Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 38/2007
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2007
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2007


U 38/07

Arrêt du 29 mai 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, recourante,

contre

J.________, 
intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat,
rue de Beaumont 11, 1206 Genève.

Assurance-accidents,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 21 novembre 2006.

Faits:

A.
En raison d'atteintes accidentelles au genou gauche, survenues les 7 mars
1997 et 6 août 1999, J.________, né en 1947, a été mis au bénéfice par la
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) d'une rente
d'invalidité de 32 %, à partir du 1er juin 2002, et d'une indemnité pour
atteinte à l'intégrité de 5 %.

Le 18 novembre 2002, il a été engagé en qualité de plombier par la société
X.________ SA. Le 23 mars 2005, il a été victime d'un accident
professionnel : alors qu'il faisait un travail sous le comptoir d'un
établissement public, il a « dévissé » en se relevant. Il s'est tordu la
jambe et est tombé lourdement au sol. Il a reçu les premiers soins par le
docteur S.________, de la Permanence Y.________. Ce médecin a posé le
diagnostic de contusion/distorsion du genou droit. Il a attesté une
incapacité de travail de 100 % à partir du 24 mars 2005. La CNA a pris en
charge le cas.

Dans un rapport du 10 juin 2005, le docteur T.________, spécialiste FMH en
chirurgie, a indiqué que le patient se plaignait toujours de douleurs
cervico-dorsales. Un CT-Scan cervical avait été pratiqué le 9 mai 2005. Cet
examen avait montré des segments de C3 à C5 normaux, une discopathie étagée
de C5 à D1; au niveau C6-C7, il existait une importante saillie ostéodiscale
postérieure paramédiane droite. Ce même  médecin a posé le diagnostic de
contusion cervico-dorsale, de contusion à l'épaule droite et au coude droit
et de contusion/distorsion du genou droit.

Le 11 juillet 2005, l'assuré a été examiné par le docteur G.________,
spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la
CNA. Ce médecin a attesté une évolution favorable du genou droit et de
l'épaule droite. Il a relevé qu'aucune lésion traumatique sur l'axe
squelettique n'avait été mise en évidence au niveau de l'épaule et du genou.
A ces deux niveaux, les conséquences de l'accident pouvaient être considérées
comme « actuellement terminées ». Par ailleurs, le médecin d'arrondissement a
constaté que l'intéressé présentait une importante cervicarthrose; cependant,
la symptomatologie liée à cette affection s'était développée progressivement
à distance de l'accident; il était donc possible d'affirmer qu'elle était
étrangère à celui-ci (rapport du 29 août 2005).

Par décision du 5 septembre 2005, la CNA, se fondant sur cette appréciation
médicale, a mis fin à ses prestations (indemnités journalières et frais de
traitement) au 31 août 2005. L'assuré a formé une opposition que la CNA a
rejetée par une nouvelle décision, du 20 décembre 2005.

B.
Par écriture du 20 mars 2006, J.________ a recouru contre cette décision
devant le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève, en
concluant au versement par la CNA de prestations au-delà du 31 août 2005.

En cours de procédure, il a produit un rapport d'expertise établi à sa
demande le 24 mars 2006 par le docteur C.________, orthopédiste et chirurgien
FMH. Ce médecin a posé, à la suite de l'accident du 23 mars 2005, le
diagnostic de contusion de l'épaule droite, de légère distorsion cervicale
sur lésion dégénérative discale et articulaire postérieure du tiers inférieur
du rachis cervical et de lésion horizontale de grade III du ménisque interne
dans la région moyenne et postérieure associée à un volumineux kyste méniscal
interne. Il estimait qu'il existait un lien de causalité naturelle probable
(plus de 50 %) entre l'état actuel du genou droit et l'accident. L'incapacité
de travail était entière dans la profession de plombier. Elle avait pour
cause essentielle l'affection au genou droit.

La CNA a soumis l'expertise du docteur C.________ au docteur K.________,
spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et rattaché à la division de
médecine des assurances de la CNA. En conclusion d'un rapport du 28 avril
2006, ce médecin a considéré que les troubles du genou droit de l'assuré,
imputables à la lésion de la corne postérieure et au kyste méniscal, étaient
d'étiologie dégénérative. L'implication vraisemblable de l'accident du 23
mars 2005 ne pouvait pas être démontrée.

Le 29 août 2006, le tribunal a entendu le docteur C.________.

Statuant le 21 novembre 2006, il a admis le recours et annulé les décisions
précédentes.

C.
La CNA interjette un recours de droit administratif dans lequel elle conclut,
principalement, à l'annulation du jugement cantonal. Subsidiairement, elle
demande la mise en oeuvre d'une expertise médicale « aux fins d'examen du
lien éventuel de causalité naturelle entre l'accident et les diagnostics de
fissure et kyste méniscaux ».

J. ________ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.
L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le point de savoir s'il existe un lien de causalité
naturelle entre l'accident du 23 mars 2005 et la lésion au genou droit de
l'intimé.

Le jugement expose de manière exacte et complète les règles légales et les
principes jurisprudentiels applicables au présent cas, de sorte qu'il suffit
d'y renvoyer.

3.
3.1 Selon le docteur C.________, une origine « contusionnelle » du kyste
méniscal doit être écartée, puisqu'il n'y a pas eu de contusion au genou
droit. En revanche, une brusque torsion d'un genou est un mécanisme classique
pouvant provoquer une lésion horizontale ou verticale d'une corne postérieure
du ménisque interne. La lésion horizontale a été mise en évidence par une IRM
pratiquée le 15 mars 2006. Il est permis de penser que cette lésion
horizontale était déjà présente avant l'accident. Le fait que le patient a
senti un craquement et une forte douleur lors de la torsion de son genou a
agrandi cette lésion. On peut également penser que cette lésion horizontale a
été provoquée par la torsion du genou, puisqu'elle a entraîné une forte
douleur et un craquement et que le patient, à la suite de cela, a été mis à
l'arrêt de travail le lendemain. Il s'est donc passé « quelque chose de
brusque à ce niveau ». Aussi bien le docteur C.________ incline-t-il
fortement à penser que cette lésion méniscale sous-jacente, présente ou non
avant l'accident, est à l'origine du développement du kyste, responsable
actuellement des fortes douleurs ressenties par le patient et de son
incapacité de travail. En conclusion, il paraît donc probable que l'affection
actuelle est en relation de causalité X.________ l'accident : il s'agit soit
d'une lésion méniscale antérieure à l'accident qui a été décompensée
violemment par cet événement, soit d'une lésion méniscale qui a été provoquée
par l'événement.

Pour le docteur K.________, l'assuré souffre d'un clivage horizontal de la
corne postérieure du ménisque et c'est dans ce contexte qu'il a développé un
kyste méniscal, qui s'est agrandi au fil des mois. Si l'étiologie de la
lésion méniscale est clairement dégénérative, celle du kyste méniscal ne peut
être élucidée du fait que le débat à ce sujet n'est pas clos dans la
littérature médicale. Il faut cependant rappeler que l'âge des malades qui
développent un kyste méniscal est extrêmement variable. Si la majorité des
patients a 30 ans environ, on rencontre ces kystes également chez des enfants
ou des vieillards. Ceci pourrait signifier que la cause des kystes méniscaux
n'est pas isolée; selon les cas, elle peut être « congénitale » (chez
l'enfant), traumatique (chez l'adulte dans la force de l'âge qui développe un
kyste sans lésion méniscale associée), alors que chez les sujets âgés
porteurs d'une lésion méniscale, une origine dégénérative doit être postulée
selon une majorité d'auteurs.

3.2 La recourante reproche aux premiers juges d'avoir procédé à une
appréciation contestable des preuves en omettant d'indiquer les motifs qui
les ont conduits à écarter l'avis du docteur K.________ au profit de celui du
docteur C.________.

3.3 Il est exact que les motifs qui ont conduit le tribunal des assurances à
donner la préférence aux conclusions du docteur C.________ ne ressortent pas
des considérants du jugement attaqué. Les premiers juges parraissent
toutefois avoir été convaincus par les explications fournies par ce médecin à
l'audience de comparution du 29 août 2006. Pour l'essentiel, le docteur
C.________ a confirmé à cette occasion les termes de son expertise. Il a
affirmé que l'argumentation du docteur K.________ au sujet d'une origine
dégénérative « lorsqu'il y a lésion et kyste » relevait de la « théorie »,
l'expérience lui ayant enseigné que tel n'était pas nécessairement le cas. Le
docteur C.________ a aussi fait état d'une longue pratique clinique et d'une
large expérience en matière d'expertises (plus de 1'000 expertises). De
manière plus ou moins implicite, la juridiction cantonale a considéré que
cette expérience pratique justifiait d'écarter les conclusions du docteur
K.________ au profit de celles du docteur C.________. Mais cet élément ne
saurait être décisif : c'est avant tout le contenu de l'expertise qui doit
permettre au juge de trancher le litige. Le fait qu'un expert a un approche
plus théorique qu'un autre expert ne permet pas, dans un domaine qui requiert
des connaissances médicales hautement spécialisées, de tirer des conclusions
décisives sur la valeur de leurs conclusions respectives.

A partir de là, il y a lieu de constater qu'aucun des deux rapports médicaux
en présence n'est entaché d'erreurs ou de contradictions ou d'autres défauts
qui seraient, le cas échéant, reconnaissables pour le juge. Les deux rapports
sont complets et bien documentés. Leurs auteurs aboutissent cependant à des
conclusions opposées. En l'absence d'éléments déterminants qui permettraient
de départager les avis opposés en présence, il se justifie d'annuler le
jugement attaqué, ainsi que la décision sur opposition, et de renvoyer la
cause à la CNA pour qu'elle mette en oeuvre une expertise et rende une
nouvelle décision.

4.
La procédure est gratuite, du moment que le litige porte sur l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ). L'intimé, qui succombe, n'a
pas droit à des dépens pour la procédure fédérale.

5.
Sous chiffre 3 du jugement entrepris, la juridiction cantonale a condamné la
CNA à verser à l'assuré la somme de 2000 fr. à titre de dépens. Etant donné
le sort du litige en procédure fédérale, l'intéressé apparaissait fondé à
recourir contre la décision sur opposition de la CNA, de sorte qu'il n'y a
pas lieu d'annuler le chiffre 3 du dispositif du jugement cantonal.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le chiffre 2 du jugement du Tribunal
cantonal des assurances sociales du canton de Genève du 21 novembre 2006,
ainsi que la décision sur opposition du 20 décembre 2005, sont annulés, la
cause étant renvoyée à la CNA pour complément d'instruction au sens des
motifs et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 29 mai 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: