Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 138/2007
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I 138/07

Arrêt du 25 juin 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

T. ________, recourante, représentée par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, place
de la Gare 10, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.

Assurance-invalidité,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 2 novembre 2006.

Faits:

A.
T. ________, née en 1952, a déposé une demande de prestations auprès de
l'Office AI du canton de Vaud (ci-après: l'OAI) le 8 avril 1998.

Procédant à l'instruction de la demande, l'OAI a recueilli divers avis
médicaux. Selon le docteur R.________ (rhumatologue), l'assurée présentait
une fibromyalgie floride traduisant un état psychosomatique et préconisait
une psychothérapie de soutien ainsi qu'un traitement anti-dépresseur (cf.
rapport du 7 avril 1997). Dans un rapport du 16 mai 1997, la doctoresse
B.________ (rhumatologue) retenait une fibromyalgie ainsi que des rachialgies
sur troubles statiques et dégénératifs modérés, proposant une médication
d'anti-dépresseurs et indiquant qu'une prise en charge psychiatrique était
nécessaire. Le 5 mai 1998, le docteur G.________, professeur associé au
service de rhumatologie, médecine physique et réhabilitation du Centre
hospitalier universitaire vaudois, a fait état de troubles somatoformes
douloureux touchant l'hémicorps droit et de signes de non-organicité et de
surcharge. Il indiquait qu'il n'y avait aucune atteinte organique, ni
lésionnelle capable d'expliquer une incapacité de travail. En revanche, la
surcharge fonctionnelle pouvait s'expliquer par un état anxio-dépressif
chronique et ce dernier pouvait être responsable de l'incapacité de travail
effective. Il indiquait penser que l'on se dirigeait vers une invalidité pour
des motifs d'ordre avant tout psychiatrique. Le même jour, le docteur
S.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé le
diagnostic d'épisode dépressif majeur d'intensité moyenne et de troubles
somatoformes douloureux. Il observait qu'il s'agissait probablement d'un
syndrome dépressif masqué avec présentation somatique et préconisait des
perfusions d'anti-dépresseurs. Dans un rapport du 16 mai 1998, la doctoresse
H.________, généraliste, a fait état d'une fibromyalgie floride et de
lombalgies sur discopathie modérée L5-S1, retenant une incapacité de travail
totale du 26 avril au 15 juin 1998.

Par décision du 24 août 1999, l'OAI a octroyé à l'assurée une rente entière
d'invalidité dès le 1er février 1998.

En novembre 2003, l'OAI a entrepris une procédure de révision et a confié une
expertise à la Clinique romande de réadaptation (CRR). Cette dernière a rendu
son rapport le 10 mai 2004, lequel exposait que l'assurée souffrait d'un
syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) sans psychopathologie
associée pouvant justifier une incapacité de travail. Par décision du 7 juin
2004, l'OAI a supprimé le droit à la rente d'invalidité avec effet au 1er
août 2004. Dans sa motivation, l'OAI a indiqué qu'au moment de l'octroi
initial de la rente, il n'avait pas tenu compte de l'absence de toute
atteinte rhumatologique significative et que l'éventualité d'une atteinte
d'ordre psychiatrique n'avait pas été examinée de manière approfondie. Dès
lors que cette décision était prématurée et qu'elle se fondait sur un état de
fait incomplet et des renseignements médicaux insuffisants, elle était
manifestement erronée. L'OAI a confirmé sa position dans une nouvelle
décision, le 29 avril 2005.

B.
Par jugement du 2 novembre 2006, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a rejeté le recours déposé par l'assurée contre la décision sur opposition du
29 avril 2005.

C.
T.________ a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement.
Sous suite de dépens, elle a conclu à son annulation et à la réintroduction
du droit à la rente dès le 1er août 2004.

L'OAI a proposé le rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le jugement entrepris porte sur des prestations de l'assurance-invalidité, de
sorte que le Tribunal fédéral examine uniquement si l'autorité cantonale de
recours a violé le droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation, si les faits pertinents ont été constatés de manière
manifestement inexacte ou incomplète ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de procédure (art. 132 al. 2 OJ [dans sa teneur selon le
ch. III de la loi fédérale du 16 décembre 2005 portant modification de la
LAI, en vigueur depuis le 1er juillet 2006], en relation avec les art. 104
let. a et b, ainsi que 105 al. 2 OJ).

3.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète la réglementation
légale sur la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA). Il suffit d'y renvoyer.

4.
La juridiction cantonale a retenu que le seul diagnostic de troubles
somatoformes douloureux retenu par le psychiatre S.________ n'était à lui
seul pas suffisant pour admettre que la limitation de la capacité de travail
revêtait un caractère invalidant. L'OAI aurait dû mettre en oeuvre une
expertise psychiatrique afin de déterminer si la présence d'une comorbidité
ou si le cumul des critères pertinents énumérés à l'ATF 130 V 352 étaient
susceptibles d'entraîner une éventuelle incapacité de travail. Le défaut
d'investigation sur ces deux points avait conduit l'OAI a rendre une décision
manifestement erronée. La juridiction cantonale a ainsi admis que les
conditions d'une reconsidération de la décision du 24 août 1999 étaient
réalisées et a confirmé la suppression du droit à la rente à partir du 1er
août 2004.

4.1 A l'époque de l'octroi initial du droit à la rente, l'OAI disposait
notamment des rapports médicaux établis par les docteurs G.________,
rhumatologue, et S.________, psychiatre. Selon les constatations des premiers
juges, le docteur S.________ a posé le diagnostic d'épisode dépressif majeur
d'intensité moyenne et de troubles somatoformes douloureux. Pour sa part, le
docteur G.________ a fait état de troubles somatoformes douloureux touchant
l'hémicorps droit et de signes de non-organicité et de surcharge. S'il
n'existait aucune atteinte organique propre à expliquer une incapacité de
travail, la surcharge fonctionnelle, laquelle pouvait s'expliquer par un état
anxio-dépressif chronique, pouvait être responsable de l'incapacité de
travail effective.

4.2 Compte tenu des rapports médicaux dont il disposait, l'intimé n'a pas
statué sur la base de mesures d'instruction manifestement insuffisantes ou
lacunaires, ni fait un usage manifestement erroné de son pouvoir
d'appréciation en tenant pour établie une incapacité de travail totale de
l'assurée et en lui allouant une rente entière d'invalidité par décision du
24 août 1999; en effet, l'incapacité de travail retenue par les médecins ne
reposait pas sur le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux ou de
fibromyalgie mais aussi sur l'état anxio-dépressif chronique invoqué par le
docteur G.________ et l'épisode dépressif majeur d'intensité moyenne retenu
par le docteur S.________.

On ajoutera à cet égard que pour juger s'il est admissible de reconsidérer
une décision, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique au
moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur
à cette époque (ATF 125 V 383, consid. 3 p. 389 sv., 119 V 475 consid. 1b/cc
p. 479). Par conséquent, c'est à tort que les premiers juges se fondent sur
la jurisprudence publiée à l'ATF 130 V 352, laquelle est postérieure à la
décision initiale de rente, pour examiner à l'aune des critères plus
restrictifs développés dans cet arrêt si cette décision était manifestement
erronée. La reconsidération ne doit pas servir d'instrument autorisant sans
autre un nouvel examen des conditions à la base de prestations accordées. La
seule conclusion à laquelle elle peut conduire est que la décision initiale
était manifestement erronée (ATF 126 V 401, 125 V 393; SVR 2005 ALV n° 8
consid. 3.1.1 [arrêt H. du 23 avril 2004, C 214/03].

Au vu de ce qui précède, un motif de reconsidération n'est pas réalisé dans
le cas d'espèce et c'est donc en violation du droit fédéral que l'autorité de
recours cantonale a confirmé la suppression, par la voie de la
reconsidération, de la décision de l'OAI du 24 août 1999.

5.
Vu la nature du litige, la procédure est onéreuse (art. 134 2ème phrase OJ
dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2006). Représentée par un
avocat, la recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de
dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art.
135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 2 novembre 2006 ainsi que la décision sur opposition de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Vaud du 29 avril 2005 sont annulés.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimé.

3.
L'avance de frais de 500 fr. versée par la recourante lui est restituée.

4.
L'intimé versera à la recourante la somme de 1'500 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 juin 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: