Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 716/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_716/2007

Arrêt du 26 mai 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Cretton.

Parties
P.________,
recourante, représentée par Me Olivier Lutz, avocat, Boulevard de Saint-Georges
72, 1205 Genève,

contre

Office cantonal de l'assurance-invalidité, Rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales du 4 septembre 2007.

Faits:

A.
P.________, née en 1954, travaillait comme vendeuse en bijouterie. Victime
d'une chute sur l'épaule droite le 9 mars 2002, elle a souffert d'une contusion
dont les conséquences totalement incapacitantes ont été assumées par la «Zurich
Compagnie d'Assurances». N'ayant pas repris d'activités le 12 mai 2003, elle
s'est annoncée à l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité
(ci-après: l'office AI).

Entre autres mesures d'instruction, l'administration a recueilli l'avis des
médecins traitants. Le docteur V.________, chirurgien orthopédique, a fait état
d'une contusion à l'épaule droite engendrant une incapacité totale de travail
(rapport du 3 juin 2003). Le docteur F.________, interniste, a diagnostiqué une
rupture de la coiffe des rotateurs, ainsi qu'une colite inflammatoire chronique
et un état anxio-dépressif ayant la même incidence sur la capacité de travail
que celle déjà mentionnée (rapport du 10 juin 2003). Tous deux estimaient qu'un
bilan complet serait utile. Le docteur G.________, Hôpital X.________, a conclu
à la même incapacité pour la période courant du 18 août au 30 septembre 2003,
puis à une incapacité de 50% due à un état dépressif récurrent, épisode actuel
léger (rapport du 26 septembre 2003).

L'office AI s'est également procuré le dossier médical de l'assureur-accidents.
Y figure notamment un rapport d'expertise du Centre Y.________. Le docteur
C.________, orthopédiste, et la doctoresse B.________, psychiatre, ont retenu
une symptomatologie douloureuse en lien avec la rupture du tendon sus-épineux
de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et une évolution dysthymique avec
somatisations anxieuses multiples ne limitant pas véritablement l'assurée dans
son métier de vendeuse; la capacité de travail, totale sur le plan psychique,
pouvait être complète dans une activité ne nécessitant pas de travail en charge
de l'épaule droite au-dessus de l'horizontale (rapport du 21 novembre 2003).

L'administration a encore confié la réalisation d'une expertise psychiatrique
au docteur I.________ qui a diagnostiqué un trouble dépressif majeur récurrent,
en rémission partielle, d'intensité actuelle mineure, un trouble douloureux
associé à des facteurs psychologiques et à une affection médicale générale, une
phobie sociale, une dépendance aux benzodiazépines, des antécédents de trouble
panique sans agoraphobie, ainsi qu'une personnalité dépendante avec traits
évitants et masochistes à l'origine d'une incapacité totale de travailler
depuis le 9 avril 2002; l'expert a aussi évoqué une agression au couteau ayant
entraîné la section de plusieurs nerfs et adducteurs de la paume de la main
gauche (rapport du 28 avril 2005).

Estimant que le rapport d'expertise psychiatrique ne lui permettait pas
d'admettre une incapacité totale de travail dès lors que le status
psychiatrique décrit était normal, que le diagnostic retenu n'était pas
invalidant, qu'il n'y avait pas de prise en charge effective, que le traitement
médicamenteux prescrit était léger et qu'il n'existait pas de comorbidité
psychiatrique au trouble douloureux, l'office AI a convoqué l'intéressée pour
un examen auprès de son service médical régional (ci-après: le SMR). Les
docteurs R.________, spécialiste en médecine physique et rééducation, et
O.________, psychiatre, ont fait état de douleurs au niveau de la main gauche
après coupure des 1er, 2e et 5e rayons avec troubles neurologiques sous forme
de dysesthésie, hyperesthésie et hypo-sensibilité, ainsi que de scapulalgies
chroniques en lien avec la rupture du tendon sus-épineux de l'épaule droite;
une activité adaptée (permettant l'alternance des positions, évitant les
positions statiques prolongées assise au-delà d'une heure et debout au-delà de
trente minutes, ne nécessitant pas le port de charges supérieures à 2,5 kg,
bras droit tendu, à 5 kg, coude droit au corps, et à 1 kg avec le bras gauche)
a toujours été possible; la fibromyalgie, les troubles de l'adaptation avec
réaction dépressive prolongée et la dépendance aux benzodiazépines observés
n'avaient pas de répercussion sur la capacité de travail (rapport du 13 mars
2006).

L'administration a rejeté la demande de P.________ estimant que les diagnostics
psychiatriques retenus n'étaient pas invalidants et que les limitations
fonctionnelles induites par les atteintes somatiques étaient légères et
parfaitement compatibles avec le métier de vendeuse (décision du 4 avril 2006).

L'assurée s'est opposée à cette décision en se référant à l'opinion du docteur
F.________, qui faisait état d'affections durables empêchant sa patiente
d'exercer une activité professionnelle (certificat médical du 3 mai 2006), et
celle du docteur S.________, psychiatre, qui, sur la base d'un suivi de deux
ans et demi, a attesté l'existence d'une importante comorbidité psychiatrique
avec de graves troubles de la personnalité (type dépendant et limite) associés
à un trouble de l'humeur (fréquentes périodes dépressives), un abus d'alcool et
un syndrome douloureux chronique stable totalement invalidants (attestation du
9 mai 2006).
Par décision du 2 février 2007, l'administration a rejeté l'opposition de
P.________. Elle a estimé que les trois documents médicaux principaux (rapports
du Centre Y.________, du docteur I.________ et du SMR), dont la valeur probante
n'était pas mise en doute bien que leurs conclusions soient contradictoires,
permettaient d'exclure le caractère invalidant des troubles psychiques
mentionnés et a évalué le taux d'invalidité à 2%.

B.
L'assurée a déféré cette décision au Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à partir du 12
mai 2003 ou, subsidiairement, à la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire.
Elle relevait principalement les contradictions entre les avis des docteurs
I.________ et S.________, démontrant l'existence d'une comorbidité
psychiatrique grave et des critères jurisprudentiels pour juger du caractère
invalidant d'une fibromyalgie, et celui des médecins du SMR, dont elle mettait
en doute la valeur probante. Elle soutenait également que les limitations
fonctionnelles reconnues n'autorisaient l'exercice d'aucune activité
professionnelle.

Par jugement du 4 septembre 2007, la juridiction cantonale a débouté
l'intéressée de ses conclusions. Elle considérait en substance que les
documents médicaux à disposition permettaient d'exclure le caractère invalidant
des troubles psychiques mentionnés et qu'en dépit des limitations
fonctionnelles décrites, l'exercice d'une activité adaptée à plein temps avait
toujours été possible.

C.
P.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement.
Sous suite de frais et dépens, elle en requiert implicitement la réforme en
concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité avec effet au 12 mai 2003
ou, subsidiairement, l'annulation en concluant au renvoi de la cause aux
premiers juges pour complément d'instruction. Elle a en outre requis l'octroi
de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.

L'office AI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Par lettre du 20 décembre 2007, le Tribunal fédéral a renoncé à exiger une
avance de frais.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est donc pas limité par les
arguments du recourant, ni par la motivation de l'autorité précédente. Il peut
admettre un recours pour d'autres motifs que ceux allégués et rejeter un
recours en adoptant une autre argumentation que celle de l'autorité précédente
(ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Il ne peut aller au-delà des conclusions
des parties (art. 107 al. 1 LTF). Eu égard à l'exigence de motivation prévue à
l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine, en principe, que les griefs invoqués, pour
autant que les vices ne soient pas évidents. Il n'est pas tenu de traiter
toutes les questions juridiques qui se posent, comme le ferait une autorité de
première instance, lorsque celles-ci ne sont pas ou plus abordées devant lui.
Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF et à la pratique qui prévalait en matière
de recours de droit public, le principe d'allégation vaut plus particulièrement
pour la violation des droits constitutionnels qui doivent être expressément
soulevés et exposés de façon claire et détaillée dans le mémoire de recours
(ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261 s., 129 I 113 consid.
2.1 p. 120).

Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la
juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit
expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2
LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en
considération. Aucun fait nouveau, ni preuve nouvelle ne peut être présenté à
moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir arbitrairement retenu
qu'elle ne souffrait d'aucune comorbidité psychiatrique dès lors que le
contraire ressortait de nombreuses pièces figurant au dossier.

Cette affirmation n'est pas fondée. La formulation du jugement attaqué peut
certes prêter à confusion mais il en ressort néanmoins clairement que les
diagnostics concernant les troubles de l'humeur énoncés par les docteurs
I.________, G.________ et B.________ ont été pris en considération par les
premiers juges. Ces diagnostics n'ont pas été écartés sans motif, mais ont été
considérés comme une manifestation d'accompagnement de la fibromyalgie ou du
trouble douloureux et non comme une pathologie indépendante (ATF 130 V 352
consid. 3.3.1 in fine p. 358) dont l'intensité aurait pu conférer au diagnostic
principal une caractère invalidant (ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 p. 71). Il
apparaît ainsi que ce n'est pas l'existence d'une comorbidité psychiatrique qui
a été niée mais son intensité qui a été relativisée. Ce raisonnement n'est pas
insoutenable puisque les praticiens mentionnés ont fait état soit d'un
pronostic favorable soit de diagnostics relativement bénins ou en rémission.
Ces éléments trouvent d'ailleurs indirectement confirmation dans le rapport du
SMR pour qui seuls les troubles somatiques avaient une incidence sur la
capacité de travail. Il ne saurait donc être question d'une irrégularité dans
l'établissement des faits.

La juridiction cantonale n'a pas examiné la possibilité que les troubles de la
personnalité puissent avoir valeur de comorbidité psychiatrique. L'intéressée
ne l'allègue toutefois pas ou du moins pas de manière directe et circonstanciée
(cf. consid. 1). De toute façon, les considérations des docteurs S.________ et
I.________ à leur sujet ne remettent pas en question ce qui précède. En effet,
le premier a insisté sur l'intensité desdits troubles sans pour autant les
décrire ou démontrer leurs impacts sur la capacité de travail tandis que le
rapport du second, relativement à la décompensation actuelle, est avant tout
imprégné d'éléments du tableau dépressif qui n'atteignent pas le degré
d'intensité requis pour conférer à la fibromyalgie ou au trouble douloureux un
caractère invalidant. On ne peut donc parler d'une constatation manifestement
inexacte des faits.

3.
En reprochant à la juridiction cantonale d'avoir insuffisamment motivé ses
conclusions concernant l'existence des autres critères jurisprudentiels pour
reconnaître un caractère invalidant à la fibromyalgie ou au trouble douloureux,
la recourante invoque implicitement une violation de son droit d'être entendue
au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. (sur cette notion, cf. notamment ATF 126 I 15
consid. 2a/aa p. 16 ss, 97 consid. 2b p. 102 sv. et les références). Outre le
fait que cet argument est irrecevable au regard du devoir de motiver la
violation des droits constitutionnels (cf. consid. 1), il est de toute façon
infondé. Les conclusions des premiers juges sur ce point sont effectivement
succinctes, mais loin d'être insuffisantes. Ceux-ci ont très clairement nié la
perte d'intégration sociale dans tous les domaines de la vie (l'intéressée vit
avec ses enfants et accomplit consciencieusement toutes les activités liées à
la gestion de ce ménage), l'existence d'un état psychique cristallisé (l'état
dépressif était en rémission) et l'échec de tous les traitements entrepris
(l'état de santé psychique s'était amélioré). Ils ont de surcroît indiqué la
provenance de ces informations. Il apparaît dès lors que le jugement est
suffisamment clair pour que la recourante puisse l'attaquer en toute
connaissance de cause et qu'une autorité de recours puisse exercer son
contrôle.

4.
L'intéressée soutient enfin que les contradictions entre les rapports des
docteurs I.________ et S.________ et ceux du Centre Y.________ et du SMR
auraient dû pousser la juridiction cantonale à poursuivre l'instruction et non
à substituer sa propre opinion à celle des médecins dans la mesure où les
documents à disposition ne permettaient pas de statuer sur le caractère
invalidant ou non des affections psychiques observées.

La jurisprudence relative au principe de la libre appréciation des preuves
impose au juge - et non au médecin - d'examiner objectivement tous les
documents à disposition, quelle qu'en soit la provenance, puis de décider s'ils
permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATF 125 V 351
consid. 3a p. 352). En l'espèce, les premiers juges n'ont rien fait d'autre que
d'appliquer ce principe. Il leur appartient en effet de mettre en oeuvre le
droit en utilisant les informations disponibles dans les rapports médicaux
figurant au dossier. L'existence de contradictions ne justifie pas la
réalisation systématique d'une expertise dans la mesure où une analyse
consciencieuse des pièces permet de lever lesdites contradictions. Il n'est pas
non plus nécessaire que les experts se soient spécifiquement prononcés sur
chaque critère jurisprudentiel relatif au caractère invalidant d'une
fibromyalgie ou d'un trouble somatoforme douloureux dès lors que ceux-ci
ressortent suffisamment des constatations ou appréciations figurant dans les
rapports. Dans ce sens, il n'y avait pas lieu de mandater un expert psychiatre
pour qu'il se prononce sur l'existence de chaque critère puisque quatre
spécialistes avaient déjà émis leur opinion sur le cas de la recourante (ATF
132 V 65 consid. 4.3 p. 72) et que la juridiction cantonale avait pu en déduire
tous les renseignements utiles pour se prononcer valablement. Le droit fédéral
n'a donc pas été violé.

Au sujet des contradictions alléguées par l'intéressée, on ajoutera que les
éléments objectifs et subjectifs mentionnés par le docteur I.________, le
Centre Y.________ et le SMR sont pour l'essentiel identiques et que seules les
conclusions qu'en tirent les praticiens divergent. La solution retenue par les
premiers juges n'est pas insoutenable pour les motifs déjà invoqués (cf.
consid. 2 et 3).

5.
La procédure est onéreuse (art. 62 LTF). La recourante qui succombe doit en
supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF). Elle ne saurait en outre prétendre de
dépens (art. 68 LTF). Cependant, les conditions auxquelles l'art. 64 al. 1 et 2
LTF subordonne l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite étant réalisées,
celle-ci lui est accordée. L'attention de l'intéressée est attirée sur le fait
qu'elle devra rembourser la caisse du Tribunal si elle devient en mesure de le
faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
L'assistance judiciaire est accordée à la recourante.

3.
Les frais de justice, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
Ils sont provisoirement supportés par la caisse du Tribunal.

4.
Les honoraires de Me Lutz sont fixés à 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur
ajoutée). Ils sont provisoirement supportés par la caisse du Tribunal.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 26 mai 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Cretton