Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 5/2007
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2007
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2007


I 5/07

Arrêt du 17 juillet 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Kernen et Boinay, Juge suppléant.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

C. ________ et V.________ B.________, Hoirs de Feu K.________ B.________,
recourants, représentés par Me Jean-Marie Agier, avocat, Service juridique
d'Intégration handicap, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé,

Assurance-invalidité,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 29 septembre 2006.

Faits:

A.
K. ________ B.________, né le 31 octobre 2003, présentait une infirmité
congénitale sous la forme d'un anévrisme de la veine de Galien, associé à une
agénésie du corps calleux. Du 10 au 14 mars 2004, il a séjourné à l'Hôpital
X.________ à Paris, où il a subi une intervention pratiquée par le Professeur
L.________. Ses parents, C.________ et V.________ B.________, ont présenté
pour lui une demande tendant à l'octroi de prestations de
l'assurance-invalidité pour les assurés âgés de moins de vingt ans et requis
de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après:
l'office AI) la prise en charge des coûts du traitement dispensé à l'Hôpital
X.________ (courrier du 12 janvier 2004).

Le 8 mars 2004, l'office AI a admis le droit de l'intéressé à des mesures
médicales durant la période du 31 octobre 2003 au 31 octobre 2023 pour le
traitement de l'infirmité congénitale mentionnée sous chiffre 313 de l'annexe
à l'ordonnance concernant les infirmités congénitales. Par décision du même
jour, il a accepté la prise en charge des frais du traitement auprès de
l'Hôpital X.________ du 9 au 31 mars 2004, jusqu'à concurrence du montant qui
aurait été dû pour une mesure identique effectuée en Suisse. Il a considéré
que le Professeur A.________ de l'Institut de neuroradiologie de l'Hôpital
Y.________ aurait également pu procéder à une telle intervention. Par
l'intermédiaire des docteurs R.________ et N.________ du Département
médico-chirurgical, unité de neuropédiatrie, de l'Hôpital Z.________, selon
lesquels seuls les services du professeur L.________ étaient à même de
procéder à l'opération en cause, le Professeur A.________ pratiquant
également ce type d'intervention mais sur des enfants plus âgés, l'intéressé
a formé opposition à la décision de prise en charge partielle des frais en
cause.

Sur demande de V.________ B.________ (du 13 juillet 2004), l'office AI a
accepté, le 17 août 2004, de prendre en charge les coûts d'un second
traitement dispensé à son fils à l'Hôpital X.________ du 1er au 30 septembre
2004, aux mêmes conditions que le premier. Les époux B.________ ayant
contesté cette décision, l'office AI a rejeté les deux oppositions formées à
l'encontre des décisions des 8 mars et 17 août 2004, par décision du 1er juin
2005. En bref, il a retenu que la preuve n'avait pas été apportée que les
interventions effectuées en France n'auraient pas pu l'être en Suisse, en
précisant que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) lui avait
confirmé l'existence d'une possibilité de traitement en Suisse depuis 1980.

B.
Agissant pour leur fils, les parents de K.________ B.________ ont déféré la
décision sur opposition au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en
alléguant que les neuropédiatres de l'Hôpital Z.________ leur avaient affirmé
que l'intervention ne pouvait pas avoir lieu en Suisse et que l'Hôpital
X.________ était le plus proche établissement à même d'effectuer le
traitement. Le tribunal les a déboutés par jugement du 29 septembre 2006.

C.
C.________ et V.________ B.________ ont interjeté un recours de droit
administratif au nom de leur fils, décédé le 25 août 2006. Ils ont conclu à
la réformation du jugement cantonal du 29 septembre 2006, en ce sens que
l'assurance-invalidité soit tenue de prendre entièrement en charge les
traitements dispensés par l'Hôpital X.________.

L'office AI n'a pas pris position sur le recours, tandis que l'OFAS a renoncé
à se déterminer.

D.
A la requête du Tribunal fédéral, les époux B.________, seuls héritiers de
feu K.________ B.________, ont déclaré poursuivre la procédure.

Considérant en droit:

1.
1.1 La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110)
est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte
attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ
(art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

1.2 Le jugement attaqué concerne des prestations de l'assurance-invalidité.
Le Tribunal fédéral doit dès lors se borner à examiner si les premiers juges
ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 al. 2 OJ [dans sa teneur
modifiée par le chiffre III de la loi fédérale du 16 décembre 2005 portant
modification de la LAI, entrée en vigueur le 1er juillet 2006] en corrélation
avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
Seul est litigieux en procédure fédérale le point de savoir si l'office
intimé est tenu de prendre en charge la totalité des frais des deux
traitements dispensés à K.________ B.________ à l'Hôpital X.________ à Paris
ou seulement jusqu'à concurrence du montant qui aurait été dû si ceux-ci
avaient été effectués en Suisse.

3.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la
jurisprudence sur le droit aux mesures médicales de l'assurance-invalidité en
cas d'infirmité congénitale. Il suffit donc d'y renvoyer.

On ajoutera qu'aux termes de l'art. 9 al. 1 LAI, les mesures de réadaptation
sont appliquées en Suisse, elles peuvent l'être exceptionnellement aussi à
l'étranger. L'art. 23bis RAI règle la question des frais de traitement à
l'étranger en distinguant les cas pour lesquels la prise en charge est
intégrale et ceux dont le remboursement est limité au montant des prestations
qui serait dû si la même mesure avait été effectuée en Suisse. Tombent dans
la première catégorie les mesures de réadaptation effectuées de manière
simple et adéquate s'il s'avère impossible de les effectuer en Suisse,
notamment parce que les institutions requises ou les spécialistes font défaut
(al. 1) et les mesures médicales effectuées de manière simple et adéquate
consécutivement à un état de nécessité (al. 2). Font partie de la seconde
catégorie les mesures de réadaptation effectuées à l'étranger pour d'autres
raisons méritant d'être prises en considération (al. 3).

4.
Les premiers juges ont retenu que les conditions d'une prise en charge
intégrale n'étaient pas remplies car le choix du traitement à l'étranger
résultait de l'urgence du traitement et des rapports étroits qui liaient
l'Hôpital Z.________ à l'Hôpital X.________. Selon eux, il s'agissait de
critères qui ne répondaient pas aux exigences des alinéas 1 et 2 de l'art.
23bis RAI, seule l'application du troisième alinéa de cette disposition
entrant en ligne de compte.

Les recourants font valoir qu'en l'absence d'information sur la possibilité
d'un traitement en Suisse et devant l'urgence de l'intervention, les mesures
médicales dont la prise en charge était  requise ont eu lieu à l'étranger en
raison d'un état de nécessité au sens de l'art. 23bis al. 2 RAVS.

De son côté, l'intimé, se fondant sur l'avis de l'OFAS selon lequel le
Professeur A.________ de l'Hôpital Y.________ aurait été à même d'effectuer
le traitement en cause, a considéré dans sa décision sur opposition que la
prise en charge ne pouvait être que partielle, puisque les mesures médicales
dispensées en France auraient pu l'être en Suisse. Seules les circonstances
du cas, en particulier le fait que les neuropédiatres de l'Hôpital Z.________
n'avaient pas indiqué la possibilité d'un traitement à Y._______ aux parents
de l'assuré, permettaient de prendre en compte les frais à concurrence du
montant qui aurait été dû pour une intervention identique en Suisse.

5.
Selon les constatations des premiers juges, qui lient le Tribunal fédéral
(cf. supra consid. 1.2), l'intervention chirurgicale effectuée sur K.________
B.________ en France aurait également pu être pratiquée à Y.________ (cf.
également les lettres du Professeur A.________ des 22 février et 12 juin
2006). Ce point n'est pas remis en cause par les neuropédiatres de l'Hôpital
Z.________ qui se sont limités à expliquer que l'Hôpital X.________ avait
plus d'expérience pour des interventions de ce type que l'Hôpital Y.________
(lettre des docteurs R.________ et J.________ du 18 juillet 2005). Dans son
avis du 13 août 2004, le médecin du Service médical régional de l'office AI
mentionne quant à lui «une querelle d'expert» pour savoir si le traitement
pratiqué à y.________ est équivalent à celui de Paris. Il apparaît donc que
la seule alternative à l'intervention pratiquée en France était de confier
l'opération au Professeur A.________, preuve que le choix était très
restreint. Il n'est toutefois pas nécessaire pour statuer sur la présente
cause de procéder à une évaluation de la qualité des prestations offertes par
les deux hôpitaux, comme cela ressort de ce qui suit.

6.
6.1 Aux termes de l'art. 27 al. 1 LPGA, les assureurs et les organes
d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les
personnes intéressées sur leurs droits et obligations dans les limites de
leur domaine de compétence.

Selon la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur de la LPGA au 1er
janvier 2003, les règles de la bonne foi n'imposaient à l'administration de
renseigner spontanément un administré que dans des circonstances
particulières (ATF 124 V 215 consid. 2b p. 220). Il fallait notamment que
l'administration fût objectivement en mesure de le faire, que l'administré se
trouvât avec elle dans une relation de fait ou de droit assez étroite pour
qu'il pût attendre d'elle un tel comportement (Pierre Moor, Droit
administratif, vol. I, Berne 1994, p. 436) et que l'assuré n'eût pas manqué
de la diligence requise au vu des circonstances, notamment en s'abstenant de
vérifier une information (art. 3 al. 2 CC; RAMA 1999 n° KV 97 p. 521 consid.
4b p. 525 et les références).

Ainsi que l'a jugé le Tribunal fédéral des assurances à propos de l'art. 27
LPGA, il n'existe pas de motif d'abandonner la pratique consistant à
assimiler la violation d'un devoir légal de renseigner à une déclaration
erronée après la codification d'une obligation de conseils étendue dans la
LPGA (ATF 131 V 472 consid. 5 p. 480 sv.). A certaines conditions (cf. ATF
131 II 627 consid. 6.1 p. 636, 131 V 472 consid. 5 p. 480), un renseignement
erroné des organes de l'administration peut obliger l'autorité à consentir à
un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du droit
à la protection de la bonne foi qui, consacré à l'art. 9 Cst., permet au
citoyen d'exiger que l'autorité respecte ses promesses et qu'elle évite de se
contredire.

6.2 En l'espèce, l'intimé a été saisi d'une demande de traitement à
l'étranger dans un cas grave et urgent, par lettre des recourants du
12 janvier 2004. A l'appui de leur requête, ceux-ci ont produit un certificat
du docteur N.________ attestant que K.________ B.________ souffrait d'une
malformation vasculaire cérébrale rarissime, dont la correction ne
s'effectuait que dans de rares centres spécialisés au niveau européen. Le
docteur N.________ souhaitait que le traitement pût s'effectuer dans le
service du professeur L.________ à l'Hôpital X.________ à Paris «qui a la
plus grande expérience européenne dans le traitement de ce type de
malformation et a donc les chances les plus élevées de succès».

La requête des recourants n'a pas reçu de réponse jusqu'à ce que le 1er mars
2004, la doctoresse R.________ sollicitât l'accord de l'office AI pour la
prise en charge de l'intervention en cause à l'étranger, en précisant que:
«le seul traitement possible de la malformation est par embolisation
endovasculaire[; a]près vérification, ce type de traitement dans cette
indication n'est disponible dans aucun centre en Suisse». La pédiatre
mentionnait par ailleurs que la première embolisation était prévue à
l'Hôpital X.________ le 10 mars 2004 dans le service du professeur
L.________. Le 2 mars 2004, le docteur U.________, médecin au SMR, a demandé
un préavis de l'OFAS, dans les termes suivants: «D'un point de vue
thérapeutique, actuellement, la seule possibilité est une embolisation
endovasculaire réalisée par le professeur L.________ à l'Hôpital X.________.
Il s'agit de l'un des rares endroits en Europe où ce traitement est pratiqué.
En particulier, il n'y a pas de spécialiste en Suisse qui puisse réaliser
cette intervention». Dans sa réponse datée du 4 mars 2004, l'autorité
fédérale de surveillance a estimé raisonnable que la mesure médicale soit
effectuée à l'étranger et  prise en charge selon l'art. 23bis al. 3 RAI au vu
de l'urgence à réaliser l'opération et des contacts qui avaient déjà été pris
avec le Professeur L.________. Pour l'OFAS cependant, le Professeur
A.________ était en mesure de réaliser l'embolisation en question à l'Hôpital
Y.________.

De leur côté, les recourants ont été informés pour la première fois qu'il
existait une possibilité de traitement en Suisse par la décision du 8 mars
2004, reçue la veille ou l'avant-veille de l'intervention en France.

6.3 Dans ces circonstances, à réception de la lettre du 12 janvier 2004,
l'office AI devait se renseigner dans un délai raisonnable sur les
possibilités existant en Suisse de réaliser l'opération projetée et en
avertir les recourants. Cette démarche était possible rapidement puisqu'il
n'a fallu que deux jours à l'OFAS pour répondre à la demande de préavis de
l'intimé. Il y a dès lors lieu d'admettre que celui-ci a violé son devoir
légal de renseigner, en n'avertissant pas suffisamment rapidement les
recourants des possibilités de soins en Suisse. Compte tenu de ce délai, les
époux B.________ ont raisonnablement pu penser sur la base des déclarations
des neuropédiatres du CHUV qu'il n'existait aucune institution en Suisse
susceptible de fournir le traitement nécessaire à leur fils, raison pour
laquelle ils ont décidé de le faire opérer en France. Aussi, leur bonne foi
doit-elle être admise et ils ne sauraient subir un préjudice du fait que
K.________ B.________ a été soigné en France à deux reprises. Pour le premier
traitement, les recourants ont en effet été informés de la possibilité de
réaliser l'intervention en Suisse par les soins du Professeur A.________,
alors que toutes les dispositions avaient déjà été prises pour y procéder en
France. Pour le second traitement, les recourants avaient déjà connaissance
de la possibilité de prise en charge en Suisse. Toutefois, les neuropédiatres
de l'Hôpital Z.________ préconisaient une intervention effectuée par les
services du Professeur L.________ qu'ils considéraient comme «l'unique centre
de référence européen» pour cette pathologie rare du nourrisson. De son côté,
le médecin du SMR estimait qu'il ne lui appartenait pas de prendre position
par rapport aux compétences de l'un ou de l'autre des spécialistes. Dès lors,
lorsque l'opération a eu lieu en septembre 2004, les recourants étaient
encore fondés à partir de l'idée que seul le professeur L.________ pouvait
procéder à cette intervention et, partant, à se prévaloir de leur bonne foi.

En conséquence, au regard du principe de la protection de la bonne foi, il
appartient à l'intimé de supporter l'intégralité des frais encourus pour les
traitements de K.________ B.________ à l'Hôpital X.________ à Paris du 10 au
14 mars 2004 et du 13 au 17 septembre 2004. La cause lui est donc renvoyée
pour qu'il établisse les prestations dues et rende une nouvelle décision de
prise en charge. Le recours s'avère dès lors bien fondé.

7.
La procédure n'est pas gratuite (art. 134 2ème phrase OJ). Compte tenu de
l'issue de la procédure, l'intimé doit en supporter les frais (art. 156 al.1
OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ). Les recourants, qui obtiennent gain de
cause, sont représentés par le Service juridique d'Intégration handicap. Ils
ont droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale à la charge de
l'intimé (art. 159 al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ; SVR 1997 IV n° 110 p.
341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 29 septembre 2006, ainsi que la décision sur opposition de l'Office
de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 1er juin 2005 sont
annulés, la cause étant renvoyée à cet office pour qu'il fixe les prestations
dues aux recourants au sens des considérants.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud.

3.
L'avance de frais versée par les recourants, d'un montant de 500 fr., leur
est restituée.

4.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera aux
recourants la somme de 2'500 fr (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 juillet 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: