Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.220/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_220/2008 ajp

Arrêt du 26 août 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

Parties
X.________, actuellement en détention
préventive à la Prison du Bois-Mermet,
chemin du Bois-Gentil 2, 1018 Lausanne,
recourant, représenté par Me Alain Dubuis, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne.

Objet
Détention préventive,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 3 juillet 2008.

Faits:

A.
Le 3 avril 2008, A.________ a déposé une plainte pénale pour viol contre son
voisin, X.________. Ce dernier aurait sonné à sa porte dans la nuit du 2 au 3
avril 2008, puis l'aurait saisie au visage, lui plaquant une main sur la
bouche; il l'aurait ensuite contrainte à s'agenouiller puis pénétrée
vaginalement avant de rentrer chez lui. X.________ a été interpellé le 4 avril
2008 et placé en détention préventive. Il a nié les accusations portées contre
lui et déclaré avoir entretenu un acte sexuel librement consenti avec la
plaignante dans son appartement.
Le 20 mai 2008, X.________ a sollicité sa mise en liberté provisoire avec effet
immédiat. Par ordonnance du 23 mai 2008, le Juge d'instruction de
l'arrondissement du Nord vaudois a écarté cette requête. Le Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal
cantonal) a confirmé cette décision au terme d'un arrêt rendu le 3 juillet 2008
sur recours du prévenu. Il a estimé que les présomptions de culpabilité étaient
suffisantes et que la détention s'imposait en raison d'un risque concret et
élevé de récidive.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ demande au
Tribunal fédéral principalement de réformer cet arrêt en ce sens que sa mise en
liberté provisoire est immédiatement ordonnée et subsidiairement de l'annuler.
Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. Le Procureur
général du canton de Vaud conclut au rejet du recours. Invité à répliquer,
X.________ a persisté dans les conclusions de son recours.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt relatif au maintien en détention est une décision en matière pénale au
sens de l'art. 78 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110).
Rendu en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), il peut faire l'objet
d'un recours en matière pénale. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose
sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art.
59 du Code de procédure pénale vaudois (CPP/VD). Elle doit en outre
correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un
danger pour la sécurité ou l'ordre public, par un risque de fuite ou par les
besoins de l'instruction (cf. art. 59 ch. 1 à 3 CPP/VD). La gravité de
l'infraction et l'importance de la peine encourue ne sont, à elles seules, pas
suffisantes (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70).
Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des
charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1
let. c CEDH; ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144; art. 59 in initio CPP/VD).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268
consid. 2d p. 271).

3.
Le recourant conteste l'existence de présomptions de culpabilité à son égard.
Il estime qu'au stade de la procédure, les éléments à charge seraient
insuffisants.

3.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien
en détention préventive, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée
complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des
éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner
s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure.
L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive
n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons,
même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de
l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable
après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143
consid. 3c p. 146).

3.2 En l'occurrence, le recourant est accusé de s'être rendu en pleine nuit
chez sa voisine pour la contraindre à entretenir une relation sexuelle. En
l'absence de témoins directs, ces accusations se fondent essentiellement sur
les déclarations de la plaignante que le Tribunal cantonal a jugées crédibles
au regard des lésions constatées sur la victime par l'Institut universitaire de
médecine légale, à Lausanne, du témoignage de B.________ et de la présence de
trace de sperme du prévenu sur la culotte de la jeune femme. Le recourant
estime à tort ces éléments insuffisants.

L'examen clinique auquel s'est livrée la plaignante deux jours environ après
les faits a révélé la présence de dermabrasions au niveau du côté droit du nez,
de la partie cutanée droite de la lèvre supérieure et de la face antérieure de
la jambe droite ainsi qu'une petite rougeur au niveau de la nuque. De l'avis
des médecins, les lésions observées au niveau du visage peuvent avoir été
provoquées au moment et selon le mécanisme proposés par l'intéressée. La cour
cantonale n'a donc pas apprécié de manière arbitraire les conclusions de
l'examen clinique en admettant que les constatations médicales se trouvaient en
adéquation avec la version des faits de la plaignante. L'absence de lésions
sous-cutanées ou de lésions apparentes sur les membres supérieurs de la jeune
femme et, plus particulièrement, sur le bras gauche que le recourant aurait
maintenu avec une forte pression ou au niveau de la nuque ne suffit pas pour
écarter la thèse de la plaignante, dans la mesure où les médecins précisent que
certaines lésions ont pu disparaître entre le moment des faits et leur examen
et que certains traumatismes ne laissent pas nécessairement de traces visibles.
La plaignante a relaté la même version des faits à sa meilleure amie,
B.________, qu'elle a appelée depuis l'hôpital. Celle-ci l'a trouvée dans un
état d'angoisse et de peur qu'elle ne lui connaissait pas. La cour cantonale
pouvait donc voir sans arbitraire un indice de la crédibilité des accusations
de la plaignante dans ce témoignage. Enfin, le recourant a toujours affirmé ne
pas avoir éjaculé. Il explique la présence de son sperme sur la culotte de la
plaignante par la possibilité qu'il ait néanmoins éjaculé sans s'en rendre
compte étant donné les problèmes érectiles dont il souffre dus au traitement
médical suivi ou que du liquide séminal se soit simplement trouvé sur son sexe
en érection, sans qu'il y ait eu pour autant éjaculation. Il appartiendra au
juge du fond d'apprécier la valeur de cette argumentation. Le juge de la
détention pouvait de manière soutenable admettre que la présence de sperme sur
la culotte de la plaignante venait corroborer la version des faits de la
plaignante.
Cela étant, on ne saurait reprocher au Tribunal cantonal d'avoir privilégié, à
ce stade de la procédure, les déclarations de la plaignante sur la réalité d'un
abus sexuel avec violence et retenu la présence d'indices sérieux de
culpabilité à l'encontre du recourant sur la base des éléments évoqués dans
l'arrêt attaqué.

4.
Le recourant conteste également l'existence d'un risque de récidive propre à
justifier son incarcération.

4.1 Le maintien en détention préventive se justifie s'il y a lieu de présumer,
avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive. Il
convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque: le
maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic
est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération
sont graves (ATF 133 I 270 consid. 2.2 p. 276; 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361
consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et
les arrêts cités). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans
l'exigence de la vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou
de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est
alors considéré comme trop important; en pareil cas, il y a lieu de tenir
compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son
agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le principe de la
proportionnalité impose enfin à l'autorité qui estime se trouver en présence
d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si l'ordre public pourrait
être sauvegardé par une autre mesure moins incisive que le maintien en
détention, propre à atteindre le même résultat, telle que la mise en place
d'une surveillance médicale, l'obligation de se présenter régulièrement à une
autorité ou l'instauration d'autres mesures d'encadrement (ATF 133 I 270
consid. 2.2 p. 276; 123 I 268 consid. 2c in fine et 2e p. 270/271 et les arrêts
cités).

4.2 En l'occurrence, l'infraction reprochée au recourant concerne un crime
contre l'intégrité sexuelle pour lequel le juge de la détention peut se montrer
moins strict dans l'exigence de la vraisemblance du risque de récidive. Le
recourant se réfère en vain à un précédent arrêt rendu par le Tribunal cantonal
le 9 octobre 2007 dans le cadre d'une autre enquête pénale instruite à son
encontre pour démontrer l'absence d'un tel risque. La cour cantonale avait
ordonné la libération immédiate du recourant détenu préventivement au motif que
le risque de récidive ne pouvait plus se fonder sur les infractions de lésions
corporelles simples ou de menaces envers un ex-détenu, car le plaignant avait
retiré sa plainte, les menaces proférées à l'encontre d'un contrôleur de train
étant jugées insuffisantes à fonder un tel risque. Rien n'indique que
l'appréciation du risque de récidive aurait été la même si la plainte avait été
maintenue. Quoi qu'il en soit, l'infraction pour laquelle X.________ est
aujourd'hui poursuivi est autrement plus grave et pouvait conduire à une
appréciation différente du risque de récidive. Ce risque n'est pas théorique.
En effet, le recourant a notamment été condamné en novembre 2002 pour une
tentative de viol commise sur son ex-petite amie en usant de sa force physique.
Il a fait l'objet de trois rapports d'expertise, dont le dernier en date a été
établi le 8 février 2008 par le Docteur Serge Didisheim, médecin adjoint au
Centre de Psychiatrie du Nord Vaudois. Ce dernier confirme la présence chez
l'expertisé d'un trouble de la personnalité émotionnellement labile, de type
impulsif, qui s'exprime par des débordements impulsifs et une difficulté à
respecter les règles. Il qualifie le risque de récidive d'élevé compte tenu des
antécédents du recourant et préconise une reprise de traitement
psychothérapeutique de manière à diminuer ce risque. Il n'était nullement
arbitraire de se référer à cette expertise quand bien même elle n'a pas été
recueillie dans la présente procédure pénale pour viol dans la mesure où elle
est récente et pose un diagnostic qui reste toujours d'actualité. Dans ces
conditions, le Tribunal cantonal pouvait conclure à l'existence d'un risque
concret et élevé de récidive.

4.3 Le recourant reproche enfin au Tribunal cantonal d'avoir violé le principe
de la proportionnalité en n'examinant pas si d'autres mesures que son maintien
en détention provisoire pouvaient être ordonnées. La poursuite du traitement
psychothérapeutique entrepris sur une base volontaire auprès du Docteur Ben
Mevarek et l'engagement de ne pas entrer en contact sous quelque forme que ce
soit avec la plaignante constitueraient, selon lui, des mesures suffisantes
pour pallier le risque de récidive. Le recourant n'a nullement fait état d'un
tel suivi psychothérapeutique pour justifier sa mise en liberté provisoire,
mais il s'est tout au plus déclaré disposé à suivre un tel traitement. Dans ces
conditions, l'on ne saurait guère reprocher au Tribunal cantonal de ne pas
avoir ordonné la libération immédiate du recourant moyennant une prise en
charge psychothérapeutique. Quoi qu'il en soit, le recourant n'a donné aucune
indication sur le traitement psychothérapeutique auquel il déclare se soumettre
actuellement, qui permettrait d'admettre avec le degré de vraisemblance voulue
que cette mesure serait suffisante pour pallier le risque de récidive mis en
évidence par les experts. S'agissant notamment d'infractions contre l'intégrité
physique et sexuelle, il convient de se montrer particulièrement circonspect
dans l'appréciation des mesures susceptibles d'être prises pour pallier au
risque de récidive. Dans la mesure où l'impulsivité du recourant s'est
manifestée à l'encontre d'autres personnes que la plaignante, l'engagement pris
de ne pas entrer en contact avec la jeune femme n'est pas suffisant pour
garantir qu'il ne procédera pas à de nouveaux actes de violence avec ou sans
connotation sexuelle.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance
judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Alain Dubuis est désigné
comme avocat d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Le recourant
est dispensé des frais judiciaires (art. 64 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Alain Dubuis est désigné
comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'000 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral; il
n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, ainsi qu'au
Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.
Lausanne, le 26 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin