Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.110/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_110/2008/col

Arrêt du 19 mai 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________,
recourante, représentée par Me André Malek-Asghar, avocat,

contre

Office fédéral des migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne.

Objet
refus de naturalisation facilitée; recours tardif,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 22
janvier 2008.

Considérant en fait et en droit:

1.
Par décision du 7 novembre 2007, l'Office fédéral des migrations a refusé la
naturalisation facilitée de A.________. Cette décision a été notifiée le
lendemain au mandataire de celle-ci, Me B.________, avocat à Genève.
L'intéressée a recouru elle-même auprès du Tribunal administratif fédéral, par
écriture datée du 12 décembre 2007 et remise deux jours plus tard au guichet du
Consulat général de Suisse à Los Angeles (USA).
Par arrêt du 22 janvier 2008, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le
recours irrecevable, au motif que le délai de recours était arrivé à échéance
le 10 décembre 2007 et que la recourante ne pouvait pas se prévaloir d'un
empêchement non fautif au sens de l'art. 24 al. 1 de la loi fédérale sur la
procédure administrative (PA; RS 172.021), applicable par renvoi de l'art. 37
de la loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF; RS 173.32).
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause au Tribunal
administratif fédéral pour qu'il rende une décision sur le fond. Elle se plaint
d'une violation de l'art. 24 al. 1 PA et invoque l'interdiction de l'arbitraire
(art. 9 Cst.). Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à présenter des
observations. L'Office fédéral des migrations s'est déterminé; il conclut au
rejet du recours.

2.
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou
compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des
lacunes ou erreurs dans l'établissement de celui-ci lui apparaîtraient d'emblée
comme manifestes. De plus, conformément à l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente. Cette exclusion vaut notamment pour les
faits et moyens de preuve postérieurs à la décision attaquée, lesquels ne
peuvent être présentés dans le cadre d'un recours au Tribunal fédéral (Message
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28
février 2001, FF 2001 p. 4137; ATF 133 IV 342 consid. 2.1 et les références
citées).
En l'espèce, la recourante présente des faits nouveaux à l'appui de son
recours: elle allègue qu'elle avait des "problèmes psychologiques, notamment
d'angoisses" si importants qu'elle était fréquemment victime de crises de
panique. Elle dépose également des pièces nouvelles, à savoir un article sur
les crises de panique, une attestation du 4 avril 2008 d'un psychologue de
Beverly Hills (USA), selon laquelle elle aurait souffert d'angoisses, de
paniques et de vertiges entre septembre 2007 et janvier 2008 et une attestation
du 7 mai 2008 d'un médecin de Santa Monica (USA), selon laquelle elle était
suivie depuis décembre 2007 pour des vertiges, pour un test de sang et pour un
examen physique complet en deux visites. Dès lors que ce n'est pas la décision
de l'autorité précédente qui justifie pour la première fois de présenter ces
nouveaux moyens, ils ne sauraient être pris en considération. Seul est donc
déterminant l'état de fait de l'arrêt attaqué, dans la mesure où il ne présente
pas de lacunes ou d'erreurs manifestes.

3.
La recourante fait d'abord grief au Tribunal administratif fédéral d'avoir
violé l'art. 24 al. 1 PA en considérant qu'elle n'avait pas été empêchée d'agir
sans faute au sens de cette disposition.

3.1 Aux termes de l'art. 24 al. 1 PA, si le requérant ou son mandataire a été
empêché, sans sa faute, d'agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour
autant que, dans les trente jours à compter de celui où l'empêchement a cessé,
le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et
ait accompli l'acte omis. Est réservé l'art. 32 al. 2 PA, qui prévoit que
l'autorité peut prendre en considération des allégués tardifs s'ils paraissent
décisifs.
La jurisprudence a interprété la notion d'empêchement non fautif principalement
dans le cadre de l'application de l'ancien art. 35 OJ, qui prévoyait les mêmes
conditions de restitution de délai que l'art. 24 al. 1 PA; cette jurisprudence
est ainsi également applicable pour l'interprétation de cette dernière
disposition. Il en va de même de la jurisprudence relative à l'art. 50 LTF,
dont la formulation est semblable (cf. arrêt 2C_98/2008 du 12 mars 2008 consid.
3). Par empêchement non fautif, il faut entendre non seulement l'impossibilité
objective, comme la force majeure, mais également l'impossibilité subjective
due à des circonstances personnelles ou à l'erreur (cf. ATF 96 II 262 consid.
1a p. 265; Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, Vol. I, Berne 1990, n. 2.3 ad art. 35). Lorsqu'une partie a chargé
un mandataire d'agir pour elle et que celui-ci n'est pas empêché, elle ne
saurait en principe se prévaloir de son propre empêchement (ATF 114 II 181
consid. 2 p. 182 s.; Jean-François Poudret, op. cit., n. 2.4 ad art. 35 et les
références). De plus, la faute du mandataire ou d'un auxiliaire est imputable à
la partie elle-même (arrêt 1P.829/2005 du 1er mai 2006, consid. 3.3 publié in
SJ 2006 I p. 449 et les arrêts cités).
La maladie peut constituer un empêchement non fautif au sens de l'art. 24 al. 1
PA. Pour cela, il faut que l'intéressé ait non seulement été empêché d'agir
lui-même dans le délai, mais encore de charger un tiers d'accomplir les actes
de procédure nécessaires (ATF 119 II 86 consid. 2a p. 87). Seule la maladie
survenant à la fin du délai de recours et empêchant la partie de défendre
elle-même ses intérêts ainsi que de recourir à temps aux services d'un tiers
constituerait un empêchement non fautif (ATF 112 V 255 consid. 2a p. 256 et les
références). Une éventuelle restitution du délai de recours doit être appréciée
au regard de l'argumentation présentée par le requérant (ATF 119 II 86 consid.
2b p. 88 et les références).

3.2 Devant le Tribunal administratif fédéral, la recourante avait implicitement
sollicité la restitution du délai de recours en exposant à l'autorité intimée
qu'elle souffrait depuis quelques mois d'intenses vertiges, de pertes de
conscience, de nausées et de problèmes auditifs. Elle indiquait en outre que
son avocat l'avait informée - au plus tard le 13 novembre 2007 - du rejet de sa
demande de naturalisation et qu'il l'avait rappelée le 10 décembre 2007 pour
lui déconseiller de recourir en raison de chances de succès qu'il estimait
nulles. Elle avait alors suivi l'avis de son avocat car elle était "faible,
malade, seule et sans aucune aide extérieure", mais elle s'était ravisée le
lendemain.
Sur le vu de ces explications, le Tribunal administratif fédéral pouvait
considérer sans violer l'art. 24 al. 1 PA que la recourante ne souffrait pas
d'une maladie de nature à l'empêcher de défendre elle-même ses intérêts ou de
recourir à temps aux services d'un tiers. D'une part, les troubles qu'elle
décrit ne paraissent pas à eux seuls constitutifs d'une maladie qui aurait
rendu impossible toute démarche avant l'échéance du délai de recours et ils ne
sont pas survenus à la fin de ce délai puisqu'elle disait en avoir souffert
"ces derniers mois". D'autre part, elle avait déjà mandaté un avocat, qui a
bien reçu la décision de refus le 8 novembre 2007, qui l'en a informée peu
après et qui l'a conseillée le 10 décembre 2007 après avoir étudié les chances
de succès d'un éventuel recours. Elle a donc été en mesure de faire défendre
ses intérêts par un tiers et elle doit se laisser imputer l'inaction de son
mandataire, ce dernier n'ayant lui-même pas été empêché d'agir sans sa faute.
Il n'y a donc pas eu de violation de l'art. 24 al. 1 PA.

4.
La recourante reproche également au Tribunal administratif fédéral d'avoir fait
preuve d'arbitraire en omettant d'instruire sur ses problèmes médicaux et en
évaluant lui-même la gravité des troubles allégués.

4.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 133
I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p.
219; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178). En matière d'appréciation des preuves et
d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a
manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne
prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à
modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des
éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41).

4.2 En l'occurrence, les troubles allégués (vertiges, pertes de conscience,
nausées et problèmes auditifs) ne nécessitaient pas d'investigations
particulières pour parvenir à la conclusion qu'ils ne constituaient pas un
empêchement non fautif au sens de l'art. 24 al. 1 PA, ce d'autant moins que la
recourante avait pu mandater un avocat pour la représenter. De plus,
contrairement à ce que la recourante soutient, elle n'avait aucunement "offert
de prouver l'existence et les conséquences des troubles psychologiques dont
elle souffre", mais elle s'était limitée à énumérer les problèmes de santé
précités. Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi il était manifestement
insoutenable de renoncer à des actes d'instructions supplémentaires et
l'appréciation de l'autorité intimée ne saurait être qualifiée d'arbitraire au
sens de la jurisprudence susmentionnée.

5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Office
fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III.
Lausanne, le 19 mai 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener