Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.150/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_150/2008/col

Arrêt du 20 juin 2008
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Fabien Mingard, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014
Lausanne.

Objet
refus de mise en liberté provisoire,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 30 mai 2008.

Faits:

A.
A.________ se trouve en détention préventive depuis le 8 mars 2008. Il est
prévenu de tentative de meurtre, subsidiairement de mise en danger de la vie
d'autrui, voies de fait, injures et contrainte. Le 7 mars 2008, au cours d'une
dispute avec son ex-épouse B.________, le prévenu, sous l'influence de
l'alcool, l'avait giflée à plusieurs reprises en la tenant par les cheveux; il
lui avait ensuite serré le cou, ne relâchant son étreinte qu'après avoir
constaté que la victime ne pouvait plus respirer et était sur le point de
s'évanouir; il l'avait encore retenue en lui mettant la main devant la bouche
lorsqu'elle avait tenté d'appeler de l'aide. Le 14 mars 2008, le Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le juge d'instruction)
a considéré que le risque de récidive n'était plus avéré et a ordonné la
libération du prévenu.
Par arrêt du 3 avril 2008, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a admis le recours formé contre
cette décision par le Ministère public et a ordonné le maintien en détention
préventive. Il a relevé que A.________ connaissait des problèmes d'alcool
depuis de nombreuses années et qu'il admettait devenir violent après avoir bu.
Il était donc nécessaire de prévoir une prise en charge avant toute mise en
liberté. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière pénale formé contre
cet arrêt, considérant qu'une libération ne pouvait être envisagée sans savoir
préalablement quel suivi sera effectivement mis en place afin de réduire au
maximum le risque de récidive (arrêt 1B_94/2008 du 9 mai 2008).

B.
Le 7 mai 2008, A.________ a présenté une demande de mise en liberté provisoire,
à l'appui de laquelle il a déposé un courrier du 6 mai 2008 de la Fondation
vaudoise contre l'alcoolisme. Aux termes de ce courrier, le prénommé est
disposé à engager un suivi alcoologique ambulatoire auprès de la fondation
ainsi qu'un suivi régulier auprès de son médecin traitant. Le suivi ambulatoire
pourrait démarrer dès la sortie de prison, "à raison de deux fois par mois
durant deux mois et, par la suite, à raison d'un entretien chaque trois
semaines ou chaque mois selon l'évolution de sa situation". Par ailleurs, le
médecin traitant de A.________ reste "disponible pour un suivi régulier".
Par ordonnance du 8 mai 2008, le juge d'instruction a rejeté la demande de mise
en liberté provisoire, au motif que le suivi proposé par l'intéressé était peu
approprié à atteindre le but recherché. Par arrêt du 30 mai 2008, le Tribunal
cantonal a rejeté le recours que A.________ avait formé contre cette
ordonnance. Il a considéré que le traitement ambulatoire proposé n'était pas
suffisant pour éviter tout risque de récidive. Un suivi "strict et cadré" était
obligatoire, dès lors que l'intéressé connaissait des problèmes liés à l'alcool
depuis de nombreuses années et qu'il était de surcroît sans activité. Suivant
l'avis du Ministère public, le Tribunal cantonal estimait qu'un suivi
psychologique devait également être organisé.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté
immédiate. Il conteste l'existence d'un risque de récidive au regard du suivi
thérapeutique mis en place. Il requiert en outre l'assistance judiciaire
gratuite. Le Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. Ces écritures ont
été communiquées au recourant, qui a présenté des observations complémentaires.

Considérant en droit:

1.
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions
en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1
p. 273; Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). Formé en temps utile (art. 100
al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80
LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art.
81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

2.
Le recourant conteste l'existence d'un risque de récidive, en se prévalant du
suivi thérapeutique mis en place.

2.1 Selon la jurisprudence, le maintien en détention se justifie s'il y a lieu
de présumer, avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de
récidive. Il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel
risque: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le
pronostic est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la
réitération sont graves (ATF 133 I 270 consid. 2.2 p. 276; 125 I 60 consid. 3a
p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c
p. 270 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte
dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves
ou de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles
est alors considéré comme trop important; en pareil cas, il convient de tenir
compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son
agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Autant que possible, l'autorité
doit tenter de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive
propre à atteindre le même résultat (ATF 123 I 268 consid. 2c et e p. 270 s. et
les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, le recourant estime qu'il a rempli les exigences posées par le
Tribunal cantonal dans son arrêt du 3 avril 2008, en entreprenant des démarches
en vue de traiter son problème d'alcool. Il se plaint du fait que l'arrêt
attaqué pose des conditions supplémentaires plus contraignantes, en exigeant un
suivi strict et cadré ainsi qu'un suivi psychologique.
En réalité, l'arrêt du 3 avril 2008 ne fixait pas de conditions précises à la
mise en liberté du recourant. Le Tribunal cantonal considérait seulement qu'il
paraissait nécessaire que l'intéressé "entreprenne des démarches auprès d'un
organisme spécialisé dans le traitement des problèmes liés à l'alcool avant
toute mise en liberté" et que "cette prise en charge pourrait consister
notamment en un engagement de sa part ainsi qu'en contacts réguliers avec un
organisme spécialisé, sans que ce soit nécessairement un établissement fermé".
Quant à la Cour de céans, elle a confirmé cette appréciation, en précisant
qu'une libération ne pouvait être envisagée sans savoir préalablement quel
suivi sera effectivement mis en place afin de réduire au maximum le risque de
récidive (arrêt 1B_94/2008 précité consid. 2.2).

2.3 Le traitement proposé par le recourant consiste en un suivi ambulatoire qui
aurait lieu deux fois par mois durant deux mois et ensuite une fois chaque
trois semaines ou chaque mois. Il serait accompagné d'un suivi régulier par le
médecin traitant de l'intéressé. Cela étant, la nature de ces "suivis" n'est
pas décrite et on ignore quel type de traitement est envisagé. Le courrier de
la Fondation vaudoise contre l'alcoolisme ne fait en effet référence qu'à des
entretiens. Dans ces circonstances, dès lors que le recourant connaît des
problèmes liés à sa consommation d'alcool depuis de nombreuses années, qu'il
peut devenir violent lorsqu'il boit et qu'il est sans activité, c'est à juste
titre que le Tribunal cantonal a considéré que le suivi ambulatoire proposé
n'était pas suffisant pour parer au risque de récidive. Il est en effet douteux
que les problèmes à première vue sérieux du recourant puissent être traités de
manière satisfaisante par un suivi ambulatoire ayant lieu seulement deux fois
par mois, puis une fois chaque trois semaines ou chaque mois, quand bien même
son médecin traitant a déclaré rester "disponible pour un suivi régulier". Dès
lors, faute d'éléments probants permettant d'admettre que ces mesures étaient
appropriées pour minimiser au maximum le risque de récidive, l'autorité intimée
pouvait légitimement craindre qu'une libération dans ces conditions puisse
conduire à une réitération des actes objectivement graves qui sont reprochés au
recourant. Comme le traitement proposé apparaissait insuffisant, l'autorité
intimée pouvait préciser ses exigences. Or, sur le vu des circonstances du cas
d'espèce, elle n'a pas porté atteinte au principe de la proportionnalité en
posant comme condition à la libération du recourant la mise en place d'un suivi
"strict et cadré" et d'un suivi psychologique.

3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans
le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec,
l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu
de désigner Me Fabien Mingard en qualité d'avocat d'office et de fixer d'office
les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal
fédéral (art. 64 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Me Fabien Mingard, avocat à Lausanne, est désigné comme avocat d'office du
recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont
fixés à 1500 fr.

5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 20 juin 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener