Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 683/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_683/2007

Arrêt du 26 mai 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges Borella, Juge présidant,
Kernen et Seiler.
Greffier: M. Piguet.

Parties
Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, route du Lac 2, 1094 Paudex,
recourante,

contre

N.________,
intimé, représenté par Me Christian Fischer, avocat, avenue Juste-Olivier 9,
1006 Lausanne,

X.________ SA,
partie intéressée.

Objet
Assurance-vieillesse et survivants,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 6
juillet 2007.

Faits:

A.
N.________ a été engagé par la société Y.________ SA (aujourd'hui: X.________
SA) en qualité de directeur du département financier international, avec entrée
en fonction le 1er avril 1987. Le contrat de travail prévoyait le versement
d'un salaire mensuel brut de 12'000 fr. ainsi que le droit à une gratification
dont les modalités de versement seraient fixées ultérieurement. Les rapports de
travail ont pris fin le 30 avril 1988 pour des raisons médicales.

B.
Y.________ SA était détenue à 85 % par la société Z.________. Le 8 janvier
1987, N.________ a conclu avec cette société les conventions suivantes:
- un contrat d'option (intitulé « droit d'emption ») pour l'achat de 500
actions au porteur - libérées alors à 40 % - de Y.________ SA d'une valeur
nominale de 100 fr. Le droit pouvait être exercé, en tout ou en partie, au
cours de la période courant du 1er avril 1987 au 31 mars 1990, au prix de 40
fr. par action;
- une convention d'actionnaires (« contrat de pool »), par laquelle N.________
s'engageait à vendre ses actions de Y.________ SA aux cosignataires de la
convention, dans l'éventualité où il quitterait définitivement son emploi
auprès de Y.________ SA;
- une « convention sur actions », par laquelle N.________ accordait à
Z.________ un droit de préemption sur les actions de Y.________ SA, au cas où
il aurait l'intention d'aliéner, à titre gratuit ou onéreux, tout ou partie
d'entre elles, et un droit d'emption sur lesdites actions, en cas de cessation
des fonctions au sein de Y.________ SA pour quelque motif que ce soit, y
compris la retraite, l'invalidité ou le décès.
Le 6 avril 1987, N.________ a également conclu avec la société fiduciaire
W.________ - laquelle agissait « à titre fiduciaire et pour le compte de l'un
de ses clients » - un contrat d'option pour l'achat de 15 actions au porteur de
Z.________ d'une valeur nominale de 100 fr. Le droit pouvait être exercé, en
tout ou en partie, au cours de la période courant du 1er avril 1987 au 31 mars
1990, au prix de 1'420 fr. par action.
Le 29 avril 1988, N.________ a signifié à Z.________ qu'il exerçait son droit
d'option sur les 500 actions de Y.________ SA. Simultanément, il a notifié à
W.________ qu'il exerçait son droit d'option sur les 15 actions de Z.________.

C.
L'exécution des contrats d'option des 8 janvier et 6 avril 1987 a donné lieu à
litige, Z.________ et W.________ considérant que le contrat de travail et
toutes les conventions annexes étaient nuls, dès lors qu'ils avaient été
conclus sous l'emprise de vices de volonté (dol et erreur essentielle),
N.________ ayant caché à Y.________ SA l'existence de problèmes de santé. Le
litige a alors été soumis à l'arbitrage. Par sentence arbitrale du 19 août
1991, confirmée le 10 mars 1992 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Z.________ et W.________ ont été condamnées à remettre à
N.________, contre le versement du prix convenu, respectivement les 500 actions
de Y.________ SA et les 15 actions de Z.________.

D.
Z.________ et W.________ ont déclaré ne pas être en mesure d'exécuter le
jugement arbitral du 19 août 1991, pour le motif que les actions litigieuses
n'avaient pas d'existence matérielle. Elles ont également rappelé à N.________
que la fin des rapports de travail entraînait ex contractu la restitution -
contre indemnité équitable - des actions qu'il avait acquises. Ce dernier point
à donné lieu à une nouvelle procédure arbitrale. Par sentence partielle du 8
mai 1995, confirmée le 10 janvier 1996 par la Chambre des recours du Tribunal
cantonal, le Tribunal arbitral a constaté que le droit pour N.________ de
devenir actionnaire était lié à sa qualité de travailleur au sein de Y.________
SA et qu'il était tenu de rendre toutes les actions acquises pendant les
rapports de travail à Z.________, respectivement W.________, à la fin de
ceux-ci. A la suite de cette première décision, le Tribunal arbitral a fait
réaliser deux expertises comptables aux fins de déterminer la valeur économique
des actions au 30 avril 1988. Par sentence arbitrale du 19 septembre 2003,
confirmée le 22 janvier 2004 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal,
le Tribunal arbitral a condamné Z.________ et W.________ à payer à N.________
respectivement les sommes de 570'000 fr. (sous déduction de la somme de 50'000
fr.) et 240'000 fr. (sous déduction de la somme de 21'300 fr.), avec intérêts à
5 % l'an dès le 19 juin 1992.

E.
Par courrier du 2 octobre 2003 adressé à la Caisse AVS de la Fédération
patronale vaudoise (ci-après: la caisse de compensation), X.________ SA s'est
enquise de savoir si les indemnités qu'il y avait lieu de verser à N.________
étaient soumises à cotisations sociales. Par décision du 9 mars 2004, la caisse
a réclamé la somme de 88'126 fr. 90 - dont 37'304 fr. 35 pour la « part employé
» - au titre de cotisations à payer sur la valeur des actions remises à
N.________. L'opposition formée par N.________ contre cette décision a été
rejetée le 5 mai 2004.

F.
Par jugement du 6 juillet 2007, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
admis le recours formé le 7 juin 2004 par N.________ et annulé la décision
attaquée, motif pris que la créance de cotisations était prescrite.

G.
La caisse interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont elle demande l'annulation.
N.________ conclut au rejet du recours, tandis que X.________ SA et l'Office
fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le salaire déterminant pour la perception des cotisations comprend toute
rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou
indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS). Font partie de ce salaire déterminant, par
définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur versement est
économiquement lié au contrat de travail; peu importe, à ce propos, que les
rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations
soient versées en vertu d'une obligation ou à titre bénévole. On considère donc
comme revenu d'une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les
rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité
ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans
la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de
prescriptions légales expressément formulées. Selon cette description du
salaire déterminant, sont en principe soumis à l'obligation de payer les
cotisations paritaires tous les revenus liés à des rapports de travail ou de
service qui n'auraient pas été perçus sans ces rapports. Inversement,
l'obligation de payer des cotisations ne concerne en principe que les revenus
qui ont été effectivement perçus par le travailleur (ATF 131 V 444 consid. 1.1
p. 446 et les références).

2.
2.1 L'art. 7 let. c RAVS considère comme éléments du salaire déterminant les
gratifications, les primes de fidélité et au rendement, ainsi que la valeur
d'actions remises aux salariés, dans la mesure où celle-ci dépasse le prix
d'acquisition et où le salarié peut disposer des actions; s'agissant des
actions liées remises aux salariés, la valeur et le moment de la réalisation du
revenu sont déterminés d'après les dispositions relatives à l'impôt fédéral
direct.

2.2 Les plans d'intéressement (stock option plan) offrent la possibilité à un
cercle déterminé d'employés de participer au résultat de la société qui les
emploie, respectivement du groupe auquel elle appartient, en leur aménageant,
pendant un certain délai, des droits d'option pour l'achat (call options) ou la
vente (put options), à des conditions déterminées à l'avance, d'un certain
nombre d'actions de la société employeur ou d'une société qui en est proche.
Les droits d'option transférés sont nécessairement liés aux rapports de travail
entre l'employé et la société employeur et sont conditionnés à l'existence de
ces rapports. L'intéressement des employés poursuit plusieurs objectif: plus
grande attractivité de l'entreprise pour une main-d'oeuvre hautement qualifiée;
motivation des collaborateurs, étant donné qu'ils profitent de la valeur qu'ils
créent; lien des cadres à la société, du moins jusqu'au moment de l'exercice du
droit d'option; même orientation des buts des employés, des actionnaires et du
management. Les aménagements concrets relèvent essentiellement de la société et
sont dictés par les buts qu'elle poursuit en priorité. Ainsi, l'acquisition du
droit d'option peut être prévue à titre onéreux, à un prix avantageux ou encore
gratuitement; l'exercice du droit peut intervenir jusqu'à une certaine échéance
(American style option), ou bien le jour même de l'échéance uniquement
(European style option); il peut être conditionné au respect d'un délai de
blocage ou de vesting (ATF 133 V 346 consid. 5.2 p. 348; 130 III 495 consid.
4.1 p. 499 et les références).

2.3 D'après les principes généraux de droit fiscal, le revenu est considéré
comme réalisé lorsque le salarié peut effectivement en disposer, c'est-à-dire
lorsqu'un bien ou une prestation a passé en sa possession ou lorsqu'il a acquis
un droit ferme à obtenir un bien ou une prestation. En règle général,
l'acquisition d'une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la
mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n'est que si cette
exécution paraît d'emblée peu probable que le moment de la perception réelle de
la prestation est prise en considération (RDAF 2003 II 626 consid. 3.2.1 et les
références, 2A.182/2002).

2.4 Les options de collaborateurs - qui sont assimilées sur le plan fiscal à
des avantages appréciables en argent au sens de l'art. 17 LIFD - sont -
actuellement - imposables au moment de leur attribution à concurrence de la
différence entre la valeur effective de l'option au moment de son attribution
et son prix d'attribution. Il importe à cet égard peu que les options soient
librement transférables ou bloquées (Circulaire n° 5 de l'Administration
fédérale des contributions du 30 avril 1997 sur l'imposition des actions et
options de collaborateurs; voir également RDAF 2003 II 359, 2A.517/2002; RDAF
1997 II 564). Ce principe connaît une exception dans les cas d'options
assorties d'une période de vesting, à savoir des options dont l'acquisition du
droit dépend d'une condition suspensive. Dans ce cas de figure, l'imposition
n'a pas lieu au moment de leur attribution ni au terme de la période de
vesting, mais au moment de l'exercice des options (Lettre-circulaire de
l'Administration fédérale des contributions du 6 mai 2003 concernant
l'imposition des options de collaborateurs avec une clause vesting; voir
également ATF 133 V 346 consid. 5.3.2 et 5.3.3 p. 359).

2.5 Quand bien même cette question n'était pas formellement réglée à l'art. 7
let. c RAVS, le Tribunal fédéral a considéré que l'Office fédéral des
assurances sociales n'avait, dans ce domaine précis, aucune raison sérieuse de
s'écarter des directives en matière d'imposition des options établies par
l'Administration fédérale des contributions et que les mêmes principes devaient
s'appliquer en matière de cotisations aux assurances sociales (ATF 133 V 346
consid. 5.4.1 et 5.4.2 p. 351; voir également les directives de l'Office
fédéral des assurances sociales sur le salaire déterminant (DSD) dans l'AVS, AI
et APG, n° 2022 ss; Dominique Portmann, Mitarbeiterbeteiligung,
Mitarbeiteraktien und Mitarbeiteroptionen im schweizerischen Arbeitsrecht,
thèse, Saint-Gall 2005, p. 265).

3.
3.1 Les options accordées les 8 janvier et 6 avril 1987 à N.________ doivent
être qualifiées d'options américaines librement transférables, puisque non
assorties d'un délai de blocage ou d'une clause de vesting. Elles ont été
exercées le 29 avril 1988, en conformité avec les dispositions contractuelles
prises par les parties (cf. sentence arbitrale du 19 août 1991).

3.2 Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a estimé en l'espèce que le
moment déterminant pour la réalisation d'un salaire au sens de la LAVS était
celui de l'attribution des options, soit le 8 janvier 1987 s'agissant des
actions de Y.________ SA et le 6 avril 1987 s'agissant des actions de
Z.________. Il s'ensuivait que la péremption était largement acquises lorsque
la caisse de compensation a statué.

3.3 Cela étant, la question de savoir à quel moment le revenu déterminant a été
effectivement réalisé dans le cas d'espèce peut demeurer indécise. Que l'on
tienne compte du moment de l'acquisition des droits d'option, comme l'a retenu
la juridiction cantonale, ou de l'exercice de ceux-ci, comme le soutient la
recourante, la créance de cotisations était en tout état de cause périmée de
longue date au moment où la caisse de compensation a statué. La recourante ne
peut rien tirer en sa faveur de la durée particulièrement longue de la
procédure arbitrale, car le cours d'un délai de péremption ne peut être ni
interrompu ni suspendu (ATF 117 V 208 consid. 3a p. 210).

3.4 Pour le surplus, on précisera que les cotisations perçues en l'espèce par
la recourante ne résultent ni de l'attribution, ni de l'exercice de droits
d'option, mais de la restitution - découlant de la convention d'actionnaires
conclue le 8 janvier 1987 - des actions acquises par N.________ pendant les
rapports de travail avec Y.________ SA. La convention d'actionnaires a
notamment pour fonction d'assurer le contrôle de l'actionnariat et d'éviter la
dilution de celui-ci. Lorsqu'un collaborateur réalise un gain à la suite de la
restitution d'actions en vertu d'une convention d'actionnaire, ce gain n'est
économiquement pas en relation avec l'exercice de l'activité lucrative
dépendante au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS, mais avec la seule qualité
d'actionnaire du collaborateur. En vendant les actions qu'il a acquises au
moyen de ses droits d'option, le collaborateur se dessaisit en réalité
d'éléments de sa fortune privée et réalise un gain en capital privé exonéré
d'impôts (art. 16 al. 3 LIFD) et, partant, de cotisations sociales (Christof
Helbling, Mitarbeiteraktien und Mitarbeiteroptionen in der Schweiz, thèse,
Zurich 1998, p. 255 ss et 265 ss; voir également ATF 122 V 295 consid. 3b p.
298).

3.5 De ce qui précède, il ressort que la recourante ne pouvait soumettre au
prélèvement de cotisations les indemnités versées à N.________ par Z.________
et W.________ en exécution de la sentence arbitrale du 19 septembre 2003.

4.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais et les
dépens de la procédure sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 et
68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 26 mai 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: Le Greffier:

Borella Piguet