Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 700/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

9C_700/2007{T 0/2}

Arrêt du 26 juin 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
T._________,
recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, Service juridique,
Fédération suisse, pour l'intégration des handicapés,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Fonds d'assurance-retraite des garages vaudois, route du Lac 2, 1094 Paudex,
intimé.

Objet
Prévoyance professionnelle,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 3
juillet 2007.

Faits:

A.
T._________, né en 1946, a travaillé notamment comme monteur en chauffage, puis
comme concierge. Après une période de chômage, il a été engagé comme intendant/
surveillant de parking par la société P._________ SA du 21 décembre 2002 au 31
décembre 2003. A partir du 1er janvier 2004, il a exercé une activité identique
au service de la société A.________ SA; les rapports de travail ont pris fin le
31 janvier 2005.

Présentant un état anxio-dépressif sévère chronique - apparu en 1996 (cf.
rapport du docteur B.________, médecin traitant, du 14 octobre 2004) - ,
l'intéressé a été totalement incapable de travailler du 21 janvier au 31
décembre 2002, puis dès le 9 juin 2004. Il a déposé une demande de prestations
de l'assurance-invalidité le 30 juin 2004. Par décision du 16 juin 2006,
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office
AI) a octroyé une rente entière d'invalidité, fondée sur un taux d'incapacité
de gain de 100%, à partir du 1er juin 2005, en considérant que l'incapacité de
travail avait débuté une année auparavant, en juin 2004. Cette décision, entrée
en force, a également été notifiée au Fonds d'assurance-retraite des garages
vaudois (ci-après: le Fonds), auprès duquel tant la société P.________ SA que
la société A._________ SA avaient affilié leur personnel pour la prévoyance
professionnelle.

Par courrier du 21 août 2006, confirmé par missive du 14 décembre 2006, le
Fonds a informé T._________ qu'il lui refusait toute prestation de la
prévoyance professionnelle obligatoire, au motif que l'affection à l'origine de
son invalidité était antérieure à l'affiliation. Pour la prévoyance
professionnelle plus étendue, le Fonds déniait également à l'intéressé le droit
à des prestations en invoquant une réticence qu'il aurait commise en omettant
de déclarer souffrir d'une atteinte à la santé au moment de son affiliation.

B.
Par demande du 4 janvier 2007, l'intéressé a saisi le Tribunal des assurances
du canton de Vaud, en concluant à l'octroi, par le Fonds, d'une rente entière
d'invalidité à partir du 1er juin 2005, avec intérêts moratoires de 5% dès
l'ouverture d'instance. Statuant le 3 juillet 2007 après avoir requis de
l'office AI le dossier de l'assurance-invalidité concernant T._________, le
Tribunal a débouté celui-ci de ses conclusions.

C.
T._________ interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement, dont il demande la réforme, en ce sens que lui soit reconnu le droit
à une rente entière d'invalidité de la part du Fonds à partir du 1er juin 2005.

Tant le Fonds que l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
La IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral est compétente pour trancher un
litige concernant l'obligation de prester de l'intimé en raison de la
survenance du risque invalidité assuré par la prévoyance professionnelle (art.
73 LPP et 35 let. e du Règlement sur le Tribunal fédéral du 20 novembre 2006
[RTF], en vigueur depuis le 1er janvier 2007).

2.
2.1 Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé est tenu de prendre en
charge le cas du recourant, singulièrement s'il existe un droit à une
prestation d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire fondée sur
une incapacité de travail survenue durant la période d'assurance (qui a débuté
le 21 décembre 2002 et apparemment cessé un mois après la fin des rapports
entre les parties fixée au 31 janvier 2005 [cf. art. 10 al. 3 LPP]). En
instance cantonale, les premiers juges ont circonscrit l'objet du litige au
domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire en fonction des
conclusions et de la motivation du recourant. Celui-ci ne conclut du reste pas
en procédure fédérale à la reconnaissance de son droit aux prestations au titre
de la prévoyance professionnelle plus étendue.

2.2 Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales sur le
droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle
obligatoire (art. 23 al. 1 let. a LPP, dans sa version en vigueur à partir du
1er janvier 2005, applicable ratione temporis [ATF 131 V 9 consid. 1 p. 11 et
les arrêts cités]), ainsi que sur le double critère de la connexité matérielle
et temporelle entre l'incapacité de travail et l'invalidité posé par la
jurisprudence pour délimiter la responsabilité de plusieurs institutions de
prévoyance ou d'une institution à laquelle s'est nouvellement affilié
l'intéressé (ATF 130 V 275 consid. 4.1, 123 V 262 consid. 1c p. 264, 120 V 117
consid. 2c/aa et bb et les références). Il suffit d'y renvoyer.

2.3 On ajoutera que d'après la jurisprudence, si une institution de prévoyance
reprend - explicitement ou par renvoi (comme en l'espèce, cf. art. 19 du
Règlement du Fonds d'assurance-retraite des garages vaudois [état au 1er
janvier 2005]) - la définition de l'invalidité de l'AI, elle est en principe
liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité
par les organes de l'assurance-invalidité, sauf si cette évaluation apparaît
d'emblée insoutenable (ATF 126 V 308 consid. 1 p. 311 in fine). Cette force
contraignante vaut aussi en ce qui concerne la naissance du droit à la rente
et, par conséquent, également pour la détermination du moment à partir duquel
la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée de manière sensible et
durable (ATF 129 V 150 consid. 2.5 p. 156, 123 V 269 consid. 2a p. 271 et les
références citées), dans la mesure où l'office AI a dûment notifié sa décision
de rente aux institutions de prévoyance entrant en considération (ATF 129 V 73
consid. 4.2 p. 75). En revanche, si l'assureur LPP, qui dispose d'un droit de
recours propre dans les procédures régies par la LAI, n'est pas intégré à la
procédure, il n'est pas lié par l'évaluation de l'invalidité (principe, taux et
début du droit) à laquelle ont procédé les organes de l'assurance-invalidité
(ATF 129 V 73 consid. 4).

Le Tribunal fédéral (consid. 2.3.2 non publié de l'ATF 130 V 501, mais dans SVR
2005 BVG n° 5 p. 14) a encore précisé que la force contraignante de la décision
de l'organe de l'assurance-invalidité pour l'institution de prévoyance repose
sur l'idée de décharger celle-ci de mesures d'instruction relativement
importantes. Elle ne vaut dès lors qu'en ce qui concerne les constatations et
appréciations des organes de l'assurance-invalidité qui étaient déterminantes
dans la procédure de l'assurance-invalidité pour établir le droit à une rente
d'invalidité et qui devaient effectivement faire l'objet d'une détermination;
dans le cas contraire, les organes de la prévoyance professionnelle sont tenus
d'examiner librement les conditions du droit aux prestations (cf. arrêt B 50/99
du 14 août 2000 consid. 2b). Le fait que l'assurance-invalidité a fixé le début
du droit à la rente n'exclut donc pas que l'incapacité de travail sur laquelle
est fondé le droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance
professionnelle soit survenue (dans une mesure plus restreinte) plus d'une
année auparavant (RSAS 2003 p. 45 [arrêt B 47/98 du 11 juillet 2000]).

3.
3.1 Selon les constatations de la juridiction cantonale - qui lient le Tribunal
fédéral (aux conditions des art. 97 al. al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF) -,
l'office AI a fixé au 9 juin 2004 le début du délai de carence d'une année au
sens de l'art. 29 al. 1 let. b LAI (dans sa version en vigueur jusqu'au 31
décembre 2007, applicable en l'espèce [ATF 131 V 9 consid. 1 p. 11]) et reconnu
à T._________ une rente entière d'invalidité à partir du 1er juin 2005
(décision du 16 juin 2006). Il est constant qu'au 1er juin 2004 le recourant
était affilié auprès de l'intimé pour la prévoyance professionnelle. Celui-ci
s'est par ailleurs vu notifier la décision de l'organe de
l'assurance-invalidité qu'il n'a pas contestée.

3.2 Tout en admettant que le prononcé de l'office AI lie l'intimé, la
juridiction cantonale a considéré que celui-ci n'était pas tenu à prestations
parce que l'affection invalidante s'était déclarée antérieurement à la période
d'affiliation du recourant auprès du Fonds. Le recourant était en effet atteint
d'une grave atteinte psychiatrique au moment où il avait été engagé par la
société P.________ SA (le 21 décembre 2002), atteinte qui avait entraîné une
longue période d'incapacité de travail du 21 janvier au 31 décembre 2002. Selon
les premiers juges, la "brève période de rémission" durant laquelle le
recourant avait à nouveau travaillé (du 1er janvier 2003 au 9 juin 2004) ne
suffisait pas pour interrompre la connexité temporelle.

De son côté, le recourant reproche à la juridiction cantonale une violation des
règles jurisprudentielles sur la force contraignante de la décision de l'organe
de l'assurance-invalidité pour l'institution de prévoyance professionnelle. Il
soutient que le début du délai de carence fixé par l'office AI au 9 juin 2004
constituait également le moment de la survenance de l'événement assuré (soit
l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité) pour la
prévoyance professionnelle et liait l'intimé, la décision de
l'assurance-invalidité n'étant pas manifestement erronée.

4.
4.1 Ni la juridiction cantonale, ni les parties ne prétendent que la décision
de l'office AI en ce qui concerne le début de l'incapacité de travail
déterminante (à savoir le moment à partir duquel la capacité de travail de
l'assuré s'est détériorée de manière sensible et durable [ATF 123 V 262 consid.
1a p. 263]) serait manifestement insoutenable, de sorte que l'intimé ne serait
pas lié par le prononcé du 16 juin 2006 sur ce point.

Tel n'est effectivement pas le cas: la décision de l'office AI - dont le
caractère insoutenable, qui relève d'une question de droit, peut être examiné
librement par le Tribunal fédéral (art. 95 let. a LTF; arrêt 9C_182/2007 du 7
décembre 2007 consid. 4.1.1) en fonction de l'état de fait au moment de la
décision de rente (ATF 126 V 308 consid. 2a p. 311) - est conforme aux pièces
médicales au dossier. Dans un rapport daté du 14 octobre 2004 (et non "2002"
comme établi à tort par la juridiction cantonale), le docteur B.________ a
expliqué que son patient avait été atteint de dépression la première fois en
1996, des récidives étant apparues en mars 2001, puis en décembre 2001, avant
une période d'incapacité de travail de janvier à décembre 2002. A cette date,
l'assuré avait repris une activité de gardien de parking, mais la situation
s'était dégradée très progressivement à partir de janvier 2003 pour aboutir à
un arrêt total de travail (en juin 2004). Le médecin traitant estimait alors
(le 14 octobre 2004) qu'on ne pouvait raisonnablement exiger de son patient
qu'il reprenne une activité quelconque. Cette appréciation était confirmée par
les médecins de l'Unité de psychiatrie ambulatoire X._______, que le recourant
consultait depuis le début de l'année 2002. Selon eux, souffrant d'un trouble
dépressif récurrent depuis 1996, qui ne l'avait pas empêché de travailler comme
concierge ou responsable de parking, le recourant était incapable depuis le
mois de juin 2004 de reprendre une activité professionnelle, même à un
pourcentage réduit. Les médecins préconisaient une évaluation des perspectives
pour une activité occupationnelle dans une structure protégée (rapport du 21
octobre 2004).

Compte tenu de ces observations médicales, et contrairement à ce qu'a établi de
façon manifestement inexacte la juridiction cantonale (cf. art. 105 al. 2 LTF),
c'est seulement en date du 14 octobre 2004 (et non 2002) que le médecin
traitant a émis un pronostic très réservé quant à la reprise d'une activité
lucrative. Par ailleurs, dès lors qu'après une période d'incapacité de travail
qui s'est achevée en décembre 2002, le recourant a repris une activité
professionnelle à partir du 1er janvier 2003 et a été en mesure d'exercer
celle-ci pendant plus de 15 mois sans interruption, on ne saurait qualifier
cette activité de simple "tentative de réinsertion professionnelle".
Contrairement à ce qu'ont déduit à tort les premiers juges du rapport du
docteur B.________ (du 14 octobre 2004), rien ne permettait en janvier 2003 de
douter que la reprise d'une activité lucrative aboutît de façon positive. La
période pendant laquelle le recourant a travaillé successivement pour les deux
sociétés de parking est en outre suffisamment longue pour interrompre le lien
de connexité temporelle (évoqué par les premiers juges) entre l'incapacité de
travail antérieure à l'affiliation auprès de l'intimé et l'invalidité survenue
postérieurement (voir p. ex., RSAS 2002 p. 153).

4.2 Il résulte de ce qui précède que la décision de l'office AI n'apparaît pas
d'emblée insoutenable au regard des avis médicaux au dossier et comprend par
ailleurs des constatations qui portent sur une période antérieure à juin 2004
qui pourrait également jouer un rôle sous l'angle du droit aux prestations de
la prévoyance professionnelle (supra consid. 2.3). Cette évaluation de l'office
AI, qui a fixé au début du mois de juin 2004 l'incapacité de travail
déterminante, lie par conséquent l'intimé qui n'a pas à procéder à sa propre
appréciation. Comme l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité est
survenue pendant la période d'affiliation auprès de l'intimé, la condition de
la clause d'assurance est remplie. Aussi, l'intimé est-il tenu d'allouer au
recourant une rente entière d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de
100% de la prévoyance professionnelle obligatoire à partir du 1er juin 2005 (en
fonction de l'évaluation de l'office AI du 16 juin 2006: degré d'invalidité de
100%; début du droit à la rente AI au 1er juin 2005).

5.
Vu l'issue du litige, l'intimé qui succombe est tenu de prendre en charge les
frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF) et de verser au recourant une indemnité
à titre de dépens (art. 68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud
du 3 juillet 2007 est réformé en ce sens que le recourant a droit, de la part
de l'intimé, à une rente entière de la prévoyance obligatoire (fondée sur un
degré d'invalidité de 100%) à partir du 1er juin 2005.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2500 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 26 juin 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless