.

Faits:

A.
A.________ est propriétaire d'un appartement situé au dernier étage de
l'immeuble bâti sur la parcelle n° 829 du registre foncier de Vevey, en zone I:
habitation, commerce, administration "Vieille ville". Selon la fiche que lui
consacre le recensement architectural du canton de Vaud, l'immeuble en
question, construit à la fin du 18ème siècle, est un monument d'importance
régionale. La fiche précise qu'il est un des rares bâtiments de cette
importance couvert d'un toit à la Mansart. Par arrêté du 26 août 1981, le
Conseil d'Etat du canton de Vaud a ordonné le classement de l'immeuble.
Le toit du bâtiment est composé de trois segments de toiture à deux pans
affectant la forme d'un "U" et entourant la partie centrale de l'immeuble où se
trouvent, en contrebas, une verrière ainsi qu'un toit de faible pente constitué
de feuilles de cuivre. A une date indéterminée, cette dernière partie du toit a
été partiellement recouverte d'un lattage afin d'aménager une terrasse, sur
laquelle a été installé un jacuzzi. Situé sur une partie surélevée de la
terrasse, ce jacuzzi est de forme carrée et mesure 1,90 m de côté.
Ces aménagements ayant été effectués sans autorisation, ils ont fait l'objet
d'une enquête publique pour "mise en conformité" du 1er juin au 2 juillet 2007.
Le 11 juin 2007, le Département cantonal des infrastructures (ci-après: le
département) a présenté une synthèse des avis exprimés par les instances
cantonales consultées. Il en ressort que le Service cantonal "immeubles,
patrimoine et logistique, section monuments et sites" a délivré une
autorisation spéciale au sens des art. 17 et 51 de la loi cantonale sur la
protection de la nature, des monuments et des sites (LPNMS; RS/VD 450.11). Il
précisait toutefois ce qui suit, à titre de condition impérative à l'octroi de
l'autorisation spéciale: "La pose d'un jacuzzi sur une terrasse d'un bâtiment
inscrit à l'inventaire constitue un précédent peu souhaitable. Dès lors la
Section demande que celui-ci soit enlevé".
Le permis de construire a été délivré le 13 août 2007. Il indique que le 19
juillet 2007 la Municipalité de Vevey a décidé d'autoriser le maintien de la
terrasse en dérogation à l'art. 43 du règlement communal sur les constructions
du 28 novembre 1952 et de requérir la suppression du jacuzzi.

B.
A.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du
canton de Vaud en faisant valoir en substance que le jacuzzi était un élément
mobilier qui pouvait être déplacé, qu'il n'était pas visible et qu'il ne
dérangeait en rien le voisinage. Par arrêt du 5 février 2008, le Tribunal
administratif a admis le recours. Il a laissé ouverte la question de savoir si
l'installation litigieuse était dispensée d'autorisation selon l'art. 103 de la
loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC). En
substance, il a considéré que, même sur un immeuble classé, il n'y avait pas
lieu d'interdire l'installation d'un jacuzzi sur une terrasse aménagée en
toiture dans un endroit sans intérêt particulier et dissimulé à la vue des
environs par la forme particulière de la toiture.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours
constitutionnel subsidiaire, la Commune de Vevey, représentée par sa
Municipalité, demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de confirmer
les décisions rendues par le département le 11 juin 2007 et par la municipalité
le 13 août 2007, ordonnant la suppression du jacuzzi. Subsidiairement, elle
conclut au renvoi de la cause en dernière instance cantonale pour nouvelle
décision dans le sens d'une confirmation des décisions précitées. Le
Département cantonal des infrastructures a présenté des observations; il
conclut à l'admission du recours en matière de droit public et requiert une
inspection locale. Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et conclut
au rejet du recours. A.________ s'est déterminée et conclut également au rejet
du recours.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public des
constructions, le recours est recevable comme recours en matière de droit
public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art.
83 LTF n'étant réalisée. Selon l'art. 89 al. 2 let. c LTF, les communes peuvent
agir en invoquant la violation de garanties qui leur sont reconnues par la
Constitution cantonale ou fédérale. La recourante invoque l'autonomie
communale, garantie par les art. 50 Cst. et 139 Cst./VD, et se prévaut en
particulier de ses compétences dans le domaine de la police des constructions.
Elle a dès lors la qualité pour recourir. La question de savoir si la commune
est effectivement autonome dans le domaine litigieux est une question de fond,
qui n'a pas d'incidence sur la recevabilité du recours (ATF 129 I 410 consid.
1.1 p. 412 et les références). Pour le surplus, interjeté en temps utile et
dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral,
le recours respecte les exigences des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1
LTF. Le recours en matière de droit public est par conséquent recevable, ce qui
entraîne l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113
LTF).

2.
Le Département cantonal des infrastructures, qui conclut à l'admission du
recours en matière de droit public, requiert une inspection locale. Vu l'issue
du recours, cette requête devient sans objet.

3.
La recourante invoque l'autonomie communale et allègue que l'arrêt attaqué
aurait méconnu ses compétences dans le cas d'espèce.

3.1 Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les
limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la protection de
son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon
exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale,
conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision relativement
importante. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière
concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation
cantonales (ATF 133 I 128 consid. 3.1 p. 131; 129 I 410 consid. 2.1 p. 412; 128
I 3 consid. 2a p. 8; 126 I 133 consid. 2 p. 136 et les arrêts cités). Il n'est
pas nécessaire que la commune soit autonome pour l'ensemble de la tâche
communale en cause; il suffit qu'elle soit autonome dans le domaine litigieux
(ATF 133 I 128 consid. 3.1 p. 131; 122 I 279 consid. 8b p. 290; 110 Ia 197
consid. 2a p. 199 s. et les arrêts cités).

3.2 En droit cantonal vaudois, les communes jouissent d'une autonomie maintes
fois reconnue lorsqu'elles définissent, par des plans, l'affectation de leur
territoire, et lorsqu'elles appliquent le droit des constructions (cf.
notamment ATF 108 Ia 74 consid. 2b p. 76 s.), en particulier lorsqu'il s'agit
de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre
l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue
(ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118 s., 363 consid. 3b p. 367; arrêts 1P.402/2006
du 6 mars 2007, consid. 3, 1P.167/2003 consid. 3 publié in RDAF 2004 p. 114).

3.3 En l'occurrence, l'immeuble sur lequel l'intimée a installé son jacuzzi a
été classé par arrêté du Conseil d'Etat du canton de Vaud du 26 août 1981. Cet
arrêté prévoit que le classement s'étend à l'ensemble du bâtiment et au mur du
jardin (art. 2) et que "toutes réparations, modifications ou transformations
des parties classées devront, au préalable, recevoir l'approbation du
Département des travaux publics" (art. 3). Il s'ensuit que les travaux
entrepris par l'intimée étaient soumis à une autorisation préalable du
département, conformément à l'art. 23 LPMNS, applicable par renvoi de l'art. 54
LPMNS. Comme le département l'a relevé dans la procédure cantonale, la mention
dans la synthèse du 11 juin 2007 des art. 17 et 51 LPMNS résulte d'une erreur,
dès lors que l'immeuble ne figure pas seulement à l'inventaire mais qu'il fait
l'objet d'une mesure de classement.
Avant de délivrer le permis de construire, la municipalité doit vérifier si
cette autorisation préalable nécessaire a été délivrée (art. 104 al. 2 LATC).
Il n'en demeure pas moins que c'est la municipalité qui reste compétente pour
délivrer le permis et qu'elle conserve par conséquent un pouvoir de décision.
Ainsi, même si le département délivre l'autorisation préalable, il n'est pas
exclu que la municipalité puisse refuser le permis pour d'autres motifs. Elle
pourrait notamment le faire en application de l'art. 86 al. 2 LATC, qui prévoit
que la municipalité "refuse le permis pour les constructions ou les démolitions
susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une
localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de
valeur historique, artistique ou culturelle". Elle peut le cas échéant se
fonder également sur son règlement communal des constructions. En définitive,
la municipalité est autonome dans ce domaine.

4.
4.1 Lorsqu'elle est reconnue autonome dans un domaine spécifique, une commune
peut dénoncer tant les excès de compétence d'une autorité cantonale de contrôle
ou de recours que la violation par celle-ci des règles du droit fédéral,
cantonal ou communal qui régissent la matière (ATF 128 I 3 consid. 2b p. 9; 126
I 133 consid. 2 p. 136). Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation
du droit constitutionnel; en revanche, il vérifie l'application de règles de
rang inférieur à la constitution cantonale sous l'angle restreint de
l'arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 128 I 3 consid. 2b p. 9; 122 I 279 consid. 8b p.
290 et la jurisprudence citée). Dans ce cas, il ne s'écarte de la solution
retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13
consid. 5.1 p. 17, 175 consid. 1.2 p. 177 et les arrêts cités).

4.2 En l'espèce, le Tribunal administratif a laissé indécise la question de
savoir si le jacuzzi pouvait être dispensé d'autorisation en application de
l'art. 103 LATC. Il a cependant considéré que le classement de l'immeuble ne
s'opposait pas à l'autorisation de l'installation litigieuse, dès lors que
celle-ci n'était pas visible de la rue et des bâtiments alentours. Ce faisant,
il apprécie la situation sous l'angle de la LPNMS. Cette appréciation, qui
s'écarte de celle de l'autorité de première instance et du département, peut
sembler discutable. En effet, le jacuzzi litigieux est installé sur le toit du
bâtiment, dont les caractéristiques paraissent avoir été déterminantes dans la
décision de protéger l'immeuble en question. De plus, la mesure de classement a
pour but d'assurer la conservation de la substance du bâtiment et le maintien
de son intégrité matérielle (cf. Philip Vogel, La protection des monuments
historiques, thèse Lausanne 1982, p. 97; Philippe Gardaz, La protection du
patrimoine bâti en droit vaudois, in RDAF 1992, p. 8), si bien que la question
de savoir si les atteintes portées à l'immeuble dans sa substance sont visibles
de la rue, du ciel ou même seulement de l'intérieur du bâtiment ne semble pas
décisive. Cela étant, même si l'appréciation du Tribunal administratif peut
prêter le flanc à la critique, cela ne suffit pas pour considérer que la LPNMS
a été appliquée de façon arbitraire au sens de la jurisprudence susmentionnée,
ce que la recourante ne démontre au demeurant pas. On ne saurait dès lors
constater une violation de l'autonomie communale en raison d'une application
arbitraire du droit cantonal.

4.3 En revanche, en statuant définitivement à la place de la municipalité, le
Tribunal administratif a privé cette autorité de ses compétences primaires en
matière de délivrance du permis de construire. En effet, comme exposé ci-dessus
(cf. supra consid. 3.3), même si l'autorisation préalable requise par les art.
23 et 54 LPMNS est délivrée, la municipalité reste libre de refuser
l'autorisation de construire pour d'autres motifs, que ce soit sur la base de
l'art. 86 al. 2 LATC ou en se fondant sur son règlement communal sur les
constructions, qui contient des prescriptions sur les toitures (art. 43) et qui
prévoit que la municipalité n'admet des projets de réfection et de
transformation qu'à certaines conditions lorsqu'il s'agit de monuments ou de
bâtiments à sauvegarder (art. 45). Il n'apparaît donc pas d'emblée exclu que la
municipalité puisse refuser l'installation litigieuse pour les raisons qu'elle
invoque dans son recours, en particulier le souci de préserver sa zone "vieille
ville". Quoi qu'il en soit, c'est à l'autorité communale compétente qu'il
appartient de trancher ces questions en première instance. Si elle ne l'a pas
fait dans le cas particulier, c'est en raison du refus du département de
délivrer une autorisation préalable pour le jacuzzi, ce qui rendait superflu un
examen de l'installation litigieuse sous l'angle des dispositions légales et
réglementaires précitées. Par conséquent, si l'autorité cantonale de recours
entendait remettre en cause la décision du département refusant l'autorisation
préalable, il lui appartenait de renvoyer l'affaire à la municipalité pour
qu'elle statue sur les autres aspects du droit des constructions qui relèvent
de sa compétence. En privant la recourante de la possibilité de le faire, le
Tribunal administratif a excédé sa compétence et a dès lors violé l'autonomie
communale.

5.
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être admis et que
l'arrêt attaqué doit être réformé en ce sens que la cause est renvoyée à la
municipalité pour qu'elle statue sur les questions de droit des constructions
qui ne relèvent pas de la LPNMS (art. 107 al. 2 LTF). Il y a lieu de préciser
que la question de l'application de l'art. 103 LATC est réservée, le Tribunal
administratif l'ayant laissée indécise. Il appartiendra donc à la municipalité
d'examiner en premier lieu si la construction litigieuse peut ou non être
dispensée d'autorisation au sens de cette disposition. L'intimée, qui succombe,
doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est
pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière de droit public est admis.

3.
Le chiffre II du dispositif de l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la
cause est renvoyée à la municipalité pour qu'elle statue sur les questions de
droit des constructions qui ne relèvent pas de la LPNMS.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et du Département
des infrastructures du canton de Vaud ainsi qu'au Tribunal administratif du
canton de Vaud.
Lausanne, le 8 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener