Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 96/2007
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I 96/07

Arrêt du 11 décembre 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Cretton.

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève,
recourant,

contre

L.________,
intimée, représentée par Me Patrick Udry, avocat,
Rond-Point de Plainpalais 5, 1211 Genève 4.

Assurance-invalidité,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal
genevois des assurances sociales du 20 décembre 2006.

Faits:

A.
A.a L.________, née en 1961, travaillait comme opératrice en horlogerie. En
arrêt maladie depuis le 1er août 2000, elle a requis des prestations auprès
de l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office
AI) le 30 mars 2001.

L'administration a recueilli l'avis du docteur B.________, rhumatologue
traitant, qui a fait état d'une fibromyalgie et d'un état dépressif
engendrant une incapacité totale de travail depuis le 2 avril 2000 (rapport
du 10 avril 2001). Le praticien se fondait notamment sur un rapport établi le
16 février 2001 par le docteur C.________, psychiatre.

Se basant sur la prise de position de son médecin-conseil constatant la
présence de troubles psychiques à expression somatique comme conséquence
d'événements personnels traumatisants (avis du 30 mai 2001), l'office AI a
alloué à l'assurée une rente entière d'invalidité à partir du 1er août 2001
(décision du 7 novembre 2001).

A.b Lors d'une première procédure de révision de la rente, le docteur
B.________ a attesté un état de santé stationnaire rendant impossible toute
reprise du travail (rapport du 10 septembre 2004).

Sur requête de son Service médical régional (SMR), l'administration a confié
la réalisation d'une expertise au docteur S.________, psychiatre. Celui-ci a
diagnostiqué une dysthymie et un épuisement physique et psychique, burn-out,
avec répercussion sur la capacité de travail qui pouvait s'élever à 50 %,
abstraction faite des difficultés rencontrées par l'intéressée dans
l'éducation de ses enfants (rapport du 16 avril 2005). Spontanément, la
doctoresse G.________, nouveau psychiatre traitant, a attesté un état
anxio-dépressif (attestation du 3 juin 2005).

Se référant à l'avis du SMR selon lequel l'expertise démontrait l'absence
d'atteinte invalidante à la santé (rapport du 30 juin 2005), l'office AI a
estimé que L.________ était apte à reprendre son ancien métier à 50 % dès le
mois de mai 2005, puis à 100 % dès le mois d'août suivant et a supprimé la
rente avec effet au 1er septembre de la même année (décision du 25 juillet
2005).

L'assurée s'est opposée à cette décision mettant en doute l'impartialité de
l'expert et faisant valoir une péjoration de son état de santé conformément à
l'opinion, nouvellement requise, de la doctoresse G.________, qui mentionnait
une incapacité totale de travail due à un trouble dépressif récurrent,
épisode actuel moyen, et à des traits de personnalité émotionnellement
labile, type impulsif (rapport du 17 octobre 2005).

L'administration a confirmé sa précédente décision reconnaissant une pleine
valeur probante au rapport d'expertise, qui n'était pas remis en question par
les déclarations de la doctoresse G.________, et considérant que les raisons
invoquées n'étaient pas suffisantes pour conclure à un manque d'objectivité
de l'expert (décision sur opposition du 12 décembre 2005).

B.
L'intéressée a déféré la décision sur opposition au Tribunal cantonal
genevois des assurances sociales concluant, préalablement, à la mise en
oeuvre d'une expertise pluridisciplinaire puis à la constatation,
principalement, que les conditions de la suppression de la rente n'étaient
pas réalisées et, subsidiairement, que le droit à une demi-rente devait au
moins être maintenu. Elle relevait des contradictions importantes entre les
conclusions de l'expert et du psychiatre traitant malgré des constatations
très semblables et évoquait une nouvelle fois la partialité du premier. Elle
a également déposé des certificats médicaux établis le 26 janvier 2005 par
les docteurs E.________, chirurgien, et M.________, département de
psychiatrie de l'Hôpital X.________, attestant un syndrome algique généralisé
accompagné de points de fibromyalgie positifs dès le mois de septembre 1995,
ainsi qu'un suivi au Centre des thérapies brèves de l'Hôpital X.________
entre les 17 novembre et 14 décembre 2005.

Renvoyant aux motifs de sa décision, l'office AI a conclu au rejet du
recours.

La juridiction cantonale a une nouvelle fois sollicité l'avis de la
doctoresse G.________ qui a développé et confirmé ses précédentes
déclarations (rapport du 25 mai 2006) en produisant en outre un rapport
établi le 4 mai 2006 par le docteur T.________ et la psychologue D.________,
département de psychiatrie de l'Hôpital X.________, spécialement requis à cet
effet.

A la suite d'une comparution personnelle au cours de laquelle il a été fait
mention d'une procédure pendante devant les autorités tutélaires genevoises
visant au placement des enfants de L.________ (procès-verbal de comparution
personnelle du 21 juin 2006), les parties ont confirmé leurs conclusions
(déterminations des 11 et 26 juillet 2006; avis médical du SMR du 29 juin
2006).

Les premiers juges ont admis le recours estimant que l'état psychique de
l'assurée ne s'était pas amélioré de façon notable et que les critères
jurisprudentiels permettant de conclure au caractère invalidant de la
fibromyalgie étaient remplis (jugement du 20 décembre 2006).

C.
L'administration a interjeté un recours de droit administratif contre ce
jugement dont elle a requis l'annulation. Elle a conclu à la confirmation de
ses décisions des 25 juillet et 12 décembre 2005. Elle estimait en substance
que l'appréciation médicale de la juridiction cantonale reposait sur des
informations glanées dans divers rapports médicaux dont la valeur probante
était douteuse et que les éléments déposés en première instance n'étaient pas
de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise.

Reprenant la même argumentation que devant les premiers juges, l'intéressée a
conclu au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales s'est
rallié aux motifs et conclusions de l'office AI.

Considérant en droit:

1.
L'acte attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO
2005 1205, 1242) de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS
173.110), de sorte que la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF;
ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
L'acte attaqué porte sur des prestations de l'assurance-invalidité. Aux
termes de l'art. 132 al. 2 OJ (dans sa teneur selon le ch. III de la loi
fédérale du 16 décembre 2005 modifiant la LAI, en vigueur depuis le 1er
juillet 2006), en relation avec les art. 104 let. a et b, ainsi que 105 al. 2
OJ, le Tribunal fédéral n'examine que si l'autorité cantonale de recours a
violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou l'abus de son pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou encore s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure. Cette réglementation s'applique à
tous les recours déposés après le 30 juin 2006 (ch. II let. c de la loi du 16
décembre 2005 modifiant la LAI).

3.
Le litige porte sur la suppression du droit de la recourante à une rente
entière d'invalidité à compter du 1er septembre 2005. A cet égard, le
jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les
principes jurisprudentiels concernant la révision de la rente d'invalidité
(art. 17 LPGA), la notion d'invalidité (art. 8 LPGA et 4 LAI) en relation
avec des atteintes à la santé psychique, le caractère invalidant des troubles
somatoformes douloureux, l'influence des facteurs psychosociaux ou
socioculturels et la valeur probante des rapports médicaux, inclus ceux
émanant des médecins traitants. Il suffit donc d'y renvoyer.

On ajoutera qu'à l'instar de ce qui prévaut pour une nouvelle demande (ATF
130 V 71), c'est la dernière décision entrée en force qui repose sur un
examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits
pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus
conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l'examen
d'une modification du degré d'invalidité lors d'une révision de la rente (ATF
133 V 108 consid. 5 p.110 ss). On ajoutera encore que le Tribunal fédéral a
récemment estimé que la fibromyalgie présentant de nombreux points communs
avec les troubles somatoformes douloureux, il se justifiait, sous l'angle
juridique et en l'état actuel des connaissances, d'appliquer par analogie les
principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes
douloureux lorsqu'il s'agissait d'apprécier le caractère invalidant d'une
fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4 p. 70 ss).

4.
Pour l'essentiel, l'office recourant reproche aux premiers juges une
appréciation arbitraire des pièces médicales figurant au dossier. Il estime
que ceux-ci ont écarté, à tort, les conclusions de l'expertise du docteur
S.________ - les diagnostics et leur influence sur la capacité de travail -
au profit de l'avis de la doctoresse G.________ et du département de
psychiatrie de l'Hôpital X.________. Il s'agit dès lors d'une question de
fait (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 397 ss) que le Tribunal fédéral revoit
avec un pouvoir d'examen restreint.

L'argumentation de l'administration ne met toutefois en évidence aucune
irrégularité dans la constatation ou l'établissement des faits. Ainsi,
l'affirmation selon laquelle l'«appréciation médicale (du Tribunal cantonal)
repose(rait) sur des informations glanées dans les divers rapports médicaux
contenus au dossier, sans analyse de la cohérence interne de chacun de ces
documents ni prise en compte du contexte dans lequel ceux-ci ont été
produits» ne saurait prouver l'existence d'une telle irrégularité dès lors
que l'office recourant ne démontre pas en quoi lesdits documents seraient
incohérents - et rien ne permet de le supposer - ni s'il n'a effectivement
pas été tenu compte du contexte de leur production - ce qui ne semble pas
être le cas dans la mesure où la juridiction cantonale a pris position sur le
rôle des facteurs psychosociaux et socioculturels dans le cas d'espèce. On
ajoutera que la jurisprudence relative à l'appréciation des preuves (cf. ATF
125 V 351 consid. 3a p. 352 et la référence) n'exige pas de choisir un
document à l'exclusion de tout autre mais invite le juge à prendre en
considération tous les éléments pertinents quelles que soient leur origine ou
dénomination. De surcroît, le témoignage du médecin traitant selon lequel il
avait assisté, dans la rue, à des scènes violentes impliquant l'intimée, son
compagnon et ses enfants ne saurait être regardé comme un élément déformant
la réalité. Au contraire, il semble évident qu'un assuré aura plus tendance à
se comporter naturellement dans son propre milieu que dans l'espace clos d'un
cabinet médical ou d'expert.

La différence de diagnostics posés par la doctoresse G.________ (trouble
dépressif récurrent, épisode actuel moyen) et le département de psychiatrie
de l'Hôpital X.________ (épisode dépressif majeur actuel) ne constitue pas
plus une imprécision ou une incohérence. Que la critique de l'administration
soit comprise comme une différence de nature (trouble dépressif récurrent ou
épisode dépressif) ou d'intensité (épisode moyen ou majeur), celle-ci n'est
pas fondée dès lors que n'ayant suivi l'intimée que sur une très brève
période (trois rencontres en quinze jours), les praticiens de l'Hôpital
X.________ n'étaient pas à même de juger de la récurrence des épisodes
dépressifs. Dans ce sens, on ajoutera que le diagnostic de l'expert
(dysthymie) peut s'intégrer de manière cohérente à ce qui précède dans la
mesure où son examen, également ponctuel, a eu lieu un an plus tôt, à un
moment extrêmement favorable pour l'intimée (retour d'un séjour dans sa
famille à l'étranger, séparation d'un compagnon qui l'avait systématiquement
déconsidérée durant plusieurs années, etc.).

Au regard de ce qui précède, il apparaît que la position de la juridiction
cantonale quant à l'état dépressif n'est pas remis en question par les griefs
de l'office recourant. Le trouble dépressif, qui seul avait justifié l'octroi
d'une rente entière en 2001 selon le SMR, est toujours présent, d'une
intensité au moins aussi grande qu'à l'époque et entravant la capacité de
travail d'une manière identique. On ne saurait donc conclure à une
amélioration de l'état de santé de l'intimée. Compte tenu de cette
conclusion, il n'y a pas lieu de statuer sur l'existence d'un trouble ou de
traits de la personnalité émotionnellement labile, type impulsif ou
borderline, dès lors que celui-ci ou ceux-ci ne pourrai(en)t engendrer qu'une
péjoration - ou au mieux le status quo - de la situation médicale de
l'intimée qui bénéficie déjà d'une rente entière d'invalidité. Il en va de
même de l'état de stress post traumatique invoqué par le département de
psychiatrie de l'Hôpital X.________. Que ce département se soit fondé sur les
résultats de tests psychologiques n'y change rien puisque ces derniers ont
été effectués au sein d'un grand hôpital universitaire par un spécialiste en
psychiatrie, ou du moins sous contrôle d'un tel spécialiste, et qu'ils
confirment, du moins pour l'essentiel, et quantifient les diagnostics de la
doctoresse G.________, ce qui correspond à l'objectif que l'administration
leur confère.

On ajoutera enfin que le sentiment de l'office recourant selon lequel «les
facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et
imprègnent de manière prépondérante l'anamnèse» n'est pas de nature à
infirmer ce qui précède. Il est vrai que ces facteurs occupent une place
importante dans l'origine des troubles dont souffre l'intimée, ce qui
n'empêche toutefois pas cette dernière de souffrir d'un trouble dépressif
qui, en soi, est invalidant.

Le jugement entrepris n'est donc pas contraire au droit fédéral (consid. 2).

5.
La procédure est onéreuse (art. 132 OJ dans sa teneur en vigueur dès le 1er
juillet 2006). L'intimée qui obtient gain de cause et est représentée par un
avocat a droit à des dépens (art. 159 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
Les frais de justice arrêtés à 500 fr. sont mis à la charge de l'office
recourant.

3.
L'office recourant versera à l'intimée la somme de 2'500 fr. (y compris la
taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 décembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Meyer Cretton