Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 710/2007
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_710/2007

Arrêt du 28 novembre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Berthoud.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue du Rhône
100, 1204 Genève,

contre

Fondation 1.________,
Fondation 2.________,
intimées,
représentées par Me Corinne Monnard Séchaud, avocate, avenue Juste-Olivier 17,
1001 Lausanne.

Objet
Prévoyance professionnelle,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 24
juillet 2007.

Faits:

A.
Y.________ a été engagé par le Groupe Z.________ en qualité de directeur en
janvier 2001. A ce titre, il a été affilié auprès de plusieurs institutions de
prévoyance, notamment la Fondation 1 et la Fondation 2.

X.________ et Y.________ ont vécu maritalement pendant plus de vingt ans et ont
eu deux enfants, nés en 1987 et 1991, que Y.________ a reconnus. Le prénommé
est décédé en août 2003. Le 30 septembre 2003, X.________ s'est adressée aux
deux fondations de prévoyance en sollicitant le versement d'une rente de
concubin. Celles-ci ont opposé un refus, par lettre du 8 décembre 2003, au
motif que l'existence d'une vie commune et d'un entretien ne leur avait pas été
annoncées du vivant de l'assuré.

B.
Le 21 avril 2005, X.________ a saisi le Tribunal des assurances du canton de
Vaud d'une action en paiement dirigée contre les deux fondations de prévoyance,
en concluant à ce que les défenderesses fussent condamnées à lui servir des
rentes de concubin à compter du 1er janvier 2004, annuellement par 39'900 fr.
pour la Fondation 1 et 65'460 fr. pour la Fondation 2, avec intérêts à 5 %
l'an.

Par jugement du 24 juillet 2007, la juridiction cantonale a rejeté les
demandes.

C.
X.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont elle demande l'annulation, avec suite de frais et dépens, en reprenant les
conclusions formées en première instance.

Les fondations intimées ont conclu au rejet du recours, avec suite de frais et
dépens, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

La recourante a encore produit, sans commentaire, une copie de l'arrêt C-267/06
que la Cour de justice des communautés européennes a rendu le 1er avril 2008.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de survivant de
la prévoyance professionnelle plus étendue, singulièrement des rentes de
concubin de la part de chaque institution de prévoyance intimée.

2.
Les premiers juges ont exposé les règles applicables à la solution du litige,
si bien qu'il suffit de renvoyer au jugement attaqué.

Faisant usage de la faculté reconnue à l'art. 50 LPP, les deux institutions de
prévoyance ont édicté chacune leur règlement, dans lesquels elles ont prévu le
versement de rentes de concubin à plusieurs conditions. Sans les énumérer
exhaustivement, on mettra en exergue les éléments suivants :

En ce qui concerne la Fondation 1, son règlement (édition 2002) prévoit le
versement d'une telle prestation, à l'art. 5.4.4 al. 1, pour autant que (a) les
deux partenaires ne soient pas mariés, que (b) le partenaire survivant ait été
entretenu de manière prépondérante par l'assuré décédé et que (c) la vie
commune ait duré pendant au moins 5 ans sans interruption jusqu'au décès de
l'assuré ou que le partenaire survivant doive subvenir à l'entretien d'un ou
plusieurs enfants communs. L'art. 5.4.4 al. 2, première phrase, prescrit que «
la vie commune ou l'entretien doivent avoir été mentionnés dans un accord écrit
légalisé et annoncés à la caisse du vivant de l'assuré. »

Quant à la Fondation 2, l'art. 5.4.4 al. 1 de son règlement (édition 1998)
confère aux concubins les mêmes droits qu'à des conjoints en matière de rente
de survivants, si (a) les deux partenaires ne sont pas du même sexe et ont vécu
en ménage commun, et si (b) la communauté de vie a été annoncée à la caisse et
le partenaire survivant a été entretenu par l'assuré décédé pendant au moins 10
ans jusqu'à la mort de ce dernier.

3.
Lors de l'instruction de la cause (audience du 26 juin 2006), la juridiction
cantonale a entendu plusieurs témoins, à savoir le président du conseil
d'administration de Z.________, le supérieur hiérarchique de Y.________ qui
assumait aussi la fonction de président de la Fondation 2, le gérant des deux
caisses de pension, ainsi qu'un juriste. Sur la base des témoignages et des
documents recueillis, la juridiction cantonale a constaté que feu Y.________
n'avait pas annoncé qu'il vivait en concubinage, tant aux deux institutions de
prévoyance intimées qu'à son employeur. Le tribunal a aussi relevé l'absence
d'accord écrit légalisé sur l'existence d'une vie commune ou d'un entretien.

Comme les formalités réglementaires n'avaient pas été accomplies, le Tribunal
en a déduit que les intimées étaient en droit de refuser le versement de rentes
de concubin pour ce motif, ce qui l'a conduit à rejeter la demande.

4.
La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits pertinents par le
Tribunal cantonal, à qui elle reproche d'avoir omis de constater que son
partenariat avec feu Y.________ avait été annoncé, à tout le moins à
l'employeur. A cet égard, elle soutient que le jugement attaqué procède d'une
violation de l'art. 10 OPP2 et de l'art. 331 al. 4 CO, car l'employeur était au
courant de l'existence du partenariat et aurait ainsi dû l'annoncer aux caisses
de pension, comme il l'avait fait auprès de la caisse de compensation AVS
compétente pour déterminer les allocations familiales. La recourante se prévaut
de sa bonne foi (art. 9 Cst.), car elle pouvait partir de l'idée que
l'employeur avait accompli les démarches nécessaires auprès des institutions de
prévoyance; elle en déduit que les intimées devraient répondre des conséquences
du défaut d'annonce de l'employeur. La recourante invoque également une
violation de la maxime d'office (art. 73 al. 2 LPP) par la juridiction
cantonale, car l'annonce du partenariat par Y.________ à son employeur revêtait
à ses yeux un degré de probabilité confinant à la certitude.

Dans un autre moyen, la recourante se plaint d'une violation de son droit
d'être entendue, résultant d'un défaut de motivation du jugement attaqué sur
les deux points qui suivent. D'une part, elle soutient que feu Y.________
n'avait pas été informé de la modification du règlement de la Fondation 1,
décidée en décembre 2002 et entrée en vigueur rétroactivement au 1er janvier
2002, de sorte que l'institution de prévoyance devrait répondre de cette
omission de l'employeur et lui allouer au moins la rente de partenaire de la
Fondation 2; d'autre part, elle estime que les deux institutions de prévoyance
n'ont pas tenu compte d'une période transitoire pour permettre de réparer
l'absence d'acte notarié. La recourante ajoute que les intimées n'ont pas
respecté le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et que le
résultat auquel elle est désormais confrontée est non seulement hypocrite mais
aussi inéquitable.

Finalement la recourante allègue que l'admission du recours n'entraînerait
aucune conséquence de nature structurelle sur le financement des institutions
de prévoyance intimées, tandis qu'un rejet du recours la placerait dans une
situation délicate.

5.
5.1 En premier lieu, il sied de rappeler que les prestations litigieuses
relèvent uniquement de la prévoyance plus étendue. L'argumentation que la
recourante développe à propos des conséquences d'une éventuelle violation de
l'employeur de son obligation d'informer les institutions de prévoyance, selon
l'art. 10 OPP2, ne lui est dès lors d'aucun secours car cette disposition ne
régit que la prévoyance obligatoire. De même, les critiques que la recourante
adresse indirectement à l'employeur, en se référant à l'art. 331 al. 4 CO,
n'ont aucune incidence sur l'issue du litige qui l'oppose aux deux intimées,
car ces dernières ne sauraient répondre d'une violation de l'employeur de
renseigner ses salariés. On relèvera au surplus sur ce point que la juridiction
cantonale a établi que le défunt avait reçu un règlement de chacune des
fondations intimées lors de son engagement et que l'ensemble du personnel avait
été informé du changement de régime concernant les concubins en décembre 2002.

5.2 En ce qui concerne la Fondation 1, il est constant qu'un accord écrit et
légalisé portant sur le partenariat n'a pas été établi. Comme plusieurs mois se
sont écoulés entre l'époque où tout le personnel de l'entreprise avait été
informé du changement de régime concernant les concubins (décembre 2002) et le
moment où Y.________ est décédé (août 2003), on doit admettre que ce dernier
aurait eu largement le temps d'accomplir les formalités requises à l'art. 5.4.4
al. 2, première phrase, du règlement (édition 2002); les reproches relatifs à
la brièveté de la période transitoire sont ainsi infondés. Quant au grief que
la recourante soulève à propos de la modification du règlement de la Fondation
1 sans harmonie avec celui de la Fondation 2, il ne résiste pas non plus à
l'examen, car ces deux fondations, juridiquement autonomes, pouvaient modifier
leurs statuts de façon indépendante.

A propos de l'exigence que la Fondation 1 a prescrite dès l'année 2002, on
rappellera que dans une affaire analogue, le Tribunal fédéral a considéré que
l'obligation prévue par l'OCFP 1 de porter à la connaissance de Publica l'union
libre sous la forme d'un contrat d'assistance n'était pas une simple règle
d'ordre en matière de preuve, mais constituait une condition matérielle du
droit à la rente de partenaire (ATF 133 V 314 consid. 4 p. 316). Il a précisé,
dans un second arrêt rendu le même jour, que cette condition ne relevait pas du
formalisme excessif (consid. 5.3.2.2 de l'arrêt B 104/06, SVR 2008 BVG n° 2 p.
8). Dans le cas d'espèce, cette exigence de forme est pleinement justifiée pour
les motifs que la juridiction cantonale a retenus dans les considérants de son
jugement, singulièrement l'égalité de traitement entre les assurés concernés et
leurs survivants, à quoi s'ajoute un impératif évident de sécurité du droit (la
preuve du concubinage et d'un entretien). En ce sens, le grief de violation du
principe de la proportionnalité que la recourante adresse aux intimées tombe à
faux.

Il s'ensuit que les prétentions que la recourante élève à l'encontre de la
Fondation 1 sont infondées.

5.3 Selon le règlement de la Fondation 2 (édition 1998), le droit à la rente de
concubin ne peut exister, entre autres conditions, que si la communauté de vie
a été annoncée à la caisse (selon le texte allemand : « die Lebensgemeinschaft
der Kasse gemeldet worden war »). La portée de l'art. 5.4.4 al. 1 let. b du
règlement est claire et ne saurait dès lors être interprétée contra
stipulatorem comme la recourante le voudrait. En effet, l'annonce dont il est
question ne peut constituer qu'en une déclaration adressée à l'institution de
prévoyance et portant sur l'existence d'une communauté de vie. A défaut de
précision réglementaire sur les modalités, la validité de l'annonce - qui
constitue un acte formateur de droits et d'obligations - n'est pas soumise à
une forme particulière (elle peut ainsi être écrite ou verbale) et est
susceptible d'émaner de n'importe qui (l'assuré, l'employeur, le concubin ou un
tiers). Par ailleurs, l'usage du passé composé et la référence explicite au
moment du décès à l'art. 5.4.4 al. 1 let. b (« einen gemeinsamen Haushalt
geführt haben »; « während mindestens 10 Jahren bis zum Zeitpunkt des Todes
unterhalten oder in erheblichem Masse unterstützt worden ist »), permet
d'admettre sans équivoque que l'annonce doit avoir été effectuée du vivant de
l'assuré. La simple connaissance de certains faits, par l'institution de
prévoyance, ne suffit cependant pas.
En l'occurrence, la recourante ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal
aurait établi les faits de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit (art. 97 al. 1 LTF) en constatant que l'existence de la communauté de vie
n'avait pas été annoncée à la Fondation 2.

A défaut d'annonce, les prétentions à l'encontre de la Fondation 2 sont donc
aussi infondées.

5.4 Finalement, l'arrêt C-276/06 de la Cour de justice des communautés
européennes du 1er avril 2008 auquel la recourante se réfère ne saurait changer
le sort de la cause. En effet, dans leurs statuts, les intimées ont dûment
prévu le versement de rentes en faveur du concubin survivant, si bien qu'on ne
saurait admettre, dans le cas d'espèce, l'existence d'une discrimination avec
un couple marié ou des partenaires enregistrés. Ces derniers, depuis l'entrée
en vigueur de l'art. 19a LPP, le 1er janvier 2007, ont d'ailleurs les mêmes
droits qu'un veuf.

6.
6.1 La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al.
1 LTF).

6.2 Les intimées, qui obtiennent gain de cause, ont conclu à l'octroi d'une
indemnité de dépens. Elle ne sauraient toutefois y prétendre (art. 68 al. 3
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Berthoud