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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 631/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_631/2007

Arrêt du 4 juillet 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
G.________,
recourante, représentée par Me Marc Mathey-Doret, avocat, boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 18 juillet 2007.

Faits:

A.
Née en 1961, G.________ a travaillé comme employée de production pour la
boulangerie X.________ SA jusqu'au 8 octobre 2001. A partir de cette date, elle
a été mise en arrêt de travail en raison de cervicalgies et lombalgies
chroniques. Elle a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité le 23 septembre 2002.

Au cours de l'instruction menée par l'Office cantonal genevois de
l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI), le docteur K.________, médecin
traitant, a diagnostiqué une fibromyalgie, un état dépressif sérieux et une
lombischalgie chronique sur hernie discale L4-L5 qui entraînaient une
incapacité totale de travail depuis le 8 octobre 2001 (rapport du 15 janvier
2003). A la demande de l'assurance perte de gain de G.________, le docteur
S.________, spécialiste en rhumatologie et médecine interne, s'est déterminé
sur son état de santé. Posant les diagnostics de syndrome douloureux chronique
ubiquitaire compatible avec un syndrome somatoforme douloureux persistant et de
cervico-lombalgies chroniques mécaniques, le médecin a évalué à 80 % la
capacité de travail dans une activité adaptée (sans prendre en compte une
possible comorbidité psychiatrique) et préconisé une évaluation psychiatrique
(rapport du 17 mars 2003). Celle-ci a été effectuée par le docteur O.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans un rapport du 17 juin 2003,
ce médecin a diagnostiqué des troubles anxieux et dépressifs mixtes qui
limitaient de 50 % la capacité de travail sur le plan psychiatrique. L'office
AI a encore soumis l'assurée à un examen bidisciplinaire auprès des docteurs
L.________ et M.________ du Service médical régional AI de Y.________ (SMR),
qui sont arrivés à la conclusion qu'elle ne présentait aucune affection
psychiatrique invalidante et disposait d'une capacité de travail résiduelle de
80 % dans une activité adaptée (rapport du 28 septembre 2004). Du 23 mai au 28
juillet 2005, l'intéressée a effectué un stage d'observation professionnelle à
la Fondation Z.________ au cours duquel un rendement de 50 % au maximum pour un
taux d'activité de 100 % a pu être obtenu (rapport du 5 août 2005).

Le 8 décembre 2006, l'office AI a rendu une décision par laquelle il a reconnu
à l'assurée le droit à un quart de rente, fondé sur un taux d'invalidité de 46
%, dès le 1er octobre 2002, des mesures professionnelles ayant été refusées
antérieurement (décision du 3 janvier 2006).

B.
Statuant le 18 juillet 2007 sur le recours formé par G.________ contre la
décision du 8 décembre précédent, le Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève l'a rejeté.

C.
L'assurée interjette un recours en matière de droit public contre le jugement
cantonal, dont elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle
conclut à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à partir du 1er octobre
2002.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue en
principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al.
1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art.105 al. 2 LTF. Cette disposition
lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de
l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui
apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut
critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que
si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

1.2 En ce qui concerne plus particulièrement l'évaluation de l'invalidité, les
principes relatifs au pouvoir d'examen développés dans l'ATF 132 V 393 consid.
3 p. 397 ss (en relation avec l'art. 132 OJ dans sa version en vigueur du 1er
juillet au 31 décembre 2006) continuent à s'appliquer pour distinguer les
constatations de fait de l'autorité précédente (qui lient en principe le
Tribunal fédéral) de l'application qu'elle fait du droit (question qui peut
être examinée librement en instance fédérale). Conformément à ces principes,
les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé,
la capacité de travail de l'assuré et l'exigibilité relèvent d'une question de
fait et ne peuvent être contrôlées que sous un angle restreint (ATF 132 V 393
consid. 3.2 p. 398). Dans la mesure cependant où il en va de l'évaluation de
l'exigibilité d'une activité professionnelle au regard de l'expérience générale
de la vie, il s'agit d'une question de droit qui peut être examinée librement
en instance fédérale; il en va ainsi des conclusions tirées de l'expérience
médicale, comme par exemple, la présomption que les troubles somatoformes
douloureux ou un autre syndrome semblable dont l'étiologie est incertaine et
leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement
exigible (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 p. 70 s. et les arrêts cités, 393 consid.
3.2 p. 398 s. et les arrêts cités).

1.3 Les modifications de la LAI du 6 octobre 2006 (5ème révision de la LAI),
entrées en vigueur le 1er janvier 2008, n'ont pas à être prises en
considération dans le présent litige, eu égard au principe selon lequel les
règles applicables sont celles en vigueur au moment de la réalisation de l'état
de fait dont les conséquences juridiques font l'objet de la décision (ATF 129 V
1 consid. 1.2 p. 4 et les arrêts cités).

2.
Dès lors que la juridiction cantonale a confirmé le droit de la recourante à un
quart de rente à partir du 1er octobre 2002 et que les conclusions de l'assurée
portent sur l'octroi d'une rente entière à partir de cette date (cf. art. 107
al. 1 LTF), est seul litigieux en instance fédérale le droit de la recourante à
une rente d'invalidité supérieure à un quart. A cet égard, le jugement
entrepris expose correctement les règles légales et la jurisprudence sur la
notion d'invalidité et son évaluation ainsi que les principes jurisprudentiels
relatifs aux troubles somatoformes douloureux et à la fibromyalgie, ainsi qu'à
la valeur probante des rapports médicaux. Il suffit donc d'y renvoyer.

3.
Constatant que la recourante était atteinte de fibromyalgie, la juridiction
cantonale a nié l'existence d'une comorbidité (psychiatrique) grave en retenant
qu'il n'y avait pas lieu de suivre les conclusions du psychiatre O.________,
selon lequel l'assurée subissait une incapacité de travail de 50 % en raison de
troubles anxieux et dépressifs mixtes, qualifiés de comorbidité psychiatrique
moyenne. D'après l'autorité cantonale de recours, l'avis du médecin était en
effet contredit par l'observation professionnelle effectuée auprès de la
Fondation Z.________ qui n'avait mis en évidence aucun handicap du registre
psychiatrique, ni des troubles dépressifs ou anxieux.

Considérant par ailleurs que le docteur O.________ était resté insensible aux
plaintes de la recourante, qui s'était montrée démonstrative et manipulatrice
dans la relation, qu'il y avait une discordance entre le comportement de
celle-ci (tenue, présentation et aspect nonchalant) et son discours, qu'elle ne
subissait pas de retrait social, ni ne présentait un état psychique
cristallisé, et qu'elle alléguait de lourds handicaps malgré un environnement
psychosocial intact, les premiers juges ont retenu que la présomption du
caractère non invalidant de la fibromyalgie n'avait pas été renversée. Ils ont
en revanche constaté que du point de vue somatique, et conformément aux
conclusions du docteur S.________, la recourante présentait une incapacité
(recte capacité) de travail de 80 %.

4.
Invoquant une violation des principes jurisprudentiels sur la libre
appréciation des preuves, la recourante reproche pour l'essentiel à la
juridiction cantonale d'avoir "occulté" les avis des docteurs B.________,
K.________, I.________ et O.________ au profit de celui du docteur S.________,
lequel serait incomplet puisqu'il ne concerne que la seule problématique
somatique.

4.1 Contrairement à ce qu'allègue la recourante, la juridiction cantonale n'a
pas ignoré le rapport du docteur O.________ pour nier toute incapacité de
travail due à une atteinte psychique. Elle a au contraire pris en considération
l'appréciation du psychiatre, mais a retenu que ses conclusions sur
l'incapacité de travail (de 50 %) ne pouvaient pas être suivies.

Les premiers juges ont motivé leur position par le résultat du stage
d'observation auprès de la Fondation Z.________, à l'issue duquel aucun
handicap psychique n'aurait été mis en évidence. Une telle appréciation est
contraire au droit. Comme l'expose le jugement entrepris, il appartient en
effet à un médecin de porter un jugement sur l'état de santé d'un assuré et
d'indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités celui-ci est incapable
de travailler (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261 et les arrêts cités), les données
médicales l'emportant au demeurant sur les constatations qui peuvent être
faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle. C'est dès lors à
tort que l'autorité cantonale de recours a cherché à tirer du rapport de la
Fondation Z.________ du 5 août 2005 des observations médicales pour les opposer
à l'appréciation du docteur O.________; le rôle d'un centre d'observation
professionnelle n'est pas de se prononcer sur l'état de santé de la personne
concernée et des répercussions d'une éventuelle atteinte à la santé sur
l'aptitude au travail. Il n'appartenait donc pas aux responsables du stage de
"mettre en évidence un handicap du registre psychiatrique", de sorte qu'on ne
pouvait rien déduire de l'absence de toute observation de leur part quant à une
éventuelle atteinte psychique. Au demeurant, les constatations qu'a faites la
juridiction cantonale à la lumière du rapport du 5 août 2005 sont manifestement
inexactes: l'observation des responsables du stage selon laquelle "les douleurs
ont un impact psychologique très important sur la capacité de travail de
l'assurée" - ce qui ne dit rien encore sur l'origine des douleurs - ne permet
pas de déduire, comme l'ont fait les premiers juges, que "les limitations
observées sont dues à des douleurs et non pas à une cause psychique". A la
lecture du rapport en cause, on ne voit pas non plus que ses auteurs aient
indiqué, contrairement à ce que constate la juridiction cantonale, que la
capacité de travail n'était pas altérée par des troubles psychiques, les
responsables du stage ne s'étant, à juste titre, pas prononcés sur l'existence
ou non d'une atteinte à la santé physique ou psychique.

4.2 Cela étant, la constatation des premiers juges - tirée à tort des
observations de la Fondation Z.________ - relative à l'absence de comorbidité
psychiatrique à la fibromyalgie ne peut pas non plus être déduite de
l'appréciation du docteur O.________. Selon la doctrine médicale, sur laquelle
se fonde le Tribunal fédéral, les états dépressifs constituent certes des
manifestations (réactives) d'accompagnement des troubles somatoformes
douloureux (ou de la fibromyalgie), de sorte qu'ils ne sauraient, en principe,
faire l'objet d'un diagnostic séparé, sauf à présenter les caractères de
sévérité susceptibles de les distinguer sans conteste d'un tel trouble (ce qui
est, par exemple, le cas en présence d'un état dépressif majeur; ATF 132 V 65
consid. 4.2.2 p. 71; 130 V 352 consid. 3.3.1 in fine p. 358). En l'espèce, le
psychiatre fait état de troubles dépressifs et anxieux constituant une
comorbidité psychiatrique moyenne, sans toutefois indiquer un lien de cause à
effet entre ce diagnostic et la fibromyalgie ou le syndrome douloureux retenu
par le rhumatologue S.________. S'il rappelle que son confrère avait
diagnostiqué un syndrome douloureux chronique ubiquitaire compatible avec un
syndrome somatoforme douloureux persistant, le docteur O.________ ne se
prononce cependant pas sur ce diagnostic (psychiatrique) - que ce soit pour le
confirmer ou le rejeter -, ni sur un éventuel rapport entre un tel trouble ou
la fibromyalgie et les troubles dépressifs et anxieux (en tant qu'éventuelle
manifestation d'accompagnement).

Sur ce point, les autres rapports établis par des psychiatres ne sont pas plus
éloquents, dans la mesure où le docteur I.________ retient des troubles
anxieux, dépressifs et du sommeil liés à la fibromyalgie tout en excluant des
troubles somatoformes douloureux (avis du 19 avril 2002), tandis que le docteur
A.________ diagnostique un état dépressif sérieux, en relation avec des deuils
non traités (avis du 31 octobre 2002). Comme l'a par ailleurs à juste titre
retenu la juridiction cantonale, on ne saurait se fonder sur l'expertise
bidisciplinaire du SMR, dès lors qu'on ne peut lui reconnaître une pleine
valeur probante (voir aussi, l'arrêt I 65/07 du 31 août 2007).

Par ailleurs, ni le rapport du docteur O.________, ni celui de ses confrères
psychiatres - qui concluent tous à une incapacité de travail (de 50 % pour le
docteur O.________, de 100 % pour le docteur I.________) - ne comprennent une
appréciation sur la vraisemblance de l'état douloureux de la recourante et une
détermination sur l'existence éventuelle de ressources psychiques suffisantes
pour surmonter cet état, soit des aspects essentiels pour évaluer une
symptomatique douloureuse et ses effets sur l'aptitude au travail (cf. ATF 132
V 65 consid. 5.1 p. 72 s.). Le docteur O.________ indique certes être frappé
par la "discrépance" entre la mimique, la présentation de l'assurée et la
description de ses algies avec peu d'émotion, mais ne précise pas les
conséquences qu'il tire de cette divergence. Quant aux autres observations du
psychiatre décrites par la juridiction cantonale (absence de manifestations
algiques, attitude démonstrative et manipulatrice dans la relation), elles ont
été faites dans le cadre du premier examen du docteur O.________ (rapport du 26
septembre 2002) - à l'issue duquel il n'avait retenu ni état anxieux, ni
symptomatologie dépressive limitant la capacité entière de travail - et sont
absentes de son rapport postérieur du 17 juin 2003. On ne saurait donc en tirer
la conclusion que l'expert est resté insensible aux plaintes de la recourante.

4.3 Dans ces circonstances, à défaut de reposer sur une évaluation suffisamment
circonstanciée de l'état de santé de la recourante sur le plan psychique, dans
le cadre particulier d'une symptomatique douloureuse, les constatations de la
juridiction cantonale y relatives apparaissent manifestement inexactes. En
l'absence d'une telle évaluation, il convient de renvoyer la cause à l'intimé
pour qu'il mette en oeuvre les mesures d'instruction, notamment au plan
psychiatrique, qui s'imposent en cas de fibromyalgie. Dans cette mesure, le
recours se révèle bien fondé.

5.
Vu l'issue du litige, l'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires
afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1 1ère phrase en relation avec
l'art. 65 al. 4 let. a LTF). La recourante a droit à une indemnité de dépens
pour l'instance fédérale à charge de l'intimé (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève du 18 juillet 2007 est réformé en ce sens
que la cause est renvoyée à l'Office cantonal AI du canton de Genève pour
instruction complémentaire au sens des considérants du présent arrêt, puis
nouvelle décision sur le droit à une rente d'invalidité supérieure à celle
allouée par décision du 8 décembre 2006.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'500 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.
Lucerne, le 4 juillet 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: p. la Greffière:

Meyer Métral